Déclaration de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, sur le financement de la sécurité sociale, notamment les dépenses de protection sociale et le système des retraites par répartition, Paris le 23 octobre 2012.

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Circonstance : Présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale le 23 octobre 2012

Texte intégral


J’ai l’honneur de vous présenter le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de gauche depuis dix ans dans notre pays.
Ce texte ne se résume pas à une succession d’articles. Il a pour ambition de réhabiliter le mot même de protection sociale, dévoyé par cinq années de discours caricaturaux sur l’assistanat. Nicolas Sarkozy s’est présenté comme le président de la rupture. C’est avec notre modèle de protection sociale qu’il a rompu.
La crise a justifié toutes les régressions. Le précédent gouvernement s’en est servi pour masquer aux Français ses vrais choix politiques.
La double peine du sarkozysme, c’est un recul des droits sociaux et un déficit record pour la sécurité sociale.
Recul des droits sociaux avec la réforme injuste des retraites, qui a frappé ceux qui ont commencé à travailler jeunes. Avec, aussi, la limitation de l’accès aux soins : déremboursements, forfait à l’hôpital, franchises, taxes sur les mutuelles. A chaque nouvelle mesure, c’est le niveau de protection de nos concitoyens qui a été affaibli.
La facture sociale du dernier quinquennat, c’est un déficit cumulé de 90 milliards d’euros. Et cette facture, ce sont les Français qui la paient. Ils dépensent plus pour être moins bien protégés.
Notre projet de loi marque une inversion par rapport à la politique conduite ces dernières années. Les efforts porteront sur le système et pas sur les assurés. Les Français ont besoin de protection, pas d’incertitudes.
Nous assistons depuis plusieurs années à un inexorable délitement de notre lien social : repli sur soi, peur du déclassement, en particulier chez les classes moyennes, accroissement des inégalités, au premier rang desquelles les inégalités de santé. Plus que jamais, le gouvernement veut réaffirmer le rôle central de la protection sociale dans le pacte républicain. Vous ne trouverez pas dans nos rangs des déclinistes, des fatalistes, ceux qui, finalement, ont renoncé à notre modèle social.
Dans le débat central sur notre compétitivité, je ne fais pas partie de ceux qui pensent que notre protection sociale serait un fardeau. Elle est au contraire une promesse de liberté. Les Français ne seront pas plus compétitifs en étant moins bien protégés. C’est parce qu’on est bien protégés qu’on se projette dans l’avenir ; c’est parce qu’on est bien protégés qu’on ose prendre des risques ; c’est parce qu’on est bien protégé soi-même que l’on accepte de contribuer à la protection de tous.
Notre modèle social n’est ni un héritage, ni un archaïsme. Notre responsabilité, c’est de le préserver pour les générations futures.
C’est pourquoi, le texte que je vous présente aujourd’hui est un PLFSS de protection.
Protéger les Français, c’est d’abord leur assurer qu’ils pourront se soigner, quels que soient leurs revenus et leur lieu de résidence.
Cette priorité donnée à la santé se traduit par une croissance de l’ONDAM fixée à 2,7%. Ce sont 4,6 milliards d’euros de plus pour la santé des Français qu’en 2012. 2 milliards de plus pour les soins de ville, dont la progression est strictement équilibrée avec celle de l’hôpital. 1,9 milliard de plus pour les hôpitaux, qui ont tant souffert ces dernières années. 650 millions d’euros de plus pour le secteur médico-social.
Notre projet de loi prévoit des recettes nouvelles à hauteur de 1,5 milliards d’euros pour l’assurance maladie grâce, notamment, à la mise en place de taxes comportementales et à la suppression de niches sociales.
Protéger les Français, c’est ensuite garantir notre système de retraites par répartition. Il est l’assurance du maintien d’un contrat générationnel.
Ce projet de loi assainit nos régimes de retraite fragilisés par la réforme de 2010. Ce sont 7 milliards de recettes supplémentaires en 2013, qui permettront de ramener le déficit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) et du FSV à 6,6 milliards d’euros contre 10,2 milliards en 2012, si aucune mesure n’avait été prise.
Une partie des recettes nouvelles bénéficiera au FSV et aux différents régimes. La cotisation instaurée sur les retraites viendra compléter le financement de la politique de lutte contre la perte d’autonomie.
Notre texte prévoit aussi de réparer des injustices pour certaines catégories de retraités. C’est le cas des travailleurs de l’amiante, qui pourront prendre leur retraite à soixante ans, quel que soit leur régime. C’est également le cas pour les travailleurs non salariés agricoles, qui bénéficieront de points retraite gratuits en compensation des périodes d’invalidité et de maladie.
Vous le savez, l’année 2013 sera importante pour l’avenir de nos retraites. La consolidation des différents régimes inscrite dans ce PLFSS nous permettra de mener une concertation avec les partenaires sociaux, dont l’ordre du jour ne sera pas strictement financier.
Protéger les Français, c’est encore donner la priorité à la famille. La droite n’a pas le monopole de la défense des familles.
Nous demandons à être jugés sur nos actes et pas sur des procès d’intention. Nous avons déjà augmenté de 25% l’allocation de rentrée scolaire qui bénéficie à des millions de familles. Nous poursuivons notre soutien aux familles dans ce projet en proposant d’instaurer le tiers payant des dépenses de garde d’enfant pour les familles modestes.
Les défenseurs de la famille ne sont pas ceux que l’on croit. Le précédent gouvernement leur avait retiré 350 millions d’euros. Entre la LFR et le PLFSS, c’est 1 milliard d’euros de recettes supplémentaires pour la branche famille que nous vous proposons d’adopter.
