Extraits des déclarations de Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, et de M. Frédéric Cuvillier, ministre des transports et de l'économie maritime, sur les enjeux liés à la conférence environnementale, la politique des transports et de l'énergie, à l'Assemblée nationale le 11 juillet 2012.

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Circonstance : Audition conjointe devant la commission du Développement durable et de l'Aménagement du territoire, à l'Assemblée nationale le 11 juillet 2012

Texte intégral

Mme Delphine Batho - Je vous remercie de votre accueil et je salue les députés réélus ou nouvellement élus.
S'agissant, tout d'abord, des enjeux liés à la conférence environnementale, je rappelle que le changement climatique dû aux gaz à effet de serre est désormais scientifiquement avéré. Les émissions mondiales de CO2 ont augmenté de 40 % entre 1990 et 2010 et, après une légère baisse en 2009, sont reparties à la hausse. Les dernières conférences internationales sur le climat de Copenhague et de Rio témoignent d'un recul de l'ambition de la communauté internationale. Le réchauffement climatique risque ainsi d'être largement supérieur à deux degrés à l'horizon 2100, température au-dessus de laquelle l'incertitude quant aux impacts sur nos sociétés croît de façon considérable. L'Union européenne produit 13 % des émissions mondiales de CO2 - avec une baisse de 12 % depuis 1990 - et la France 1,3 % - en légère croissance depuis 1990. La dégradation de l'empreinte carbone de notre pays, estimée à partir de la consommation des produits, laisse craindre qu'elle soit principalement due à la désindustrialisation et non à des stratégies de lutte contre le changement climatique. Je rappelle que, dans le «paquet Énergie-Climat», l'Union européenne s'est fixé l'objectif dit des «trois fois vingt» : baisse de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, augmentation de 20 % de l'efficacité énergétique et de 20 % des énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale. En 2009, un peu plus de la moitié du chemin était parcourue en matière d'émissions de gaz à effet de serre. C'est dans un tel contexte que la France s'est engagée à diviser ses propres émissions par quatre à l'horizon de 2050.
En matière de biodiversité, les scientifiques considèrent que nous sommes entrés dans la sixième grande phase d'extinction des espèces. Si nous avons pris conscience des dangers liés au changement climatique, on ne peut, hélas, en dire autant dans ce domaine. Sur le plan mondial, on évoque en effet la disparition de 12 % des oiseaux, 25 % des mammifères et 32 % des amphibiens d'ici à 2100. L'une des raisons majeures d'une telle situation est l'artificialisation continue et croissante des sols. En France, 600 km2 sont ainsi artificialisés chaque année, ce qui représente l'équivalent d'un grand département tous les dix ans.
S'agissant des négociations internationales sur le climat, nous sommes évidemment déçus par l'accord a minima intervenu à Rio. Nous essaierons toutefois de travailler à la réalisation de programmes d'action ambitieux à travers les objectifs de développement durable (ODD). D'ores et déjà, la France prépare deux grands rendez-vous internationaux : la conférence sur la biodiversité qui se tiendra à Hyderabad, en Inde, du 8 au 19 octobre 2012 - nous présiderons la table ronde consacrée à la question des océans - ainsi que la Conférence sur le climat de Doha qui se déroulera du 26 novembre au 7 décembre prochain. Sans doute cela pourrait-il donner lieu à des échanges ou à des auditions dans le cadre de votre commission.
Le président de la République l'a assuré : les transitions écologique et énergétique doivent être au coeur de la politique du redressement dans la justice. L'écologie sociale constitue à la fois un impératif - urgences liées au réchauffement climatique, problèmes de pouvoir d'achat, d'accès à l'énergie, de raréfaction des ressources - et un levier afin de sortir de la crise et de développer des politiques vertueuses s'inscrivant dans la mutation de notre modèle de développement tant sur un plan écologique que social et économique.
