Texte intégral
Monsieur le Doyen, mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les ambassadeurs, et les parlementaires français qui maccompagnent, je suis heureux en effet, de mexprimer aujourdhui, dans ce cadre où séchangent les idées, où se forgent aussi les convictions, où se confrontent les points de vue. Ça cest le privilège de luniversité. Et je connais le rayonnement de votre école qui porte dailleurs le nom prestigieux du fondateur de votre Etat : Lee Kwan Yew School. Et ce nest pas un hasard non plus, parce que je crois que cette haute personnalité caractérise la capacité davoir une vision de lavenir de son pays, mais aussi davoir la détermination pour conduire le changement et pour atteindre lobjectif qui est de faire dun pays, de son pays, un grand pays. Et cest ce qui sest passé à Singapour et ce que vous avez fait ensemble ; et donc je voudrais saluer votre histoire. Ce nest pas la taille dun pays qui fait la grandeur, cest sa capacité à surmonter les épreuves, la capacité à porter un projet, la capacité à rayonner et la capacité à compter dans lhistoire. Et cest ce que vous faites à Singapour.
Donc je vous remercie de maccueillir aujourdhui dans votre école, votre grande école universitaire et de me donner loccasion de vous faire part de mon analyse de la situation du monde tel que je le vois aujourdhui.
Si jai tenu à consacrer cette première visite hors de France, je dirais hors dEurope, plutôt, en tant que nouveau Premier ministre français, à lAsie, cest que jai souhaité commencer par Singapour dont justement je suis conscient du rôle, que joue votre pays dans lintégration en Asie du sud-est, conscient aussi de son action en faveur de la stabilité régionale que vous venez dévoquer, mais aussi de sa place dans le concert des nations. Dans quelques heures, jaurai lhonneur de signer avec votre Premier ministre une déclaration qui élèvera notre relation au niveau dun partenariat stratégique. Jai la conviction que le partenariat dans lequel nos deux pays ont décidé de sengager est la réponse la plus adaptée aux mutations dont nous devons maîtriser les nouveaux enjeux. Parce que le monde dans lequel nous vivons aujourdhui est marqué par son instabilité liée à la disparition dun ordre ancien sans quaucun autre nait vraiment émergé à ce stade de notre histoire.
Comme la souligné en août dernier notre président de la République, monsieur François Hollande devant la conférence annuelle des Ambassadeurs de France, de nouvelles puissances saffirment, mais sont réticentes à exercer pleinement les responsabilités associées au statut quelles revendiquent.
Les anciens blocs ont disparu. Mais de nouveaux ensembles se cherchent, des menaces existent, parfois même elles saccumulent en se jouant des frontières, que la mondialisation contribue à effacer. Je pense bien sûr au terrorisme, je pense à tous les trafics, y compris les trafics humains ; je pense aux grandes pandémies, mais aussi au détournement des nouvelles technologies de linformation. Linstabilité devient économique et financière, et la crise qui fragilise les plus pauvres touche progressivement tous les pays, y compris ceux qui pourraient se sentir invulnérables. Sy ajoute lincertitude qui pèse sur lenvironnement, car la mobilisation de la communauté internationale contre le changement climatique est en panne, et en dépit de son importance cruciale, pour les générations futures.
Alors vous pourriez objecter mesdames et messieurs, professeurs et étudiants, que ce sombre tableau correspond à la vision du monde dun vieux pays, quelque peu désorienté par la redistribution des cartes à léchelle de la planète. Je pense au contraire que sans une analyse lucide de la situation dans laquelle nous sommes à ce stade de notre histoire, nous serons tous collectivement dans lincapacité de lui apporter les bons remèdes, les bonnes réponses. La lucidité pour moi, en tout cas, nest pas un frein, mais une incitation à laction. Et jamais la nécessité dagir na été aussi grande. Tous les défis que jai évoqués, appellent à un surcroît de coordination internationale, pour mettre en uvre des solutions auxquelles chacun devra apporter sa contribution. Cest dans cet esprit quil a été décidé, en 2008, de faire du G20 la principale instance de la gouvernance économique mondiale. Avec lérosion du sentiment durgence, force est cependant de constater que lélan nest plus aussi déterminé quau premier jour. Lorsque la crise a éclaté tout le monde était prêt à agir, et là, maintenant, la routine revient, cest le risque ! Alors que le besoin de réponses collectives et de régulation na pas faibli, au contraire !
Au mépris des fondamentaux, une idée fausse sest largement répandue. La crise économique et financière serait devenue avant tout, le problème de lEurope ! Pourtant, nous savons très bien, que les grands déséquilibres de léconomie mondiale demeurent. Et quils sont une source dinquiétude à long terme, à long terme pour toutes les économies. Lendettement des Etats nest pas un phénomène exclusivement européen. Les excédents des uns ne peuvent durablement se nourrir des déficits des autres. Les monnaies sous-évaluées ne peuvent indéfiniment offrir une marge artificielle de compétitivité. Il revient donc à tous les Etats, dêtre à la hauteur de leurs responsabilités et de faire leur part de chemin. Les engagements ambitieux qui ont été pris à Cannes et à Los Cabos, ils doivent être tenus. Souvent on prend beaucoup de résolutions, et au sommet suivant on a limpression, quon a parlé pour ne rien dire.
Alors il ne faut pas être découragé. Il faut persévérer. Mais malheureusement, cest souvent, ce constat que nous faisons et que font en tout cas, les opinions publiques, que font les peuples et qui ont le sentiment au bout du compte, de limpuissance de la politique. Cest un défi, pour les responsables politiques. Cest une exigence, je dirais, de la confiance, et cest dans cet esprit que notre président de la République, François HOLLANDE, élu le 6 mai dernier, a porté au G8 et au G20, un agenda pour la croissance et pour lemploi à léchelle mondiale. Et pour sa part, lEurope, jen suis sûr, malgré les difficultés, malgré les hésitations, malgré les retards, sera au rendez-vous.
