Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Nous nous retrouvons pour la troisième fois en dix jours pour débattre des inflexions nécessaires en matière économique et financière. Nous avons eu, Jérôme Cahuzac et moi-même, un premier échange avec la Commission des finances de cette Assemblée sur lensemble des textes soumis à votre examen pour cette session. Avec la loi de règlement, nous avons pris acte de la situation budgétaire dont le Gouvernement hérite. Enfin, nous avons présenté nos priorités et nos principes économiques et financiers lors du débat dorientation la semaine dernière.
A chaque fois, un même objectif a guidé nos choix : déployer une politique cohérente, juste, et réformiste. Le projet de loi de finances rectificative pour 2012 sinscrit également dans ce cadre. Il constitue aussi une première étape, et ce à double titre. Première étape dun redressement budgétaire qui se déroulera sur lensemble du mandat, et évoluera progressivement je pense ici en particulier aux équilibres entre recettes et dépenses dans la composition du budget. Première étape, aussi, dune profonde réforme du système fiscal, que la loi de finances rectificative vient amorcer.
La loi de finances rectificative répond à un triple impératif : redresser les comptes publics pour respecter nos engagements, replacer la justice au coeur de notre système fiscal, et amorcer la réorientation de la fiscalité vers linvestissement et lemploi.
Jai eu loccasion de le rappeler lors du débat dorientation des finances publiques : redresser les comptes publics nest pas une fin en soi, ce nest pas un nouvel avatar de la « pensée unique ». Cest une voie indispensable pour préserver notre souveraineté, pour conserver la maîtrise de nos politiques publiques ; en un mot, cest une condition de réussite du changement. Si nous affichons clairement notre objectif de retour à léquilibre, avec ses étapes intermédiaires, si nous nous engageons avec détermination sur ce chemin, cest parce que le désendettement permet de rétablir une capacité à travers les politiques publiques, de dégager des marges de manoeuvre pour laction politique.
Pour 2012, notre objectif vous le connaissez est de ramener le déficit à un niveau plus soutenable : 4,5% du PIB. Il sinscrit dans une trajectoire à présent bien identifiée : 3% en 2013, léquilibre des comptes en fin de mandat.
Avec, cette année, une contrainte supplémentaire, qui est pour partie à lorigine de ce collectif : nous héritons dune situation financière dégradée, qui trouve sa source dans des surévaluations de recettes à hauteur de 7,1 milliards deuros, et des risques sur la dépense de lEtat entre 1,2 et 2 milliards deuros. Quelque part, cest un peu comme emménager dans une maison dont la charpente est un peu plus vermoulue que prévu, parce que le propriétaire précédent a négligé de faire les travaux qui simposaient. Le sérieux budgétaire que nous revendiquons a un corollaire en matière de méthode : la sincérité des comptes et des prévisions financières. Je souhaite quil permette, à lavenir, de limiter les écarts toujours embarrassants et rarement justifiés entre un schéma initial et son exécution effective. Les politiques publiques y gagneront en lisibilité et en crédibilité. Cette situation fragile résulte aussi, au-delà des approximations budgétaires pour lannée en cours, dune accumulation de déficits structurels qui sest accélérée sous le précédent quinquennat. Elle appelle en tout cas de notre part des corrections déterminées pour contrer la dérive naturelle du déficit vers les 5% du PIB en fin dannée.
