Texte intégral
Point de presse du 11 juin 2001 de M. Hubert Védrine
Vous connaissez les sujets dont on a parlé. Nous avons eu un échange de vues et d'analyses sur le référendum irlandais qui confirme en terme de réactions européennes ce qui avait été déjà dit tout de suite par le porte parole du Quai d'Orsay, puis par moi, puis par le Président sur ce sujet.
On a parlé de la Macédoine, des Balkans plus largement. Nous sommes arrivés à un compromis satisfaisant sur la question posée par l'Espagne à propos de l'élargissement. La Présidence a fait un bon travail et nous avons essayé d'y contribuer positivement ce matin. Donc, cela permet de ne pas poser ce problème à Göteborg. La question des dates n'est pas revenue dans la discussion.
Nous avons eu un échange sur Göteborg proprement dit, et sur la partie américaine qui précède le Conseil de Göteborg lui-même.
Nous nous sommes mis d'accord sur les ordres du jour du dîner des Quinze avec le Président Bush et du dîner des ministres avec Powell qui ont lieu en même temps le jeudi soir.
En ce qui concerne le développement durable, nous avons soutenu les orientations générales présentées par la Commission, mais c'est trop tôt pour donner un accord dès Göteborg aux objectifs chiffrés présentés.
Sur l'avenir de l'Europe, il y aura approbation du rapport de la Présidence sur les initiatives fixées des Quinze, mais c'est descriptif. Dans le cadre des débats nationaux, c'est plutôt positif l'ensemble. Sur une future possible convention, c'est à Laeken que la décision doit être prise, puisque les Belges l'ont rappelé avec insistance soutenus par plusieurs pays, c'est d'ailleurs ce qui a été convenu avant.
Sur le fonctionnement des institutions, Javier Solana a présenté un très bon rapport et nous avons salué l'effort fait par la Présidence pour améliorer le rôle et le fonctionnement du CAG ; notamment quelque chose qui devrait être fait depuis très très longtemps, qui est dans, le cadre des CAG, la synthèse des travaux menés dans les autres Conseils.
Nous avons largement évoqué le dossier du Proche-Orient avec une idée très simple : il faut absolument tout faire pour transformer cette situation de trêve précaire, très précaire, en une situation plus durable et en un véritable cessez-le-feu - bien que le terme soit un peu impropre- qui prélude à la mise en uvre des conclusions du rapport Mitchell. Cela reste notre fil conducteur et nous avons l'intention d'utiliser les contacts avec les Américains cette semaine pour les inciter à s'engager plus dans cette direction.
Q - On a l'impression que c'est un peu carré votre réaction vis à vis des Irlandais ?
R - Le texte que nous avons adopté est très bien, on a quand même jusqu'à fin 2002 pour achever les ratifications. C'est cela l'engagement qui a été pris pour tenir les calendriers. On peut espérer que les autorités irlandaises trouvent le moyen de reprendre l'initiative, sans rouvrir le texte du traité.
Q - Qu'est-ce qui les inquiètent dans la Charte ?
R - Dans les premières analyses qui ont été faites il y a notamment l'abandon de la référence à l'héritage religieux, on me dit que cela a été utilisé dans une partie de l'opinion publique. On doit pouvoir trouver une solution, cela ne remet pas en cause le projet, le calendrier de la fin 2002, il n'y a pas besoin de rouvrir une négociation sur le traité.
Quant à l'élargissement, il faut poursuivre les négociations d'élargissement, mais il ne faut pas qu'à chaque fois qu'un événement qui nous émeut dire qu'il faut intensifier les négociations d'élargissement, cela donne l'impression que l'on ne faisait rien avant. A force de dire tous les quinze jours, on va les intensifier, c'est un très mauvais signal. Cela fait maintenant très longtemps, sous plusieurs présidences y compris la nôtre, que les négociations d'élargissement sont menées activement et le mieux possible. Donc, évitons la nervosité là-dessus.
