Déclaration de Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme, sur les atouts du secteur de l'hotellerie pour le redressement économique,la nécessaire revalorisation des métiers de ce secteur et sur la politique de soutien à l'emploi du gouvernement, Paris le 18 octobre 2012.

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Circonstance : Congrès annuel du Syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs (Synhorcat), à Paris les 17 et 18 octobre 2012

Texte intégral

Monsieur le Président, Cher Didier Chenet,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse d’être parmi vous ce soir pour la clôture de votre congrès annuel et je tiens à vous remercier pour votre invitation.
Les échanges au cours de ces deux journées ont été je crois très riches, et marqués par l’actualité chargée de votre profession, et vous venez, Monsieur le Président, de nous en expliquer les enjeux.
Vous nous avez fait part de vos préoccupations pour le secteur dont vous assurez la défense, ainsi que des nombreuses propositions que vous avez pour le dynamiser.
Je souhaite vous dire que je vous ai écouté avec beaucoup d’attention et d’intérêt.
La France, vous le savez, traverse aujourd’hui une crise grave. De nombreux indicateurs économiques virent au rouge dans l’ensemble du monde et de la zone euro. Chaque mois, le nombre de chômeurs augmente et nous savons ce que cela signifie de ravages pour notre société et pour les individus, les entreprises et les territoires qui en sont victimes.
Face à cette crise, le Gouvernement a fait ses choix. Et ils sont clairs : nous devons avant tout reconquérir notre souveraineté financière et budgétaire et rétablir les comptes de l’Etat ; c’est une étape indispensable pour réduire enfin la charge de la dette, qui est devenue le premier poste du budget, et récupérer ainsi une marge de manoeuvre.
Cette étape est indispensable. Le projet de loi de finances défendu par le Gouvernement répond à cet objectif car nous devons en finir avec cette spirale des déficits publics alors que le premier budget aujourd’hui, c'est le remboursement des intérêts de la dette.
Personne ne doit oublier que si la France ne respecte pas sa parole, c'est-à dire n'atteint pas cet objectif de 3% de déficit public l'année prochaine, alors sa signature sera dévalorisée, et c’est toute notre économie qui en sera affaiblie.
J’ai bien entendu les préoccupations que vous avez exprimées, Monsieur le Président, en tout début de votre discours. Notre réponse est bien celle-ci, la France doit avant tout sauvegarder sa souveraineté financière.
1. Mais cette bataille là ne nous fait pas oublier, et loin de là, l’autre bataille qui se joue en ce moment : celle de l’emploi et de la lutte contre le chômage.
D’ores et déjà, je veux vous dire aujourd’hui que je mesure l’importance de vos propos sur l’emploi et que j’examinerai avec attention les propositions que vous avez formulées. Je suis d’ailleurs heureuse de constater que vous avez choisi de travailler avec le Gouvernement sur ce sujet, et non à côté, ce qui montre bien la nécessité d’un effort collectif pour gagner cette bataille.
Vous avez également évoqué, Monsieur le Président, votre préoccupation concernant la transmission des entreprises. C’est une question que j’ai bien identifiée et j’en ai d’ailleurs fait une priorité. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité que vos secteurs puissent bénéficier pleinement du contrat de génération.
Mais au-delà du contrat de génération, ce que nous devons surtout faire, c’est agir sur les freins qui empêchent la transmission. Il faut mieux anticiper, développer des outils efficaces et permettre le moment de la reprise.
Il nous faut aussi revaloriser les métiers.
Je constate trop souvent que les métiers de l’artisanat et du commerce sont aujourd’hui des métiers délaissés dont l’image s’est lentement dégradée. Je souhaite faire changer ces idées reçues. Et montrer aux jeunes, mais aussi à leurs parents qui jouent un grand rôle dans le choix des études, que ces métiers sont des métiers nobles, qui offrent de réelles possibilités de carrière, où on peut bien gagner sa vie, souvent mieux qu’ailleurs, et à terme, souvent, se mettre à son compte et devenir son propre chef.
Pour cela, il faut mieux valoriser l’enseignement professionnel. Le rapport de la concertation pour la refondation de l’école, remis au Président de la République la semaine dernière, est une première étape de cet enjeu essentiel, et souligne bien la nécessité de proposer des parcours de réussite différenciés, variés, et personnalisés.