Vous lavez évoqué monsieur le Doyen, lEurope na pas le choix, elle a une responsabilité je dirais, politique, mais aussi morale. Vous avez évoqué le prix Nobel de la Paix que vient de recevoir lUnion européenne, certains ironisent en disant, ironisent, ceux qui ironisent cest dabord chez nous, c'est ça qui est paradoxal et dabord en France. On a ce sentiment parfois de battre notre coulpe, de toujours trouver un défaut avant de voir quon a beaucoup de talent et beaucoup dénergie, c'est ce que jai dit à la Communauté française tout à lheure que jai eu lhonneur de rencontrer sous votre initiative monsieur lambassadeur de France, et tous ceux que jai vus mont dit : "arrêtez dêtre pessimiste, nous nous sommes des conquérants, non pas des combattants, des conquérants. Nous sommes ici dans un pays qui nous accueille, avec lequel nous pouvons travailler et surtout ce que nous constatons c'est le prestige de la France, cest le prestige de lEurope, mais on attend en même temps des décisions".
Donc la distance, en tout cas pour moi, que jai prise de quelques milliers de kilomètres, me conforte dans lidée que nous navons pas le choix. Et puisque ceux qui ironisent mais qui ironisent eux-mêmes à propos de ce prix Nobel accordé à lUnion européenne, devraient au contraire considérer que cette très haute distinction est à la fois la reconnaissance de ce que aucun continent na été capable de faire après deux guerres mondiales, deux tragédies qui ont dabord touché lEurope toute entière et qui ont failli la détruire. Et que ces pays-là qui sétaient fait la guerre qui ont été capables ensemble de construire une organisation économique et politique au point que souvent, y compris en Asie, on regarde cette expérience non pas pour la copier telle quelle est mais pour sen inspirer comme une uvre utile pour créer de nouvelles organisations dans dautres régions du monde et qui sont aujourd'hui nécessaires.
Donc lEurope devrait sinspirer de ses propres capacités, de ses propres forces, à avoir surmonté ces épreuves terribles et ces tragédies de deux guerres mondiales et la deuxième qui a marqué profondément les peuples. Et aujourdhui justement ce prix Nobel devrait être lincitation à regarder lavenir, la suite des responsabilités qui sont les nôtres. Puisque nous avons été capables de faire cela depuis 60 ans, je suis sûr que ça devrait nous donner au contraire de lénergie pour continuer à être à la hauteur des circonstances historiques qui sont devant nous. Donc je le dis, je crois que les dirigeants européens prendront les bonnes décisions, ils ont commencé à les prendre dailleurs.
La France et ses partenaires sont déterminés en effet à préserver la zone euro et à renouer avec la croissance, je suis donc venu vous dire un message de confiance dans lavenir. Au cours de ces derniers mois les pays de lUnion économique et monétaire de lUnion européenne ont entrepris de remédier aux insuffisances révélées par la crise, en recherchant un équilibre entre plusieurs principes. Un principe de responsabilités tout dabord selon lequel il appartient aux Etats membres, dont leuro est la propriété commune, de respecter leurs engagements de réduction de déficits publics, de leur dette dans le cadre dun renforcement de discipline quils ont décidé en commun. Un principe de solidarité ensuite qui sest traduit par la mise en place et qui est maintenant effective du mécanisme de gestion de crise efficace qui peut être mobilisé pour venir en aide aux pays qui ont besoin de cette aide pour éviter toute forme de contagion, c'est le mécanisme européen de stabilité qui vient dentrer en vigueur le 8 octobre dernier.
Et puis il y a une troisième exigence, cest la coordination et la convergence de nos politiques économiques et le renforcement de la gouvernance de la zone euro. Certes, certains pourront constater que ces avancées sont insuffisantes, mais le sérieux budgétaire est nécessaire face à lemballement de la dette publique. Mais la réduction des déficits sans le soutien de la croissance conduit inévitablement à la récession. Cest pourquoi, conformément aux engagements quil avait pris devant les Français, le président de la République François Hollande a demandé et obtenu une réorientation de la construction européenne en faveur de la croissance. Les chefs dEtat et de gouvernement de lUnion européenne ont adopté en juin dernier un plan de 120 milliards deuros, c'est-à-dire léquivalent dune année de budget de lUnion européenne en faveur de dépenses dinvestissement en Europe. LUnion bancaire est également en marche, il y a toujours des difficultés pour la concrétiser, cest normal, mais elle est en marche avec une supervision qui sera assurée par la Banque centrale européenne. Et puis la Banque centrale européenne elle-même a pu prendre appui sur cette volonté politique nouvelle pour décider, tout en respectant son indépendance, dacheter sans limite quantitative des obligations gouvernementales sur les marchés secondaires.
Donc les choses ont bougé et je vous le dis ici à Singapour et ce message sadresse aussi à toute lAsie, il est attendu en effet. Notre volonté est dapporter des solutions durables aux dysfonctionnements de la zone euro et de tourner définitivement la page de la défiance des marchés.
