Texte intégral
Monsieur le Directeur Général de lANSES, monsieur le directeur adjoint,
Monsieur le Président du conseil scientifique du Programme National de Recherche sur les Perturbateurs Endocriniens,
Monsieur le Président du comité scientifique,
Messieurs les Directeurs dagences scientifiques de Tunisie, de Grèce, de Pologne, du Danemark,
Mesdames et messieurs les professeurs, les directeurs de recherche, les responsables dassociations, dentreprises, les directeurs dadministration et chefs de service,
Vous êtes rassemblés pour partager vos connaissances scientifiques sur les effets sanitaires et environnementaux des perturbateurs endocriniens, dans un colloque de dimension internationale, et je remercie lANSES et le Commissariat Général au Développement Durable davoir impulsé cela il y a un an, dans le cadre du Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens, qui sont comme vous le savez des substances chimiques qui ont des effets sur la santé, en perturbant le fonctionnement des glandes du système endocrinien, et qui peuvent être à lorigine de cancers, de diabète, dobésité, de baisse de la fertilité, de troubles du comportement. Lexposition in utero peut engendrer des effets transgénérationnels, comme cela a été rappelé avec le Distilbène, qui affecte beaucoup de femmes de ma génération.
Le rôle de l'environnement et plus particulièrement des molécules chimiques comme les perturbateurs endocriniens est aussi de plus en plus suspecté dans des effets globaux déjà constatés, et dont les premiers signaux sont apparus dès les années 90, comme la diminution de la fertilité masculine : plusieurs études confirment la diminution de la qualité du sperme, comme celle parue mercredi dernier, menée par un chercheur de l'Institut de veille sanitaire (InVS), qui montre que la concentration du sperme des Français en spermatozoïdes a chuté de 32 % entre 1989 et 2005.
Il y a aussi l'augmentation des incidences des cancers du sein, du testicule, de la prostate, la précocité de l'âge de la puberté chez les femmes, lallongement du délai pour concevoir puisque la proportion de femmes déclarant une difficulté à concevoir est passée de 14,6 % en 1978 à 23,3 % en 1994 (Références issues du numéro thématique « Enjeux environnementaux pour la fertilité humaine » du Bulletin épidémiologique hebdomadaire, Février 2012).
Les perturbateurs endocriniens, tels que le Bisphénol A, les Phtalates, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), les polychlorobiphényles (PCB), sont répandus dans notre environnement : dans les contenants alimentaires, les solvants, les peintures, les pesticides, les cosmétiques, les plastiques, les résidus médicamenteux dans leau, les gaz déchappement, la liste est longue.
J'ai souhaité que la prévention des risques sanitaires environnementaux soit une priorité du gouvernement. Convaincue de limportance majeure de ces enjeux, jai souhaité que la question de la prévention des risques sanitaires environnementaux soit appréhendée de façon globale et inscrite à lordre du jour de la Conférence environnementale des 14 et 15 septembre derniers. Cest une priorité pour le gouvernement, et en ouverture de la conférence environnementale, le Président de la République a demandé de prendre en compte "les conséquences de la dégradation de notre environnement sur l'augmentation des pathologies chroniques", en fixant clairement comme priorité la santé des enfants.
LUnion européenne avec la France et quelques États membres, sont pionniers sur la prévention des risques sanitaires environnementaux et en particulier sur la question des perturbateurs endocriniens qui doit être un chantier prioritaire. L'action de la France se caract??rise par son volontarisme, notamment souligné par ladoption récente, qui doit encore être finalisée, de la proposition de loi de Gérard Bapt visant à interdire le bisphénol A dans les contenants alimentaires, une proposition de loi que le Gouvernement soutient.
Je lai dit, cest un enjeu sanitaire et environnemental de premier ordre, car au fur et à mesure que les connaissances se développent et que de nouvelles évaluations sont disponibles, nous découvrons que des substances, parfois dun usage très largement répandu, sont susceptibles davoir des effets importants sur la santé.
