Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur les réponses apportées par l'Union européenne à la crise économique et financière, la politique en faveur de la compétitivité des entreprises et le renforcement par la France et la République de Singapour des liens entre l'ASEAN et l'UE, à Singapour le 18 octobre 2012.

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Circonstance : Voyage officiel en Asie du Sud-Est du 18 au 21 octobre 2012 : allocution à la Lee Kwan Yew School of Public Policy de Singapour le 18

Texte intégral

Monsieur le Doyen, mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les ambassadeurs, et les parlementaires français qui m’accompagnent, je suis heureux en effet, de m’exprimer aujourd’hui, dans ce cadre où s’échangent les idées, où se forgent aussi les convictions, où se confrontent les points de vue. Ça c’est le privilège de l’université. Et je connais le rayonnement de votre école qui porte d’ailleurs le nom prestigieux du fondateur de votre Etat : Lee Kwan Yew School. Et ce n’est pas un hasard non plus, parce que je crois que cette haute personnalité caractérise la capacité d’avoir une vision de l’avenir de son pays, mais aussi d’avoir la détermination pour conduire le changement et pour atteindre l’objectif qui est de faire d’un pays, de son pays, un grand pays. Et c’est ce qui s’est passé à Singapour et ce que vous avez fait ensemble ; et donc je voudrais saluer votre histoire. Ce n’est pas la taille d’un pays qui fait la grandeur, c’est sa capacité à surmonter les épreuves, la capacité à porter un projet, la capacité à rayonner et la capacité à compter dans l’histoire. Et c’est ce que vous faites à Singapour.
Donc je vous remercie de m’accueillir aujourd’hui dans votre école, votre grande école universitaire et de me donner l’occasion de vous faire part de mon analyse de la situation du monde tel que je le vois aujourd’hui.
Si j’ai tenu à consacrer cette première visite hors de France, je dirais hors d’Europe, plutôt, en tant que nouveau Premier ministre français, à l’Asie, c’est que j’ai souhaité commencer par Singapour dont justement je suis conscient du rôle, que joue votre pays dans l’intégration en Asie du sud-est, conscient aussi de son action en faveur de la stabilité régionale que vous venez d’évoquer, mais aussi de sa place dans le concert des nations. Dans quelques heures, j’aurai l’honneur de signer avec votre Premier ministre une déclaration qui élèvera notre relation au niveau d’un partenariat stratégique. J’ai la conviction que le partenariat dans lequel nos deux pays ont décidé de s’engager est la réponse la plus adaptée aux mutations dont nous devons maîtriser les nouveaux enjeux. Parce que le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui est marqué par son instabilité liée à la disparition d’un ordre ancien sans qu’aucun autre n’ait vraiment émergé à ce stade de notre histoire.
Comme l’a souligné en août dernier notre président de la République, monsieur François Hollande devant la conférence annuelle des Ambassadeurs de France, de nouvelles puissances s’affirment, mais sont réticentes à exercer pleinement les responsabilités associées au statut qu’elles revendiquent.
Les anciens blocs ont disparu. Mais de nouveaux ensembles se cherchent, des menaces existent, parfois même elles s’accumulent en se jouant des frontières, que la mondialisation contribue à effacer. Je pense bien sûr au terrorisme, je pense à tous les trafics, y compris les trafics humains ; je pense aux grandes pandémies, mais aussi au détournement des nouvelles technologies de l’information. L’instabilité devient économique et financière, et la crise qui fragilise les plus pauvres touche progressivement tous les pays, y compris ceux qui pourraient se sentir invulnérables. S’y ajoute l’incertitude qui pèse sur l’environnement, car la mobilisation de la communauté internationale contre le changement climatique est en panne, et en dépit de son importance cruciale, pour les générations futures.