Cela suppose tout dabord décarter définitivement lhypothèse dune sortie de la Grèce de leuro, ou dautres pays. Il y a eu une hésitation pendant plusieurs mois, on se demandait ce que voulaient les uns, ce que voulaient les autres ; Eh bien je vois dans la visite de madame Merkel, courageuse à Athènes, le signe que ceux qui pensaient que lAllemagne aurait pu hésiter, nhésite plus. Cest lintérêt commun, mais ce nest pas seulement lintérêt commun des Européens, cest aussi la stabilité à léchelle mondiale de nos économies. Il y a une sorte dinterpénétration de solidarité et cest notre responsabilité den être conscients. En tout cas je vous le dis. Cela suppose donc de poursuivre lapprofondissement de lUnion économique et monétaire de lEurope, ce que le président français a appelé lintégration solidaire. Pour accompagner cette nouvelle avancée des instruments budgétaires et financiers communs seront donc mis en place avec la perspective dune mutualisation de notre dette. Parce que les nations subsistent, nous sommes dans la même zone monétaire mais il y a toujours les nations, donc il faut franchir une étape de plus. Ca ne veut pas dire que les nations disparaitront mais il y nécessité de coordonner et dintégrer davantage, cest la conséquence logique de la création de cette monnaie commune.
Vous pouvez donc constater à travers mes propos que lEurope sest remise en mouvement et la France y a pris une grande part, de même quelle a engagé pour son propre compte à léchelle nationale un effort de redressement de son économie. Parce que la France ne pourra pas continuer à exercer son influence dans le monde, et dabord en Europe, si elle ne donne pas elle-même lexemple en réduisant ses propres déficits concernant ses propres engagements. Mon gouvernement a donc engagé les réformes structurelles nécessaires, non pas en les imposant den haut mais en mobilisant tous les acteurs de la société, en expliquant lenjeu, le défi, et il y a encore beaucoup, defforts à faire pour faire partage cette exigence, mais cest lintérêt de la Nation française de se mobiliser pour que tout ce chantier puisse être engagé dans la durée, avec un objectif qui nest pas de détruire ce qui nous réunit, ce quon appelle le modèle social français, qui a ses qualités, ses atouts, qui doit être amélioré, réformé mais auquel les Français sont attachés, donc le grand défi cest comment franchir ce cap historique, dinscrire ce modèle dans le XXIème siècle. Le modèle social français du XXIème siècle, pas du passé, mais du XXIème siècle, tout en conservant les valeurs qui fédèrent les Français, qui leur donnent de la fierté, qui leur donnent de lénergie, qui leur donnent la volonté aussi davancer ensemble. Alors ça veut dire des choix concernant lamélioration de la compétitivité de nos entreprises, en particulier.
Dans quelques jours un grand industriel français qui dirigeait il y a encore quelques semaines le groupe européen EADS, représenté ici dailleurs à Singapour, Louis Gallois, va me remettre un rapport sur la compétitivité de nos entreprises, dont les recommandations serviront de base aux décisions de mon gouvernement et qui ensuite permettront de poursuivre les réformes de structure.
Vous à Singapour, vous connaissez toute limportance dune politique économique orientée vers la compétitivité des entreprises, vous avez pu mesurer les conséquences positives dune stratégie efficace en la matière, eh bien mon gouvernement est engagé résolument dans cette voie, cest dans cet esprit que jai fixé lobjectif de parvenir à léquilibre commercial de nos commerce extérieur à la fin du mandat qui a été donné par les Français, c'est-à-dire à la fin des cinq ans du mandat du président de la République et de lAssemblée nationale, hors énergie, parce que nous sommes capables jen suis sur de relever ce défi. Il nest pas possible de continuer avec un tel déséquilibre en matière de commerce extérieur. En tout cas je vous le dis tout de suite que ce nest pas le cas avec Singapour puisque nos échanges sont positifs pour la France. Voilà donc une bonne référence. Ce qui est possible avec Singapour, c'est-à-dire ces échanges gagnant-gagnant, ma conviction que cest possible aussi avec le reste du monde. Donc si je suis venu là cest non seulement pour vous parler, mais aussi pour parler aux Français qui doutent de leur propre capacité.
Monsieur le Doyen, je sais que vous faites partie de ceux qui estiment que le XXIème siècle sera celui de lAsie. Vous avez même écrit un livre et dailleurs les signes en sont déjà perceptibles. Fort de sa démographie, de sa stratégie économique combinant désendettement et croissance, votre continent occupe désormais une place éminente dans le concert des nations, notamment au cur des instances de la gouvernance mondiale. La France, qui a longtemps réclamé lémergence dun monde multipolaire ne peut que sen féliciter, en tout cas la France nen a pas peur. Et il a elle-même contribué en associant Singapour aux travaux du G20, pendant sa présidence. Et elle sait quelle ne pourra peser sur lavenir de notre planète quen renforçant ces liens avec lAsie.
La France appartient, je le rappelle, à lespace Asie-Pacifique, la Nouvelle Calédonie, la Polynésie, Wallis et Futuna sont des collectivités françaises du Pacifique et qui noue des liens de plus en plus denses avec leur environnement régional. Une proportion croissante des Français de létranger, aujourd???hui plus de 7 %, la population française y réside ; son réseau diplomatique et consulaire couvre tous les pays asiatiques, sans exception. Et la France participe de longue date aux organisations politiques de coopération régionale. Elle se mobilise pour répondre aux défis que nous devons affronter ensemble, et je pense notamment au fléau de la piraterie maritime.
Ce nest donc pas par hasard que la France a uvré sans relâche en faveur du renforcement des liens entre lAsie et lEurope. La création de lASEM, dont nous venons de célébrer le 15e anniversaire, résulte dune initiative commune à nos deux pays.