Ces substances agissent à « faible dose », ce qui modifie nos modes de pensée habituels, et impacte la façon dont nous devons prioriser nos actions :
- la période dexposition est plus importante que la dose elle-même si bien que les premiers stades du développement, in utero puis dans les premiers âges de la vie, sont décisifs. Nous devons collectivement attacher une vigilance particulière à lexposition des femmes enceintes et des jeunes enfants.
- deuxième conséquence : il faut examiner la manière dont de très nombreuses substances à faible dose interagissent entre elles. Notre connaissance insuffisante de ces effets « combinés », les « effets cocktails », laisse encore un vaste champ pour développer la recherche et les méthodologies dévaluation.
- Constitue également un défi pour la connaissance de lexposition dun individu, tout au long de sa vie, par les différentes voies, dans ses différentes activités et ses différents lieux de vie. Il sagit darriver à caractériser la contamination des milieux et l'imprégnation réelle des populations.
La recherche joue un rôle fondamental pour préciser tous ces sujets.
Pour toutes ces raisons, lensemble du gouvernement sest engagé, dans la feuille de route gouvernementale pour la transition écologique, à « élaborer dici juin 2013 une stratégie nationale comprenant des actions de recherche, dexpertise, dinformation du public et de réflexion sur lencadrement réglementaire » des perturbateurs endocriniens.
Lélaboration de la stratégie, interministérielle et partenariale, sappuiera sur un groupe de travail composé de parlementaires, de représentants des ministères concernés, des ONG, des fédérations professionnelles, des agences et d'experts spécialisés sur ces sujets. Une première réunion de ce groupe de travail aura lieu en janvier, et aboutira à une stratégie qui sera présentée au Conseil National de la Transition Ecologique, puis en Conseil des Ministres au mois de juin prochain.
Cette stratégie rappellera les enjeux, déclinés dans un plan daction et de propositions, pour nous permettre davancer sur la définition et lidentification des perturbateurs endocriniens, sur la recherche sur les risques liés, les actions de réduction de ces risques, linformation et la sensibilisation du grand public.
Notre objectif est bien de diminuer autant que possible lexposition de la population aux perturbateurs endocriniens pour nous préserver de leurs impacts sanitaires et environnementaux. Le travail du Parlement a permis davancer sur la question du bisphénol A. Mais dores et déjà nous devons nous interroger sur les prochaines actions :
- Nous devons agir sur les phtalates, dont les plus préoccupants sont déjà identifiés dans REACH (le règlement européen), et mener des actions pour réduire leur occurrence.
- Afin de diminuer l'exposition aux perturbateurs endocriniens des populations particulièrement sensibles telles que les nourrissons et les enfants de moins de 14 ans, la France pourra proposer au niveau communautaire l'interdiction de mise sur le marché communautaire des jouets et articles de puériculture contenant des perturbateurs endocriniens préoccupants.
- Concernant les PCB, qui imprègnent lenvironnement à long terme, je prévois de prendre un décret pour passer le seuil de décontamination des appareils pollués de 500 à 50 ppm : une planification devra permettre leur élimination dici 2025, et maintiendra la mobilisation des filières délimination des PCB implantées sur les territoires.
- Dans le cadre des installations classées, nous devons réfléchir à mieux connaître et maîtriser les rejets industriels de substances perturbatrices endocriniennes préoccupantes.
Le Ministère de lÉcologie accorde donc une importance particulière aux recherches déjà engagées, dont vous allez présenter certains résultats pendant ces deux jours. Je veillerai, avec mes équipes, à ce que le lien entre les connaissances produites et le cadre plus large de la stratégie nationale soit resserré.
Laccroissement continu des connaissances est fondamental pour nous permettre de déployer une action publique efficace et pertinente.
Dans le domaine des risques plus largement, nous devons en particulier développer notre capacité à évaluer les risques émergents, liés à de nouveaux produits, de nouveaux services ou de nouveaux comportements.
Notre ministère utilise ses moyens daction pour produire des connaissances à travers la conduite de programmes incitatifs de recherche sur des sujets peu investigués ou émergents, et le développement des travaux au sein des organismes dont il assure la tutelle ou la co-tutelle.