Voilà lobjectif. Je veux vous dire comment nous latteindrons. Car cest en réalité tout lenjeu du débat. Autour dune même cible de déficit, il existe de multiples variations possibles dans la composition dun budget, et dans les arbitrages fiscaux sur lesquels il repose. Nous proposons, nous, un budget qui permette de répartir les efforts de manière équitable ce que le Président de la République a appelé « leffort juste. »
Replacer la justice au coeur de notre système fiscal nous engage en premier lieu à calculer au plus juste les besoins qui doivent être comblés. Nous ne prenons pas à la légère la contrainte que représentera, pour certains ménages, pour certaines entreprises, un effort fiscal supplémentaire. Nous avons pleinement conscience de nos responsabilités, nous ne sommes pas dans une démarche punitive, nous ne manions pas non plus avec nonchalance loutil fiscal, comme certains feignent de le croire. Nous avons au contraire évalué leffort nécessaire pour atteindre notre cible de déficit au plus près, sur la base de prévisions de croissance prudentes. Cet effort sera constitué dune part, dun gel des dépenses publiques à hauteur de 1,5 milliards deuros, et dautre part, de prélèvements, pour un montant de 7,2 milliards deuros.
Laissez-moi un instant mettre ce chiffre en perspective, car je veux éviter toute ambiguïté sur notre projet fiscal. Sur lensemble de lannée 2012, laugmentation des prélèvements obligatoires sera de 1,1 point de PIB. Mais sur ces 1,1 point, 0,8 ont en fait été décidés par lancienne majorité présidentielle. Le Gouvernement Ayrault prend la responsabilité des 0,3 point de PIB restants pour atteindre la cible de déficit de 2012, pour corriger une situation plus dégradée quannoncé. Lopposition devrait donc approuver ce projet de loi de finances rectificative au moins aux trois-quarts. Mais replacer la justice au coeur du système fiscal, cest surtout faire contribuer en priorité à leffort dassainissement de nos comptes ceux que la crise a le plus épargnés, cest-à-dire les ménages qui disposent dune capacité dépargne conséquente qui supporteront près des trois-quarts du montant des prélèvements supplémentaires sur les ménages et les grandes entreprises, soumises à des taux dimposition effectifs plus faibles.
Quelques exemples de mesures du collectif pour illustrer ces principes. Certains secteurs aujourdhui très prospères, et confortés dans une situation fiscale privilégiée par la précédente majorité, contribueront - exceptionnellement dailleurs - à leffort de redressement des comptes en 2012. Je pense ici à la taxe sur la valeur des stocks des produits pétroliers, par exemple. Elle représente à la fois une charge proportionnée un peu plus dun demi milliard deuros, soit 1/100 ème environ du chiffre daffaire des pétroliers (selon des estimations non officielles). Elle se justifie aussi par les spécificités dun secteur qui a vu ses profits saccroître considérablement depuis 2004, et qui, souvent, échappe à toute imposition en France. Certains affirment que cette taxe pénalisera les populations les plus fragilisées. Mais cest dune taxe sur les stocks, pas dune taxe à la pompe, dont nous parlons ici. Quand bien même elle serait intégralement répercutée dans les prix, cela représenterait, au bout de douze à dix-huit mois, un renchérissement momentané dun centime le litre une évolution imperceptible pour le consommateur par rapport aux fluctuations du prix du pétrole dun mois sur lautre.
La même logique déquité sapplique aux ménages. Une contribution exceptionnelle permettra en 2012 de compenser le coût du bouclier fiscal. Elle touchera les personnes dont le patrimoine net imposable est supérieur à 1,3 millions deuros. Cette suppression temporaire du plafonnement pour une seule année na pas pour vocation à punir ni même décourager lépargne, mais à associer à leffort de redressement des comptes ceux qui sont le plus en mesure de le faire.
Dautres mesures, qui seront détaillées plus amplement par Jérôme Cahuzac, vont dans le même sens. Mais je voudrais insister ici sur un point : il ny a pas, dans le collectif budgétaire, un mouvement monolithique daugmentation des prélèvements obligatoires. Je refuse cette caricature. Léquité impose aussi dalléger ce qui, dans le système fiscal hérité du précédent Gouvernement, aurait particulièrement pesé sur le pouvoir dachat des plus modestes et des classes moyennes. Cest pourquoi nous annulons laugmentation du taux de TVA de 19,6% à 21,2% prévue par lancienne majorité présidentielle. Si nous ne lavions abrogée dans ce projet de loi de finances rectificative, elle aurait constitué une ponction considérable sur un pouvoir dachat des ménages, qui se trouve déjà en berne à cause des décisions de lancienne majorité et elle aurait stoppé le moteur de la consommation, qui soutient une croissance française déjà bien fragile.