Ce forum de dialogue a fortement contribué à une meilleure compréhension mutuelle, et à lintensification des échanges, notamment humains et culturels. Dailleurs le président de la République française participera à son prochain sommet dans quelques jours à Vientiane. Cest aussi grâce à lengagement de Singapour et de la France que lASEF, la fondation Asie-Europe, a pu développer ses activités ici même. En Asie, lASEAN est un partenaire de premier plan. Votre région a su tirer toutes les leçons de la crise asiatique de la fin des années 1990 et maintenir une dynamique de croissance soutenue. Elle a fait le choix dune ouverture au monde dont les effets peuvent être mesurés concrètement puisquelle représente par exemple la deuxième destination des exportations françaises vers lAsie, immédiatement derrière la Chine. Enfin, elle sest engagée dans la constitution dune communauté de destins, après 2015. Cest donc un véritable pôle de prospérité et de stabilité qui émergera à léchelle de la planète, même sil faut se garder de tout rapprochement hâtif. Vous comprendrez tout lintérêt que la France, Etat fondateur de lUnion européenne, peut éprouver pour votre projet.
Singapour est au cur de lASEAN. Nous y avons établi des relations empreintes dune très grande confiance, reposant sur un dialogue politique riche et productif et incluant tous les domaines de la défense à la culture, en passant par la recherche et les échanges universitaires. En matière économique, 50 % de nos exportations vers lASEAN sont destinées à Singapour. De même que la moitié de nos investissements. Et si lon raisonne en euros par habitant la France exporte 100 fois plus vers Singapour que vers la Chine. Lattrait de votre pays, comme plateforme régionale disposant dinfrastructures hors pair, et dun environnement des affaires transparent et loyal, a convaincu les entreprises françaises, dont plus de 600 ont choisi de sy installer. Enfin, sur beaucoup de grandes questions, Singapour et la France partagent la même analyse et la même volonté dun changement dans la manière dont les affaires du monde sont gérées.
Sur fond de compétition exacerbée, lASEAN et lUnion européenne, Singapour et la France, comprennent en fait quil est de plus en plus difficile de séparer leur destin. Nos deux pays ont conscience que laction collective est incontournable alors que la communauté internationale ne parvient pas à mettre au désastre de la crise syrienne du fait de ses divisions, je mesure parfaitement le chemin qui reste à faire mais il me semble quil peut sagir dune ambition à la mesure du partenariat que lUnion européenne et LASEAN ont développé au fil du temps et en tout état de cause de lamitié entre la France et Singapour. Pour y parvenir je souhaiterais conclure mon propos en appelant votre attention sur quelques principes dactions inhérent aux jeux collectifs.
Tout dabord il faut accepter que ce qui est important pour soi-même puisse lêtre également pour dautres, dans un monde guidé par les intérêts, il est normal que deux partenaires veillent avec une égale vigueur au respect de ce qui leur semble essentiel. A chacun de contribuer à identifier les bons compromis et ensuite il est impératif de mettre en uvre soi-même les disciplines que lon entend voir respecter par les autres, par ses partenaires et c'est de cette manière que sest construite lUnion européenne, dans la recherche dun équilibre entre les droits et les responsabilités et cest la seule façon déviter les effets dévastateurs de lunilatéralisme.
Enfin, il faut être capable de surmonter les clivages traditionnels, tel que ceux hérités de la guerre froide où la division entre le Nord et le Sud, parce que ces clivages peuvent devenir des facteurs dimmobilisme et entrer en contradiction avec lobjectif même dun multilatéralisme efficace et qui serait par ailleurs proclamé. Leur dépassement est possible et cest ainsi que nous pourrons répondre au défi auquel nous sommes tous confrontés, le respect de ces quelques principes me parait essentiel pour bâtir un monde plus harmonieux, capable de répondre à laspiration légitime de tous les peuples, à la liberté, aux droits de lhomme, à la stabilité, à la prospérité. LUnion européenne ne dit pas autre chose, c'est inscrit dans sa chartre, c'est inscrit dans les engagements fondamentaux de chaque Nation qui a adhéré à lUnion européenne et lUnion européenne souhaite aussi que la réciprocité inspire ses relations avec les pays tiers.
Comment en effet résister aux tentations protectionnistes qui seraient un facteur supplémentaire daggravation de la crise tout en récusant la volonté de renforcer la loyauté de nos échanges. Dans ce contexte lUnion européenne et Singapour et la France bien sûr, peuvent là encore montrer le chemin, je me réjouis à cet égard de la perspective de conduire prochainement à son terme la négociation dun accord bilatéral de libre-échange entre Singapour et lUnion européenne.
Monsieur le doyen, mesdames et messieurs, les liens que nos économies ont noués, la mondialisation rendent vain tout raisonnement limité à une zone géographique restreinte. A long terme, le succès des uns ne pourra que pâtir de léchec des autres. Il nous appartient en conséquence duvrer sans relâche à la convergence de nos intérêts et à lémergence en quelque sorte dun intérêt général mondial. Singapour et la France qui ont su construire au-delà de leur différence de leurs histoires politiques, un partenariat solide, ont vocation à jouer dans cette entreprise un rôle précurseur, c'est ma conviction. Cest ma conviction aussi dhomme politique que si on veut que les citoyens de chacune de nos Nations, les peuples aient confiance dans lavenir, quils pensent que le monde qui vient, ce nest pas le monde du déclin, ce nest pas le monde de la violence, ce nest pas le monde de linjustice, de lexploitation. Si nous sommes nous, hommes et femmes politiques à la hauteur des responsabilités qui nous ont été confiées, alors je crois que les peuples, au lieu davoir peur et se replier sur eux-mêmes pourront sengager pour cette nouvelle étape de lhistoire du monde, celle du multilatéralisme, celle du droit, celle du respect des autres, celle de la justice, celle du défi contre le réchauffement climatique, celle de la préparation dun avenir pour la jeunesse, pour toutes les luttes contre toutes les formes dexploitations, contre toutes les formes de pauvreté.