Le Ministère a ainsi consacré un effort significatif sur les perturbateurs endocriniens. Il a mis en place le Programme National de Recherche sur les Perturbateurs endocriniens (PNRPE), qui soutient des recherches fondamentales et appliquées en appui aux praticiens de l'action publique. Trois appels à propositions de recherche ont été lancés depuis la création du PNRPE, soit 31 projets financés pour un montant de plus de 4,3 millions deuros.
Transversal et pluridisciplinaire, ce Programme rassemble les acteurs de différentes disciplines (biologie fondamentale, médecine, écotoxicologie, épidémiologie, sciences humaines et sociales ) et doit continuer à contribuer au développement dune communauté de chercheurs sur la thématique des perturbateurs endocriniens.
Lors de la Conférence environnementale, les alliances Avisean, Allenvi et Athéna se sont en toute cohérence engagées à proposer au printemps 2013 un plan daction faisant le lien entre la prévention, lépidémiologie et la recherche fondamentale, afin de développer la recherche en toxicologie et en éco-toxicologie préventives. Les trois ministères, de la Recherche, de lEcologie, et de la Santé, vont veiller à laboutissement de ces travaux.
Le Ministère dont jai la responsabilité est également lun des principaux financeurs du Programme de recherche Environnement Santé Travail (PNR EST) piloté par lANSES, avec un financement de 1,5 millions deuros par an. Ainsi depuis 2006, lANSES a soutenu 28 projets portant sur le thème des perturbateurs endocriniens.
Par ailleurs, dans le cadre du budget de recherche délégué à l'INERIS, lInstitut national de l'environnement industriel et des risques, il a développé des projets sur les perturbateurs endocriniens en particulier dans le réseau dorganismes de recherche ANTIOPES et la mise en place du Pôle national applicatif en toxicologie et écotoxicologie que jai visité dernièrement dans lOise.
Le ministère soutient enfin les efforts de recherche au niveau communautaire pour une intégration plus spécifique des thématiques des perturbateurs endocriniens et des effets chimiques combinés dans le cadre du Programme cadre pour la recherche et le développement.
Ce colloque international daujourdhui est donc une opportunité de valoriser toutes ces recherches, de les faire contribuer le plus directement possible à lélaboration des politiques publiques, pour partager des connaissances nouvelles sur les modes daction et limpact sanitaire des perturbateurs endocriniens. Il nourrit aussi nos débats qui se poursuivront dans les prochains mois autour de létablissement de la stratégie nationale que jévoquais.
Les projets qui vont être présentés au cours de ces deux jours s'inscrivent bien dans nos axes de travail.
Caractériser l'effet de la perturbation endocrinienne, et étudier les liens entre substances et pathologies humaines, mais aussi, je ne loublie pas, les effets de la perturbation endocrinienne sur dautres espèces ou dautres milieux naturels. Jai vu que certains des travaux qui seront présentés à ce colloque sattachaient par exemple à évaluer la réponse des abeilles aux perturbations endocriniennes : je tiens à dire quil sagit également dun thème de travail important pour ce ministère, et qui trouvera écho dans le « plan abeilles » qui sera élaboré par le ministère de lagriculture, de lalimentation et de la forêt.
Il s'agit aussi d'identifier les substances présentant des effets de perturbation endocrinienne : le préalable de laction en faveur dune meilleure gestion du risque est en effet de savoir reconnaître si une substance est un perturbateur endocrinien. La recherche appliquée joue un rôle déterminant en assurant la reproductibilité des résultats afin que les méthodologies soient validées au niveau international. La France participe aux travaux de lOCDE et à la définition de tests et de lignes directrices permettant de caractériser et de quantifier les perturbateurs endocriniens.
Certains des travaux présentés abordent la question des expositions cumulées à plusieurs substances. Je lai dit, cest un axe de travail indispensable. Il nécessite encore beaucoup dapprofondissement de la recherche et des méthodologies.
