Déclaration de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, sur les enjeux de la ville de demain ("logements pour tous", transition écologique, égalité des territoires) et la promotion de la "ville durable" au travers du label EcoQuartier, à Paris le 8 janvier 2013.

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Intervenant(s) : 
  • Cécile Duflot - Ministre de l'égalité des territoires et du logement

Circonstance : 33e édition du Forum ETP, organisé par les élèves de l'Ecole spéciale des travaux publics (ESTP) au Parc des expositions, porte de Versailles, à Paris le 8 janvier 2013

Texte intégral

Monsieur le président de l’ESTP,
madame la directrice,
monsieur le président de l’association Forum ETP,
mesdames et messieurs,

1. Les enjeux de la ville de demain
Les enjeux planétaires de limitation et d’adaptation au réchauffement climatique et d’érosion de la biodiversité prennent une résonance particulière au niveau des villes qui concentrent désormais l’essentiel de la population mondiale.
Promouvoir des projets d’aménagement exemplaires, c’est répondre aux engagements pris par la France au niveau international : le protocole de Kyoto, les objectifs européens du « 3 fois 20 » et le facteur 4 à l’horizon 2020. Ces engagements imposent des réductions drastiques de nos émissions de gaz à effet de serre.
En matière de protection de la biodiversité, le second enjeu majeur de la transition écologique, la France s’est engagée dans un Plan biodiversité 2010-2020, avec un point d’étape en 2015, à la suite de la signature que notre pays a apposée sur le protocole de Nagoya.

Derrière ces engagements, c’est bel et bien la transition de notre modèle de développement qui est en jeu, pour le rendre plus durable et plus respectueux de l’environnement, dans un souci réaffirmé de justice sociale et d’équité. La transition écologique que j’appelle de mes voeux constitue un moteur pour l’action.
Notre rapport au territoire, à nos façons d’habiter, notamment en ville, sont les premiers enjeux de la transition écologique : c’est par la mutation de notre habitat au sens large, c’est-à-dire de notre environnement, de notre cadre de vie, du logement jusqu’au territoire, que nous pourrons transformer notre mode de développement.
La ville durable est par essence plurielle et diverse. Oui, il est nécessaire de suivre une démarche commune. Il est en revanche assez illusoire et certainement pas souhaitable de vouloir figer et fixer un modèle unique, celui d’une ville générique.
Il faut donc faire confiance aux territoires pour définir le modèle urbain qui leur convient le mieux et pour se saisir de cette boîte à outils qu’il nous revient de moderniser. Faire en sorte que les outils permettent des réponses opérationnelles et concrètes pour faire face à l’urgence de construire des logements pour nos concitoyens tout en étant économe des ressources foncières ou énergétiques pour préparer le développement urbain durable de demain : ce sera notamment l’objet de la loi sur le logement et l’urbanisme que je prépare activement et que je présenterai cet été.
Vous creuserez tout à l’heure le sujet des ÉcoQuartiers, et j’y reviendrai. Cette expérience est à ce titre particulièrement intéressante, d’abord par l’engouement qu’elle suscite, puis par les réponses que ces projets permettent d’apporter au triple objectif des politiques d’aménagement que je souhaite porter : la construction de logements pour tous, la transition écologique et l’égalité des territoires.
D’abord, pour répondre à la crise du logement, nous devons construire 500 000 logements par an à l’échelle du quinquennat du Président de la République.
Nous le savons bien, le cap sera difficile à tenir dès cette année mais nous nous employons tous les jours pour remettre la machine en route et nous approcher de cet objectif très ambitieux.
Aujourd’hui, les ÉcoQuartiers représentent 186 projets en phase opérationnelle, pour plus de 133 000 logements. Les 300 autres projets en gestation contribueront également demain à cette dynamique. Ce sont souvent des projets importants pour les communes qui les portent, et ils participeront donc largement à l’effort de construction que je souhaite engager dans notre pays.
Au final, plus de 30% de ces logements seront des logements sociaux. C’est la preuve par l’exemple, dans ces ÉcoQuartiers, que la construction de logements sociaux n’est plus du tout le repoussoir que certains élus frileux ont pu parfois décrire.
Ensuite, la transition écologique est un passage obligé pour construire la ville de demain. Grâce à des formes urbaines compactes, des bâtiments sobres, des productions locales d’énergies renouvelables et un effort de recyclage, ces quartiers limitent leur empreinte carbone et foncière et font fructifier une écologie urbaine bénéfique à la biodiversité.
Il s’agit en effet de veiller à une limitation de la consommation des terres agricoles, plus des trois quarts de la construction en France se faisant aujourd’hui en dehors des opérations d'urbanisation organisée, sous forme de construction individuelle dans les villages et petites villes, générant des zones peu denses, coûteuses d’usage pour chacun comme pour la collectivité et qui n’évitent pas la déstructuration des centre-bourgs et du lien social.
Enfin, l’égalité des territoires est un impératif. Ces projets permettent de valoriser les atouts des territoires et d’améliorer la qualité de vie du plus grand nombre. Ils comportent des équipements, services, emplois répondant aux besoins et aspirations de leur future population. Ils sont d’ailleurs souvent portés par des villes petites ou moyennes comme des leviers de redynamisation et d’attractivité territoriale.
L’enjeu pour les collectivités est bien d’expérimenter de nouveaux outils de mise en oeuvre et de nouvelles formes d’urbanisation, respectant d’une part la demande de qualité de vie et d’autre part la solidarité du territoire, assurant l’accès de tous aux services fondamentaux.
Il s’agit pour l’État et de stimuler et d’accompagner ce changement, notamment par les outils qu’il met à la disposition des collectivités et des professionnels.