Je partage les idées qui sont proposées dans ce rapport, en matière d’individualisation des parcours, de développement de l’apprentissage, ou de coordination avec les Régions pour que les filières de formation proposées soient en parfaite adéquation avec les besoins réels des entreprises et des bassins d’emplois.
Je travaille avec Vincent Peillon pour que des mesures concrètes soient mises en oeuvre rapidement en ce sens ; j’ai déjà identifié deux filières qui méritent une attention particulière : le tourisme et ses 50 000 emplois non-pourvus, et les métiers de bouche et de la restauration qui peinent à recruter également.
Il faut aussi renforcer l’image de ces métiers. Les labels de qualité et les formations qualifiantes contribuent à cette image, je pense bien sûr au label « maître restaurateur » qui doit encore se développer. Il est important que ce titre soit promu à sa juste valeur, car il est gage de qualité de la cuisine et des produits pour les consommateurs. J’ai entendu votre souhait de voir ce titre se développer et j’espère pouvoir compter sur votre implication dans sa promotion auprès des professionnels.
Je souhaite enfin faire connaître ces métiers en demande d’embauche. Aussi je ne peux que vous encourager à oeuvrer et à communiquer sur vos métiers. Et je souhaite également profiter de cette occasion pour faire la promotion de la parité, attirer des femmes dans des métiers traditionnellement occupés par des hommes, et réciproquement. C’est un chantier qui me tient particulièrement à coeur.
2. Pour redresser notre économie, le gouvernement travaille également à une fiscalité des entreprises plus juste et une amélioration de leurs conditions de financement.
J’ai bien entendu, Monsieur le Président, le souhait que vous avez exprimé de voir une stabilité fiscale, sachez que le Président de la République a rappelé récemment encore qu’il le souhaitait également. C’est d’ailleurs dans cet objectif, et pour préserver les TPE que nous avons maintenu la défiscalisation des heures supplémentaires dans les entreprises de moins de 20 salariés.
Il n’est en effet pas normal que les énergies des entrepreneurs soient trop souvent consacrées à surveiller l’évolution du droit, à se mettre à jour, à adapter les logiciels et le quotidien à un environnement juridique en trop grande mutation.
Pour autant, nous devons aussi renforcer la protection de certaines professions, vous en conviendrez. Protéger une profession, lui donner un vrai statut, c’est permettre sa reconnaissance par la société, c’est la valoriser, c’est l’encourager.
Je pense en particulier aux artisans et vous êtes nombreux dans cette salle à être concernés, dont nous devons rénover le statut dans le sens de la lisibilité, de la valorisation des qualifications et des savoir-faire.
Il nous faut aujourd’hui parvenir à une clarification de ce que signifie être un artisan. Si ce statut recoupe de nombreux métiers très différents, avec des réalités économiques différentes, il nous faut remettre au coeur de sa définition la recherche de la qualité, qualité du travail et des produits. Vous vous faites vous-mêmes l’écho de cette préoccupation en évoquant le sujet des traiteurs, qui auront vocation à entrer pleinement dans ce nouveau statut que je souhaite mettre en place.
Nous devons également redonner à nos entreprises les outils qui leur manquent pour se développer.
J’ai souhaité que l’accès des TPE à la BPI soit plus explicite dans les textes de la future banque car il est essentiel qu’elles puissent avoir un accès facilité au crédit.
Je voudrais également, bien sûr, vous parler de la question de la TVA dans le secteur de la restauration.
Il s’agit d’un sujet important, où près de 200 000 entreprises sont concernées et 700 000 emplois. Ce secteur est un contributeur majeur aux créations d’emploi avec plus de 15 000 créations pérennes par an et à la croissance économique, avec un poids d’environ 5% du PIB.
Mais c’est aussi un sujet important pour nos finances publiques. Le bénéfice de la mesure pour les entreprises du secteur a été estimé à 3,13 Milliards € en 2010 par la Cour des Comptes.
Il est donc légitime de se poser la question de l’efficacité de cette mesure au vu de la situation des finances publiques et des efforts demandés à tous pour le redressement de la France.
C’est pour cela que j’ai souhaité faire un bilan précis. Vous avez entendu comme moi les positions des uns ou des autres. Cela montre bien l’enjeu financier de cette taxe pour tous. Mais je veux vous réaffirmer ici qu’aucune décision ne sera prise à la va-vite, sans concertation, et sans éléments précis, chiffrés et contradictoires pour la justifier.