Voilà un beau défi, voilà un bel engagement pour ceux qui sont aujourdhui aux responsabilités, mais pour tous ceux qui comme vous mesdames et messieurs, jeunes étudiants et étudiantes, après vos études aurez un rôle à jouer dans la société comme citoyen, comme responsable, comme responsable économique ou social, comme responsable politique. Donc je crois que la vie vaut la peine dêtre vécue, mais le monde tel quil vient, faut la peine aussi dêtre vécu. Si nous savons nous en donner les moyens ça peut être un avenir juste si nous le voulons, mais je crois que ceux qui sont là, le veulent. Merci.
Source http://www.gouvernement.fr, le 22 octobre 2012
Donc je vous remercie de maccueillir aujourdhui dans votre école, votre grande école universitaire et de me donner loccasion de vous faire part de mon analyse de la situation du monde tel que je le vois aujourdhui.
Si jai tenu à consacrer cette première visite hors de France, je dirais hors dEurope, plutôt, en tant que nouveau Premier ministre français, à lAsie, cest que jai souhaité commencer par Singapour dont justement je suis conscient du rôle, que joue votre pays dans lintégration en Asie du sud-est, conscient aussi de son action en faveur de la stabilité régionale que vous venez dévoquer, mais aussi de sa place dans le concert des nations. Dans quelques heures, jaurai lhonneur de signer avec votre Premier ministre une déclaration qui élèvera notre relation au niveau dun partenariat stratégique. Jai la conviction que le partenariat dans lequel nos deux pays ont décidé de sengager est la réponse la plus adaptée aux mutations dont nous devons maîtriser les nouveaux enjeux. Parce que le monde dans lequel nous vivons aujourdhui est marqué par son instabilité liée à la disparition dun ordre ancien sans quaucun autre nait vraiment émergé à ce stade de notre histoire.
Comme la souligné en août dernier notre président de la République, monsieur François Hollande devant la conférence annuelle des Ambassadeurs de France, de nouvelles puissances saffirment, mais sont réticentes à exercer pleinement les responsabilités associées au statut quelles revendiquent.
Les anciens blocs ont disparu. Mais de nouveaux ensembles se cherchent, des menaces existent, parfois même elles saccumulent en se jouant des frontières, que la mondialisation contribue à effacer. Je pense bien sûr au terrorisme, je pense à tous les trafics, y compris les trafics humains ; je pense aux grandes pandémies, mais aussi au détournement des nouvelles technologies de linformation. Linstabilité devient économique et financière, et la crise qui fragilise les plus pauvres touche progressivement tous les pays, y compris ceux qui pourraient se sentir invulnérables. Sy ajoute lincertitude qui pèse sur lenvironnement, car la mobilisation de la communauté internationale contre le changement climatique est en panne, et en dépit de son importance cruciale, pour les générations futures.
Alors vous pourriez objecter mesdames et messieurs, professeurs et étudiants, que ce sombre tableau correspond à la vision du monde dun vieux pays, quelque peu désorienté par la redistribution des cartes à léchelle de la planète. Je pense au contraire que sans une analyse lucide de la situation dans laquelle nous sommes à ce stade de notre histoire, nous serons tous collectivement dans lincapacité de lui apporter les bons remèdes, les bonnes réponses. La lucidité pour moi, en tout cas, nest pas un frein, mais une incitation à laction. Et jamais la nécessité dagir na été aussi grande. Tous les défis que jai évoqués, appellent à un surcroît de coordination internationale, pour mettre en uvre des solutions auxquelles chacun devra apporter sa contribution. Cest dans cet esprit quil a été décidé, en 2008, de faire du G20 la principale instance de la gouvernance économique mondiale. Avec lérosion du sentiment durgence, force est cependant de constater que lélan nest plus aussi déterminé quau premier jour. Lorsque la crise a éclaté tout le monde était prêt à agir, et là, maintenant, la routine revient, cest le risque ! Alors que le besoin de réponses collectives et de régulation na pas faibli, au contraire !
Au mépris des fondamentaux, une idée fausse sest largement répandue. La crise économique et financière serait devenue avant tout, le problème de lEurope ! Pourtant, nous savons très bien, que les grands déséquilibres de léconomie mondiale demeurent. Et quils sont une source dinquiétude à long terme, à long terme pour toutes les économies. Lendettement des Etats nest pas un phénomène exclusivement européen. Les excédents des uns ne peuvent durablement se nourrir des déficits des autres. Les monnaies sous-évaluées ne peuvent indéfiniment offrir une marge artificielle de compétitivité. Il revient donc à tous les Etats, dêtre à la hauteur de leurs responsabilités et de faire leur part de chemin. Les engagements ambitieux qui ont été pris à Cannes et à Los Cabos, ils doivent être tenus. Souvent on prend beaucoup de résolutions, et au sommet suivant on a limpression, quon a parlé pour ne rien dire.
Alors il ne faut pas être découragé. Il faut persévérer. Mais malheureusement, cest souvent, ce constat que nous faisons et que font en tout cas, les opinions publiques, que font les peuples et qui ont le sentiment au bout du compte, de limpuissance de la politique. Cest un défi, pour les responsables politiques. Cest une exigence, je dirais, de la confiance, et cest dans cet esprit que notre président de la République, François HOLLANDE, élu le 6 mai dernier, a porté au G8 et au G20, un agenda pour la croissance et pour lemploi à léchelle mondiale. Et pour sa part, lEurope, jen suis sûr, malgré les difficultés, malgré les hésitations, malgré les retards, sera au rendez-vous.