Au-delà de ces mesures de rendement équitables, le collectif que nous soumettons à lexamen de cette Assemblée amorce la réorientation de notre système fiscal vers linvestissement et lemploi.
Le projet de loi propose en effet de limiter des pratiques qui détournent les capacités financières de linvestissement et de léconomie réelle, ou la déstabilisent. On trouvera ainsi dans ce collectif budgétaire des mesures qui encouragent la dé-financiarisation, en réduisant lincitation au risque ou aux mouvements spéculatifs. Cest notamment lobjet du doublement du taux de la taxe sur les transactions financières, pour la porter à un taux aligné avec celui de la proposition de directive européenne. Quant à la contribution additionnelle à limpôt sur les sociétés applicable sur les montants distribués, elle permettra de rendre la distribution des bénéfices plus coûteuse que leur réinvestissement.
Ce projet de loi propose, aussi, la remise en cause de lexonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, instaurée par la majorité précédente, et dont je veux dire un mot plus longuement ici. Il me semble utile de clarifier la logique économique qui a présidé à ce choix, qui ne découle pas, comme certains feignent de le penser, dun réflexe épidermique ou dun conditionnement idéologique. Il y avait probablement, derrière cette mesure voulue par le Gouvernement précédent, une logique. Mais elle a un coût, et son efficacité économique doit être évaluée ni plus, ni moins quune autre disposition fiscale. Le bilan, factuel, que nous tirons de cette évaluation, est le suivant : lexonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires a en réalité découragé lemploi. Que sest-il passé, concrètement dans les entreprises ? Lorsquun dirigeant avait à choisir entre des heures supplémentaires défiscalisées ou la création dun nouveau poste, il optait pour les premières. Je ne dis pas que cétait voulu, je dis que cest ce quon constate.
Inciter les entreprises à mobiliser davantage les heures supplémentaires ne sest pas avéré pertinent dans un contexte de ralentissement économique et de hausse du chômage. Dans le même temps et parfois au sein dune même entreprise les finances publiques ont subventionné le recours aux heures supplémentaires, et le recours au chômage partiel pour les salariés qui navaient pas suffisamment de charge dactivité à assurer. Les exonérations ont donc eu principalement pour effet de réduire la sous-déclaration antérieure des heures supplémentaires, voire de favoriser les optimisations.
Certains sémeuvent de limpact potentiel de cette abrogation sur le pouvoir dachat. Il faut être prudent avec ce type de raccourcis. Car le gain de cette mesure était en réalité très inégalement réparti - moins de 40% de lensemble des salariés - et les salariés eux-mêmes navaient aucune prise dessus : faire des heures supplémentaires, ou ne pas en faire, dépend dune décision de lemployeur. Par ailleurs, dès lors que cette mesure se traduisait par une perte de recettes publiques, cela supposait den faire porter le coût au reste de la collectivité. Quant à ceux que cette mesure a privés demploi, les conclusions simposent delles-mêmes.
Ces facteurs expliquent peut-être pourquoi, au final, les exonérations nont pas eu leffet escompté sur le pouvoir dachat par unité de consommation : il na augmenté que de 0,1 % par an en moyenne entre 2007 et 2010 ce nest pas un bilan ébouriffant, pour celui qui sétait présenté comme « le Président du pouvoir dachat ». Il a même reculé en 2011 et au premier trimestre 2012. Quon ne vienne pas alors nous dire que nous allons tout gâcher. Dernier point à noter : le collectif ne remet pas en cause la majoration des heures supplémentaires, donc les salariés qui y ont recours continueront bien à bénéficier de cet avantage.
