Texte intégral
Mesdames, messieurs les présidents et présidentes, mesdames, messieurs les directeurs et directrices,
Mesdames, Messieurs,
Je tiens tout d’abord à vous faire part de mon plaisir de participer à vos travaux sur le développement de l’offre de logements d’insertion, qui me tient beaucoup à coeur.
La question du logement est fondamentale pour chacun et chacune. Dans une période où la précarité sociale est très élevée, il est indispensable de pouvoir trouver des solutions pour que chacun dispose d’un vrai lieu de vie, qu’il habite dans un logement de qualité. C’est une condition nécessaire pour pouvoir se construire sur tous les autres plans : économique, social, familial. Les situations sont diverses, les besoins sont multiples. Et il ne peut y avoir de réponse simple. En tant qu’acteurs du logement d’insertion, vous êtes au coeur de cette complexité des réponses à apporter.
Je tiens à vous remercie, au nom de l’État pour votre engagement très fort pour la solidarité nationale, à titre bénévole ou professionnel.
Le réseau que vous avez constitué autour du logement d’insertion, entre l’hébergement et le logement classique, est un secteur trop souvent méconnu. Il joue pourtant un rôle fondamental en réponse à des besoins spécifiques, des besoins en évolution constante auxquels il s’adapte.
Son manque relatif de notoriété tient à cette position intermédiaire, entre l’hébergement et le logement. Il tient aussi à la diversité des réponses qu’il recouvre. Chacun, au sein de vos structures, vous proposez une large palette de solutions. Cette diversité fait la richesse de votre réseau. Elle apporte des réponses adaptées aux différents besoins, soit de manière conjoncturelle (décohabitation, accident de vie, difficultés sociales
), soit de manière plus structurelle (pour des raisons de santé par exemple).
À cette diversité des réponses s’ajoute également une diversité des acteurs, qui ont en général un point commun : leur appartenance à l’économie sociale du logement. J’en viendrai bientôt au contenu de l’étude qui a été réalisée sur le secteur, mais je voudrais m’attarder quelques instants sur le terme de « tiers secteur » qui est proposé pour décrire ce secteur. Cette formulation fait sens. Elle renvoie aussi au secteur de l’économie sociale et solidaire, entre le secteur public et le secteur privé lucratif. Ce « tiers secteur » joue un rôle très important dans le domaine du logement, et j’y suis très attachée. Il montre que l’on peut « produire » différemment, que les valeurs portées se traduisent aussi dans la manière d’agir. C’est un creuset de l’innovation sociale et de la mobilisation citoyenne. Il porte une double exigence : celle de bâtir un projet au service de l’intérêt général et celle d’équilibre économique, qui n’est pas toujours évidente. Je veux vous assurer de mon soutien à cette économie sociale du logement. Elle jouera un rôle majeur dans les politiques que je mettrai en place, dans une logique de partenariat fondé sur la confiance. Je veillerai à ce que ce terreau d’innovation sociale qu’elle constitue puisse apporter sa contribution à la lutte contre le mal-logement, grâce, notamment, à sa souplesse, sa réactivité, sa diversité et son ancrage dans les territoires.
Parce qu’elle répond aux difficultés de reconnaissance de ce tiers secteur, je tiens à saluer l’initiative de l’Unafo, de la Fédération nationale des Pact et de la Fapil d’avoir constitué il y a un an cette plate-forme des Acteurs du logement d’insertion, ainsi que votre volonté de poursuivre sa structuration. Elle met en lumière ce champ « intermédiaire », caractérisé par une très grande diversité d’acteurs mais aussi par une finalité commune et des valeurs partagées. Je suis convaincue que ce type d’initiative contribue fortement à ancrer vos actions dans le paysage et à mutualiser vos savoir-faire. Ces rencontres annuelles sont l’occasion de faire vivre ce réseau, de favoriser les échanges et de renforcer votre action, et je suis contente de pouvoir y participer aujourd’hui.
Cette matinée est aussi l’occasion de présenter l’étude réalisée pour le compte de la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement, sur le logement accompagné. C’est avec grand intérêt que j’en ai pris connaissance.
Elle apporte un éclairage très pertinent et fait de nombreuses propositions. Je voudrais en particulier retenir trois points :
- la nécessité de mieux valoriser le secteur,
- la question du modèle économique,
- et enfin celle de la gouvernance sur les territoires.
En premier lieu donc, cette étude pointe la nécessité de mieux valoriser le secteur.
