Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur les objectifs et la mise en oeuvre du dispositif des emplois d'avenir, à Paris le 30 octobre 2012.

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Circonstance : Cérémonie de signature, présidée par le Premier ministre, de 30 premières conventions d'engagements pour les emplois d'avenir, à l'hôtel de Matignon le 30 octobre 2012

Texte intégral

Bien,
Mesdames,
Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les présidents et présidentes,
Mesdames et Messieurs les parlementaires, les présidents de commission de l’Assemblée nationale et du Sénat et Messieurs les rapporteurs du projet de loi qui est maintenant devenu la loi de la République, la loi sur les emplois d’avenir,
Mesdames, Messieurs, bienvenue à Matignon.
Bienvenue à Matignon pour le premier acte de la mobilisation pour mettre en œuvre concrètement cette grande loi qui a été votée par le Parlement. La loi pour les emplois d’avenir, c’est-à-dire l’emploi des jeunes. Et je tiens à vous saluer, Mesdames, Messieurs, d’avoir accepté de bien vouloir témoigner dans quelques instants sur ce qui vous motive dans cette recherche d’emploi et en quoi ces emplois d’avenir peuvent répondre à votre aspiration.
Vous vous souvenez tous et toutes que le président de la République, pendant sa campagne des élections présidentielles, avait mis la jeunesse au cœur de son projet. La jeunesse non pas comme une catégorie d’âge par rapport à d’autres mais le choix de l’avenir, le choix de la justice, le choix de l’espérance parce qu’il n’est pas acceptable qu’un pays qui ne se préoccupe pas de ses jeunes comme le nôtre puisse prétendre à faire face à son avenir. Et donc la priorité des priorités, c’est de commencer par les jeunes et de continuer par les jeunes.
Tout ce qui a été engagé a pour objectif de permettre à la jeunesse de prendre son destin en main, d’accéder à l’emploi, d’accéder au logement, de fonder une famille s’ils le souhaitent, de trouver des conditions d’un épanouissement personnel et collectif. Ce message que je voudrais vous adresser aujourd’hui, en particulier à vous, les jeunes, qui êtes ici avec nous.
Nous avons souhaité vous inviter et vous donner, dans quelques instants, la parole pour comprendre aussi quels sont vos parcours, ce que vous rencontrez comme difficultés mais aussi ce que vous portez comme espoir, comme volonté de vous engager dans la vie et réussir.
C’est vrai que la situation de notre pays est difficile. Il est du devoir du gouvernement de le dire, mais pas seulement de le dire que la situation est difficile, mais de s’attaquer aux racines du mal, de redresser nos finances publiques et, en même temps, de créer les conditions du retour de la croissance et, en même temps, de mener la bataille pour l’emploi. Et on sait que la bataille pour l’emploi ne se fera pas par un coup de baguette magique. Nous avons donc décidé de mettre en œuvre des mesures d’urgence sans attendre les conséquences des réformes profondes que nous engageons et qui porteront leurs fruits dans la durée. Cette loi est faite pour l’emploi des jeunes. Ces emplois d’avenir sont une nécessité.
Mais je ne vais pas vous répéter les chiffres, vous les connaissez, malheureusement, les chiffres du chômage des jeunes. Chaque mois depuis dix-sept mois, le chômage augmente. Et quand on regarde dans le détail les chiffres, ce sont les jeunes de moins de vingt-cinq ans surtout qui sont concernés mais ce sont aussi les seniors. Il y a quelque chose qui ne va pas dans la manière dont on aborde la question de l’emploi dans notre pays. C’est à ça aussi que nous avons voulu nous attaquer sans oublier des territoires plus touchés que d’autres, des jeunes plus touchés que d’autres.