De même le Ministère de lEnvironnement accorde une grande importance aux populations sensibles, je le redis, les femmes enceintes et les jeunes enfants, pour lesquelles les approches de type cohortes, notamment des cohortes mères-enfants, sont particulièrement importantes.
Nous comptons aussi sur votre communauté scientifique pour nous aider à progresser dans lévaluation et la gestion des risques des perturbateurs endocriniens, les effets des mélanges, les effets des expositions chroniques à des faibles doses, les relations doses-effets non conventionnelles qui illustrent bien la complexité et les enjeux de recherche à développer.
Ces connaissances seront la base des actions qui pourront être mises en oeuvre.
Sans anticiper sur le contenu des échanges qui vont avoir lieu dans les semaines et les mois à venir, nous pourrions y proposer plusieurs actions. Dabord, poursuivre les efforts pour connaître le niveau d'imprégnation de la population et de l'environnement, en matière de biosurveillance donc. Ce pourra également être un indicateur de suivi de limpact de cette stratégie au long terme.
Ensuite, de demander aux agences françaises un premier projet de liste de substances, susceptibles dêtre au contact de populations sensibles, ou pour lesquelles l'exposition est suspectée importante. Nous devrons développer des mesures réglementaires adaptées à la gestion des risques spécifiques aux perturbateurs endocriniens à partir de cette première liste.
Egalement de continuer au niveau communautaire à participer activement aux travaux de définition et dharmonisation de critères d'identification des perturbateurs endocriniens, de façon complémentaire à la directive REACH. Nous nen sommes quau début de cette discussion.
Enfin de renforcer linformation des parties prenantes et du grand public, un autre levier essentiel pour réduire progressivement lexposition. Cest un engagement du Gouvernement, là aussi issu de la Conférence environnementale, que de travailler dans la transparence en organisant la « mise à disposition du public de manière centralisée, pédagogique et accessible, des principaux avis et études ( ) sur les risques, en particulier sur les risques émergents ». Les populations vulnérables en particulier doivent être informées des précautions à prendre pour diminuer leur exposition.
Nous sommes bien aujourdhui dans un exercice de dialogue entre la société et les scientifiques, qui permet de faire connaître les travaux de recherche et de sensibiliser les acteurs. Mais il permet aussi de bien identifier les questions quil reste à poser. Lors du vote au Sénat de la proposition de loi de la sénatrice Marie-Christine BLANDIN sur l'expertise et les lanceurs d'alerte, jai rappelé limportance que jattachais à ce dialogue, en souhaitant que se généralisent les instances de discussion entre la société civile, les experts et les scientifiques, telles quelles existent notamment au sein de lANSES.
Les questions scientifiques de ces deux journées et les modalités d'intervention et de relations entre les acteurs donnent échos à cette priorité, et je vous en remercie.
Nous sommes tous exposés, dans nos actions de tous les jours, à de multiples substances dont un certain nombre peuvent avoir des effets de perturbation endocrinienne. Votre rôle clé est de nous aider à comprendre ces mécanismes pour mieux les prévenir, et faire oeuvre utile en guidant laction publique.
Je vous souhaite deux très bonnes journées de travail.
Je voudrais enfin adresser mes remerciements aux scientifiques qui se sont mobilisés pour présenter des travaux au cours de ces deux journées ; aux conférenciers que nous avons sollicités dont certains viennent de très loin (USA-Californie) et qui acceptent de participer, ce qui témoigne de l'intérêt qu'ils portent aux efforts et aux démarches que nous conduisons sur la question des perturbateurs endocriniens. Ce sont des spécialistes de niveau mondial et je sais combien leur agenda est contraint. Aux participants des tables rondes daujourdhui et de demain, aux députés tels que la député européenne Michèle RIVASI et les autres participants, qui nous donneront un point de vue plus politique ou social, en miroir des interventions scientifiques. A tous ceux qui vont participer à ces deux journées, ceux qui ont organisé ce rendez-vous. Il est très important pour la France, qui souhaite être à la pointe sur la gestion des risques et sur les sujets sur lesquels vous allez travailler ces deux jours.