Q - Donc à votre avis, il n'y aura rien d'autre que ce qu'il y avait à Nice en terme de calendrier, ce n'est pas la peine d'en remettre là-dessus ?
R - Non, il faut être sérieux. Ce sont des questions de fond, débattues mille fois sur lesquelles il y a des arbitrages, des calendriers. Il faut avoir fini les ratifications de Nice en 2002. Et rien n'indique que cela ne soit pas possible.
Quant aux négociations d'élargissement, il faut les poursuivre activement et traiter les problèmes au fur et à mesure qu'ils se présentent et Dieu merci nous sommes sortis de l'époque des faux-semblant, donc on les traite et vous voyez que l'on est arrivé ce matin à un compromis intelligent pour traiter la question qu'avait posée l'Espagne et que par conséquent cela ne doit pas venir perturber le Conseil de Göteborg. Les négociations d'élargissement se poursuivent toutes.
Q - Y aura-t-il à Göteborg des négociations avec le président des Etats-Unis ?
R - Non, ce n'est pas une rencontre de négociations. En plus, quand la Présidence suédoise donne un ordre du jour, elle fait son travail, c'est normal de donner des indications mais c'est un dîner de prise de contact entre le Président Bush et ses partenaires européens ; donc on va poursuivre les travaux et nous évoquerons les Balkans et le Proche-Orient notamment.
Q - On a dit ce matin que ce serait bien de prévoir la fin des négociations, fin 2002, est-ce qu'il faut que cela soit inscrit dans le marbre de Göteborg ?
R - Non. On n'a pas changé d'avis. Il faut arrêter de donner l'impression que l'on cherche à donner des assurances qui font douter de notre détermination. Ce sont des précautions ou du zèle qui se retournent contre nous. On est engagé dans une négociation. On les a ouvertes pour les mener à leur terme. On négocie activement, cela fait plusieurs présidences que l'on fait cela. Ce n'est pas la peine de créer tout un système artificiel.
Q- Qu'êtes vous prêts à donner aux Irlandais pour qu'ils revotent, et qu'ils votent oui cette fois-ci ?
R - Attendez que les dirigeants irlandais aient fait une analyse approfondie et qu'ils nous aient demandé le cas échéant. En tous cas, l'on ne veut pas rouvrir la négociation pour des raisons évidentes.
Peut-être qu'ils concluront eux mêmes qu'en laissant passer un petit peu de temps, en expliquant mieux sur la base d'un même texte qu'ils peuvent avoir des résultats différents. Mais je ne peux pas répondre à une question qu'ils ne m'ont pas encore posé.
Il n'y a pas de raisons de trancher à leurs places. Il faut rester optimistes.
L'état d'esprit que j'ai senti c'est qu'en effet c'est regrettable et c'est décevant. En même temps ce n'est pas insoluble, on n'avait pas dit que les ratifications devaient être toutes terminées pour juin 2001. On n'avait pas dit que les pays candidats pouvaient commencer à rentrer à partir de juillet 2001, c'est janvier 2003. On a le temps de retomber sur nos pieds.
Donc, ce n'est pas du tout de la légèreté, c'est du sang froid, du calme, c'est déjà arrivé, on a déjà surmonté des choses de ce type.
Q - Sur le Proche-Orient, vous souhaitez vous mettre d'accord avec les parties et avec les Américains sur une marche à suivre ? C'est en bonne voie ?
R - L'Europe veut employer tous ses moyens pour que les partenaires commencent à appliquer les conclusions du rapport Mitchell. Nous voulons donc à la fois multiplier les actions, les déclarations, les pressions pour que les deux partenaires se résignent à le faire vraiment, complètement sans réticence et sans échappatoire et que d'autre part que les américains se réengagent un peu plus que ce qu'ils ont fait au cours des dernières semaines. Ils sont déjà beaucoup plus engagés que ce qu'ils avaient annoncé au début ; on le voit à travers Collin Powell, on le voit à travers la mission Burns, mais ce n'est pas suffisant. Donc cette semaine, nous agissons sur ces trois points : soit directement les uns et les autres, soit par l'intermédiaire de Javier Solana, soit dans les contacts avec Bush, soit dans les contacts avec Powell, voilà notre programme de la semaine, parce que la situation est très fragile, on peut être à la merci de n'importe quelle provocation.
