Déclarations de Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce et à l'artisanat, sur le développement du commerce et de la distribution français en Méditerranée et sur le commerce électronique, "instrument commercial révolutionnaire", à Marseille le 22 septembre 1997, à New York le 29 septembre.

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Circonstance : Première conférence euro - Méditerranée sur le commerce et la distribution, à Marseille, le 22 septembre 1997-séminaire "Vendre sur Internet" à New York le 29 septembre

Texte intégral

- Conférence euro-Méditerranée, Marseille le 22 septembre 1997.
Mesdames, Messieurs,
Je remercie Monsieur le maire de Marseille pour la qualité de son accueil.
Je remercie le Conseil national du commerce et son président, Jacques Dermagne pour l'organisation de cette rencontre.
Le commerce nous réunit aujourd'hui pour évoquer des questions économiques importantes, parfois difficiles. Je voudrais cependant vous dire qu'une conférence sur le commerce à Marseille, intitulée " euro-Méditerranée ", c'est bien plus que de l'économie, c'est la reconnaissance de communautés attachées les unes aux autres, d'une civilisation commune autour d'un lien solide : la Méditerranée.
La présence parmi nous des représentants de tous les pays méditerranéens est le signe fort, qu'au delà de nos préoccupations, dans le respect de nos identités, nous pouvons avoir des échanges fructueux.
Les enjeux du commerce pour la France
J'évoque mon pays. C'est bien sûr, de ma responsabilité. Mais, en vérité, les enjeux du commerce n'ont pas de frontières nationales.
Il ne s'agit donc pas pour moi de la seule France. Il ne s'agit pas même de la seule Europe. Il s'agit de territoires, reliés entre eux par la vie économique, qui sont liés par une histoire commune depuis les premiers temps.
1 - Il ne faut pas aborder le commerce et la distribution sur des bases antagoniques. D'ailleurs, vous liez les deux termes par un trait d'union, vous avez raison.
La distribution, la grande distribution, a pris conscience que son développement passait par des relations équilibrées avec les fournisseurs : c'est à dire des contrats de longue durée, qui partagent les bénéfices de la coopération. Ces accords se développent au profit de nombreuses PME françaises et étrangères, c'est un facteur très positif de progrès.
Le Gouvernement de Lionel Jospin souhaite que l'ensemble des acteurs de la distribution : grandes surfaces, producteurs, mais aussi grossistes, indépendants et petits commerces, recherchent les bases d'un développement commun. Il faut éviter qu'une forme de commerce ne se développe au détriment d'une autre. L'État est prêt à assurer les médiations nécessaires en la matière.
2 - Parmi les enjeux de l'avenir, j'en distingue deux particulièrement importants, qui vont bouleverser le commerce et la distribution : l'euro et le commerce électronique.
L'euro : je ne vais pas revenir sur les avantages attendus de la monnaie commune, vous les connaissez. Je crois que les accords signés avec le Maroc, la Tunisie, l'Autorité palestinienne ou Israël, ou en cours de conclusion avec l'Égypte, la Jordanie ou le Liban, trouveront une dimension supplémentaire avec l'euro.
Mais il faut que nous veillons collectivement à ce que l'euro ne divise pas les acteurs du commerce. Si l'euro est une monnaie à vocation mondiale, elle ne doit pas avoir les mêmes effets néfastes que peut avoir la devise américaine lorsqu'elle devient hors de contrôle. Nous devons avoir un débat sérieux sur ce point.
Le commerce électronique : c'est l'enjeu majeur pour le commerce de demain. Une des conséquences du commerce électronique est l'abolition des distances, des frontières. Il faut donc maîtriser les conditions d'utilisation du commerce sur internet.
Je redoute le développement anarchique d'internet, qui ne respecterait pas les législations sociales. Je ne veux pas que le commerce électronique se déploie au détriment des commerces dits " traditionnels ", et finalement du consommateur.
Nous devons réfléchir ensemble à une politique coordonnée pour la diffusion du commerce électronique. Les enjeux de la consommation, de la concurrence et du commerce font de la Méditerranée un cadre pertinent pour avancer sur cette question.