Source www.developpement-durable.gouv.fr, le 11 décembre 2012
Monsieur le Président du conseil scientifique du Programme National de Recherche sur les Perturbateurs Endocriniens,
Monsieur le Président du comité scientifique,
Messieurs les Directeurs dagences scientifiques de Tunisie, de Grèce, de Pologne, du Danemark,
Mesdames et messieurs les professeurs, les directeurs de recherche, les responsables dassociations, dentreprises, les directeurs dadministration et chefs de service,
Vous êtes rassemblés pour partager vos connaissances scientifiques sur les effets sanitaires et environnementaux des perturbateurs endocriniens, dans un colloque de dimension internationale, et je remercie lANSES et le Commissariat Général au Développement Durable davoir impulsé cela il y a un an, dans le cadre du Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens, qui sont comme vous le savez des substances chimiques qui ont des effets sur la santé, en perturbant le fonctionnement des glandes du système endocrinien, et qui peuvent être à lorigine de cancers, de diabète, dobésité, de baisse de la fertilité, de troubles du comportement. Lexposition in utero peut engendrer des effets transgénérationnels, comme cela a été rappelé avec le Distilbène, qui affecte beaucoup de femmes de ma génération.
Le rôle de l'environnement et plus particulièrement des molécules chimiques comme les perturbateurs endocriniens est aussi de plus en plus suspecté dans des effets globaux déjà constatés, et dont les premiers signaux sont apparus dès les années 90, comme la diminution de la fertilité masculine : plusieurs études confirment la diminution de la qualité du sperme, comme celle parue mercredi dernier, menée par un chercheur de l'Institut de veille sanitaire (InVS), qui montre que la concentration du sperme des Français en spermatozoïdes a chuté de 32 % entre 1989 et 2005.
Il y a aussi l'augmentation des incidences des cancers du sein, du testicule, de la prostate, la précocité de l'âge de la puberté chez les femmes, lallongement du délai pour concevoir puisque la proportion de femmes déclarant une difficulté à concevoir est passée de 14,6 % en 1978 à 23,3 % en 1994 (Références issues du numéro thématique « Enjeux environnementaux pour la fertilité humaine » du Bulletin épidémiologique hebdomadaire, Février 2012).
Les perturbateurs endocriniens, tels que le Bisphénol A, les Phtalates, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), les polychlorobiphényles (PCB), sont répandus dans notre environnement : dans les contenants alimentaires, les solvants, les peintures, les pesticides, les cosmétiques, les plastiques, les résidus médicamenteux dans leau, les gaz déchappement, la liste est longue.
J'ai souhaité que la prévention des risques sanitaires environnementaux soit une priorité du gouvernement. Convaincue de limportance majeure de ces enjeux, jai souhaité que la question de la prévention des risques sanitaires environnementaux soit appréhendée de façon globale et inscrite à lordre du jour de la Conférence environnementale des 14 et 15 septembre derniers. Cest une priorité pour le gouvernement, et en ouverture de la conférence environnementale, le Président de la République a demandé de prendre en compte "les conséquences de la dégradation de notre environnement sur l'augmentation des pathologies chroniques", en fixant clairement comme priorité la santé des enfants.
LUnion européenne avec la France et quelques États membres, sont pionniers sur la prévention des risques sanitaires environnementaux et en particulier sur la question des perturbateurs endocriniens qui doit être un chantier prioritaire. L'action de la France se caract??rise par son volontarisme, notamment souligné par ladoption récente, qui doit encore être finalisée, de la proposition de loi de Gérard Bapt visant à interdire le bisphénol A dans les contenants alimentaires, une proposition de loi que le Gouvernement soutient.
Je lai dit, cest un enjeu sanitaire et environnemental de premier ordre, car au fur et à mesure que les connaissances se développent et que de nouvelles évaluations sont disponibles, nous découvrons que des substances, parfois dun usage très largement répandu, sont susceptibles davoir des effets importants sur la santé.