Q - En ce qui concerne la situation en Macédoine : est-ce que ce n'est pas aux Quinze à prendre quelques initiatives supplémentaires ?
R - Nous sommes extrêmement engagés en Macédoine. Tout le monde a montré sa préoccupation par rapport à la détérioration de la situation, tous les participants condamnent les actions des terroristes, les extrémistes albanais avec un souci croissant pour le sort des populations civiles. Nous appuyons la stratégie de désarmement proposée par M. Strovsoski, et nous continuons à appuyer le dialogue politique parce qu'il n'y a pas d'autres solutions, il n'y a pas de solutions purement militaires.
Q - Le fait que les extrémistes albanais soient à quelques dizaines de kilomètres de Skopje, apparemment, est-ce que l'on a des troupes de la KFOR pour défendre Skopje ?
R - Le problème ne se pose pas en ces termes. Nous ne sommes pas l'OTAN . Ici ce n'est pas l'OTAN. On n'est pas l'OTAN qui est en train de réagir par rapport à un pays où il y a un accord de défense concernant telle ou telle partie du territoire, il ne faut pas tout mélanger. Nous sommes l'Union européenne qui est engagée dans une action politique forte pour arriver à la seule solution possible pour la Macédoine qui est une combinaison d'actions militaires par rapport à l'extrémisme , mais aussi une action politique pour un partage du pouvoir et une organisation constitutionnelle qui soit plus satisfaisante pour toutes les communautés. Voilà notre rôle, notre action.
Q - Mais le fait que les extrémistes précisément se rapprochent à une vitesse importante de la capitale, ne vous incite-t-il pas à penser que la démarche diplomatique n'est pas couronnée de succès ?
R - Non, on n'est pas à cette conclusion et même si l'on est très conscient de la gravité de la situation, gravité, précarité, fragilité de la Macédoine en tant que telle, puisqu'on le sait depuis le début, on ne se serait pas tellement préoccupés de la Macédoine depuis des semaines s'il n'y avait pas cette situation au fond. On est très conscient de cela, mais notez bien que le passage d'une politique tout à fait différente est quelque chose qui est très lourd de conséquences et que l'on ne peut pas en décider comme cela au détour d'une discussion. C'est très lourd.
C'est pour cela que l'on a décidé que c'était un sujet important de Göteborg et que d'autre part Javier Solana consacre à cette question, tout le temps qu'il ne consacre pas au Proche-Orient.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 juin 2001)
Entretien de M. Hubert Védrine, avec "France-Inter", le 11 juin 2001
Q - Les Quinze ont maintenant cerné les raisons du désastre du référendum irlandais ?
R - Non pas encore, les dirigeants irlandais eux-mêmes ont besoin d'un peu de temps pour analyser complètement les raisons de ce vote. Je l'ai dit : il faut rappeler qu'il y a eu énormément d'abstentions.
Dans le vote d'inquiétudes qui s'est exprimé : les experts disent qu'il y a l'inquiétude de voir l'Irlande éventuellement prise dans l'engrenage d'une défense européenne que les Irlandais ne souhaitent pas par esprit neutraliste qui est toujours très vivace, qu'il y a des craintes sur une harmonisation excessive sur le plan économique et notamment fiscal, et qu'il y a des craintes sur certains aspects de la Charte européenne dans l'hypothèse où elle aurait de force obligatoire et elle pourrait perturber certains aspects de la vie irlandaise.