Vous lavez évoqué monsieur le Doyen, lEurope na pas le choix, elle a une responsabilité je dirais, politique, mais aussi morale. Vous avez évoqué le prix Nobel de la Paix que vient de recevoir lUnion européenne, certains ironisent en disant, ironisent, ceux qui ironisent cest dabord chez nous, c'est ça qui est paradoxal et dabord en France. On a ce sentiment parfois de battre notre coulpe, de toujours trouver un défaut avant de voir quon a beaucoup de talent et beaucoup dénergie, c'est ce que jai dit à la Communauté française tout à lheure que jai eu lhonneur de rencontrer sous votre initiative monsieur lambassadeur de France, et tous ceux que jai vus mont dit : "arrêtez dêtre pessimiste, nous nous sommes des conquérants, non pas des combattants, des conquérants. Nous sommes ici dans un pays qui nous accueille, avec lequel nous pouvons travailler et surtout ce que nous constatons c'est le prestige de la France, cest le prestige de lEurope, mais on attend en même temps des décisions".
Donc la distance, en tout cas pour moi, que jai prise de quelques milliers de kilomètres, me conforte dans lidée que nous navons pas le choix. Et puisque ceux qui ironisent mais qui ironisent eux-mêmes à propos de ce prix Nobel accordé à lUnion européenne, devraient au contraire considérer que cette très haute distinction est à la fois la reconnaissance de ce que aucun continent na été capable de faire après deux guerres mondiales, deux tragédies qui ont dabord touché lEurope toute entière et qui ont failli la détruire. Et que ces pays-là qui sétaient fait la guerre qui ont été capables ensemble de construire une organisation économique et politique au point que souvent, y compris en Asie, on regarde cette expérience non pas pour la copier telle quelle est mais pour sen inspirer comme une uvre utile pour créer de nouvelles organisations dans dautres régions du monde et qui sont aujourd'hui nécessaires.
Donc lEurope devrait sinspirer de ses propres capacités, de ses propres forces, à avoir surmonté ces épreuves terribles et ces tragédies de deux guerres mondiales et la deuxième qui a marqué profondément les peuples. Et aujourdhui justement ce prix Nobel devrait être lincitation à regarder lavenir, la suite des responsabilités qui sont les nôtres. Puisque nous avons été capables de faire cela depuis 60 ans, je suis sûr que ça devrait nous donner au contraire de lénergie pour continuer à être à la hauteur des circonstances historiques qui sont devant nous. Donc je le dis, je crois que les dirigeants européens prendront les bonnes décisions, ils ont commencé à les prendre dailleurs.
La France et ses partenaires sont déterminés en effet à préserver la zone euro et à renouer avec la croissance, je suis donc venu vous dire un message de confiance dans lavenir. Au cours de ces derniers mois les pays de lUnion économique et monétaire de lUnion européenne ont entrepris de remédier aux insuffisances révélées par la crise, en recherchant un équilibre entre plusieurs principes. Un principe de responsabilités tout dabord selon lequel il appartient aux Etats membres, dont leuro est la propriété commune, de respecter leurs engagements de réduction de déficits publics, de leur dette dans le cadre dun renforcement de discipline quils ont décidé en commun. Un principe de solidarité ensuite qui sest traduit par la mise en place et qui est maintenant effective du mécanisme de gestion de crise efficace qui peut être mobilisé pour venir en aide aux pays qui ont besoin de cette aide pour éviter toute forme de contagion, c'est le mécanisme européen de stabilité qui vient dentrer en vigueur le 8 octobre dernier.
Et puis il y a une troisième exigence, cest la coordination et la convergence de nos politiques économiques et le renforcement de la gouvernance de la zone euro. Certes, certains pourront constater que ces avancées sont insuffisantes, mais le sérieux budgétaire est nécessaire face à lemballement de la dette publique. Mais la réduction des déficits sans le soutien de la croissance conduit inévitablement à la récession. Cest pourquoi, conformément aux engagements quil avait pris devant les Français, le président de la République François Hollande a demandé et obtenu une réorientation de la construction européenne en faveur de la croissance. Les chefs dEtat et de gouvernement de lUnion européenne ont adopté en juin dernier un plan de 120 milliards deuros, c'est-à-dire léquivalent dune année de budget de lUnion européenne en faveur de dépenses dinvestissement en Europe. LUnion bancaire est également en marche, il y a toujours des difficultés pour la concrétiser, cest normal, mais elle est en marche avec une supervision qui sera assurée par la Banque centrale européenne. Et puis la Banque centrale européenne elle-même a pu prendre appui sur cette volonté politique nouvelle pour décider, tout en respectant son indépendance, dacheter sans limite quantitative des obligations gouvernementales sur les marchés secondaires.
Donc les choses ont bougé et je vous le dis ici à Singapour et ce message sadresse aussi à toute lAsie, il est attendu en effet. Notre volonté est dapporter des solutions durables aux dysfonctionnements de la zone euro et de tourner définitivement la page de la défiance des marchés.
Cela suppose tout dabord décarter définitivement lhypothèse dune sortie de la Grèce de leuro, ou dautres pays. Il y a eu une hésitation pendant plusieurs mois, on se demandait ce que voulaient les uns, ce que voulaient les autres ; Eh bien je vois dans la visite de madame Merkel, courageuse à Athènes, le signe que ceux qui pensaient que lAllemagne aurait pu hésiter, nhésite plus. Cest lintérêt commun, mais ce nest pas seulement lintérêt commun des Européens, cest aussi la stabilité à léchelle mondiale de nos économies. Il y a une sorte dinterpénétration de solidarité et cest notre responsabilité den être conscients. En tout cas je vous le dis. Cela suppose donc de poursuivre lapprofondissement de lUnion économique et monétaire de lEurope, ce que le président français a appelé lintégration solidaire. Pour accompagner cette nouvelle avancée des instruments budgétaires et financiers communs seront donc mis en place avec la perspective dune mutualisation de notre dette. Parce que les nations subsistent, nous sommes dans la même zone monétaire mais il y a toujours les nations, donc il faut franchir une étape de plus. Ca ne veut pas dire que les nations disparaitront mais il y nécessité de coordonner et dintégrer davantage, cest la conséquence logique de la création de cette monnaie commune.