Alors vous pourriez objecter mesdames et messieurs, professeurs et étudiants, que ce sombre tableau correspond à la vision du monde d’un vieux pays, quelque peu désorienté par la redistribution des cartes à l’échelle de la planète. Je pense au contraire que sans une analyse lucide de la situation dans laquelle nous sommes à ce stade de notre histoire, nous serons tous collectivement dans l’incapacité de lui apporter les bons remèdes, les bonnes réponses. La lucidité pour moi, en tout cas, n’est pas un frein, mais une incitation à l’action. Et jamais la nécessité d’agir n’a été aussi grande. Tous les défis que j’ai évoqués, appellent à un surcroît de coordination internationale, pour mettre en œuvre des solutions auxquelles chacun devra apporter sa contribution. C’est dans cet esprit qu’il a été décidé, en 2008, de faire du G20 la principale instance de la gouvernance économique mondiale. Avec l’érosion du sentiment d’urgence, force est cependant de constater que l’élan n’est plus aussi déterminé qu’au premier jour. Lorsque la crise a éclaté tout le monde était prêt à agir, et là, maintenant, la routine revient, c’est le risque ! Alors que le besoin de réponses collectives et de régulation n’a pas faibli, au contraire !
Au mépris des fondamentaux, une idée fausse s’est largement répandue. La crise économique et financière serait devenue avant tout, le problème de l’Europe ! Pourtant, nous savons très bien, que les grands déséquilibres de l’économie mondiale demeurent. Et qu’ils sont une source d’inquiétude à long terme, à long terme pour toutes les économies. L’endettement des Etats n’est pas un phénomène exclusivement européen. Les excédents des uns ne peuvent durablement se nourrir des déficits des autres. Les monnaies sous-évaluées ne peuvent indéfiniment offrir une marge artificielle de compétitivité. Il revient donc à tous les Etats, d’être à la hauteur de leurs responsabilités et de faire leur part de chemin. Les engagements ambitieux qui ont été pris à Cannes et à Los Cabos, ils doivent être tenus. Souvent on prend beaucoup de résolutions, et au sommet suivant on a l’impression, qu’on a parlé pour ne rien dire.
Alors il ne faut pas être découragé. Il faut persévérer. Mais malheureusement, c’est souvent, ce constat que nous faisons et que font en tout cas, les opinions publiques, que font les peuples et qui ont le sentiment au bout du compte, de l’impuissance de la politique. C’est un défi, pour les responsables politiques. C’est une exigence, je dirais, de la confiance, et c’est dans cet esprit que notre président de la République, François HOLLANDE, élu le 6 mai dernier, a porté au G8 et au G20, un agenda pour la croissance et pour l’emploi à l’échelle mondiale. Et pour sa part, l’Europe, j’en suis sûr, malgré les difficultés, malgré les hésitations, malgré les retards, sera au rendez-vous.
Vous l’avez évoqué monsieur le Doyen, l’Europe n’a pas le choix, elle a une responsabilité je dirais, politique, mais aussi morale. Vous avez évoqué le prix Nobel de la Paix que vient de recevoir l’Union européenne, certains ironisent en disant, ironisent, ceux qui ironisent c’est d’abord chez nous, c'est ça qui est paradoxal et d’abord en France. On a ce sentiment parfois de battre notre coulpe, de toujours trouver un défaut avant de voir qu’on a beaucoup de talent et beaucoup d’énergie, c'est ce que j’ai dit à la Communauté française tout à l’heure que j’ai eu l’honneur de rencontrer sous votre initiative monsieur l’ambassadeur de France, et tous ceux que j’ai vus m’ont dit : "arrêtez d’être pessimiste, nous nous sommes des conquérants, non pas des combattants, des conquérants. Nous sommes ici dans un pays qui nous accueille, avec lequel nous pouvons travailler et surtout ce que nous constatons c'est le prestige de la France, c’est le prestige de l’Europe, mais on attend en même temps des décisions".
Donc la distance, en tout cas pour moi, que j’ai prise de quelques milliers de kilomètres, me conforte dans l’idée que nous n’avons pas le choix. Et puisque ceux qui ironisent mais qui ironisent eux-mêmes à propos de ce prix Nobel accordé à l’Union européenne, devraient au contraire considérer que cette très haute distinction est à la fois la reconnaissance de ce que aucun continent n’a été capable de faire après deux guerres mondiales, deux tragédies qui ont d’abord touché l’Europe toute entière et qui ont failli la détruire. Et que ces pays-là qui s’étaient fait la guerre qui ont été capables ensemble de construire une organisation économique et politique au point que souvent, y compris en Asie, on regarde cette expérience non pas pour la copier telle qu’elle est mais pour s’en inspirer comme une œuvre utile pour créer de nouvelles organisations dans d’autres régions du monde et qui sont aujourd'hui nécessaires.