Les dirigeants irlandais ont l'air de penser que peut-être dans des conditions autres, dans un certain temps avec une explication plus convaincante, plus engagée et plus active, le résultat pourrait être différent.
Q - Vous ne dramatisez donc pas la situation ?
R - C'est un revers sérieux naturellement mais :
cela ne doit pas interrompre la ratification du traité de Nice et d'ailleurs aucun pays ne songe à l'interrompre ;
cela ne justifie pas la réouverture de la négociation sur le traité proprement dit.
Quant à savoir ce qu'il serait important dans l'hypothèse où les dirigeants irlandais reconsulteraient les Irlandais, nous attendons de savoir l'analyse qu'ils font eux-mêmes de ce qui a pu provoquer cette réaction négative dans le corps électoral et en tous cas de la part de ceux qui ont voté. Ils sont encore une fois peu nombreux.
Nous verrons en temps utile, je rappelle que nous avons jusqu'à fin 2002 selon notre calendrier pour achever les ratifications du traité de Nice. Il y a encore une certaine marge.
Q - C'est un problème irlandais ou européen.
R - Les deux. Les dirigeants irlandais ont participé activement à la négociation de Nice, ils considèrent comme les autres gouvernements européens que c'est un bon compromis, que c'est le meilleur résultat possible, ils souhaiteraient beaucoup qu'il soit mis en application. Je répète que c'est un traité dont nous avons besoin, même s'il ne règle pas tous les problèmes de l'Europe à long terme - ce n'était d'ailleurs pas son ambition - mais nous en avons besoin parce qu'il comporte beaucoup d'améliorations sur le fonctionnement de tous les institutions et notamment la disposition des coopérations renforcées qui est un système souple, très important, très utile.
Les Irlandais ont cette conviction, les autres Européens ont cette conviction ; tous les autres partenaires européens sont tout à fait prêts à aider les responsables irlandais pour réaborder dans de meilleures conditions cette affaire. Il faut laisser les responsables irlandais nous dire ce que nous pouvons faire d'utile pour eux.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 juin 2001)
Vous connaissez les sujets dont on a parlé. Nous avons eu un échange de vues et d'analyses sur le référendum irlandais qui confirme en terme de réactions européennes ce qui avait été déjà dit tout de suite par le porte parole du Quai d'Orsay, puis par moi, puis par le Président sur ce sujet.
On a parlé de la Macédoine, des Balkans plus largement. Nous sommes arrivés à un compromis satisfaisant sur la question posée par l'Espagne à propos de l'élargissement. La Présidence a fait un bon travail et nous avons essayé d'y contribuer positivement ce matin. Donc, cela permet de ne pas poser ce problème à Göteborg. La question des dates n'est pas revenue dans la discussion.
Nous avons eu un échange sur Göteborg proprement dit, et sur la partie américaine qui précède le Conseil de Göteborg lui-même.
Nous nous sommes mis d'accord sur les ordres du jour du dîner des Quinze avec le Président Bush et du dîner des ministres avec Powell qui ont lieu en même temps le jeudi soir.
En ce qui concerne le développement durable, nous avons soutenu les orientations générales présentées par la Commission, mais c'est trop tôt pour donner un accord dès Göteborg aux objectifs chiffrés présentés.
Sur l'avenir de l'Europe, il y aura approbation du rapport de la Présidence sur les initiatives fixées des Quinze, mais c'est descriptif. Dans le cadre des débats nationaux, c'est plutôt positif l'ensemble. Sur une future possible convention, c'est à Laeken que la décision doit être prise, puisque les Belges l'ont rappelé avec insistance soutenus par plusieurs pays, c'est d'ailleurs ce qui a été convenu avant.
Sur le fonctionnement des institutions, Javier Solana a présenté un très bon rapport et nous avons salué l'effort fait par la Présidence pour améliorer le rôle et le fonctionnement du CAG ; notamment quelque chose qui devrait être fait depuis très très longtemps, qui est dans, le cadre des CAG, la synthèse des travaux menés dans les autres Conseils.