Voici en quelques mots lesprit de ce projet de loi de finances rectificative, et quelques unes des mesures phares quil propose. Je voudrais, aussi, rappeler le cadre dans lequel il sinscrit. Il constitue, à plusieurs titres, une première étape. Première étape, tout dabord, avant la réforme fiscale dampleur voulue par le Président de la République et le Premier ministre. Première étape, aussi, dans la juste recomposition de notre budget, qui séchelonnera tout au long du quinquennat.
Le projet de loi de finances rectificative préfigure la profonde réforme fiscale que nous présenterons à lautomne dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2013. La LFR amorce ce mouvement, en revenant notamment sur les arbitrages difficilement justifiables de la précédente majorité et qui pèsent sur nos recettes comme lallégement de limpôt des redevables de lISF, la sous-taxation des secteurs financier et pétrolier, ou les optimisations trop aisées en matière dimpôt sur les sociétés. Nous avons choisi de nous concentrer essentiellement dans ce projet sur les mesures dont lentrée en vigueur immédiate était nécessaire pour préserver le pouvoir dachat, lemploi et lactivité, et pour respecter nos engagements budgétaires. Mais le collectif organise, aussi, la transition vers les réformes pérennes que nous mèneront a bien cet automne avec le projet de loi de finances pour 2013, dans des conditions dexamen parlementaire optimales.
Enfin, ce projet de loi sinscrit dans un mouvement dassainissement des comptes et de juste recomposition du budget qui se déploiera sur lensemble de notre mandat. Jai rappelé, à de nombreuses reprises, la trajectoire des finances publiques que nous visons. Il y a dans le collectif je ne le nie pas un effort qui porte essentiellement sur les recettes. Un effort équitable, un effort qui nous permettra de respecter nos engagements, un effort que nous devons faire, aussi, compte tenu des approximations dont nous héritons. Chacun sait compte tenu de la rigidité de la dépense publique, des économies substantielles ne sauraient être engagées en milieu dannée. Mais il sagit de la première étape la première seulement de notre programme budgétaire. Je lai dit à de nombreuses reprises : nous sommes là pour cinq ans, pas pour deux, et nous concevons nos initiatives sur lensemble du quinquennat, avec un objectif central : le redressement du pays, le retour de la croissance et par dessus tout la création demploi.
Jai présenté notre stratégie densemble devant cette assemblée la semaine dernière, et jai explicitement précisé que si nous faisions porter davantage leffort immédiat sur les recettes, le taux de prélèvements obligatoires serait globalement stable à partir de 2014. Et je vous confirme ici que le retour à léquilibre ne passera pas par le seul levier de la fiscalité Jérôme Cahuzac la dit avec des mots forts la semaine dernière, je le rejoins. La répartition de leffort entre recettes et dépenses sera parfaitement équilibrée sur la période 2012-2017, car nous ne voulons ni dessécher ladministration, ni faire porter le poids du redressement sur la seule imposition des ménages et des entreprises. Les acteurs économiques disposeront ainsi de la visibilité nécessaire pour investir, consommer et exporter.
Oui, nous proposons, dans le collectif, une augmentation immédiate des recettes. Jai dit pourquoi, jai dit comment, jai dit sur quelle période. Mais en parallèle, nous maitriserons nos dépenses, selon un calendrier qui couvrira la totalité du quinquennat. Ces arbitrages permettront de préserver la demande publique dans un contexte de croissance vacillante, tout en revenant à des niveaux de dépenses soutenables dans la durée. Jinvite chacun et surtout ceux qui se situent à ma droite à éviter la caricature et les excès de langage, je vous invite tous, et dabord à gauche, à soutenir la politique sérieuse et ambitieuse que nous vous proposons : notre démarche trouve son juste équilibre dans le temps.