Le Grenelle de l'environnement fut une avancée majeure. La loi dite Grenelle I a en effet été adoptée à l'unanimité et a transposé 268 engagements issus de la consultation portée par l'ensemble des acteurs - ONG, acteurs sociaux et économiques, élus. La loi dite Grenelle II, quant à elle, n'a pas fait l'objet de la même unanimité et n'est pas parvenue à prolonger l'élan initial, même si elle constitua un acte législatif d'importance. De surcroît, tous les décrets d'application n'ont pas vu le jour et des reculs ont eu lieu dans un certain nombre de domaines, comme l'a signalé le Conseil économique, social et environnemental dans son avis du 15 février, notamment en ce qui concerne le développement des énergies renouvelables - impact économique désastreux sur un certain nombre de filières, dont le photovoltaïque -, les pesticides - dont la consommation a augmenté alors qu'elle devait être réduite - ou la responsabilité sociale et environnementale des entreprises - les décrets qui ont été pris suscitant un certain nombre de controverses.
(...)
Le gouvernement s'inscrit à la fois dans une forme de continuité et dans la rupture à l'endroit du Grenelle et de la politique qui a été précédemment menée. La conférence environnementale vise ainsi à placer le dialogue environnemental sur le même plan que le dialogue social tel que la récente conférence sociale l'a illustré. Nous tenons ainsi à marquer le début du quinquennat en organisant une vaste conférence environnementale qui permettra d'établir la feuille de route des concertations et des grands chantiers qui doivent être ouverts. Les acteurs du Grenelle seront convoqués et les cinq collèges, de même que les parlementaires, seront associés aux travaux.
Néanmoins, si le Grenelle était l'aboutissement d'un processus de consultations, la conférence environnementale doit être un point de départ. Le 18 juillet, je présenterai une communication en Conseil des ministres afin d'en exposer l'architecture que j'évoquerai dès demain devant le Comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement. Nous envisageons, après une première phase de concertation avec plusieurs organisations, que la conférence environnementale aborde deux priorités majeures : l'énergie et la biodiversité. Nous la concevons également comme une «conférence sur la méthode» qui devra s'appliquer au débat national sur la transition énergétique, dont j'espère qu'il sera largement décentralisé. Ce dernier débouchera sur un projet de loi de programmation qui devrait être présenté devant le Parlement au premier semestre de 2013.
S'agissant de la biodiversité, nous avons besoin d'une véritable prise de conscience citoyenne. Il conviendra, en outre, de réaliser un bilan des engagements du Grenelle dans ce domaine. Le président de la République souhaite que ce processus de concertation aboutisse à l'élaboration d'une loi-cadre sur la biodiversité afin d'appréhender de façon transversale l'ensemble des questions qui se posent. Je gage qu'une telle ambition de reconquête de la biodiversité accroîtra le rayonnement de notre pays.
La conférence environnementale devrait avoir lieu durant la première quinzaine du mois de septembre. Le président de la République l'introduira et le Premier ministre la conclura, comme ce fut le cas pour la conférence sociale. Y participeront l'ensemble des ministres intéressés : la ministre du logement - pour les problèmes d'isolation thermique des logements ou les règles d'urbanisme -, le ministre du Redressement productif, la ministre de la Recherche, etc. Il s'agit de mobiliser l'ensemble du gouvernement autour d'une feuille de route environnementale.
La conférence environnementale devra également intégrer trois enjeux majeurs : la fiscalité écologique - nous devons rattraper notre retard et engager toutes les réflexions et toutes les études d'impact quant à ses conséquences sociales et économiques, ce qui n'empêche pas que des mesures soient prises dès le projet de loi de finances pour 2013 ; le lien entre la santé publique et l'environnement - utilisation de certaines substances chimiques, perturbateurs endocriniens, loi sur le bisphénol, qualité de l'eau ; enfin, la gouvernance environnementale -. Si une étape a été franchie avec le Grenelle de l'environnement, il importe d'approfondir les discussions sur la représentativité et de s'inscrire dans une réflexion plus large liée à la nouvelle étape de la décentralisation : quelle démocratie écologique voulons-nous sur un plan local et national ?
Je rappelle, de plus, que la conférence environnementale aura lieu chaque année : nous aurons ainsi l'occasion de faire le point sur la feuille de route écologique du gouvernement, sur son application, sur le respect de l'agenda et sur la mobilisation de tous les ministres concernés.