Donc l’Europe devrait s’inspirer de ses propres capacités, de ses propres forces, à avoir surmonté ces épreuves terribles et ces tragédies de deux guerres mondiales et la deuxième qui a marqué profondément les peuples. Et aujourd’hui justement ce prix Nobel devrait être l’incitation à regarder l’avenir, la suite des responsabilités qui sont les nôtres. Puisque nous avons été capables de faire cela depuis 60 ans, je suis sûr que ça devrait nous donner au contraire de l’énergie pour continuer à être à la hauteur des circonstances historiques qui sont devant nous. Donc je le dis, je crois que les dirigeants européens prendront les bonnes décisions, ils ont commencé à les prendre d’ailleurs.
La France et ses partenaires sont déterminés en effet à préserver la zone euro et à renouer avec la croissance, je suis donc venu vous dire un message de confiance dans l’avenir. Au cours de ces derniers mois les pays de l’Union économique et monétaire de l’Union européenne ont entrepris de remédier aux insuffisances révélées par la crise, en recherchant un équilibre entre plusieurs principes. Un principe de responsabilités tout d’abord selon lequel il appartient aux Etats membres, dont l’euro est la propriété commune, de respecter leurs engagements de réduction de déficits publics, de leur dette dans le cadre d’un renforcement de discipline qu’ils ont décidé en commun. Un principe de solidarité ensuite qui s’est traduit par la mise en place et qui est maintenant effective du mécanisme de gestion de crise efficace qui peut être mobilisé pour venir en aide aux pays qui ont besoin de cette aide pour éviter toute forme de contagion, c'est le mécanisme européen de stabilité qui vient d’entrer en vigueur le 8 octobre dernier.
Et puis il y a une troisième exigence, c’est la coordination et la convergence de nos politiques économiques et le renforcement de la gouvernance de la zone euro. Certes, certains pourront constater que ces avancées sont insuffisantes, mais le sérieux budgétaire est nécessaire face à l’emballement de la dette publique. Mais la réduction des déficits sans le soutien de la croissance conduit inévitablement à la récession. C’est pourquoi, conformément aux engagements qu’il avait pris devant les Français, le président de la République François Hollande a demandé et obtenu une réorientation de la construction européenne en faveur de la croissance. Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne ont adopté en juin dernier un plan de 120 milliards d’euros, c'est-à-dire l’équivalent d’une année de budget de l’Union européenne en faveur de dépenses d’investissement en Europe. L’Union bancaire est également en marche, il y a toujours des difficultés pour la concrétiser, c’est normal, mais elle est en marche avec une supervision qui sera assurée par la Banque centrale européenne. Et puis la Banque centrale européenne elle-même a pu prendre appui sur cette volonté politique nouvelle pour décider, tout en respectant son indépendance, d’acheter sans limite quantitative des obligations gouvernementales sur les marchés secondaires.
Donc les choses ont bougé et je vous le dis ici à Singapour et ce message s’adresse aussi à toute l’Asie, il est attendu en effet. Notre volonté est d’apporter des solutions durables aux dysfonctionnements de la zone euro et de tourner définitivement la page de la défiance des marchés.