La diversité de l'offre, des régions, des produits et services doit, avec le commerce électronique, conserver sa place.
Je connais un logiciel qui dès aujourd'hui compare les prix d'un même produit. Il met en concurrence les 15 meilleures offres disponibles. Cela, associé à une réduction continue des coûts des télécommunications et des transports, met à mal nos protections douanières anciennes. En réalité, elles risquent d'être bientôt totalement dépassées.
Il faut que nous mesurions bien cet enjeu là. Je sais que le programme Medstat peut y contribuer.
Le rôle des Pouvoirs publics
Les Pouvoirs publics ont une mission principale : favoriser les conditions d'un développement durable et équilibré du commerce.
1 - Pour atteindre cet objectif, nous devons promouvoir des échanges équilibrés, qui respectent les conditions de concurrence. Les discussions en matière de libre-échange progressent. Il faut que cela reste notre horizon commun.
Avec le ministre du Commerce Extérieur, je reste attentive à ce que les PME françaises trouvent, autour du bassin méditerranéen, des conditions d'exportation acceptables. Là aussi nous continuerons d'avancer par la concertation. Avec le souci permanent de respecter les intérêts de chacun des partenaires.
2 - Vous avez évoqué durant cette journée le rôle social du commerce. Le Livre Vert de la Commission insiste fort justement sur le rôle du commerce en faveur de l'emploi et de la cohésion sociale.
Le commerce est un gisement d'emplois, c'est vrai. C'est aussi un moyen au service des territoires. Il peut, en effet, assurer les liens entre les activités, entre les hommes. Il doit contribuer à la cohérence des territoires.
C'est une réflexion qui ne doit pas s'arrêter aux frontières des États ou même de l'Union, même si, avec 370 millions de consommateurs, l'Europe dispose du premier marché intérieur mondial.
Le commerce sera le premier à réaliser le marché unique méditerranéen : il ne peut pas le faire au détriment de l'emploi ou en ignorant l'identité de nos territoires. Je n'adhère pas à l'idée que la mondialisation puisse être synonyme du triomphe de l'uniformité, et du moins-disant social.
L'accroissement des échanges enrichit l'offre et aussi la demande. Les échanges économiques, surtout lorsqu'ils sont internationaux, rapprochent les cultures. C'est la réponse habilitée des États de conduire en cohérence action économique et développement culturel.
En conclusion
Il faut donner une perspective humaine et sociale à nos communautés. L'efficacité productive est une nécessité. Je salue les résultats de l'Europe en général, et de la France en particulier. Mais je plaide ici pour un seul monde : le monde de la Méditerranée.
Le commerce peut être un facteur de paix. Il nous revient d'agir pour que les conditions de l'échange restent équilibrées entre nous, pour que nous avancions, ensemble, vers les révolutions technologiques de demain.
Si nous développons le commerce dans cet esprit là, avec cette volonté là, je suis sûre que nous contribuerons à la paix.
- Séminaire "Vendre sur internet", New York le 29 septembre 1997.
Mesdames, Messieurs,
Je remercie Monsieur le conseiller commercial Louis-Michel Morris et le conseiller économique et commercial Bruno Jactel ainsi que leurs services pour l'organisation de ce séminaire.
Je salue les participants à ce meeting, la présence parmi vous de nombreux représentants de firmes françaises marque bien l'importance du commerce électronique pour notre économie.
Pourquoi la participation au séminaire ? pourquoi des entretiens avec des spécialistes du commerce électronique à Washington ?
Je suis présente ici ce matin parce que je suis convaincue que le commerce électronique est avant tout une démarche d'entreprise. C'est un instrument commercial révolutionnaire. Des nouveautés sur internet apparaissent chaque jour, elles sont diffusées en temps réel sur toute la planète.
C'est en écoutant des professionnels, des spécialistes comme vous, que les Pouvoirs publics, peuvent comprendre les orientations prochaines du commerce électronique.