Enfin, je précise que je resterai à la disposition du Parlement et que je répondrai à toutes vos demandes d'audition. Je tiens également à répondre dans les délais aux questions, notamment écrites, de chacun d'entre vous, à produire les études d'impact qui seront sollicitées afin d'éclairer le débat législatif et à remettre au Parlement les études et les rapports exigés par la loi. À ce propos, je tiendrai à votre disposition la liste de ceux qui étaient prévus par le Grenelle de l'environnement et qui ne vous ont pas encore été remis.
M. Frédéric Cuvillier - C'est avec plaisir que je me retrouve aujourd'hui devant vous, Mesdames et Messieurs les Députés. Je vous félicite pour votre élection et, surtout, pour votre participation aux travaux de cette commission qui m'est chère puisque j'y ai longtemps siégé.
Je souhaite que le travail parlementaire dans le domaine des transports soit au coeur de notre politique. Je sais combien les problèmes auxquels nous sommes confrontés ont en l'occurrence suscité enthousiasme, fébrilité, attentes profondes. C'est ensemble que nous devrons y répondre ! Cela me semble d'autant plus important que, comme l'a rappelé Mme la ministre, de nombreuses annonces ont été faites ces derniers mois et ces dernières années, notamment dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Par exemple, la France s'était engagée à diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 20 % d'ici à 2020 : nous en sommes fort loin.
La politique des transports doit s'inscrire dans une démarche environnementale. Or le report modal n'a pas été effectif, puisque le transport routier représente aujourd'hui plus de 83,4 % de l'ensemble des transports de marchandises, le ferroviaire 9,4 % - quand le Grenelle tendait à porter la part du trafic de fret ferroviaire à plus de 25 % - et le fluvial 2,2 % seulement. Les assises du ferroviaire, auxquelles nombre d'entre vous ont participé, ont eu lieu au second semestre de 2011. (...). Aujourd'hui, le secteur ferroviaire est à bout de souffle : la dette de Réseau ferré de France (RFF), qui est très élevée, pourrait croître au rythme de 1 à 2 milliards d'euros par an, jusqu'à atteindre 55 milliards en 2025. De plus, le réseau ferroviaire est vétuste, dégradé, incapable d'absorber une croissance en volume et de répondre aux attentes des territoires. Pire : les incidents se succèdent et sont, hélas, inévitables compte tenu du retard qui a été pris en matière d'entretien et d'investissement.
Le SNIT est également au coeur de nos préoccupations. (...). À ce jour, nous comptons ainsi 245 milliards d'euros de projets non financés alors que la capacité annuelle de financement de l'AFITF s'élève à environ 2 milliards par an. J'évoquerai quant à moi un certain nombre de projets : la ligne LGV dans la région PACA - 16 milliards -, la ligne Paris-Normandie - 7 à 9 milliards -, la liaison Lyon-Turin - 13 milliards -, le canal Seine-Nord Europe - 4 milliards -, la traversée centrale des Pyrénées - 5 à 10 milliards.
Nous nous emploierons également à apaiser les relations avec les collectivités locales tant les relations contractuelles qu'elles ont nouées ne correspondent hélas plus aux enjeux liés aux transports. De surcroît, les dernières mesures qui ont été prises ne vont pas dans le sens de la simplification, bien au contraire.
Le président de la République s'est engagé à faire des transports un instrument de lutte contre la fracture territoriale afin que nombre de nos concitoyens ne se sentent plus exclus de l'emploi et que les transports deviennent un élément de croissance, d'aménagement du territoire et d'équilibre. Comme le précise le vingt-huitième engagement qu'il a pris, nous veillerons à ce que la qualité de service soit effective, notamment en Île-de-France et dans les territoires les plus enclavés. Telle est la feuille de route que respecterons.
Dès la rentrée, nous donnerons les grandes orientations politiques qui guideront notre action dans le domaine des transports à partir d'un certain nombre de principes : priorité à la remise à niveau et à la modernisation du réseau existant, amélioration de la qualité de service des transports au quotidien ainsi que de la desserte des territoires, moyens de financement des travaux.