Cela suppose tout d‘abord d’écarter définitivement l’hypothèse d’une sortie de la Grèce de l’euro, ou d’autres pays. Il y a eu une hésitation pendant plusieurs mois, on se demandait ce que voulaient les uns, ce que voulaient les autres ; Eh bien je vois dans la visite de madame Merkel, courageuse à Athènes, le signe que ceux qui pensaient que l’Allemagne aurait pu hésiter, n’hésite plus. C’est l’intérêt commun, mais ce n’est pas seulement l’intérêt commun des Européens, c’est aussi la stabilité à l’échelle mondiale de nos économies. Il y a une sorte d’interpénétration de solidarité et c’est notre responsabilité d’en être conscients. En tout cas je vous le dis. Cela suppose donc de poursuivre l’approfondissement de l’Union économique et monétaire de l’Europe, ce que le président français a appelé l’intégration solidaire. Pour accompagner cette nouvelle avancée des instruments budgétaires et financiers communs seront donc mis en place avec la perspective d’une mutualisation de notre dette. Parce que les nations subsistent, nous sommes dans la même zone monétaire mais il y a toujours les nations, donc il faut franchir une étape de plus. Ca ne veut pas dire que les nations disparaitront mais il y nécessité de coordonner et d’intégrer davantage, c’est la conséquence logique de la création de cette monnaie commune.
Vous pouvez donc constater à travers mes propos que l’Europe s’est remise en mouvement et la France y a pris une grande part, de même qu’elle a engagé pour son propre compte à l’échelle nationale un effort de redressement de son économie. Parce que la France ne pourra pas continuer à exercer son influence dans le monde, et d’abord en Europe, si elle ne donne pas elle-même l’exemple en réduisant ses propres déficits concernant ses propres engagements. Mon gouvernement a donc engagé les réformes structurelles nécessaires, non pas en les imposant d’en haut mais en mobilisant tous les acteurs de la société, en expliquant l’enjeu, le défi, et il y a encore beaucoup, d’efforts à faire pour faire partage cette exigence, mais c’est l’intérêt de la Nation française de se mobiliser pour que tout ce chantier puisse être engagé dans la durée, avec un objectif qui n’est pas de détruire ce qui nous réunit, ce qu’on appelle le modèle social français, qui a ses qualités, ses atouts, qui doit être amélioré, réformé mais auquel les Français sont attachés, donc le grand défi c’est comment franchir ce cap historique, d’inscrire ce modèle dans le XXIème siècle. Le modèle social français du XXIème siècle, pas du passé, mais du XXIème siècle, tout en conservant les valeurs qui fédèrent les Français, qui leur donnent de la fierté, qui leur donnent de l’énergie, qui leur donnent la volonté aussi d’avancer ensemble. Alors ça veut dire des choix concernant l’amélioration de la compétitivité de nos entreprises, en particulier.
Dans quelques jours un grand industriel français qui dirigeait il y a encore quelques semaines le groupe européen EADS, représenté ici d’ailleurs à Singapour, Louis Gallois, va me remettre un rapport sur la compétitivité de nos entreprises, dont les recommandations serviront de base aux décisions de mon gouvernement et qui ensuite permettront de poursuivre les réformes de structure.
Vous à Singapour, vous connaissez toute l’importance d’une politique économique orientée vers la compétitivité des entreprises, vous avez pu mesurer les conséquences positives d’une stratégie efficace en la matière, eh bien mon gouvernement est engagé résolument dans cette voie, c’est dans cet esprit que j’ai fixé l’objectif de parvenir à l’équilibre commercial de nos commerce extérieur à la fin du mandat qui a été donné par les Français, c'est-à-dire à la fin des cinq ans du mandat du président de la République et de l’Assemblée nationale, hors énergie, parce que nous sommes capables – j’en suis sur – de relever ce défi. Il n’est pas possible de continuer avec un tel déséquilibre en matière de commerce extérieur. En tout cas je vous le dis tout de suite que ce n’est pas le cas avec Singapour puisque nos échanges sont positifs pour la France. Voilà donc une bonne référence. Ce qui est possible avec Singapour, c'est-à-dire ces échanges gagnant-gagnant, ma conviction que c’est possible aussi avec le reste du monde. Donc si je suis venu là c’est non seulement pour vous parler, mais aussi pour parler aux Français qui doutent de leur propre capacité.