C’est aussi la question de l’éducation, de la réussite scolaire. C’est au cœur de notre politique. C’était aussi au cœur de la grande conférence sociale, là où les partenaires sociaux ont décidé d’engager une grande négociation. C’est une première historique. Je souhaite que ce dialogue social se poursuive. Beaucoup de grande questions ne seront résolues que si nous cherchons et nous trouvons ensemble des compromis. Mais sur cette question de l’emploi des jeunes et du maintien dans l’emploi des seniors, il y a eu un accord. Ce n’est pas seulement un dialogue, c’est une négociation qui a abouti. D’un côté, la loi que les parlementaires ont adoptée ; de l’autre côté, le contrat de génération qui fera lui aussi, en décembre, l’objet d’un prochain projet de loi pour amplifier encore ce que nous engageons aujourd’hui parce que nous n’acceptons pas, le gouvernement comme la majorité, que tant de jeunes Français n’aient pas le même accès au monde du travail pour une première expérience et qu’avant même de leur donner une chance, on leur reproche leur absence d’expérience, leur jeunesse en quelque sorte.
Vous le savez, j’ai été professeur. Je sais ce que signifie de contribuer à élever les jeunes vers le savoir, vers la connaissance du monde et donc la connaissance d’eux-mêmes, la confiance qu’ils retrouvent, qu’ils trouvent peu à peu dans leurs capacités, qu’ils découvrent, qui leur permet de s’épanouir et de réussir leur vie. Eh bien cette exigence, c’est une exigence républicaine, c’est une exigence quotidienne de tout le gouvernement, de tous les membres du gouvernement, de toute l’action publique de notre pays. Donc je remercie particulièrement les élus des régions, les présidents et présidentes de régions, des départements, des agglomérations, des communes, grandes villes qui étaient réunis à l’Élysée autour du président de la République ce matin parce que l’action publique dans notre pays, c’est à la fois l’État mais ce sont aussi les collectivités locales. Je sais que le gouvernement, que la société, que les Français peuvent compter sur vous.
Nous avons aussi engagé le grand chantier de la refondation de l’école. Pourquoi avons-nous engagé ce grand chantier ? Non pas que l’école ne marche pas du tout. Pour 80 % des jeunes, elle fonctionne mais il reste 20 % de jeunes en situation d’échec. Cent cinquante mille d’entre eux qui, chaque année, quittent le système scolaire sans qualification, sans diplôme. Parfois, ils s’en sortent mais c’est plus difficile que pour les autres. Nous n’acceptons pas cette situation comme si c’était une fatalité.
C’est donc tout ce grand chantier de la refondation de l’école qui a été engagé. Ça veut dire des moyens prioritaires, des maîtres formés, mais aussi un partenariat avec les collectivités territoriales. C’est vrai que pour certains jeunes qui n’ont pas pu, pour diverses raisons, obtenir un diplôme, il est intolérable que la société leur ferme ainsi leurs portes. Redonner confiance, voilà notre objectif. Et en même temps, réussir cette première action, action d’urgence.
Le sens des emplois d’avenir, c’est permettre de donner une chance à des jeunes qui vont pouvoir être utiles à la société. Ce n’est pas seulement pour vous donner un emploi pour vous occuper ou pour vous payer, c’est parce que ce que vous allez faire sera utile, mais c’est aussi pour répondre à une inégalité criante qui fait qu’une partie de notre jeunesse connaît plus de difficultés que d’autres dans certains quartiers, dans certains territoires frappés de plein fouet par le chômage, mais je pense aussi aux quartiers urbains défavorisés (comme on dit, les zones urbaines sensibles). Là, outre les difficultés sociales, les habitants peuvent subir des discriminations qui sont liées au lieu d’habitation, qui sont liées à leur adresse. L’élimination d’un CV parce que l’adresse en haut à gauche est considérée comme un handicap, ce n’est plus acceptable. Et, évidemment, les discriminations liées à l’origine réelle ou supposée des habitants et en particulier des jeunes sont tout aussi intolérables et nous les combattrons avec la plus grande fermeté.
Mais les faits sont là : les jeunes de ces quartiers vivent avec l’idée que leur avenir est plus probablement fait de chômage ou aux difficultés qu’à des perspectives d’épanouissement professionnel ou personnel. Nous avons donc le devoir d’orienter les emplois d’avenir prioritairement vers eux. Et ce n’est pas une incantation parce que c’est la loi qui en a décidé le principe. Et la circulaire que le ministre du Travail, Michel Sapin, signera dans les prochains jours en prévoit la déclinaison opérationnelle.