L'acte III de la décentralisation comprendra également une feuille de route concernant les transports et les relations contractuelles - ou non - relatives aux compétences reconnues aux différentes collectivités territoriales, ainsi que les modes de répartition des financements croisés qui, s'ils ont été critiqués sous la précédente législature, n'en demeurent pas moins au coeur de l'investissement public.
Nous engagerons aussi la réforme du secteur ferroviaire alors que l'État n'a pas assumé ses responsabilités et a renoncé pendant trop longtemps à fixer les principes de son organisation. Avec l'ensemble des parties prenantes et dans le cadre d'un véritable dialogue social, nous ferons en sorte d'éviter l'ouverture à la concurrence avant que les entreprises ferroviaires publiques n'y aient été préparées. Nous savons, en effet, combien les conditions d'une telle ouverture ont été préjudiciables, notamment au fret SNCF.
Sans présumer du résultat des concertations, nous devrons simplifier le système en vigueur et, notamment, la gestion des infrastructures, laquelle devra concilier efficacité économique et sécurité juridique. Les compétences au sein de notre système ferroviaire sont aujourd'hui diffuses et ne répondent pas aux exigences de qualité, de sécurité et d'efficacité opérationnelles, qui plus est dans un contexte européen impliquant de nouer d'importantes relations bilatérales avec nos voisins allemands notamment.
Par ailleurs, le secteur routier connaît également des difficultés importantes : les PME subissent une concurrence difficile dont il ne faut pas sous-estimer la déloyauté et le caractère socialement inacceptable. Notre système est à bout de souffle !
Nous mettrons en place l'«écotaxe» poids lourds, sans que les répercussions économiques qui pourraient se faire jour pénalisent la vitalité et la compétitivité des entreprises et nous financerons ainsi les infrastructures nécessaires et l'accompagnement du secteur. Loin d'opposer les modes de transport entre eux, nous voulons au contraire en assurer la complémentarité.
Innovation de ce gouvernement : la gestion des affaires maritimes ne sera plus divisée en une dizaine de secteurs ministériels en fonction des différents enjeux. Le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie travaille donc à la mise en place d'une politique maritime intégrée, et j'aurai quant à moi l'honneur de présenter les axes de nos réformes en la matière devant les deux commissions concernées, la vôtre bien sûr et celle des affaires économiques.
Le président de la République a eu l'occasion de dire combien les enjeux maritimes sont importants pour la France, pays qui possède le deuxième domaine maritime mondial. Il relève en effet de notre responsabilité de lier la réforme et l'accompagnement des complémentarités de l'interface terre-mer, les enjeux portuaires et le désenclavement de nos ports. Nous devons également tirer les conséquences du rôle de la mer dans l'économie mondiale et faire en sorte que la formation ainsi que l'attractivité des métiers de la mer deviennent autant de priorités. Précisément, nous veillerons à ce que l'installation de l'École nationale supérieure maritime soit effective et qu'aucun établissement ne soit négligé ou n'ait de craintes pour sa pérennité.
Les énergies marines renouvelables constituent également une priorité, de même que la protection de l'environnement marin. Dans le cadre de la décentralisation, des études concertées ont été engagées pour la création de parcs naturels.
Enfin, nous veillerons à réformer les services de l'État dans le domaine public maritime en favorisant notamment la déconcentration des services et la gouvernance par façade maritime qui est aujourd'hui nébuleuse - c'est un euphémisme - et d'une efficacité toute relative.
J'aurai sans doute l'occasion d'évoquer la question des transports aériens, mais je préfère que nous engagions le débat.
Q - (À propos de la politique énergétique du gouvernement)
R - Mme Delphine Batho - Je remercie M. Martial Saddier, qui a souhaité que notre travail soit constructif. La grande cause de la planète doit en effet nous rassembler même si des orientations politiques, économiques et sociales peuvent nous opposer.
(...)
Le Premier ministre a annoncé que le premier projet de loi de l'automne concernerait les emplois d'avenir. Or, de ce point de vue, l'écologie et le développement durable constituent un enjeu important.
