Débat entre M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, et les participants au forum des chefs d'entreprise à Singapour, sur la mise en place du mécanisme de supervision bancaire au sein de l'Union européenne et le rôle de la Banque publique d'investissement et du Commissariat général à l'investissement, à Singapour le 19 octobre 2012.

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Circonstance : Voyage officiel en Asie du Sud-Est du 18 au 21 octobre 2012 : forum des chefs d'entreprise le 19

Texte intégral

INTERVENANT
Comme je le disais tout à l'heure, le Premier ministre a accepté de répondre à quelques questions. Je vais peut-être commencer par la partie singapourienne. Je crois que monsieur CRYAN, qui est le directeur d’Europe de TEMASEK, le fonds souverain singapourien, avait une question pour le Premier ministre. John, please.
JOHN CRYAN, DIRECTEUR EUROPE DE TEMASEK
Prime Minister, good morning. I have a question related to French investments in this region. Prior to the recent difficulties in Europe,
JEAN-MARC AYRAULT
Vous avez tout à fait raison de poser cette question et elle correspond bien à une préoccupation que j’ai évoquée il y a quelques instants. Les conséquences de la crise financière, des subprimes qui ont fini par déstabiliser le monde entier et arriver en Europe ont conduit le système bancaire à se rétracter et à corriger aussi certaines de ces erreurs. Mais enfin, le système bancaire européen n’est pas globalement en mauvais état. Il y a des situations délicates, je pense en Espagne en particulier, mais tout est fait aujourd'hui pour redonner de la stabilité, de la sécurité à notre système bancaire. D’abord en ce qui concerne la France, je l’ai dit, on voit bien les difficultés d’accès au crédit des entreprises et en particulier, des petites et moyennes entreprises. C’est la raison pour laquelle le gouvernement a pris cette décision de créer cette Banque Publique d'Investissement. Mais en même temps, nous souhaitons que le système bancaire lui-même joue pleinement son rôle. C’est pour cela que nous, la France, agit avec détermination pour que l’union bancaire et la supervision des banques soient effectives en Europe, dans l’union européenne, toute l’union européenne. Les discussions qui ont eu lieu à Bruxelles, et d’abord les échanges franco-allemands – vous avez eu il y a quelques jours la visite de monsieur SCHÄUBLE, ministre de l’économie et des finances allemand – qui est aussi un partenaire très important de Singapour, vous avez observé qu’il y avait une discussion franco-allemande pour savoir à quel rythme mettre en place cette union bancaire et cette supervision des banques par la Banque Centrale Européenne. La France souhaitait aller vite, l’Allemagne un peu moins vite. Pourquoi ? Non pas parce que l’Allemagne refuse le principe. Il y a un accord politique pour le faire. Mais tout simplement parce que la situation n’est pas exactement la même dans les deux pays. L’Allemagne dispose de beaucoup de banques régionales, les Landsbanken ou les Sparkassen, qui sont en situation plus délicate dans un Etat qui est différent de la France, qui est un Etat plus centralisé et qui est un Etat fédéral. La chancelière demandait un délai supplémentaire pour pouvoir mettre en place ce mécanisme de supervision. On peut le comprendre. Mais en tout cas, la décision politique de le faire est faite, elle est prise et elle va se faire sous l’égide de la Banque Centrale Européenne qui sera le superviseur principal. Ce qui est important pour l’ensemble des investisseurs et systèmes financiers c’est, je le disais tout à l'heure, la stabilité. Quelle est la perspective ? Que ça aille un peu moins vite que ce que souhaitait la France, mais s’il s’agit de trois à six mois d’écart, et si on sait que la décision est prise et qu’elle sera effective, c’est ça qui compte : c’est la perspective. Je crois que c’est de nature à recréer un climat de confiance. En tous cas à mon retour, je ne pourrai qu’encourager les banques à continuer à investir ici parce qu’elles ont tout à y gagner. Car ici, vous avez les capacités, vous avez la confiance, vous avez le sérieux et vous avez la croissance. Donc croyez bien que votre message sera entendu et que je le rapporterai avec moi en France et en Europe.
INTERVENANT
Merci Monsieur le Premier ministre. Je vais peut-être passer la parole maintenant à la partie française. Arnaud VAISSIÉ, le chef de la délégation française, avait une question pour le Premier ministre. Can you give the microphone, please ?
ARNAUD VAISSIÉ, CO-FONDATEUR D’INTERNATIONAL SOS
Monsieur le Premier ministre, ayant eu le privilège de créer mon entreprise ici à Singapour il y a vingt-cinq ans et d’avoir moi-même et mes équipes collaboré avec l’economic development board au cours de toutes ces années, je voudrais vous poser une question pour voir si on pourrait essayer d’envisager un développement un peu équivalent à celui que propose l’economic development board. En effet, c’est un organisme parapublique qui dépend du ministère du commerce et de l’industrie ici et qui choisit des secteurs privilégiés et aide les entreprises de la start-up à la multinationale au cours de leur développement à Singapour en choisissant des secteurs qui évoluent. Ça a été la chimie, l’électronique où Singapour est maintenant parmi les premiers, puis aujourd'hui c’est la santé, les bio et les nanotechnologies. Ma question est la suivante. C’est ne serait-il pas souhaitable en France d’identifier certains secteurs de croissance et de concentrer nos moyens à travers des subventions et des aides fiscales afin de développer les secteurs où la France a les plus grandes chances ?