Merci.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 17 juillet 2012
Mesdames et Messieurs les Députés,
Nous nous retrouvons pour la troisième fois en dix jours pour débattre des inflexions nécessaires en matière économique et financière. Nous avons eu, Jérôme Cahuzac et moi-même, un premier échange avec la Commission des finances de cette Assemblée sur lensemble des textes soumis à votre examen pour cette session. Avec la loi de règlement, nous avons pris acte de la situation budgétaire dont le Gouvernement hérite. Enfin, nous avons présenté nos priorités et nos principes économiques et financiers lors du débat dorientation la semaine dernière.
A chaque fois, un même objectif a guidé nos choix : déployer une politique cohérente, juste, et réformiste. Le projet de loi de finances rectificative pour 2012 sinscrit également dans ce cadre. Il constitue aussi une première étape, et ce à double titre. Première étape dun redressement budgétaire qui se déroulera sur lensemble du mandat, et évoluera progressivement je pense ici en particulier aux équilibres entre recettes et dépenses dans la composition du budget. Première étape, aussi, dune profonde réforme du système fiscal, que la loi de finances rectificative vient amorcer.
La loi de finances rectificative répond à un triple impératif : redresser les comptes publics pour respecter nos engagements, replacer la justice au coeur de notre système fiscal, et amorcer la réorientation de la fiscalité vers linvestissement et lemploi.
Jai eu loccasion de le rappeler lors du débat dorientation des finances publiques : redresser les comptes publics nest pas une fin en soi, ce nest pas un nouvel avatar de la « pensée unique ». Cest une voie indispensable pour préserver notre souveraineté, pour conserver la maîtrise de nos politiques publiques ; en un mot, cest une condition de réussite du changement. Si nous affichons clairement notre objectif de retour à léquilibre, avec ses étapes intermédiaires, si nous nous engageons avec détermination sur ce chemin, cest parce que le désendettement permet de rétablir une capacité à travers les politiques publiques, de dégager des marges de manoeuvre pour laction politique.
Pour 2012, notre objectif vous le connaissez est de ramener le déficit à un niveau plus soutenable : 4,5% du PIB. Il sinscrit dans une trajectoire à présent bien identifiée : 3% en 2013, léquilibre des comptes en fin de mandat.
Avec, cette année, une contrainte supplémentaire, qui est pour partie à lorigine de ce collectif : nous héritons dune situation financière dégradée, qui trouve sa source dans des surévaluations de recettes à hauteur de 7,1 milliards deuros, et des risques sur la dépense de lEtat entre 1,2 et 2 milliards deuros. Quelque part, cest un peu comme emménager dans une maison dont la charpente est un peu plus vermoulue que prévu, parce que le propriétaire précédent a négligé de faire les travaux qui simposaient. Le sérieux budgétaire que nous revendiquons a un corollaire en matière de méthode : la sincérité des comptes et des prévisions financières. Je souhaite quil permette, à lavenir, de limiter les écarts toujours embarrassants et rarement justifiés entre un schéma initial et son exécution effective. Les politiques publiques y gagneront en lisibilité et en crédibilité. Cette situation fragile résulte aussi, au-delà des approximations budgétaires pour lannée en cours, dune accumulation de déficits structurels qui sest accélérée sous le précédent quinquennat. Elle appelle en tout cas de notre part des corrections déterminées pour contrer la dérive naturelle du déficit vers les 5% du PIB en fin dannée.