S'agissant des forages en Guyane, il n'était pas possible de ne pas tenir compte des engagements juridiques pris par le précédent gouvernement. À ce propos, M. Serville, c'est avec plaisir que je me rendrai en Guyane, même si je ne sais pas encore précisément à quel moment. Il est évident que l'exploitation du pétrole ne peut se faire que dans des conditions acceptables, c'est-à-dire en veillant au respect de l'environnement et en s'assurant que les bénéfices dégagés seront réinvestis dans le développement de ce territoire. Le groupe Shell a d'ailleurs pris un certain nombre d'engagements à cet égard.
La réforme du code minier est, quant à elle, impérative, comme le Premier ministre l'a rappelé lors de son discours de politique générale. Actuellement, le code n'est pas conforme à l'article 7 de la Charte de l'environnement, dont je rappelle qu'elle a valeur constitutionnelle : il ne respecte notamment pas les obligations d'information et de participation du public préalablement à toutes les décisions ayant un impact sur l'environnement. Le précédent gouvernement le savait parfaitement, d'ailleurs, puisque le Conseil d'État avait demandé au mois de décembre 2010 une réforme qui n'a finalement pas été engagée. La mobilisation des associations de protection de l'environnement, des citoyens et des élus a ainsi conduit à adopter en urgence la loi interdisant la fracturation hydraulique, laquelle entraîne des dégâts environnementaux considérables. Notre gouvernement, de ce point de vue, maintient clairement et nettement cette position. Je vous confirme donc que nous travaillons à la réforme du code minier. Avec le ministre du redressement productif, nous constituons en ce moment même un groupe de travail sur ce thème. Nous souhaitons également organiser une concertation aussi large que possible, notre objectif étant de présenter un projet de loi et une étude d'impact au Conseil d'État d'ici à la fin de l'année 2012, sachant que l'objectif principal de cette réforme est le respect du principe de précaution et des obligations d'information des citoyens. Je souhaite que le Parlement y prenne toute sa part.
Vous savez que la France a été assignée devant la Cour de justice de l'Union européenne pour non-respect de la législation sur la qualité de l'air. La révision des plans de protection de l'atmosphère se heurte à de nombreuses difficultés et je souhaite que la question de la pollution de l'air, notamment celle due au diesel, soit abordée dans le cadre de la conférence environnementale, car les enjeux de santé publique y ont toute leur place.
Le précédent gouvernement a proposé aux collectivités le cadre très rigide des ZAPA (...). Les politiques publiques de lutte contre la pollution de l'air doivent être cohérentes. Les collectivités candidates à la mise en oeuvre des ZAPA doivent me communiquer leurs projets le 13 juillet : j'étudierai alors les difficultés qu'elles ne manqueront pas de me signaler et leur proposerai de constituer un groupe de travail pour lancer une concertation concrète afin de déterminer des plans d'action complets et applicables.
M. Jean-Yves Caullet a souligné à juste titre que la décentralisation représente un enjeu stratégique pour la transition énergétique. Les régions sont aujourd'hui à l'origine d'une grande part des politiques de développement des énergies renouvelables et les collectivités territoriales mènent de nombreuses actions en faveur de la biodiversité. J'ai proposé de rencontrer toutes les régions de France, afin que le travail qu'elles mènent dans leurs territoires soit mieux connu. La conférence environnementale doit également faire toute sa place à la décentralisation et à l'action locale, en déclinant notamment le débat national sur l'énergie au niveau des territoires - régions ou communautés de communes. De même, la réflexion sur ces sujets devra se développer dans l'optique de la nouvelle étape de la décentralisation à laquelle travaille ma collègue Marylise Lebranchu.
M. Bertrand Pancher - que je remercie d'aborder également ces travaux dans un état d'esprit constructif - a rappelé que les organisations non gouvernementales souhaitaient que tous les ministères se dotent d'une feuille de route environnementale. Le Premier ministre aura certainement l'occasion de leur confirmer lui-même cet objectif, puisque, avant la fin du mois de juillet, il recevra celles qui ont participé au Grenelle de l'environnement.
La Commission nationale du débat public sera partie prenante du débat national sur la transition énergétique, qui dépassera toutefois les limites habituellement fixées à ses travaux.