2. Les défis pour les acteurs du BTP

2.1. Les enjeux imposent de changer les pratiques vers une offre plus intégrée
Les enjeux auxquels sont confrontées les villes appellent des réponses innovantes.
Il s’agit d’abord de s’orienter vers des formes de ville durable, dont l’empreinte écologique est maîtrisée. Cette empreinte écologique dépend de la manière dont la ville répond aux fonctions techniques qu’elle doit assurer, comme la gestion des « eaux urbaines » (alimentation en eau potable, assainissement des eaux usées, récupération, gestion et utilisation des eaux pluviales), la gestion des « énergies » (fourniture des bâtiments en énergie, en chaleur, en système de rafraîchissement le cas échéant), la gestion des flux des hommes et des marchandises (les réseaux de transports collectifs, les livraisons…).
Le développement des villes doit aussi prendre en compte de façon intégrée le devenir des espaces péri-urbains. Ces derniers ne peuvent plus être exclusivement considérés comme des réserves pour l’extension urbaine future. Le potentiel économique (notamment agro-économique) et écologique qu’ils représentent doit être mieux valorisé et protégé. Les formes urbaines des villes de demain doivent prendre en compte cette nouvelle donne.

2.2. L’avenir est à l’innovation
Ces enjeux imposent évidemment de revisiter les pratiques professionnelles des différentes filières. Nombreuses sont les entreprises qui se sont déjà engagées sur cette voie mais il nous faut encore innover dans ces domaines, sur les techniques, sur les processus, sur les modèles économiques, sur l’intégration de ces chaînes complexes que représentent les projets d’aménagement ou de construction…
J’entends que l’Etat participe pleinement de ce mouvement et encourage, catalyse cette innovation dans les opérations qu’il initie.
Les initiatives que nous pourrons prendre nous permettront d’abord de mieux répondre, quantitativement et qualitativement, aux défis qui sont les nôtres. Ils nous permettront également d’améliorer nos propositions et nos potentiels d’export de l’offre française d’aménagement et de construction durables.
Car si nombre des groupes qui sont présents à ce Forum sont également déjà bien implantés à l’international, ils doivent encore renforcer leurs compétences dans ces domaines, pour répondre aux attentes de nos partenaires, développer ainsi leurs perspectives de marchés et créer également de l’emploi en France.
Les forces des entreprises françaises résident notamment dans leur capacité à s’adapter à des marchés très différents et de présenter une offre complète, dès l’ingénierie amont jusqu’à la livraison. Nous souhaitons les aider à développer encore leur savoir-faire, notamment dans le conseil à la stratégie de développement aux collectivités étrangères et dans l’intégration de la conduite des projets. L’expérience de pilotage intégré des projets urbains acquise en France, directement ou via le rôle des aménageurs français, qui est assez spécifique, sera précieuse à cet égard.
Il s’agira également d’aider les entreprises à mettre en valeur des vitrines ici en France, des démonstrateurs de cette expérience d’élaboration de projets ambitieux dans un cadre public affirmé et exigeant, que ce soit à l’échelle des grandes métropoles où nous sommes déjà impliqués dans les EcoCités mais aussi pour des interventions dans le péri-urbain ou avec les villes moyennes, qui représentent des marchés très significatifs.