Vous pouvez donc constater à travers mes propos que lEurope sest remise en mouvement et la France y a pris une grande part, de même quelle a engagé pour son propre compte à léchelle nationale un effort de redressement de son économie. Parce que la France ne pourra pas continuer à exercer son influence dans le monde, et dabord en Europe, si elle ne donne pas elle-même lexemple en réduisant ses propres déficits concernant ses propres engagements. Mon gouvernement a donc engagé les réformes structurelles nécessaires, non pas en les imposant den haut mais en mobilisant tous les acteurs de la société, en expliquant lenjeu, le défi, et il y a encore beaucoup, defforts à faire pour faire partage cette exigence, mais cest lintérêt de la Nation française de se mobiliser pour que tout ce chantier puisse être engagé dans la durée, avec un objectif qui nest pas de détruire ce qui nous réunit, ce quon appelle le modèle social français, qui a ses qualités, ses atouts, qui doit être amélioré, réformé mais auquel les Français sont attachés, donc le grand défi cest comment franchir ce cap historique, dinscrire ce modèle dans le XXIème siècle. Le modèle social français du XXIème siècle, pas du passé, mais du XXIème siècle, tout en conservant les valeurs qui fédèrent les Français, qui leur donnent de la fierté, qui leur donnent de lénergie, qui leur donnent la volonté aussi davancer ensemble. Alors ça veut dire des choix concernant lamélioration de la compétitivité de nos entreprises, en particulier.
Dans quelques jours un grand industriel français qui dirigeait il y a encore quelques semaines le groupe européen EADS, représenté ici dailleurs à Singapour, Louis Gallois, va me remettre un rapport sur la compétitivité de nos entreprises, dont les recommandations serviront de base aux décisions de mon gouvernement et qui ensuite permettront de poursuivre les réformes de structure.
Vous à Singapour, vous connaissez toute limportance dune politique économique orientée vers la compétitivité des entreprises, vous avez pu mesurer les conséquences positives dune stratégie efficace en la matière, eh bien mon gouvernement est engagé résolument dans cette voie, cest dans cet esprit que jai fixé lobjectif de parvenir à léquilibre commercial de nos commerce extérieur à la fin du mandat qui a été donné par les Français, c'est-à-dire à la fin des cinq ans du mandat du président de la République et de lAssemblée nationale, hors énergie, parce que nous sommes capables jen suis sur de relever ce défi. Il nest pas possible de continuer avec un tel déséquilibre en matière de commerce extérieur. En tout cas je vous le dis tout de suite que ce nest pas le cas avec Singapour puisque nos échanges sont positifs pour la France. Voilà donc une bonne référence. Ce qui est possible avec Singapour, c'est-à-dire ces échanges gagnant-gagnant, ma conviction que cest possible aussi avec le reste du monde. Donc si je suis venu là cest non seulement pour vous parler, mais aussi pour parler aux Français qui doutent de leur propre capacité.
Monsieur le Doyen, je sais que vous faites partie de ceux qui estiment que le XXIème siècle sera celui de lAsie. Vous avez même écrit un livre et dailleurs les signes en sont déjà perceptibles. Fort de sa démographie, de sa stratégie économique combinant désendettement et croissance, votre continent occupe désormais une place éminente dans le concert des nations, notamment au cur des instances de la gouvernance mondiale. La France, qui a longtemps réclamé lémergence dun monde multipolaire ne peut que sen féliciter, en tout cas la France nen a pas peur. Et il a elle-même contribué en associant Singapour aux travaux du G20, pendant sa présidence. Et elle sait quelle ne pourra peser sur lavenir de notre planète quen renforçant ces liens avec lAsie.
La France appartient, je le rappelle, à lespace Asie-Pacifique, la Nouvelle Calédonie, la Polynésie, Wallis et Futuna sont des collectivités françaises du Pacifique et qui noue des liens de plus en plus denses avec leur environnement régional. Une proportion croissante des Français de létranger, aujourd???hui plus de 7 %, la population française y réside ; son réseau diplomatique et consulaire couvre tous les pays asiatiques, sans exception. Et la France participe de longue date aux organisations politiques de coopération régionale. Elle se mobilise pour répondre aux défis que nous devons affronter ensemble, et je pense notamment au fléau de la piraterie maritime.
Ce nest donc pas par hasard que la France a uvré sans relâche en faveur du renforcement des liens entre lAsie et lEurope. La création de lASEM, dont nous venons de célébrer le 15e anniversaire, résulte dune initiative commune à nos deux pays.
Ce forum de dialogue a fortement contribué à une meilleure compréhension mutuelle, et à lintensification des échanges, notamment humains et culturels. Dailleurs le président de la République française participera à son prochain sommet dans quelques jours à Vientiane. Cest aussi grâce à lengagement de Singapour et de la France que lASEF, la fondation Asie-Europe, a pu développer ses activités ici même. En Asie, lASEAN est un partenaire de premier plan. Votre région a su tirer toutes les leçons de la crise asiatique de la fin des années 1990 et maintenir une dynamique de croissance soutenue. Elle a fait le choix dune ouverture au monde dont les effets peuvent être mesurés concrètement puisquelle représente par exemple la deuxième destination des exportations françaises vers lAsie, immédiatement derrière la Chine. Enfin, elle sest engagée dans la constitution dune communauté de destins, après 2015. Cest donc un véritable pôle de prospérité et de stabilité qui émergera à léchelle de la planète, même sil faut se garder de tout rapprochement hâtif. Vous comprendrez tout lintérêt que la France, Etat fondateur de lUnion européenne, peut éprouver pour votre projet.