Internet est un phénomène mondial, cela a été assez souvent dit. Il ne peut pas y avoir de réponse nationale ou même régionale pertinente à une innovation de cette nature et de cette ampleur.
Je souhaite mieux connaître et comprendre les dernières positions publiques américaines vis à vis d'internet. C'est pour cela que je rencontrerai cet après-midi des spécialistes américains de l'administration et des lobbys.
Nous devons, ensemble, essayer de bâtir une politique coordonnée pour qu'internet soit un outil d'échanges et de commerce accepté partout bien sûr. Mais aussi pour que sa diffusion respecte les droits de la concurrence et de la protection du consommateur tels que nous les avons défini.
Les réunions qui se tiendront cet automne dans le cadre de l'OMC et à l'OCDE seront importantes pour confirmer la rôle des instances internationales dans la réglementation du commerce sur internet.
De nombreuses choses ont été dites sur le commerce électronique, j'ai noté la volonté exprimée ici, aux États-Unis, de coordonner l'action des Pouvoirs publics. J'adhère totalement à cette démarche, je voudrais qu'elle trouve une expression concrète, permanente et efficace à l'échelle internationale.
Quel est l'état de la réflexion du Gouvernement et ses principales préoccupations ?
Le Gouvernement français a défini quelques idées force :
donner au consommateur une information transparente et fiable de l'offre internet et de ses conditions d'accès.
assurer la sécurité du consommateur : ce qui veut dire la sécurité des paiements bien sûr mais aussi la sécurité des contrats (loyauté, clarté, équilibre)
Promouvoir les règles de droit les plus favorables aux consommateurs afin d'éviter les détournements de trafic vers les plates-formes les moins disantes.
garantir aussi la qualité et la sécurité des contrats et des relations commerciales dans les échanges internet entre les entreprises.
Il y a aussi, parmi les priorités du Gouvernement, l'appui aux entreprises françaises dans le choix des serveurs. Les entreprises doivent trouver sur internet une offre de serveurs adaptée.
Il ne faut pas oublier la dimension technologique d'internet, je sais que mon collègue Christian Pierret, Secrétaire d'Etat à l'industrie a lancé une politique de modernisation de l'équipement télématique des foyers et de diffusion des nouvelles technologies.
Les Français ont une certaine expérience de l'informatique à la maison. Je suis persuadée qu'internet peut être un facteur de progrès considérable pour tous, en diffusant les connaissances, en facilitant l'accès à des produits et à des services.
Je crois que le réseau internet aura un rôle majeur à jouer dans la formation des territoires de demain : internet ne doit pas isoler l'internaute, il doit au contraire lui permettre d'échanger : c'est à dire de dialoguer de façon virtuelle mais aussi de favoriser le rapprochement des hommes.
Ce serait un grave échec pour internet de créer des exclus du réseau. Il faut réfléchir aux moyens de faciliter l'accès à tous à internet.
Pour avancer dans la réflexion je suis accompagnée par Francis Lorentz qui a été chargé par Dominique Strauss Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et moi même de proposer des orientations sur le commerce électronique pour les administrations financières. Il rendra ses conclusions aux ministres à la fin du mois de novembre.
Pour conclure
Il ne faut pas oublier qu'internet est encore aujourd'hui, pour la majorité des foyers, une promesse technologique, et non pas un outil d'usage quotidien.
La responsabilité des Pouvoirs publics est d'aider à la diffusion d'internet, mon collègue Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, s'y emploie dans les écoles françaises.
Ma responsabilité est de garantir que ce progrès technique majeur ne se traduise pas par une régression pour les acteurs économiques et notamment les consommateurs.
Internet est un vecteur de liberté extraodinaire, nous ne devons pas brider cette liberté mais au contraire lui permettre de s'épanouir et pour cela offrir une garantie collective aux internautes du monde entier.
Internet ne sera pas le véhicule d'une culture uniforme, aseptisée, mais le forum d'identités qui échangent et s'enrichissent par le dialogue. Le commerce électronique doit prendre sa part, toute part, dans ce défi.
Je vous souhaite une bonne journée de travail.
Thank you very much.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 2 août 2002)