Message de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, lu par M. Jean Rousseau, président d’Emmaüs International, en hommage à l'action de l'abbé Pierre, à Esteville le 5 août 2012.

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Circonstance : Célébration du centième anniversaire de la naissance d'Henri Grouès, connu sous le nom d'abbé Pierre, à Esteville (Seine-Maritime) le 5 août 2012

Texte intégral

Monsieur le Président, Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames, Messieurs,
Je ne puis être présent parmi vous à Esteville en ce jour célébrant le centième anniversaire de la naissance de l’abbé Pierre. Je souhaite, au travers de ce message, m’associer à l’hommage qui lui est rendu aujourd’hui.
Henri Grouès était connu de tous les Français sous le nom d’abbé Pierre ; il est resté pendant de nombreuses années leur personnalité préférée, distinction qu’il n’a certainement jamais recherchée, mais qu’il a accueillie sans doute avec joie car elle servait la cause des plus démunis.
Il a été un homme aux engagements multiples, et l’on pourrait se perdre dans les hommages :
A l’homme de foi qui est entré en vocation dès son plus jeune âge.
Au résistant intrépide, qui sauva la vie de nombreux enfants juifs, et qui reçut la croix de guerre avec palmes.
Au représentant du peuple, élu deux fois à l’assemblée constituante puis à la chambre des députés.
A la voix qui, sur Radio Luxembourg, lança un cri le 1er février 1954, commençant par ces mots terribles : « Mes amis, au secours...Une femme vient de mourir gelée cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol ». Le problème des mal-logés fit alors irruption dans tous les foyers.
Mais aussi, et tout particulièrement en ce jour, notre gratitude va à l’homme qui s’est dressé contre la misère, et que les communautés qu’il a fondées avec Lucie Coutaz appelaient « père ». Il a donné un visage à la bonté et à la charité, qui commence par l’entraide et se prolonge par le don. Il a rassemblé au-delà de tous les clivages politiques ou religieux.
Le point commun de tous ces engagements, leur cohérence, leur force même, est à trouver dans cette conviction, essentielle de l’abbé Pierre : la société dans son ensemble mais aussi chacun d’entre nous, qu’il soit riche ou pauvre, ne doit jamais se résigner à voir ses semblables être abandonnés au bord du chemin.
Avec son énergie immense, et malgré ses problèmes de santé, l’abbé Pierre a réuni des compagnons et construit des cathédrales. Ce ne sont pas des cathédrales de pierre blanche mais des cathédrales de fraternité, bâties à hauteur d’homme.
Je souhaite ici saluer le travail et l’engagement quotidien des communautés Emmaüs, au service des plus pauvres et des plus fragiles.
L’abbé Pierre, en tant qu’élu, puis dans son rôle d’aiguillon, a constamment alerté les responsables politiques. Son message de générosité et d’humanité doit nous animer, nous qui avons reçu l’honneur et la responsabilité de servir notre pays.
Mon expérience et mon action en tant qu’élu, maire d’une grande ville, m’en ont convaincu : il n’y a pas de progrès sans progrès social et pas d’avenir sans solidarité.
Le logement était le grand combat de l’abbé Pierre. Il reste celui de la fondation Abbé Pierre, qui fait de nombreuses propositions, et dont François Hollande, alors candidat, a signé la Charte.
Le logement, c’est une priorité du président de la République et du gouvernement, avec l’objectif de construction de 150 000 logements sociaux par an. Notre combat, c’est celui du droit au logement pour tous.
La pauvreté est la pire des injustices, car elle n’a rien de naturel. Elle est un fait social. Elle n’est pas une fatalité, et pourtant elle ne recule plus depuis 10 ans.
La lutte contre la pauvreté est le plus noble des combats, et le président de la République et moi-même allons l’engager. A l’automne, j’organiserai une conférence sur la pauvreté, prélude à l’adoption au début de l’année 2013 d’un plan de lutte contre les exclusions.
Emmaüs, je n’en doute pas, y sera présent pour y faire retentir la voix de l’abbé Pierre.
Mesdames, Messieurs, soyez assurés que le gouvernement que je dirige et moi-même serons animés de la même volonté que celle exprimée par l’abbé Pierre à l’hiver 1954 : « la volonté de rendre impossible que cela dure. »
source http://www.gouvernement.fr, le 6 août 2012