Monsieur le Doyen, je sais que vous faites partie de ceux qui estiment que le XXIème siècle sera celui de l’Asie. Vous avez même écrit un livre et d’ailleurs les signes en sont déjà perceptibles. Fort de sa démographie, de sa stratégie économique combinant désendettement et croissance, votre continent occupe désormais une place éminente dans le concert des nations, notamment au cœur des instances de la gouvernance mondiale. La France, qui a longtemps réclamé l’émergence d’un monde multipolaire ne peut que s’en féliciter, en tout cas la France n’en a pas peur. Et il a elle-même contribué en associant Singapour aux travaux du G20, pendant sa présidence. Et elle sait qu’elle ne pourra peser sur l’avenir de notre planète qu’en renforçant ces liens avec l’Asie.
La France appartient, je le rappelle, à l’espace Asie-Pacifique, la Nouvelle Calédonie, la Polynésie, Wallis et Futuna sont des collectivités françaises du Pacifique et qui noue des liens de plus en plus denses avec leur environnement régional. Une proportion croissante des Français de l’étranger, aujourd???hui plus de 7 %, la population française y réside ; son réseau diplomatique et consulaire couvre tous les pays asiatiques, sans exception. Et la France participe de longue date aux organisations politiques de coopération régionale. Elle se mobilise pour répondre aux défis que nous devons affronter ensemble, et je pense notamment au fléau de la piraterie maritime.
Ce n’est donc pas par hasard que la France a œuvré sans relâche en faveur du renforcement des liens entre l’Asie et l’Europe. La création de l’ASEM, dont nous venons de célébrer le 15e anniversaire, résulte d’une initiative commune à nos deux pays.
Ce forum de dialogue a fortement contribué à une meilleure compréhension mutuelle, et à l’intensification des échanges, notamment humains et culturels. D’ailleurs le président de la République française participera à son prochain sommet dans quelques jours à Vientiane. C’est aussi grâce à l’engagement de Singapour et de la France que l’ASEF, la fondation Asie-Europe, a pu développer ses activités ici même. En Asie, l’ASEAN est un partenaire de premier plan. Votre région a su tirer toutes les leçons de la crise asiatique de la fin des années 1990 et maintenir une dynamique de croissance soutenue. Elle a fait le choix d’une ouverture au monde dont les effets peuvent être mesurés concrètement puisqu’elle représente par exemple la deuxième destination des exportations françaises vers l’Asie, immédiatement derrière la Chine. Enfin, elle s’est engagée dans la constitution d’une communauté de destins, après 2015. C’est donc un véritable pôle de prospérité et de stabilité qui émergera à l’échelle de la planète, même s’il faut se garder de tout rapprochement hâtif. Vous comprendrez tout l’intérêt que la France, Etat fondateur de l’Union européenne, peut éprouver pour votre projet.
Singapour est au cœur de l’ASEAN. Nous y avons établi des relations empreintes d’une très grande confiance, reposant sur un dialogue politique riche et productif et incluant tous les domaines de la défense à la culture, en passant par la recherche et les échanges universitaires. En matière économique, 50 % de nos exportations vers l’ASEAN sont destinées à Singapour. De même que la moitié de nos investissements. Et si l’on raisonne en euros par habitant la France exporte 100 fois plus vers Singapour que vers la Chine. L’attrait de votre pays, comme plateforme régionale disposant d’infrastructures hors pair, et d’un environnement des affaires transparent et loyal, a convaincu les entreprises françaises, dont plus de 600 ont choisi de s’y installer. Enfin, sur beaucoup de grandes questions, Singapour et la France partagent la même analyse et la même volonté d’un changement dans la manière dont les affaires du monde sont gérées.
Sur fond de compétition exacerbée, l’ASEAN et l’Union européenne, Singapour et la France, comprennent en fait qu’il est de plus en plus difficile de séparer leur destin. Nos deux pays ont conscience que l’action collective est incontournable alors que la communauté internationale ne parvient pas à mettre au désastre de la crise syrienne du fait de ses divisions, je mesure parfaitement le chemin qui reste à faire mais il me semble qu’il peut s’agir d’une ambition à la mesure du partenariat que l’Union européenne et L’ASEAN ont développé au fil du temps et en tout état de cause de l’amitié entre la France et Singapour. Pour y parvenir je souhaiterais conclure mon propos en appelant votre attention sur quelques principes d’actions inhérent aux jeux collectifs.