Mieux valoriser nécessite déjà de mieux connaître et identifier. Le travail réalisé dans le cadre de cette étude est une première étape. Il offre une véritable visibilité au logement accompagné :
- une visibilité en volume, puisqu’il représente une offre de l’ordre de 220 000 logements ;
- une visibilité sur la diversité de produits et de services offerts : de la résidence sociale aux agences immobilières à vocation sociale ou à l’intermédiation locative ;
- une visibilité sur la qualité d’intervention des acteurs, les populations prises en charge souffrant de difficultés sociales et économiques de plus en plus importantes, auxquelles s’ajoutent souvent des problématiques d’addiction, de handicap
Cette étude montre bien, à travers les monographies, qu’en tant qu’acteurs du logement d’insertion, vous savez inscrire votre action dans les contextes locaux, et vous savez vous adapter aux besoins repérés et aux enjeux des territoires. La ministre de l’Égalité des territoires que je suis est très sensible à ce sujet.
Ce travail de connaissance passe aussi par des systèmes d’enquête et de suivi coordonnés sur ce secteur qui relève, en ce qui concerne l’État, de deux directions différentes pour son pilotage et ses financements. Je propose qu’un travail soit mené en ce sens sous le pilotage de la Dihal, en lien étroit avec les Fédérations et les collectivités locales. Des actions de formation et de pédagogie au sein des réseaux ont été lancées : il s’agira de les poursuivre, de les évaluer et de voir quelles suites leur donner.
La seconde question sur laquelle je souhaite m’attarder est celle du modèle économique des acteurs du secteur. J’ai bien conscience, par exemple, des difficultés que rencontrent les gestionnaires de résidences sociales avec l’augmentation des coûts des fluides, ou des difficultés pour équilibrer les petites opérations réalisées dans le cadre de la maîtrise d’ouvrage d’insertion. Je souhaite qu’un travail approfondi soit mené sur ce sujet. Il recouvrira plusieurs dimensions, je n’en citerai que quelques-unes : le soutien à la maîtrise d’ouvrage d’insertion, les modalités de financements en investissement comme en fonctionnement, l’aide à la gestion locative sociale, l’actualisation des modes de calcul de la redevance pour les résidences sociales.
Il s’appuiera aussi sur les conclusions de l’étude est en cours pour objectiver les coûts d’investissement et de fonctionnement de ces opérations spécifiques de logement d’insertion.
Sur les différents dispositifs, je souhaite que nous trouvions des modes de financements inscrits dans la durée, dans le cadre de rapports de confiance, en lien avec les collectivités locales, et tenant compte des spécificités de chacun et de la diversité des projets.
Cette articulation des acteurs au niveau local me tient à coeur. La gouvernance sera le troisième point sur lequel je souhaite porter une attention particulière. L’accès au logement des personnes défavorisées est à la croisée de plusieurs politiques, qui sont du ressort pour certaines d’entre elles des départements, des villes ou des EPCI, voire des régions, et de différents services déconcentrés. Cet éclatement ne doit pas conduire à la fragilité du système mais bien à son renforcement, grâce à une meilleure gouvernance. La proximité est fondamentale : les services déconcentrés et les collectivités locales doivent travailler ensemble en vue d’une réelle coordination. La réaffirmation du rôle des Plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées pourrait permettre ce travail collectif. Elle pourrait aussi renforcer les nécessaires synergies entre les acteurs de l’hébergement et du logement, au premier rang desquels les bailleurs sociaux. Il s’agit de mettre en place un véritable continuum, des Siao au logement, dans une logique de partenariat et au service des populations les plus fragiles.
Le secteur de l’hébergement connait depuis quelques années une profonde évolution, inscrite dans l’approche européenne dite « dirigée vers le logement », telle que mise en avant par la Conférence de consensus sur le sans-abrisme de 2010. Les réflexions menées, les interrogations soulevées et les évolutions en cours dans ce champ ont fortement secoué les frontières entre logement et hébergement. Dans ce contexte, votre rôle en tant qu’acteurs du logement d’insertion est encore plus indispensable.
Le logement est un droit fondamental. C’est aussi une condition nécessaire à la résolution d’autres difficultés comme je le disais en introduction. L’accès au logement doit être une priorité. Il est d’autant plus indispensable de disposer d’une large palette de possibilités de logement, pour répondre à des besoins spécifiques, conjoncturels ou structurels. Le parcours vers le logement n’est pas un parcours avec des étapes obligées, comme une course de haies à franchir les unes après les autres. La réponse logement ne doit pas pour autant être unique et standardisée. Il y a des moments dans la vie où des personnes, des familles, doivent pouvoir bénéficier d’un accompagnement social, d’une gestion locative sociale, d’une intermédiation locative, d’un bail glissant, ou être accueillies dans une pension de familles, pour reconstruire des liens sociaux et ne pas tomber dans l’isolement.