Nous avons largement évoqué le dossier du Proche-Orient avec une idée très simple : il faut absolument tout faire pour transformer cette situation de trêve précaire, très précaire, en une situation plus durable et en un véritable cessez-le-feu - bien que le terme soit un peu impropre- qui prélude à la mise en uvre des conclusions du rapport Mitchell. Cela reste notre fil conducteur et nous avons l'intention d'utiliser les contacts avec les Américains cette semaine pour les inciter à s'engager plus dans cette direction.
Q - On a l'impression que c'est un peu carré votre réaction vis à vis des Irlandais ?
R - Le texte que nous avons adopté est très bien, on a quand même jusqu'à fin 2002 pour achever les ratifications. C'est cela l'engagement qui a été pris pour tenir les calendriers. On peut espérer que les autorités irlandaises trouvent le moyen de reprendre l'initiative, sans rouvrir le texte du traité.
Q - Qu'est-ce qui les inquiètent dans la Charte ?
R - Dans les premières analyses qui ont été faites il y a notamment l'abandon de la référence à l'héritage religieux, on me dit que cela a été utilisé dans une partie de l'opinion publique. On doit pouvoir trouver une solution, cela ne remet pas en cause le projet, le calendrier de la fin 2002, il n'y a pas besoin de rouvrir une négociation sur le traité.
Quant à l'élargissement, il faut poursuivre les négociations d'élargissement, mais il ne faut pas qu'à chaque fois qu'un événement qui nous émeut dire qu'il faut intensifier les négociations d'élargissement, cela donne l'impression que l'on ne faisait rien avant. A force de dire tous les quinze jours, on va les intensifier, c'est un très mauvais signal. Cela fait maintenant très longtemps, sous plusieurs présidences y compris la nôtre, que les négociations d'élargissement sont menées activement et le mieux possible. Donc, évitons la nervosité là-dessus.
Q - Donc à votre avis, il n'y aura rien d'autre que ce qu'il y avait à Nice en terme de calendrier, ce n'est pas la peine d'en remettre là-dessus ?
R - Non, il faut être sérieux. Ce sont des questions de fond, débattues mille fois sur lesquelles il y a des arbitrages, des calendriers. Il faut avoir fini les ratifications de Nice en 2002. Et rien n'indique que cela ne soit pas possible.
Quant aux négociations d'élargissement, il faut les poursuivre activement et traiter les problèmes au fur et à mesure qu'ils se présentent et Dieu merci nous sommes sortis de l'époque des faux-semblant, donc on les traite et vous voyez que l'on est arrivé ce matin à un compromis intelligent pour traiter la question qu'avait posée l'Espagne et que par conséquent cela ne doit pas venir perturber le Conseil de Göteborg. Les négociations d'élargissement se poursuivent toutes.
Q - Y aura-t-il à Göteborg des négociations avec le président des Etats-Unis ?
R - Non, ce n'est pas une rencontre de négociations. En plus, quand la Présidence suédoise donne un ordre du jour, elle fait son travail, c'est normal de donner des indications mais c'est un dîner de prise de contact entre le Président Bush et ses partenaires européens ; donc on va poursuivre les travaux et nous évoquerons les Balkans et le Proche-Orient notamment.
Q - On a dit ce matin que ce serait bien de prévoir la fin des négociations, fin 2002, est-ce qu'il faut que cela soit inscrit dans le marbre de Göteborg ?
R - Non. On n'a pas changé d'avis. Il faut arrêter de donner l'impression que l'on cherche à donner des assurances qui font douter de notre détermination. Ce sont des précautions ou du zèle qui se retournent contre nous. On est engagé dans une négociation. On les a ouvertes pour les mener à leur terme. On négocie activement, cela fait plusieurs présidences que l'on fait cela. Ce n'est pas la peine de créer tout un système artificiel.