C’est également important pour moi de comprendre qui a joué le jeu, et qui ne l’a pas fait. Car j’ai bien conscience que nombre de restaurateurs, à Paris ou en Région, on embauché, ont modernisé leur restaurant, et ont respecté les engagements du contrat d’avenir. Mais je sais aussi que certains ont seulement augmenté leurs marges. Je ne souhaite pas que ceux qui ont fait des efforts ne soient pas reconnus.
L’heure est donc aujourd’hui au bilan.
J’ai réuni à la rentrée les 9 organisations professionnelles signataires pour leur indiquer que je souhaitais prendre le temps de l’évaluation pour parvenir à dresser ensemble, sereinement, un bilan contradictoire et juste de la situation.
Des groupes de travail sur les quatre volets du contrat d’avenir (emploi, prix, investissement, condition de travail) se réunissent régulièrement depuis le 24 septembre. Des divergences subsistent entre les contributions des uns et des autres, c’est pourquoi j’ai souhaité que des séances de travail supplémentaires soient organisées.
Je garde pour objectif de disposer d’un bilan complet en novembre au plus tard pour que, s’il s’avère que les contreparties obtenues in fine ne sont pas à la hauteur de l’aide considérable qui a été apportée à ce secteur, nous prenions les mesures qui s’imposent, qu’il s’agisse d’un relèvement des objectifs demandés aux restaurateurs ou de la fin du taux réduit de TVA dans le secteur.
Mais encore une fois, réalisons ce bilan et ensuite agissons dans un souci de justice et d’efficacité.
Enfin, je voudrais vous dire que j’ai parfaitement entendu vos préoccupations concernant la mise en accessibilité des bâtiments. La date de 2015 approche et les préoccupations des secteurs deviennent donc plus fortes. Il n’est en effet bien sûr pas envisageable que le coût des travaux soit tel qu’il remette en cause le modèle économique de l’exploitant.
Je suis convaincue des efforts et de la bonne volonté des professionnels, qui n’ont pas attendu la loi de 2005 pour envisager la mise en accessibilité de leur offre, par exemple en se retrouvant autour du label « tourisme et handicap », dans le cas des professionnels du tourisme.
Le Premier Ministre a confié une mission à la sénatrice Anne-Lise Campion, afin de déterminer quelles propositions nous aurons à mettre en oeuvre et j’ai personnellement insisté pour que les acteurs économiques ne soient pas oubliés lors de cette mission. J’attache donc, tout comme le Premier Ministre, la plus grande attention à ce sujet et à ce qu’une dynamique forte et soutenable en faveur de l’accessibilité émerge dans les mois à venir.
3. Ces mesures ont pour objectif de contribuer au redressement économique du pays. Pour relever ce défi, nous devons mieux faire travailler ensemble les acteurs pour améliorer et valoriser la qualité de l’offre et valoriser nos savoir-faire.
Pour cela, bien sûr et vous en avez parlé Monsieur le Président, l’outil privilégié sera l’amélioration de la stratégie d’Atout France. Le modèle économique de l’Agence repose actuellement sur le partenariat avec des acteurs publics ou privés. L’Agence accompagne 1100 partenaires, Comités Régionaux du Tourisme, Comités Départementaux du Tourisme, Offices de Tourisme des grandes villes et plus de 800 entreprises privées, dans leurs opérations de marketing et de promotion touristique en France comme à l’international.
Lorsqu’Atout France met un euro dans une action, le partenaire en met en moyenne 5. Cet effet de levier est, d’une part, vertueux pour les finances publiques, et, d’autre part, une garantie que le projet est utile aux partenaires.
J’ai réuni hier un nouveau conseil d’administration, et un nouveau Président.
Je lui ai demandé de porter son attention principalement sur deux points :
• Tout d’abord, la recherche de synergies entre les différentes missions, qui correspondent en fait aux acteurs qui existaient avant Atout France (ODIT, Maison de la France) ; je ne suis pas sûre que toutes les conséquences de la fusion aient été tirées, et j’ai demandé au nouveau président de faire un état des lieux ;
• Je souhaite également avoir des propositions sur la stratégie d’Atout France, compte tenu des priorités que j’ai moi-même fixées pour l’ensemble du tourisme au mois de juillet ; en particulier, je souhaite qu’Atout France joue un rôle moteur dans la mise en place des futurs contrats de destination qui vont petit à petit structurer la filière touristique. Je souhaite aussi examiner en détail la politique de promotion de la France, et l’adéquation de l’organisation à ses missions.