J'aurai l'occasion de revenir devant vous pour vous présenter le budget de mon ministère, dont nous ignorons encore s'il sera examiné ou non en commission élargie. Il est vrai que les enjeux sont considérables et que le contexte de réduction budgétaire s'impose à nous. Nous sommes prêts à prendre notre part de l'effort, mais notre ministère a déjà beaucoup contribué à ce que fut la révision générale des politiques publiques. Aujourd'hui, la logique a changé. Il ne s'agit pas d'imposer les mêmes efforts à toutes les administrations, mais de s'interroger sur l'efficacité de chaque dépense. Ainsi, je souhaite que soient préservées des missions essentielles concernant les risques naturels, les risques technologiques, la police environnementale et différents domaines dans lesquels il ne faut pas toucher au noyau dur des missions de l'État en matière de protection de l'environnement.
En réponse à M. Denis Baupin, je rappelle que le gouvernement n'a pas à interférer dans les choix que le Parlement fera pour sa représentation, même s'il est en effet souhaitable qu'elle soit aussi large et pluraliste que possible.
J'aurai l'occasion de revenir, devant la Commission des affaires économiques, sur le dossier des énergies renouvelables. Ce secteur ayant connu une certaine instabilité ces derniers temps, plusieurs entreprises ont été placées dans une grande difficulté. Nous travaillons à la fois à des mesures transitoires, susceptibles d'être prises très rapidement, et à des choix plus lourds, dans le cadre du débat national sur la transition énergétique.
À propos de l'Autorité de sûreté nucléaire, il me semble qu'il faut éviter de parler de laxisme. Les stress tests réalisés après Fukushima demandent à être étudiés attentivement. L'ASN a émis de très nombreuses préconisations qui doivent être mises en oeuvre, notamment par EDF. Deux sujets méritent d'être approfondis : la gouvernance de l'ASN, que vous avez évoquée, et l'encadrement de la sous-traitance dans la filière nucléaire, qu'a souhaité la Cour des comptes et auquel s'est engagé le président de la République. Je souhaite que les parlementaires soient pleinement associés au suivi de ces dossiers et soient aussi une force de proposition.
En ce qui concerne le «Grenelle des ondes», il serait prématuré de fixer des orientations avant d'avoir fait le bilan de la mise en oeuvre des mesures qui ont déjà été prises - sur la base du travail réalisé notamment par le président François Brottes.
(...)
R - M. Frédéric Cuvillier - MM. Stéphane Demilly et Jean-Jacques Cottel m'ont interrogé sur le canal Seine-Nord Europe. Dire que ce projet est lancé et financé s'apparente à une vue de l'esprit. Ce n'est pas parce que l'ancien Président de la République a fait une déclaration à ce sujet en 2011 que le canal est réalisable en 2012 ou en 2013, ni même en 2014. Une procédure de partenariat public-privé a été engagée. Il conviendra que la commission de personnalités qualifiées se penche sur ce type de procédure, car cette alternative au financement public n'est pas sans conséquence pour la collectivité : ainsi, en ce qui concerne le canal Seine-Nord Europe, pour une exploitation de cinquante ans, la personne publique devra acquitter chaque année entre 150 et 300 millions d'euros de loyers. Voies navigables de France a évalué ce canal à 4 ou
5 milliards. L'intérêt stratégique de l'infrastructure a été souligné, mais, si l'on avait accordé au fluvial tout l'intérêt qu'il mérite, notamment pour le report modal, nous ne serions pas obligés, aujourd'hui, de prendre des mesures dans l'urgence.
Une procédure a donc été arrêtée, mais les financements envisagés semblent ne pas correspondre à la réalité du projet. Nous ne pouvons lancer les travaux sans savoir comment les financer. Nous serions mieux inspirés de prolonger le combat du président de la République pour réorienter les financements européens vers la croissance, vers des projets à dimension internationale, tels la ligne Lyon-Turin, le canal Seine-Nord Europe ou le désenclavement des ports. En effet, sans une logique de compétitivité portuaire, le canal Seine-Nord Europe ne représenterait qu'une partie de la réponse et ne permettrait pas d'optimiser l'investissement public.