Q- Qu'êtes vous prêts à donner aux Irlandais pour qu'ils revotent, et qu'ils votent oui cette fois-ci ?
R - Attendez que les dirigeants irlandais aient fait une analyse approfondie et qu'ils nous aient demandé le cas échéant. En tous cas, l'on ne veut pas rouvrir la négociation pour des raisons évidentes.
Peut-être qu'ils concluront eux mêmes qu'en laissant passer un petit peu de temps, en expliquant mieux sur la base d'un même texte qu'ils peuvent avoir des résultats différents. Mais je ne peux pas répondre à une question qu'ils ne m'ont pas encore posé.
Il n'y a pas de raisons de trancher à leurs places. Il faut rester optimistes.
L'état d'esprit que j'ai senti c'est qu'en effet c'est regrettable et c'est décevant. En même temps ce n'est pas insoluble, on n'avait pas dit que les ratifications devaient être toutes terminées pour juin 2001. On n'avait pas dit que les pays candidats pouvaient commencer à rentrer à partir de juillet 2001, c'est janvier 2003. On a le temps de retomber sur nos pieds.
Donc, ce n'est pas du tout de la légèreté, c'est du sang froid, du calme, c'est déjà arrivé, on a déjà surmonté des choses de ce type.
Q - Sur le Proche-Orient, vous souhaitez vous mettre d'accord avec les parties et avec les Américains sur une marche à suivre ? C'est en bonne voie ?
R - L'Europe veut employer tous ses moyens pour que les partenaires commencent à appliquer les conclusions du rapport Mitchell. Nous voulons donc à la fois multiplier les actions, les déclarations, les pressions pour que les deux partenaires se résignent à le faire vraiment, complètement sans réticence et sans échappatoire et que d'autre part que les américains se réengagent un peu plus que ce qu'ils ont fait au cours des dernières semaines. Ils sont déjà beaucoup plus engagés que ce qu'ils avaient annoncé au début ; on le voit à travers Collin Powell, on le voit à travers la mission Burns, mais ce n'est pas suffisant. Donc cette semaine, nous agissons sur ces trois points : soit directement les uns et les autres, soit par l'intermédiaire de Javier Solana, soit dans les contacts avec Bush, soit dans les contacts avec Powell, voilà notre programme de la semaine, parce que la situation est très fragile, on peut être à la merci de n'importe quelle provocation.
Q - En ce qui concerne la situation en Macédoine : est-ce que ce n'est pas aux Quinze à prendre quelques initiatives supplémentaires ?
R - Nous sommes extrêmement engagés en Macédoine. Tout le monde a montré sa préoccupation par rapport à la détérioration de la situation, tous les participants condamnent les actions des terroristes, les extrémistes albanais avec un souci croissant pour le sort des populations civiles. Nous appuyons la stratégie de désarmement proposée par M. Strovsoski, et nous continuons à appuyer le dialogue politique parce qu'il n'y a pas d'autres solutions, il n'y a pas de solutions purement militaires.
Q - Le fait que les extrémistes albanais soient à quelques dizaines de kilomètres de Skopje, apparemment, est-ce que l'on a des troupes de la KFOR pour défendre Skopje ?
R - Le problème ne se pose pas en ces termes. Nous ne sommes pas l'OTAN . Ici ce n'est pas l'OTAN. On n'est pas l'OTAN qui est en train de réagir par rapport à un pays où il y a un accord de défense concernant telle ou telle partie du territoire, il ne faut pas tout mélanger. Nous sommes l'Union européenne qui est engagée dans une action politique forte pour arriver à la seule solution possible pour la Macédoine qui est une combinaison d'actions militaires par rapport à l'extrémisme , mais aussi une action politique pour un partage du pouvoir et une organisation constitutionnelle qui soit plus satisfaisante pour toutes les communautés. Voilà notre rôle, notre action.