Singapour est au cur de lASEAN. Nous y avons établi des relations empreintes dune très grande confiance, reposant sur un dialogue politique riche et productif et incluant tous les domaines de la défense à la culture, en passant par la recherche et les échanges universitaires. En matière économique, 50 % de nos exportations vers lASEAN sont destinées à Singapour. De même que la moitié de nos investissements. Et si lon raisonne en euros par habitant la France exporte 100 fois plus vers Singapour que vers la Chine. Lattrait de votre pays, comme plateforme régionale disposant dinfrastructures hors pair, et dun environnement des affaires transparent et loyal, a convaincu les entreprises françaises, dont plus de 600 ont choisi de sy installer. Enfin, sur beaucoup de grandes questions, Singapour et la France partagent la même analyse et la même volonté dun changement dans la manière dont les affaires du monde sont gérées.
Sur fond de compétition exacerbée, lASEAN et lUnion européenne, Singapour et la France, comprennent en fait quil est de plus en plus difficile de séparer leur destin. Nos deux pays ont conscience que laction collective est incontournable alors que la communauté internationale ne parvient pas à mettre au désastre de la crise syrienne du fait de ses divisions, je mesure parfaitement le chemin qui reste à faire mais il me semble quil peut sagir dune ambition à la mesure du partenariat que lUnion européenne et LASEAN ont développé au fil du temps et en tout état de cause de lamitié entre la France et Singapour. Pour y parvenir je souhaiterais conclure mon propos en appelant votre attention sur quelques principes dactions inhérent aux jeux collectifs.
Tout dabord il faut accepter que ce qui est important pour soi-même puisse lêtre également pour dautres, dans un monde guidé par les intérêts, il est normal que deux partenaires veillent avec une égale vigueur au respect de ce qui leur semble essentiel. A chacun de contribuer à identifier les bons compromis et ensuite il est impératif de mettre en uvre soi-même les disciplines que lon entend voir respecter par les autres, par ses partenaires et c'est de cette manière que sest construite lUnion européenne, dans la recherche dun équilibre entre les droits et les responsabilités et cest la seule façon déviter les effets dévastateurs de lunilatéralisme.
Enfin, il faut être capable de surmonter les clivages traditionnels, tel que ceux hérités de la guerre froide où la division entre le Nord et le Sud, parce que ces clivages peuvent devenir des facteurs dimmobilisme et entrer en contradiction avec lobjectif même dun multilatéralisme efficace et qui serait par ailleurs proclamé. Leur dépassement est possible et cest ainsi que nous pourrons répondre au défi auquel nous sommes tous confrontés, le respect de ces quelques principes me parait essentiel pour bâtir un monde plus harmonieux, capable de répondre à laspiration légitime de tous les peuples, à la liberté, aux droits de lhomme, à la stabilité, à la prospérité. LUnion européenne ne dit pas autre chose, c'est inscrit dans sa chartre, c'est inscrit dans les engagements fondamentaux de chaque Nation qui a adhéré à lUnion européenne et lUnion européenne souhaite aussi que la réciprocité inspire ses relations avec les pays tiers.
Comment en effet résister aux tentations protectionnistes qui seraient un facteur supplémentaire daggravation de la crise tout en récusant la volonté de renforcer la loyauté de nos échanges. Dans ce contexte lUnion européenne et Singapour et la France bien sûr, peuvent là encore montrer le chemin, je me réjouis à cet égard de la perspective de conduire prochainement à son terme la négociation dun accord bilatéral de libre-échange entre Singapour et lUnion européenne.
Monsieur le doyen, mesdames et messieurs, les liens que nos économies ont noués, la mondialisation rendent vain tout raisonnement limité à une zone géographique restreinte. A long terme, le succès des uns ne pourra que pâtir de léchec des autres. Il nous appartient en conséquence duvrer sans relâche à la convergence de nos intérêts et à lémergence en quelque sorte dun intérêt général mondial. Singapour et la France qui ont su construire au-delà de leur différence de leurs histoires politiques, un partenariat solide, ont vocation à jouer dans cette entreprise un rôle précurseur, c'est ma conviction. Cest ma conviction aussi dhomme politique que si on veut que les citoyens de chacune de nos Nations, les peuples aient confiance dans lavenir, quils pensent que le monde qui vient, ce nest pas le monde du déclin, ce nest pas le monde de la violence, ce nest pas le monde de linjustice, de lexploitation. Si nous sommes nous, hommes et femmes politiques à la hauteur des responsabilités qui nous ont été confiées, alors je crois que les peuples, au lieu davoir peur et se replier sur eux-mêmes pourront sengager pour cette nouvelle étape de lhistoire du monde, celle du multilatéralisme, celle du droit, celle du respect des autres, celle de la justice, celle du défi contre le réchauffement climatique, celle de la préparation dun avenir pour la jeunesse, pour toutes les luttes contre toutes les formes dexploitations, contre toutes les formes de pauvreté.
Voilà un beau défi, voilà un bel engagement pour ceux qui sont aujourdhui aux responsabilités, mais pour tous ceux qui comme vous mesdames et messieurs, jeunes étudiants et étudiantes, après vos études aurez un rôle à jouer dans la société comme citoyen, comme responsable, comme responsable économique ou social, comme responsable politique. Donc je crois que la vie vaut la peine dêtre vécue, mais le monde tel quil vient, faut la peine aussi dêtre vécu. Si nous savons nous en donner les moyens ça peut être un avenir juste si nous le voulons, mais je crois que ceux qui sont là, le veulent. Merci.
Source http://www.gouvernement.fr, le 22 octobre 2012