Ces substances agissent à « faible dose », ce qui modifie nos modes de pensée habituels, et impacte la façon dont nous devons prioriser nos actions :
- la période dexposition est plus importante que la dose elle-même si bien que les premiers stades du développement, in utero puis dans les premiers âges de la vie, sont décisifs. Nous devons collectivement attacher une vigilance particulière à lexposition des femmes enceintes et des jeunes enfants.
- deuxième conséquence : il faut examiner la manière dont de très nombreuses substances à faible dose interagissent entre elles. Notre connaissance insuffisante de ces effets « combinés », les « effets cocktails », laisse encore un vaste champ pour développer la recherche et les méthodologies dévaluation.
- Constitue également un défi pour la connaissance de lexposition dun individu, tout au long de sa vie, par les différentes voies, dans ses différentes activités et ses différents lieux de vie. Il sagit darriver à caractériser la contamination des milieux et l'imprégnation réelle des populations.
La recherche joue un rôle fondamental pour préciser tous ces sujets.
Pour toutes ces raisons, lensemble du gouvernement sest engagé, dans la feuille de route gouvernementale pour la transition écologique, à « élaborer dici juin 2013 une stratégie nationale comprenant des actions de recherche, dexpertise, dinformation du public et de réflexion sur lencadrement réglementaire » des perturbateurs endocriniens.
Lélaboration de la stratégie, interministérielle et partenariale, sappuiera sur un groupe de travail composé de parlementaires, de représentants des ministères concernés, des ONG, des fédérations professionnelles, des agences et d'experts spécialisés sur ces sujets. Une première réunion de ce groupe de travail aura lieu en janvier, et aboutira à une stratégie qui sera présentée au Conseil National de la Transition Ecologique, puis en Conseil des Ministres au mois de juin prochain.
Cette stratégie rappellera les enjeux, déclinés dans un plan daction et de propositions, pour nous permettre davancer sur la définition et lidentification des perturbateurs endocriniens, sur la recherche sur les risques liés, les actions de réduction de ces risques, linformation et la sensibilisation du grand public.
Notre objectif est bien de diminuer autant que possible lexposition de la population aux perturbateurs endocriniens pour nous préserver de leurs impacts sanitaires et environnementaux. Le travail du Parlement a permis davancer sur la question du bisphénol A. Mais dores et déjà nous devons nous interroger sur les prochaines actions :
- Nous devons agir sur les phtalates, dont les plus préoccupants sont déjà identifiés dans REACH (le règlement européen), et mener des actions pour réduire leur occurrence.
- Afin de diminuer l'exposition aux perturbateurs endocriniens des populations particulièrement sensibles telles que les nourrissons et les enfants de moins de 14 ans, la France pourra proposer au niveau communautaire l'interdiction de mise sur le marché communautaire des jouets et articles de puériculture contenant des perturbateurs endocriniens préoccupants.
- Concernant les PCB, qui imprègnent lenvironnement à long terme, je prévois de prendre un décret pour passer le seuil de décontamination des appareils pollués de 500 à 50 ppm : une planification devra permettre leur élimination dici 2025, et maintiendra la mobilisation des filières délimination des PCB implantées sur les territoires.
- Dans le cadre des installations classées, nous devons réfléchir à mieux connaître et maîtriser les rejets industriels de substances perturbatrices endocriniennes préoccupantes.
Le Ministère de lÉcologie accorde donc une importance particulière aux recherches déjà engagées, dont vous allez présenter certains résultats pendant ces deux jours. Je veillerai, avec mes équipes, à ce que le lien entre les connaissances produites et le cadre plus large de la stratégie nationale soit resserré.
Laccroissement continu des connaissances est fondamental pour nous permettre de déployer une action publique efficace et pertinente.
Dans le domaine des risques plus largement, nous devons en particulier développer notre capacité à évaluer les risques émergents, liés à de nouveaux produits, de nouveaux services ou de nouveaux comportements.
Notre ministère utilise ses moyens daction pour produire des connaissances à travers la conduite de programmes incitatifs de recherche sur des sujets peu investigués ou émergents, et le développement des travaux au sein des organismes dont il assure la tutelle ou la co-tutelle.