Le nombre d’emplois d’avenir dédiés à chaque région prévoit notamment que 30 % des emplois soient consacrés aux jeunes habitant dans les zones urbains sensibles. Et dans chaque région, les préfets auront pour mission d’appliquer cette règle en s’appuyant sur les services publics de l’emploi sur le plan territorial (Pôle Emploi, les Missions Locales, les Maisons de l’Emploi).
J’ai parlé des milieux urbains mais il y a aussi des territoires ruraux qui sont concernés, bien sûr, parce que parfois, la situation est peut-être moins mise en lumière mais elle est aussi très difficile pour les jeunes. Pour d’autres raisons peut-être, à commencer par le départ de certains services publics, les difficultés de transport, de déplacement. C’est aussi vers les bassins d’emploi les plus durement touchés par la crise et aussi vers l’outre-mer où la situation des jeunes est particulièrement compliquée que les emplois d’avenir iront en priorité.
Bref, nous avons fait un choix, un choix très clair, celui d’orienter les emplois d’avenir vers les jeunes qui en ont le plus besoin et là où ils sont le plus frappés par le chômage. Alors j’ai souhaité organiser ce rassemblement plutôt, j’allais dire, solennel, c’est vrai, même un peu grave, mais parce que tous ceux qui sont là ont voulu s’engager et voulu s’engager tout de suite sans attendre pour être prêts, dès l’entrée en vigueur de la loi donc après-demain lorsque j’aurai signé le décret. Et puis ensuite, vous pourrez agir. Le président de la République signera, je crois, le 7 novembre le premier emploi d’avenir.
Aujourd’hui, ce sont trente conventions d’engagement que nous allons signer ensemble. Les collectivités territoriales – je l’ai dit – prennent avec nous des engagements forts. D’abord, recruter dans leurs propres services. De nombreux emplois peuvent être offerts aux jeunes qui seront autant d’occasions de formidables expériences, qui les armeront pour de nombreux emplois. Et puis au-delà de leur rôle d’employeurs, les collectivités territoriales prennent ici aujourd’hui les engagements qui sont liés à leurs domaines de compétence.
Et puis c’est la formation. La formation qui s’est mobilisée parce que les régions jouent un rôle particulier. C’est dans leurs compétences. Et c’est avec l’Association des Régions de France que je signerai à ce sujet et son président une convention. Mais aussi des régions déjà mobilisées concrètement (je pense à la Région Poitou-Charentes, je pense à la Région PACA, je pense à la Guadeloupe).
Et puis c’est l’accompagnement social qui est mobilisé dans les départements parce que l’Assemblée des départements de France est convaincue qu’elle a aussi, dans l’accompagnement des jeunes, un rôle spécifique à jouer. C’est déjà le cas avec les départements du Doubs, de la Drôme dont les présidents sont avec nous.
C’est donc tout l’accompagnement de proximité et le déploiement sur le terrain au travers notamment des Missions Locales, des Maisons de l’Emploi qui sont impulsés par les communes avec l’Association des Maires de France , l’Association des Maires de Grandes Villes, l’Assemblée des communautés de France, l’Association des Maires Ruraux. Aujourd’hui, Paris et Saint-Denis (Saint-Denis de la Réunion) s’engagent dans cette perspective.
Mesdames, Messieurs, ces emplois s’appellent des emplois d’avenir parce qu’ils sont pour vous, les jeunes, mais aussi parce qu’ils concernent des métiers qui ont une utilité sociale, qui répondent à des besoins parfois non satisfaits de proximité, qui sont amenés à se développer au regard des évolutions de notre société. Et cette utilité sociale, c’est celle de l’économie sociale et solidaire.
L’USGERES s’engage à mobiliser les fédérations d’employeurs de son réseau. Et ce secteur dispose d’un potentiel de création d’emploi formidable parce que d’ici 2020, le secteur de l’économie sociale et solidaire, c’est plus de six cent mille départs en retraite.
Je voudrais aussi saluer la mobilisation des grandes fédérations associatives présentes qui sont là avec la CPCA (la Conférence permanente des coordinations associatives). Je sais combien les associations ont besoin d’une politique qui leur permette de faire face à leurs missions. Eh bien aujourd’hui, vous avez fait le choix, vous avez fait le pari des emplois d’avenir. Je ne méconnais pas les questions que vous avez pu vous poser, les attentes qui sont les vôtres, mais vous êtes là et je vous en remercie.