Voilà lobjectif. Je veux vous dire comment nous latteindrons. Car cest en réalité tout lenjeu du débat. Autour dune même cible de déficit, il existe de multiples variations possibles dans la composition dun budget, et dans les arbitrages fiscaux sur lesquels il repose. Nous proposons, nous, un budget qui permette de répartir les efforts de manière équitable ce que le Président de la République a appelé « leffort juste. »
Replacer la justice au coeur de notre système fiscal nous engage en premier lieu à calculer au plus juste les besoins qui doivent être comblés. Nous ne prenons pas à la légère la contrainte que représentera, pour certains ménages, pour certaines entreprises, un effort fiscal supplémentaire. Nous avons pleinement conscience de nos responsabilités, nous ne sommes pas dans une démarche punitive, nous ne manions pas non plus avec nonchalance loutil fiscal, comme certains feignent de le croire. Nous avons au contraire évalué leffort nécessaire pour atteindre notre cible de déficit au plus près, sur la base de prévisions de croissance prudentes. Cet effort sera constitué dune part, dun gel des dépenses publiques à hauteur de 1,5 milliards deuros, et dautre part, de prélèvements, pour un montant de 7,2 milliards deuros.
Laissez-moi un instant mettre ce chiffre en perspective, car je veux éviter toute ambiguïté sur notre projet fiscal. Sur lensemble de lannée 2012, laugmentation des prélèvements obligatoires sera de 1,1 point de PIB. Mais sur ces 1,1 point, 0,8 ont en fait été décidés par lancienne majorité présidentielle. Le Gouvernement Ayrault prend la responsabilité des 0,3 point de PIB restants pour atteindre la cible de déficit de 2012, pour corriger une situation plus dégradée quannoncé. Lopposition devrait donc approuver ce projet de loi de finances rectificative au moins aux trois-quarts. Mais replacer la justice au coeur du système fiscal, cest surtout faire contribuer en priorité à leffort dassainissement de nos comptes ceux que la crise a le plus épargnés, cest-à-dire les ménages qui disposent dune capacité dépargne conséquente qui supporteront près des trois-quarts du montant des prélèvements supplémentaires sur les ménages et les grandes entreprises, soumises à des taux dimposition effectifs plus faibles.
Quelques exemples de mesures du collectif pour illustrer ces principes. Certains secteurs aujourdhui très prospères, et confortés dans une situation fiscale privilégiée par la précédente majorité, contribueront - exceptionnellement dailleurs - à leffort de redressement des comptes en 2012. Je pense ici à la taxe sur la valeur des stocks des produits pétroliers, par exemple. Elle représente à la fois une charge proportionnée un peu plus dun demi milliard deuros, soit 1/100 ème environ du chiffre daffaire des pétroliers (selon des estimations non officielles). Elle se justifie aussi par les spécificités dun secteur qui a vu ses profits saccroître considérablement depuis 2004, et qui, souvent, échappe à toute imposition en France. Certains affirment que cette taxe pénalisera les populations les plus fragilisées. Mais cest dune taxe sur les stocks, pas dune taxe à la pompe, dont nous parlons ici. Quand bien même elle serait intégralement répercutée dans les prix, cela représenterait, au bout de douze à dix-huit mois, un renchérissement momentané dun centime le litre une évolution imperceptible pour le consommateur par rapport aux fluctuations du prix du pétrole dun mois sur lautre.
La même logique déquité sapplique aux ménages. Une contribution exceptionnelle permettra en 2012 de compenser le coût du bouclier fiscal. Elle touchera les personnes dont le patrimoine net imposable est supérieur à 1,3 millions deuros. Cette suppression temporaire du plafonnement pour une seule année na pas pour vocation à punir ni même décourager lépargne, mais à associer à leffort de redressement des comptes ceux qui sont le plus en mesure de le faire.
Dautres mesures, qui seront détaillées plus amplement par Jérôme Cahuzac, vont dans le même sens. Mais je voudrais insister ici sur un point : il ny a pas, dans le collectif budgétaire, un mouvement monolithique daugmentation des prélèvements obligatoires. Je refuse cette caricature. Léquité impose aussi dalléger ce qui, dans le système fiscal hérité du précédent Gouvernement, aurait particulièrement pesé sur le pouvoir dachat des plus modestes et des classes moyennes. Cest pourquoi nous annulons laugmentation du taux de TVA de 19,6% à 21,2% prévue par lancienne majorité présidentielle. Si nous ne lavions abrogée dans ce projet de loi de finances rectificative, elle aurait constitué une ponction considérable sur un pouvoir dachat des ménages, qui se trouve déjà en berne à cause des décisions de lancienne majorité et elle aurait stoppé le moteur de la consommation, qui soutient une croissance française déjà bien fragile.