JEAN-MARC AYRAULT
Merci beaucoup pour votre question, monsieur. Je pense que vous mettez le doigt sur un vrai sujet. Moi, j’attends beaucoup, je n’attends pas tout mais j’attends beaucoup de ce qu’un grand chef d’entreprise, monsieur GALLOIS, ancien président d’EADS après avoir présidé AIRBUS mais aussi une grande société de transport public, la SNCF, monsieur GALLOIS va me remettre un rapport sur la compétitivité dans lequel tous les sujets seront abordés, y compris le volet coût du travail mais qui n’est qu’un aspect de la question de la compétitivité et tout le reste. Je suis convaincu que pour avoir beaucoup discuté avec lui, mais aussi par conviction, qu’il lui faut aussi faire des choix, faire des choix par filière. Ce n’est pas sans rapport avec le point que j’ai évoqué tout à l'heure sur la Banque Publique d'Investissement.
La Banque publique d’investissement devra elle aussi intervenir de façon plus stratégique, coordonnée et pas forcément de façon dispersée tous azimuts, en s’appuyant notamment sur les pôles de compétitivité qui, eux, correspondent exactement à la démarche que vous venez d’évoquer. Et là où on a agi de cette façon, on créé des vrais clusters, on mobilise à la fois les grands groupes, les PME sur des stratégies avec des objectifs, on obtient des résultats. Et la démarche qui a été engagée, il y a déjà quelques mois, qui a conduit à la création à travers les investissements d’avenir s’est appuyée sur cette stratégie-là, je pense qu’il faut la renforcer.
Le Commissariat général à l’investissement est placé auprès du Premier ministre, il a été créé par le précédent gouvernement, j’ai tenu à ce que ce soit maintenu et que son rôle soit renforcé. Nous sommes à l’heure actuelle en train de faire une évaluation justement de ce qui a été fait, non pas de l’outil lui-même qui peut bien sûr être perfectionné mais des choix qui ont été faits de soutenir tel ou tel secteur, mais je pense qu’il faut de la cohérence. Alors ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas laisser des espaces à l’invention, à l’innovation, ce serait même une erreur. Parce que parfois on n’a pas toujours pensé que quelque chose pouvait émerger et surgir, et les chefs d’entreprise qui sont là qui ont inventé eux-mêmes des choses sont là pour le prouver. Mais je pense quand même que, pour avoir discuté avec plusieurs d’entre vous, que vous êtes tous dans des secteurs stratégiques. Je pense à un secteur très large de capacité qui est celui du défi énergétique, de la transition énergétique, du défi climatique, là il y a des potentiels considérables. Donc voilà un exemple mais il n’est pas le seul, vous en avez évoqué plusieurs.
Il y a un point que je me permets d’ajouter pour la France, et je l’ai dit devant la communauté française hier lorsque vous aviez – monsieur l’ambassadeur – organisé cette réception. La France veut continuer à valoriser une image de marque qu’elle a qui est un a priori favorable qui est la qualité, la qualité, l’art de vivre, le savoir-vivre d’une certaine façon, mais aussi la capacité à être en avant-garde, je pense au luxe, à la gastronomie, à la culture. Ce sont autant d’atouts qui sont prometteurs et que nous devons faire valoir. Et quand je viens ici à Singapour, mais je pourrai aller ailleurs, je verrai la même chose, je sais que ça fait partie des atouts de la France, mais il ne s’agit pas de s’en contenter mais ça peut aider et c’est pour ça qu’il faut continuer à le soutenir et à le développer.
Merci mesdames, messieurs, je ne sais pas s’il y a d’autres questions…
INTERVENANT
…Je crois que malheureusement, le temps ne nous permet plus de prendre une dernière question.
JEAN-MARC AYRAULT
Donc voilà, il faut bien reconnaître mon séjour est particulièrement minuté, que j’ai… mais je vis ça très bien parce que c’est très agréable d’avoir beaucoup d’échanges et avec beaucoup de monde, parfois trop courts. Mais là, je vais visiter un grand chantier, le « Sport Hub » qui est aussi le fruit d’une coopération entre des entreprises françaises et de Singapour. Voilà un exemple (j’allais dire) éminent de coopération économique, technologique, comme j’ai eu beaucoup de plaisir à rencontrer aussi hier l’architecte monsieur MILOU, qu’après une compétition particulièrement riche mais dans des règles – comme je l’ai dit tout à l’heure – de transparence parfaite, c’est un Français associé à un architecte de Singapour qui a été choisi pour construire, constituer ce superbe projet de galerie d’art, enfin de grande galerie d’art. 12.000 m² je crois, ça sera un superbe projet qui est à la fois un bon projet politique et culturel, mais qui est aussi un projet technologique avec beaucoup d’élégance, de finance, d’intelligence, et justement qui s’inscrit parfaitement dans cette avant-garde technologique qui permet de concilier à la fois la qualité et en même temps la durabilité, sustainable development, que nous partageons et auquel vous êtes extrêmement attachés : qualité de vie, qualité environnementale qui est un atout et que vous développez ici à Singapour. Merci encore monsieur le ministre, mesdames et messieurs et je vous souhaite un très bon travail.
Source http://www.gouvernement.fr, le 22 octobre 2012