Peut-on imaginer meilleur modèle que l’élévation d’un jeune qui rend, par son travail, un service à la collectivité ? Donc, aujourd’hui, avec l’USGERES, la CPCA, sont présents le CNAGEP pour l’éducation populaire, le CNOSF pour le secteur sportif, l’UNIOPSS pour le secteur sanitaire et social, les Maisons Familiales et Rurales, les régies de quartiers qui développeront notamment des emplois liés à l’économie verte, la FNARS, le CORAS, la CROIX-ROUGE. Oui, vous ouvrez la voie à d’autres fédérations et à d’autres associations qui vous rejoindront prochainement, j’en suis convaincu.
Ces emplois sont aussi ceux des établissements publics et des entreprises publics. Demain, des jeunes seront recrutés à la SNCF, d’autres à La Poste, d’autres au Louvre et d’autres dans d’autres musées, dans les hôpitaux, à l’Agence Nationale de l’Habitat. Quelle diversité de lieux et de métiers !
Mesdames, Messieurs les responsables de ces entreprises publiques et opérateurs publics, je tiens à vous remercie de votre engagement. Je tiens aussi à souligner un point qui est, à mes yeux, absolument essentiel pour que ces emplois d’avenir soient une réussite. Si nous nous retrouvons dans quelque temps, à quoi serons-nous jugés ? Bien sûr, le fait que cent cinquante mille jeunes auront trouvé du travail. Et pour y parvenir, il faut se mobiliser. Nous sommes là pour ça aujourd’hui. Ce sera déjà un grand succès. Nous gagnerons véritablement cette bataille si les jeunes en retirent une expérience utile pour la suite de leur parcours.
C’est pourquoi la formation est un aspect majeur du dispositif. C’est dans la loi, je le rappelle. Cette loi a été beaucoup travaillée. Merci Mesdames et Messieurs les députés, Mesdames et Messieurs les sénateurs, avec le gouvernement. Nous avons trois exigences : d’abord, la présence d’un tuteur car le travail en lui-même est un moment d’apprentissage ; ensuite, une formation pour consolider les compétences développées dans le travail ; et enfin la délivrance d’une qualification reconnue. Le Centre National de la Formation Territoriale, qui est également là pour signer aux côtés des collectivités territoriales, jouera son rôle. Je salue la présence des OPCA, je l’ai dit, qui travaille déjà pour identifier les financements dédiés à la formation professionnelle de ces jeunes et pour accompagner leur employeur.
Mesdames et Messieurs, vous serez donc les trente précurseurs du 30 octobre. Retenons cette date. Eh oui, d’autres vous rejoindront parce que vous allez créer une dynamique, vous allez créer un mouvement. Ces conventions ne sont – j’en suis sûr – que les premières. Elles doivent être suivies de beaucoup d’autres parce que nous sommes regardés, nous sommes attendus ! Je ne parle pas des polémiques – elles ne servent pas à grand-chose –, je parle des Françaises et des Français et parmi eux, des jeunes qui ne s’intéressent pas à la politique quand elle se caricature elle-même mais qui jugent la politique dans sa noblesse, c’est-à-dire dans son engagement à résoudre les problèmes de la France et des Français.
Donc le nouveau modèle français dont j’ai parlé – et j’en reparlerai –, c’est notre mobilisation, c’est l’horizon, c’est l’objectif que nous devons nous fixer. Ce n’est pas gérer au jour le jour, c’est faire face aux urgences et engager les réformes de structure, c’est faire en sorte que tout ce qui fédère les Français autour de nos valeurs, les valeurs de la France, ne soit pas que des mots, devienne la réalité concrète et pour que, justement, les jeunes qui n’attendent qu’à s’engager, qui n’attendent qu’à y croire, qui n’ont qu’une chose à cœur, finalement, c’est de trouver leur place et d’être fiers d’être des jeunes Françaises et des jeunes Français. Eh bien c’est à nous et à eux que nous devons cet engagement. Vous êtes là pour ça. Vous avez compris ce message, je vous en remercie, parce qu’ensemble, nous allons réussir à redonner confiance. Merci.
Source http://www.gouvernement.fr, le 31 octobre 2012