3. Les ÉcoQuartiers dans « la ville de demain » : « show room » de l’offre intégrée française
Je souhaite que le label ÉcoQuartier pousse les collectivités à s’engager pleinement dans le développement des énergies renouvelables ou encore dans la limitation des projets classiques en extension urbaine.
Ceux qui ont accompagné cette expérimentation savent combien cette démarche est exigeante et en même temps porteuse d’avenir. Le label que j’ai lancé officiellement mi-décembre sera un gage d’exemplarité de la démarche, pour éviter l’accusation de greenwashing, ce côté vitrine qui a parfois fait du tort aux véritables opérations intégrées et réussies. Ce sera aussi une garantie de qualité. La labellisation permettra également de consacrer la réinvention des relations entre l’État, les collectivités, les acteurs professionnels et les associations, qui est maintenant bien engagée.
Comme le développement durable remettait l’homme au centre des préoccupations il y a 30 ans, la « ville durable » remet le projet de territoire au centre de la démarche et en réactualise les processus : je veux parler de la maîtrise du foncier, d’une gouvernance ouverte et participative, d’une évaluation continue des politiques publiques…
Vous aurez l’occasion tout à l’heure de revenir plus en détail sur ces projets. Je souhaite simplement souligner que l’attribution de la labellisation reposera sur un processus clair et transparent. Elle a été élaborée pour respecter ce principe majeur : elle ne repose pas sur une règlementation ou un modèle unique, mais apporte des garanties de qualité sur un socle d’exigences fondamentales, à différents stades d’avancement. Elle a été conçue de manière à ce qu’aucune collectivité ou aucun projet n’en soit exclu a priori.
Je souhaite donc qu’en 2013 un grand nombre de collectivités s’engage plus avant dans ce type de démarches et signe la charte qui formalise les 20 engagements qu’elles prendront vers la ville durable.
Au sein du réseau qu’elles intègreront, elles pourront bénéficier d’une évaluation de leurs objectifs, d’un suivi de leur démarche et éventuellement de conseils et d’aide à l’ingénierie pour les aider à mettre en oeuvre leur projet. Et les plus avancées pourront prétendre dès 2013 à la labellisation nationale en tant que telle, qui viendra garantir à chacun que les réponses apportées aux 20 engagements, le niveau d’ambition et les résultats attendus sont à la hauteur des enjeux.
La labellisation valide donc une démarche politique. Ce qu’on labellise, c’est un chemin, un processus construit et structuré, l’assurance que les bonnes questions sont posées aux bons moments.
À travers le soutien aux ÉcoQuartiers et l’illustration de la consolidation d’une démarche nationale, c’est un changement d’époque que je veux encourager pour l’urbanisme et l’aménagement, pour engager définitivement ces activités en direction de la transition écologique.
Ce que je souhaite voir émerger, c’est une politique nationale d’égalité des territoires, qui permettra à chacune et à chacun de voir sa qualité de vie s’améliorer, grâce à l’émergence de modèles urbains plus durables, plus écologiques et plus inclusifs.
En conclusion, je souhaite que dans vos emplois futurs, dans les structures auxquelles vous appartiendrez et par la pratique professionnelle qui sera la vôtre, vous participiez activement de ce mouvement. Collectivités, maîtres d’ouvrage ou maîtres d’oeuvres, bureaux d’études… : vous occuperez demain des fonctions clés pour construire cet avenir. Soyez à la pointe de ces changements !

Source http://www.territoires.gouv.fr, le 10 janvier 2013