Au-delà de ces mesures de rendement équitables, le collectif que nous soumettons à lexamen de cette Assemblée amorce la réorientation de notre système fiscal vers linvestissement et lemploi.
Le projet de loi propose en effet de limiter des pratiques qui détournent les capacités financières de linvestissement et de léconomie réelle, ou la déstabilisent. On trouvera ainsi dans ce collectif budgétaire des mesures qui encouragent la dé-financiarisation, en réduisant lincitation au risque ou aux mouvements spéculatifs. Cest notamment lobjet du doublement du taux de la taxe sur les transactions financières, pour la porter à un taux aligné avec celui de la proposition de directive européenne. Quant à la contribution additionnelle à limpôt sur les sociétés applicable sur les montants distribués, elle permettra de rendre la distribution des bénéfices plus coûteuse que leur réinvestissement.
Ce projet de loi propose, aussi, la remise en cause de lexonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, instaurée par la majorité précédente, et dont je veux dire un mot plus longuement ici. Il me semble utile de clarifier la logique économique qui a présidé à ce choix, qui ne découle pas, comme certains feignent de le penser, dun réflexe épidermique ou dun conditionnement idéologique. Il y avait probablement, derrière cette mesure voulue par le Gouvernement précédent, une logique. Mais elle a un coût, et son efficacité économique doit être évaluée ni plus, ni moins quune autre disposition fiscale. Le bilan, factuel, que nous tirons de cette évaluation, est le suivant : lexonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires a en réalité découragé lemploi. Que sest-il passé, concrètement dans les entreprises ? Lorsquun dirigeant avait à choisir entre des heures supplémentaires défiscalisées ou la création dun nouveau poste, il optait pour les premières. Je ne dis pas que cétait voulu, je dis que cest ce quon constate.
Inciter les entreprises à mobiliser davantage les heures supplémentaires ne sest pas avéré pertinent dans un contexte de ralentissement économique et de hausse du chômage. Dans le même temps et parfois au sein dune même entreprise les finances publiques ont subventionné le recours aux heures supplémentaires, et le recours au chômage partiel pour les salariés qui navaient pas suffisamment de charge dactivité à assurer. Les exonérations ont donc eu principalement pour effet de réduire la sous-déclaration antérieure des heures supplémentaires, voire de favoriser les optimisations.
Certains sémeuvent de limpact potentiel de cette abrogation sur le pouvoir dachat. Il faut être prudent avec ce type de raccourcis. Car le gain de cette mesure était en réalité très inégalement réparti - moins de 40% de lensemble des salariés - et les salariés eux-mêmes navaient aucune prise dessus : faire des heures supplémentaires, ou ne pas en faire, dépend dune décision de lemployeur. Par ailleurs, dès lors que cette mesure se traduisait par une perte de recettes publiques, cela supposait den faire porter le coût au reste de la collectivité. Quant à ceux que cette mesure a privés demploi, les conclusions simposent delles-mêmes.
Ces facteurs expliquent peut-être pourquoi, au final, les exonérations nont pas eu leffet escompté sur le pouvoir dachat par unité de consommation : il na augmenté que de 0,1 % par an en moyenne entre 2007 et 2010 ce nest pas un bilan ébouriffant, pour celui qui sétait présenté comme « le Président du pouvoir dachat ». Il a même reculé en 2011 et au premier trimestre 2012. Quon ne vienne pas alors nous dire que nous allons tout gâcher. Dernier point à noter : le collectif ne remet pas en cause la majoration des heures supplémentaires, donc les salariés qui y ont recours continueront bien à bénéficier de cet avantage.