Le Ministère a ainsi consacré un effort significatif sur les perturbateurs endocriniens. Il a mis en place le Programme National de Recherche sur les Perturbateurs endocriniens (PNRPE), qui soutient des recherches fondamentales et appliquées en appui aux praticiens de l'action publique. Trois appels à propositions de recherche ont été lancés depuis la création du PNRPE, soit 31 projets financés pour un montant de plus de 4,3 millions deuros.
Transversal et pluridisciplinaire, ce Programme rassemble les acteurs de différentes disciplines (biologie fondamentale, médecine, écotoxicologie, épidémiologie, sciences humaines et sociales ) et doit continuer à contribuer au développement dune communauté de chercheurs sur la thématique des perturbateurs endocriniens.
Lors de la Conférence environnementale, les alliances Avisean, Allenvi et Athéna se sont en toute cohérence engagées à proposer au printemps 2013 un plan daction faisant le lien entre la prévention, lépidémiologie et la recherche fondamentale, afin de développer la recherche en toxicologie et en éco-toxicologie préventives. Les trois ministères, de la Recherche, de lEcologie, et de la Santé, vont veiller à laboutissement de ces travaux.
Le Ministère dont jai la responsabilité est également lun des principaux financeurs du Programme de recherche Environnement Santé Travail (PNR EST) piloté par lANSES, avec un financement de 1,5 millions deuros par an. Ainsi depuis 2006, lANSES a soutenu 28 projets portant sur le thème des perturbateurs endocriniens.
Par ailleurs, dans le cadre du budget de recherche délégué à l'INERIS, lInstitut national de l'environnement industriel et des risques, il a développé des projets sur les perturbateurs endocriniens en particulier dans le réseau dorganismes de recherche ANTIOPES et la mise en place du Pôle national applicatif en toxicologie et écotoxicologie que jai visité dernièrement dans lOise.
Le ministère soutient enfin les efforts de recherche au niveau communautaire pour une intégration plus spécifique des thématiques des perturbateurs endocriniens et des effets chimiques combinés dans le cadre du Programme cadre pour la recherche et le développement.
Ce colloque international daujourdhui est donc une opportunité de valoriser toutes ces recherches, de les faire contribuer le plus directement possible à lélaboration des politiques publiques, pour partager des connaissances nouvelles sur les modes daction et limpact sanitaire des perturbateurs endocriniens. Il nourrit aussi nos débats qui se poursuivront dans les prochains mois autour de létablissement de la stratégie nationale que jévoquais.
Les projets qui vont être présentés au cours de ces deux jours s'inscrivent bien dans nos axes de travail.
Caractériser l'effet de la perturbation endocrinienne, et étudier les liens entre substances et pathologies humaines, mais aussi, je ne loublie pas, les effets de la perturbation endocrinienne sur dautres espèces ou dautres milieux naturels. Jai vu que certains des travaux qui seront présentés à ce colloque sattachaient par exemple à évaluer la réponse des abeilles aux perturbations endocriniennes : je tiens à dire quil sagit également dun thème de travail important pour ce ministère, et qui trouvera écho dans le « plan abeilles » qui sera élaboré par le ministère de lagriculture, de lalimentation et de la forêt.
Il s'agit aussi d'identifier les substances présentant des effets de perturbation endocrinienne : le préalable de laction en faveur dune meilleure gestion du risque est en effet de savoir reconnaître si une substance est un perturbateur endocrinien. La recherche appliquée joue un rôle déterminant en assurant la reproductibilité des résultats afin que les méthodologies soient validées au niveau international. La France participe aux travaux de lOCDE et à la définition de tests et de lignes directrices permettant de caractériser et de quantifier les perturbateurs endocriniens.
Certains des travaux présentés abordent la question des expositions cumulées à plusieurs substances. Je lai dit, cest un axe de travail indispensable. Il nécessite encore beaucoup dapprofondissement de la recherche et des méthodologies.
De même le Ministère de lEnvironnement accorde une grande importance aux populations sensibles, je le redis, les femmes enceintes et les jeunes enfants, pour lesquelles les approches de type cohortes, notamment des cohortes mères-enfants, sont particulièrement importantes.