L’objectif du renforcement d’Atout France sera d’améliorer la qualité de notre offre, et de la promotion de nos atouts, de nos entreprises, de nos savoir-faire.
La qualité de l’offre touristique française est souvent jugée inférieure à celle de destinations proches et concurrentes. En particulier, son rapport qualité-prix est trop souvent mis en cause.
L’amélioration de l’offre touristique française et de son image est donc indispensable pour mettre fin à ce ressenti, qui porte tort à la destination France et à son attractivité.
Dans ce combat, je pense que vous, qui êtes basés à Paris, avez un rôle fondamental à jouer.
Paris, notre capitale, Paris la ville lumière est la porte d’entrée de la France.
Paris est un nom qui rayonne dans le monde entier et qui symbolise pour bien des touristes la France toute entière.
Aussi vous avez une responsabilité toute particulière dans la préservation de cette image, dans la qualité de l’offre proposée et dans la valorisation de vos établissements. Vous le savez, la plupart des touristes étrangers viennent d’abord à Paris. Puis s’ils ont été satisfaits de leur premier voyage, ils reviennent en France et vont visiter d’autres territoires. Vous avez donc une responsabilité très importante, celle d’être à la hauteur de notre réputation de qualité, de savoir-faire et aussi d’accueil.
Vous avez également un rôle essentiel à jouer dans la valorisation de notre gastronomie. Vous le savez, j’ai souhaité que la fête de la gastronomie se poursuive et prenne de l’ampleur.
Cette fête me tient à coeur et je suis attachée à sa valorisation car à travers elle ce sont des métiers, des savoir-faire et une identité que nous valorisons. Je souhaite que grâce à cette fête l’ensemble de notre gastronomie soit mise en avant. Elle permet de nouer de nombreux partenariats, à des projets de se créer et à des synergies de voir le jour. Pour qu’elle soit réussie, tous les acteurs doivent travailler ensemble.
Le tourisme fait pleinement partie de la fête de la gastronomie et c’est pour moi très important car il s’agit aussi de montrer que la gastronomie contribue à l’attractivité et au rayonnement de la France à l’étranger. Bien souvent, on nous envie notre gastronomie, on essaye de la copier, ou de se l’approprier.
Le succès de l’édition de cette année montre que tous, professionnels et amateurs, se sont appropriés la fête. Mais nous devons poursuivre nos efforts et faire que l’Édition 2013 ait encore plus d’ampleur.
Elle sera donc étendue à un week-end, en y incluant le vendredi pour que les écoles et les entreprises puissent en faire pleinement partie.
Pour moi, la gastronomie représente l’excellence de la cuisine française, elle doit donc rester proche de nos valeurs de convivialité et de partage.
Cette fête doit être un véritable évènement populaire, que chacun peut s’approprier, et qui rapproche dans une journée festive le public et les professionnels.
Ce sera très probablement le thème de l’édition à venir.
En conclusion de mon intervention, je veux vous adresser un message d’encouragement : nous attendons beaucoup de vous.
Le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, sont des atouts de notre pays, qui est comme vous le savez, la première destination touristique mondiale.
Mais nous devons encore davantage développer cette force. Nous ne sommes que la troisième destination en termes de recettes touristiques et mon ambition est de parvenir à faire de la France la première destination en tous points. Pour cela, nous devons travailler ensemble avec les professionnels, les collectivités et l’Etat.
Nous avons les moyens de faire de cette politique un incontournable du redressement économique du pays. Le potentiel de développement économique, de créations d’emplois et de valorisation de nos territoires est là, à nous de le mettre en oeuvre et de lui donner une réalité et pour relever ce formidable défi.
Je vous remercie de nouveau, Monsieur le Président pour votre invitation. Je compte sur vous, sur l’ensemble des professionnels et des élus, qui comme moi, sont attachés à notre pays et ont la volonté d’oeuvrer dans l’intérêt de la France.
Source http://www.artisanat-commerce-tourisme.gouv.fr, le 23 octobre 2012