Protéger les Français, c’est aussi les assurer contre les risques liés au travail. La branche ATMP présentera un excédent d’environ 300 millions d’euros en 2013, après avoir été déficitaire de 100 millions d’euros en 2012.
Protéger les Français, c’est enfin rendre réel et pleinement effectif l’accès aux droits. La prise en charge à 100% des IVG est inscrite dans ce projet. Je présenterai au nom du gouvernement un amendement sur la gratuité des contraceptifs pour les mineures.
Notre projet défend le maintien des droits et leur extension. Il ne s’agit pas seulement de répondre à des besoins sociaux en procédant à des adaptations ponctuelles. Nous devons conduire notre action dans la durée. Face aux évolutions profondes de la société, comme le vieillissement de la population ou le changement des pathologies, les attentes des Français ont changé. Notre devoir est de moderniser notre protection sociale.
Le premier pilier de cette modernisation, c’est une politique d’économies renforcée.
On nous accuse volontiers de fiscalisme. C’est un comble de la part de ceux qui, en accolant le terme « social » à celui de TVA, avaient fait le choix de prélever plus de 10 milliards d’euros sur tous les Français ! Je veux donc leur répondre très directement que notre projet prévoit 2,4 milliards d’euros d’économies, dont 1 milliard au titre de la politique du médicament via les génériques. A ce titre, je serai vigilante à l’égard des pratiques des laboratoires. En maîtrisant les dépenses de médicament et en rationalisant les achats, ce sont 650 millions d’euros d’économies réalisés à l’hôpital. Le reste de l’effort portera sur la médecine de ville avec la baisse des tarifs de certaines professions, davantage de maîtrise médicalisée et une meilleure organisation des parcours.
Je le répète, aucune économie ne se fera sur le dos des assurés sociaux.
Le deuxième pilier de la modernisation, c’est de diminuer, à terme, le reste à charge pour les familles.
Trop de Français ont renoncé à se soigner pour des raisons financières. Cette situation est inacceptable. Faire tomber les barrières financières, c’est permettre à chaque Français d’avoir accès à des tarifs opposables. C’est le sens de la négociation sur les dépassements d’honoraires.
Le troisième et dernier pilier de la modernisation, c’est la réorganisation de notre système pour permettre à tous l’accès aux soins.
Cette réorganisation consistera, d’une part, à revaloriser les missions de l’hôpital public et, d’autre part, à veiller à une meilleure organisation de la médecine de proximité. Il est temps de bâtir les parcours autour du patient et non plus des structures.
L’hôpital public est l’épine dorsale de notre système de santé.
Nous reprenons dans le cadre de ce projet plusieurs propositions du rapport sur le financement de l’hôpital public, rendu dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale par Messieurs Le Menn et Milon. Rapport qui fut d’ailleurs adopté à l’unanimité par la commission des affaires sociales du Sénat.
Nous avons fait le choix de réintroduire la notion de service public hospitalier dans la loi et de mettre fin à la convergence tarifaire, qui niait la spécificité des missions de l’hôpital public. Dans le même esprit, la tarification à l’activité ne sera plus le seul mode de financement de nos hôpitaux et nous protégerons les missions d’intérêt général en mettant fin à la pratique des gels de début d’année. Parallèlement à ce projet de loi, j’ai lancé, le 7 septembre dernier, un pacte pour l’hôpital, dont l’objectif est de renouer une relation de confiance avec l’ensemble de la communauté hospitalière.
Avec autant de détermination, notre projet réaffirme le rôle de pivot de la médecine libérale dans l’organisation de notre système de soins.
Pour permettre à chaque Français de se soigner près de chez lui, nous engageons un combat contre les déserts médicaux. Cela se traduit très concrètement par la création dès 2013 de 200 postes de praticiens locaux de médecine générale. Accéder à un médecin est devenu un privilège désormais, cela doit redevenir un droit. Que les parlementaires qui ne voteront pas ce texte assument ce choix devant leurs électeurs dans leur circonscription ! Il nous faudra évidemment aller plus loin sur ce sujet, en permettant à chaque Français d’accéder en moins de trente minutes à des soins d’urgence.
Pour faciliter la consultation d’un médecin de ville, l’organisation en équipes permettra d’accroître les horaires d’ouverture, de prendre en charge les demandes de soins dans des délais raisonnables et d’éviter tout passage inutile aux urgences. Ce PLFSS, en valorisant le travail en équipes, constitue une première étape de la politique que nous engageons pour les cinq prochaines années.
C’est une nouvelle approche que nous initions dans notre projet : une approche fondée sur la confiance dans l’expertise des acteurs de terrain. Professionnels de santé, élus, associations : les compétences de chacun seront mises à contribution pour élaborer des parcours de santé pertinents.
Mesdames et messieurs les députés,
Ce premier PLFSS marque une inversion des priorités. La rigueur pour la rigueur n’est pas un projet politique, c’est l’autre nom de l’austérité. Ce n’est pas le choix de ce gouvernement. Pour moi, rétablir les comptes sociaux, c’est d’abord garantir aux Français qu’ils resteront protégés face aux aléas de la vie. Leur garantir que, lorsqu’ils vieillissent, que survient la maladie ou l’accident du travail, notre protection sociale sera là pour eux.
En adoptant ce texte, nous renouons avec la justice sociale. Sans justice, aucun redressement n’est possible. Il est juste de faire peser l’effort de redressement en priorité sur les Français les plus favorisés. Il est juste de renforcer la protection de ceux, classes moyennes et familles modestes, qui en ont le plus besoin. Il est juste de ne pas laisser la seule dette en héritage à nos enfants.
La justice est la seule exigence qui conduit l’action de ce gouvernement.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 31 octobre 2012