Nous comptons aussi sur votre communauté scientifique pour nous aider à progresser dans lévaluation et la gestion des risques des perturbateurs endocriniens, les effets des mélanges, les effets des expositions chroniques à des faibles doses, les relations doses-effets non conventionnelles qui illustrent bien la complexité et les enjeux de recherche à développer.
Ces connaissances seront la base des actions qui pourront être mises en oeuvre.
Sans anticiper sur le contenu des échanges qui vont avoir lieu dans les semaines et les mois à venir, nous pourrions y proposer plusieurs actions. Dabord, poursuivre les efforts pour connaître le niveau d'imprégnation de la population et de l'environnement, en matière de biosurveillance donc. Ce pourra également être un indicateur de suivi de limpact de cette stratégie au long terme.
Ensuite, de demander aux agences françaises un premier projet de liste de substances, susceptibles dêtre au contact de populations sensibles, ou pour lesquelles l'exposition est suspectée importante. Nous devrons développer des mesures réglementaires adaptées à la gestion des risques spécifiques aux perturbateurs endocriniens à partir de cette première liste.
Egalement de continuer au niveau communautaire à participer activement aux travaux de définition et dharmonisation de critères d'identification des perturbateurs endocriniens, de façon complémentaire à la directive REACH. Nous nen sommes quau début de cette discussion.
Enfin de renforcer linformation des parties prenantes et du grand public, un autre levier essentiel pour réduire progressivement lexposition. Cest un engagement du Gouvernement, là aussi issu de la Conférence environnementale, que de travailler dans la transparence en organisant la « mise à disposition du public de manière centralisée, pédagogique et accessible, des principaux avis et études ( ) sur les risques, en particulier sur les risques émergents ». Les populations vulnérables en particulier doivent être informées des précautions à prendre pour diminuer leur exposition.
Nous sommes bien aujourdhui dans un exercice de dialogue entre la société et les scientifiques, qui permet de faire connaître les travaux de recherche et de sensibiliser les acteurs. Mais il permet aussi de bien identifier les questions quil reste à poser. Lors du vote au Sénat de la proposition de loi de la sénatrice Marie-Christine BLANDIN sur l'expertise et les lanceurs d'alerte, jai rappelé limportance que jattachais à ce dialogue, en souhaitant que se généralisent les instances de discussion entre la société civile, les experts et les scientifiques, telles quelles existent notamment au sein de lANSES.
Les questions scientifiques de ces deux journées et les modalités d'intervention et de relations entre les acteurs donnent échos à cette priorité, et je vous en remercie.
Nous sommes tous exposés, dans nos actions de tous les jours, à de multiples substances dont un certain nombre peuvent avoir des effets de perturbation endocrinienne. Votre rôle clé est de nous aider à comprendre ces mécanismes pour mieux les prévenir, et faire oeuvre utile en guidant laction publique.
Je vous souhaite deux très bonnes journées de travail.
Je voudrais enfin adresser mes remerciements aux scientifiques qui se sont mobilisés pour présenter des travaux au cours de ces deux journées ; aux conférenciers que nous avons sollicités dont certains viennent de très loin (USA-Californie) et qui acceptent de participer, ce qui témoigne de l'intérêt qu'ils portent aux efforts et aux démarches que nous conduisons sur la question des perturbateurs endocriniens. Ce sont des spécialistes de niveau mondial et je sais combien leur agenda est contraint. Aux participants des tables rondes daujourdhui et de demain, aux députés tels que la député européenne Michèle RIVASI et les autres participants, qui nous donneront un point de vue plus politique ou social, en miroir des interventions scientifiques. A tous ceux qui vont participer à ces deux journées, ceux qui ont organisé ce rendez-vous. Il est très important pour la France, qui souhaite être à la pointe sur la gestion des risques et sur les sujets sur lesquels vous allez travailler ces deux jours.
Source www.developpement-durable.gouv.fr, le 11 décembre 2012