L’ambition du gouvernement est de permettre à chacun de trouver un logement, un logement conforme à ses besoins et à ses capacités financières. Mais je ne souhaite pas considérer uniquement le logement dans sa dimension « bâti » et quantitative. Le logement « accompagné » traduit bien cette idée qu’il ne suffit pas d’avoir des murs en bon état mais que tout ce qui est « autour » joue également un rôle fondamental dans la durée : médiation, adaptation, transition, sécurisation, insertion, socialisation, tous ces termes reflètent les fonctions que vous jouez en tant qu’acteurs du logement d’insertion. La dimension de « service » que vous apportez aux personnes rencontrant des difficultés de logement ou aux propriétaires qui louent leurs biens à des personnes en difficultés est fondamentale : elle présente une véritable utilité sociale qu’il nous faut arriver à valoriser pour mieux la faire prendre en compte.
Le projet de ce gouvernement est de construire 150 000 logements sociaux supplémentaires. Mais si on ne permet pas ce passage de l’hébergement vers le logement traditionnel, si on ne prend pas en compte les besoins spécifiques des familles, alors l’objectif d’un logement adapté pour chacun ne sera pas réalisé. Cette dimension immatérielle sera au coeur de mon action.
Je tiens aussi à souligner le rôle que vous jouez pour le développement de l’offre de logements et en particulier de logements accessibles. La mobilisation du parc privé vacant, sous diverses formes, est indispensable. Je suis convaincue qu’elle peut jouer un rôle important pour développer du logement accessible aux personnes à faibles ressources dans les territoires ruraux et semi-ruraux, où l’offre de logement social classique est très réduite et s’y développe difficilement. Des opérations de réhabilitation d’habitats anciens dégradés peuvent contribuer à résoudre le mal logement dans ces territoires. Dans les territoires ruraux comme dans les centres villes anciens, je souhaite que vous puissiez développer les outils que vous mettez en place pour remettre des logements sur le marché, à des prix accessibles. Le développement de maisons-relais et de résidences sociales participera également à répondre à l’ambition du président de la République sur l’offre de logements, grâce à des moyens renforcés.
Comme vous le savez, nous souhaitons par ailleurs revisiter la loi de 1989 sur les relations entre les bailleurs et les locataires. Vous serez associés aux réflexions qui seront menées sur ce sujet. Il s’agira notamment de trouver le cadre pour une meilleure sécurisation des locataires et des bailleurs.
Enfin, le gouvernement met au coeur de ses priorités la lutte contre la précarité énergétique : c’est un enjeu environnemental mais aussi social. Le coût de l’énergie va continuer à progresser, nous devons apporter des réponses pour que les ménages puissent continuer de pouvoir payer leur loyer et leurs charges, sans vivre dans le froid pendant l’hiver. Vous serez également associés à ce chantier important pour le pouvoir d’achat des ménages : vous y apporterez ce double regard technique et social qui constitue l’une de vos forces.
Alors que de plus en plus de ménages peinent à se loger mais aussi à se maintenir dans leur logement, j’ai bien conscience que votre tâche n’est pas simple, et que vos attentes sont fortes.
Le délégué interministériel m’a d’ores et déjà fait un certain nombre de propositions pour vous permettre d’améliorer vos actions, dont je sais qu’elles résultent d’un travail commun avec les principaux acteurs. Vous faites à l’occasion de cette journée un certain nombre de propositions : elles constitueront une première contribution à la concertation qui sera menée par Alain Régnier, le délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement, dans le cadre d’une mission que je vais lui confier. Depuis mon arrivée, j’ai apprécié la mission qu’il mène, son engagement, et sa capacité à transformer le travail partenarial en solutions opérationnelles. Je lui demanderai que l’ensemble des chantiers à mener sur ce champ soient traités de manière simultanée et cohérente : ils doivent être discutés dans le cadre d’une stratégie d’ensemble de soutien au logement d’insertion. Cette concertation, qui associera l’ensemble des acteurs et des directions concernées, devra nous permettre de dresser notre feuille de route rapidement.
Convaincue de votre apport spécifique et complémentaire dans la chaîne du logement, je compte sur vous pour contribuer à la lutte contre le mal-logement. Vous pouvez compter sur moi pour travailler avec vous pour renforcer vos actions et votre lisibilité, dans une logique partenariale qui est au coeur de ma volonté de l’exercice de ce ministère.
Je vous remercie.
Source http://territoires.gouv.fr, le 12 juillet 2012