Voici en quelques mots lesprit de ce projet de loi de finances rectificative, et quelques unes des mesures phares quil propose. Je voudrais, aussi, rappeler le cadre dans lequel il sinscrit. Il constitue, à plusieurs titres, une première étape. Première étape, tout dabord, avant la réforme fiscale dampleur voulue par le Président de la République et le Premier ministre. Première étape, aussi, dans la juste recomposition de notre budget, qui séchelonnera tout au long du quinquennat.
Le projet de loi de finances rectificative préfigure la profonde réforme fiscale que nous présenterons à lautomne dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2013. La LFR amorce ce mouvement, en revenant notamment sur les arbitrages difficilement justifiables de la précédente majorité et qui pèsent sur nos recettes comme lallégement de limpôt des redevables de lISF, la sous-taxation des secteurs financier et pétrolier, ou les optimisations trop aisées en matière dimpôt sur les sociétés. Nous avons choisi de nous concentrer essentiellement dans ce projet sur les mesures dont lentrée en vigueur immédiate était nécessaire pour préserver le pouvoir dachat, lemploi et lactivité, et pour respecter nos engagements budgétaires. Mais le collectif organise, aussi, la transition vers les réformes pérennes que nous mèneront a bien cet automne avec le projet de loi de finances pour 2013, dans des conditions dexamen parlementaire optimales.
Enfin, ce projet de loi sinscrit dans un mouvement dassainissement des comptes et de juste recomposition du budget qui se déploiera sur lensemble de notre mandat. Jai rappelé, à de nombreuses reprises, la trajectoire des finances publiques que nous visons. Il y a dans le collectif je ne le nie pas un effort qui porte essentiellement sur les recettes. Un effort équitable, un effort qui nous permettra de respecter nos engagements, un effort que nous devons faire, aussi, compte tenu des approximations dont nous héritons. Chacun sait compte tenu de la rigidité de la dépense publique, des économies substantielles ne sauraient être engagées en milieu dannée. Mais il sagit de la première étape la première seulement de notre programme budgétaire. Je lai dit à de nombreuses reprises : nous sommes là pour cinq ans, pas pour deux, et nous concevons nos initiatives sur lensemble du quinquennat, avec un objectif central : le redressement du pays, le retour de la croissance et par dessus tout la création demploi.
Jai présenté notre stratégie densemble devant cette assemblée la semaine dernière, et jai explicitement précisé que si nous faisions porter davantage leffort immédiat sur les recettes, le taux de prélèvements obligatoires serait globalement stable à partir de 2014. Et je vous confirme ici que le retour à léquilibre ne passera pas par le seul levier de la fiscalité Jérôme Cahuzac la dit avec des mots forts la semaine dernière, je le rejoins. La répartition de leffort entre recettes et dépenses sera parfaitement équilibrée sur la période 2012-2017, car nous ne voulons ni dessécher ladministration, ni faire porter le poids du redressement sur la seule imposition des ménages et des entreprises. Les acteurs économiques disposeront ainsi de la visibilité nécessaire pour investir, consommer et exporter.
Oui, nous proposons, dans le collectif, une augmentation immédiate des recettes. Jai dit pourquoi, jai dit comment, jai dit sur quelle période. Mais en parallèle, nous maitriserons nos dépenses, selon un calendrier qui couvrira la totalité du quinquennat. Ces arbitrages permettront de préserver la demande publique dans un contexte de croissance vacillante, tout en revenant à des niveaux de dépenses soutenables dans la durée. Jinvite chacun et surtout ceux qui se situent à ma droite à éviter la caricature et les excès de langage, je vous invite tous, et dabord à gauche, à soutenir la politique sérieuse et ambitieuse que nous vous proposons : notre démarche trouve son juste équilibre dans le temps.
Merci.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 17 juillet 2012