Q - Mais le fait que les extrémistes précisément se rapprochent à une vitesse importante de la capitale, ne vous incite-t-il pas à penser que la démarche diplomatique n'est pas couronnée de succès ?
R - Non, on n'est pas à cette conclusion et même si l'on est très conscient de la gravité de la situation, gravité, précarité, fragilité de la Macédoine en tant que telle, puisqu'on le sait depuis le début, on ne se serait pas tellement préoccupés de la Macédoine depuis des semaines s'il n'y avait pas cette situation au fond. On est très conscient de cela, mais notez bien que le passage d'une politique tout à fait différente est quelque chose qui est très lourd de conséquences et que l'on ne peut pas en décider comme cela au détour d'une discussion. C'est très lourd.
C'est pour cela que l'on a décidé que c'était un sujet important de Göteborg et que d'autre part Javier Solana consacre à cette question, tout le temps qu'il ne consacre pas au Proche-Orient.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 juin 2001)
Entretien de M. Hubert Védrine, avec "France-Inter", le 11 juin 2001
Q - Les Quinze ont maintenant cerné les raisons du désastre du référendum irlandais ?
R - Non pas encore, les dirigeants irlandais eux-mêmes ont besoin d'un peu de temps pour analyser complètement les raisons de ce vote. Je l'ai dit : il faut rappeler qu'il y a eu énormément d'abstentions.
Dans le vote d'inquiétudes qui s'est exprimé : les experts disent qu'il y a l'inquiétude de voir l'Irlande éventuellement prise dans l'engrenage d'une défense européenne que les Irlandais ne souhaitent pas par esprit neutraliste qui est toujours très vivace, qu'il y a des craintes sur une harmonisation excessive sur le plan économique et notamment fiscal, et qu'il y a des craintes sur certains aspects de la Charte européenne dans l'hypothèse où elle aurait de force obligatoire et elle pourrait perturber certains aspects de la vie irlandaise.
Les dirigeants irlandais ont l'air de penser que peut-être dans des conditions autres, dans un certain temps avec une explication plus convaincante, plus engagée et plus active, le résultat pourrait être différent.
Q - Vous ne dramatisez donc pas la situation ?
R - C'est un revers sérieux naturellement mais :
cela ne doit pas interrompre la ratification du traité de Nice et d'ailleurs aucun pays ne songe à l'interrompre ;
cela ne justifie pas la réouverture de la négociation sur le traité proprement dit.
Quant à savoir ce qu'il serait important dans l'hypothèse où les dirigeants irlandais reconsulteraient les Irlandais, nous attendons de savoir l'analyse qu'ils font eux-mêmes de ce qui a pu provoquer cette réaction négative dans le corps électoral et en tous cas de la part de ceux qui ont voté. Ils sont encore une fois peu nombreux.
Nous verrons en temps utile, je rappelle que nous avons jusqu'à fin 2002 selon notre calendrier pour achever les ratifications du traité de Nice. Il y a encore une certaine marge.
Q - C'est un problème irlandais ou européen.
R - Les deux. Les dirigeants irlandais ont participé activement à la négociation de Nice, ils considèrent comme les autres gouvernements européens que c'est un bon compromis, que c'est le meilleur résultat possible, ils souhaiteraient beaucoup qu'il soit mis en application. Je répète que c'est un traité dont nous avons besoin, même s'il ne règle pas tous les problèmes de l'Europe à long terme - ce n'était d'ailleurs pas son ambition - mais nous en avons besoin parce qu'il comporte beaucoup d'améliorations sur le fonctionnement de tous les institutions et notamment la disposition des coopérations renforcées qui est un système souple, très important, très utile.
Les Irlandais ont cette conviction, les autres Européens ont cette conviction ; tous les autres partenaires européens sont tout à fait prêts à aider les responsables irlandais pour réaborder dans de meilleures conditions cette affaire. Il faut laisser les responsables irlandais nous dire ce que nous pouvons faire d'utile pour eux.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 juin 2001)