L'échec de la modernisation des réseaux fluviaux est une réalité. Nous nous trouvons aujourd'hui devant un dossier qui n'est pas financé, mais qui pourrait l'être si l'Europe et les collectivités s'engageaient. Certaines ont déjà pris position : le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais m'a ainsi adressé une invitation sympathique, à laquelle je répondrai bien volontiers, même si je n'ignore pas que l'enthousiasme n'est pas toujours communicatif et qu'il faut alors savoir se montrer persuasif.
(...)
M. Julien Aubert a évoqué le tunnel sous le Montgenèvre. Ce projet, d'un montant de 1,6 milliard, n'a pas été retenu dans le SNIT et nos partenaires italiens y sont opposés, ce qui n'est pas pour faciliter sa réalisation. En outre, cette infrastructure concurrencerait en quelque sorte la liaison Lyon-Turin, dont elle affaiblirait l'efficacité. Nous ne pouvons pas développer des projets sans les doter de moyens de soutenabilité financière.
Monsieur François-Michel Lambert, le débat sur la LGV PACA doit être engagé. Je doute cependant et de sa faisabilité et de l'accord unanime des collectivités. Or, pour qu'un projet soit accepté, il faut qu'il soit porté par les collectivités. La question de la congestion du réseau actuel reste entière et il faudra mener cette réflexion de manière originale.
L'électrification de la ligne Niort-Saintes-Royan doit être envisagée dans le cadre des autoroutes ferroviaires de fret, dont il constitue l'itinéraire bis.
J'ai été en étroit contact, ces derniers temps, avec Yann Capet, heureux député du port de Calais, à propos de SeaFrance. Nous avons en effet besoin d'une politique maritime intégrée globale, d'une vision ambitieuse pour la mer. Une déclaration sera faite à ce sujet devant votre Assemblée et abordera tant la gouvernance que les enjeux. Il nous faut concilier à la fois la protection de la biodiversité et l'exploitation et les modes de financement de l'interface terre-mer. Les collectivités littorales sont confrontées à des enjeux impossibles à financer. Toute la question de la fiscalité, notamment du droit d'usage du domaine public maritime, doit être repensée. Les solutions en vigueur sont souvent très archaïques, ignorant tout de la réalité actuelle.
(...)
M. Gilles Savary m'a interrogé sur les aéroports. Les collectivités responsables étant variées - intercommunalités, départements, régions - et dotées de compétences inégales en fonction des effets de seuil, la mise en cohérence des différents modes de transport ne s'opère pas. Il faudra donc à la fois revisiter le rôle de chacun et se diriger vers l'expérimentation. Certaines régions s'interrogent déjà sur la pertinence de leur engagement dans l'aérien. Les questions juridiques sont complexes, selon qu'il y a ou non concession, appel d'offres, transfert. On doit également réfléchir aux conditions financières. Toutefois, l'expérimentation peut être extrêmement instructive et permettrait d'inscrire cette politique régionale aérienne dans le cadre de l'acte III de la décentralisation.
Je sais combien les questions de transport passionnent la représentation nationale : elles conditionnent le dynamisme des territoires. Avec tous mes collaborateurs, nous tâcherons d'être à votre écoute, de répondre à vos interrogations, à l'occasion de rencontres régulières, préalables aux décisions. Nous avons à répondre, pour le fret, à des questions existentielles. D'autres se posent à propos de l'aérien, notamment dans le cadre des échanges internationaux. Un conseil des ministres Airbus s'est tenu il y a quelques jours. Il était important que nous précisions la position des «pays Airbus» sur les échanges des droits d'émission, qui constituent une difficulté pour nos rapports avec les pays qui s'y opposent, telles la Chine ou la Russie, et qui sont de nature à déclencher une guerre commerciale fort dommageable : les commandes éventuelles de la Chine représentent en effet 12 milliards d'euros. Nous devons trouver des solutions dans le cadre des échanges internationaux et rompre avec la méthode qui a conduit à prendre des mesures unilatérales sans recourir aux instances et aux institutions classiques.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 juillet 2012