Tout d’abord il faut accepter que ce qui est important pour soi-même puisse l’être également pour d’autres, dans un monde guidé par les intérêts, il est normal que deux partenaires veillent avec une égale vigueur au respect de ce qui leur semble essentiel. A chacun de contribuer à identifier les bons compromis et ensuite il est impératif de mettre en œuvre soi-même les disciplines que l’on entend voir respecter par les autres, par ses partenaires et c'est de cette manière que s’est construite l’Union européenne, dans la recherche d’un équilibre entre les droits et les responsabilités et c’est la seule façon d’éviter les effets dévastateurs de l’unilatéralisme.
Enfin, il faut être capable de surmonter les clivages traditionnels, tel que ceux hérités de la guerre froide où la division entre le Nord et le Sud, parce que ces clivages peuvent devenir des facteurs d’immobilisme et entrer en contradiction avec l’objectif même d’un multilatéralisme efficace et qui serait par ailleurs proclamé. Leur dépassement est possible et c’est ainsi que nous pourrons répondre au défi auquel nous sommes tous confrontés, le respect de ces quelques principes me parait essentiel pour bâtir un monde plus harmonieux, capable de répondre à l’aspiration légitime de tous les peuples, à la liberté, aux droits de l’homme, à la stabilité, à la prospérité. L’Union européenne ne dit pas autre chose, c'est inscrit dans sa chartre, c'est inscrit dans les engagements fondamentaux de chaque Nation qui a adhéré à l’Union européenne et l’Union européenne souhaite aussi que la réciprocité inspire ses relations avec les pays tiers.
Comment en effet résister aux tentations protectionnistes qui seraient un facteur supplémentaire d’aggravation de la crise tout en récusant la volonté de renforcer la loyauté de nos échanges. Dans ce contexte l’Union européenne et Singapour et la France bien sûr, peuvent là encore montrer le chemin, je me réjouis à cet égard de la perspective de conduire prochainement à son terme la négociation d’un accord bilatéral de libre-échange entre Singapour et l’Union européenne.
Monsieur le doyen, mesdames et messieurs, les liens que nos économies ont noués, la mondialisation rendent vain tout raisonnement limité à une zone géographique restreinte. A long terme, le succès des uns ne pourra que pâtir de l’échec des autres. Il nous appartient en conséquence d’œuvrer sans relâche à la convergence de nos intérêts et à l’émergence en quelque sorte d’un intérêt général mondial. Singapour et la France qui ont su construire au-delà de leur différence de leurs histoires politiques, un partenariat solide, ont vocation à jouer dans cette entreprise un rôle précurseur, c'est ma conviction. C’est ma conviction aussi d’homme politique que si on veut que les citoyens de chacune de nos Nations, les peuples aient confiance dans l’avenir, qu’ils pensent que le monde qui vient, ce n’est pas le monde du déclin, ce n’est pas le monde de la violence, ce n’est pas le monde de l’injustice, de l’exploitation. Si nous sommes nous, hommes et femmes politiques à la hauteur des responsabilités qui nous ont été confiées, alors je crois que les peuples, au lieu d’avoir peur et se replier sur eux-mêmes pourront s’engager pour cette nouvelle étape de l’histoire du monde, celle du multilatéralisme, celle du droit, celle du respect des autres, celle de la justice, celle du défi contre le réchauffement climatique, celle de la préparation d’un avenir pour la jeunesse, pour toutes les luttes contre toutes les formes d’exploitations, contre toutes les formes de pauvreté.
Voilà un beau défi, voilà un bel engagement pour ceux qui sont aujourd’hui aux responsabilités, mais pour tous ceux qui comme vous mesdames et messieurs, jeunes étudiants et étudiantes, après vos études aurez un rôle à jouer dans la société comme citoyen, comme responsable, comme responsable économique ou social, comme responsable politique. Donc je crois que la vie vaut la peine d’être vécue, mais le monde tel qu’il vient, faut la peine aussi d’être vécu. Si nous savons nous en donner les moyens ça peut être un avenir juste si nous le voulons, mais je crois que ceux qui sont là, le veulent. Merci.
Source http://www.gouvernement.fr, le 22 octobre 2012