Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur la mise en oeuvre des mesures du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, à Paris le 21 janvier 2013.

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Circonstance : Comité interministériel de lutte contre les exclusions, à Paris le 21 janvier 2013

Texte intégral

Bonjour, je suis très heureux de vous retrouver ce soir, comme prévu d'ailleurs, après quelques semaines, suite à la conférence nationale contre la pauvreté. Le Président de la République et moi-même avons tenu notre engagement : le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale est aujourd'hui adopté par le Comité interministériel que je viens de présider et il est donc rendu public. J'ai souhaité le faire dans le cadre, un comité interministériel, qui a permis à vingt ministres d'apporter leur contribution très concrète, très précise. Je rappelle que ce Comité interministériel a été créé en 1998 et qu'en fait il ne s'est pas réuni depuis 2006. Et pourtant la mobilisation contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale est une priorité nationale.
Je l'avais annoncé lors de la conférence de décembre : la mobilisation du gouvernement sur les questions de solidarité est inédite puisque vingt ministères, je viens de le rappeler, ont contribué à la rédaction de ce plan. Mais surtout, ce qui est important, c'est qu'ils vont prendre désormais leur part à la réalisation des mesures qui y sont inscrites. Il s'agit donc d'un document de référence, d'un engagement, il est même imposant, riche de multiples actions, tant sur l'accès aux droits, sur l'emploi, sur le logement, sur la santé mais aussi l'inclusion bancaire, mais il est important aussi sur la gouvernance des politiques sociales. Il propose des mesures immédiates mais aussi des mesures qui prendront du temps, des mesures structurelles, qui devront être conduites tout au long du quinquennat et même au-delà.
Oui, parce que le combat pour l'inclusion sociale, c'est un combat de long terme, c'est un combat permanent. Mais je crois que notre mobilisation est à la hauteur des enjeux auxquels nous devons faire face. La pauvreté en effet, loin de se réduire, s'est fortement accrue ces dernières années. Mais là, quand nous parlons de pauvreté, nous ne parlons pas d'une marge de notre corps social, nous parlons de millions de nos concitoyens et dont certains d'ailleurs ont un travail mais pourtant n'échappent pas à la pauvreté. La question de la précarité de l'emploi a d'ailleurs été – et ce n'est pas un hasard - au cœur de la négociation entre les partenaires sociaux sur la sécurisation de l'emploi. Cette négociation fait suite à la grande conférence sociale de juillet dernier ; les négociations ont abouti à un accord qui sera prochainement soumis au Parlement pour le transcrire dans le droit du travail, pour le rendre applicable ; nous le ferons dans les meilleures conditions possibles, bien sûr en associant étroitement les signataires mais en consultant ceux qui ont décidé de ne pas signer cet accord, tant il présente d'acquis importants pour les salariés et en particulier à travers les mesures qui ont été annoncées concernant la précarité et les contrats précaires.
Donc vous voyez bien qu'il y a une cohérence dans la politique du gouvernement et dans la démarche du gouvernement. Il y a un lien entre ces deux démarches. Dans les deux cas, la réussite de notre action tient d'abord à la qualité de la concertation et concernant la lutte contre la pauvreté, cette concertation a eu lieu. Ce sont des centaines d'acteurs qui ont contribué par leurs idées, leurs propositions, leurs témoignages, à l'élaboration du plan contre la pauvreté : bien sûr les services de l'Etat, les collectivités territoriales, les partenaires sociaux, les associations et les personnes en situation de pauvreté elles-mêmes. Et là aussi, nous avons profondément innové sur la méthode : pour la première fois, grâce à l'appui du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, des personnes en situation de pauvreté, d'exclusion, ont été pleinement associées à l'élaboration d'une politique publique. Et je crois que cette participation de citoyens et de citoyennes directement concernés à travers leur vie personnelle, témoigne d'un changement de regard des responsables politiques vis-à-vis des personnes en grande difficulté. Cette question de la stigmatisation, en tout cas le gouvernement en est convaincu, tous nos partenaires dans la préparation de ces décisions, le souhaitent, la page de cette stigmatisation et de cette culpabilisation doit être absolument tournée. Les personnes qui sont en situation de pauvreté ne l'ont pas cherché. On parle d'assistanat, la quasi-totalité des gens qui sont dans ces situations souhaitent en sortir évidemment, souhaitent en sortir pour être autonomes – je pense à ces travailleurs précaires qui souhaitent avoir un logement mais s'ils ont un revenu trop faible, ils ne peuvent pas avoir de logement, donc ils vont de foyer en foyer et parfois même dans des situations encore plus difficiles – donc je crois qu'il fallait sortir de ce faux débat, de ce discours de stigmatisation et de culpabilisation et je crois que ce travail a été utile et il a fait progresser je dirais la société toute entière et le regard aussi d'une grande majorité de nos concitoyens sur la question de la pauvreté.
Le résultat est donc là : ce que nous avons adopté cet après-midi, c'est un plan pluriannuel complet, réaliste et ambitieux. Nous consentons en effet un effort important, y compris sur le plan financier puisque nous évaluons la dépense globale à l'horizon 2017 à 2,5 milliards d'euros, mais ce n'est pas du luxe pour les personnes en situation de détresse. C'est un choix politique parfaitement assumé car ce qui est en jeu, ce n'est rien d'autre que la justice sociale et la solidarité. J'ai moi-même présenté le 6 novembre, le pacte national pour la compétitivité, la croissance et l'emploi ; compétitivité-performance d'un côté, économique, mais aussi compétitivité-performance sociale. Les deux vont de pair. Et donc chaque jour, le Président de la République, moi-même, l'ensemble des membres du gouvernement, faisons en sorte en sorte que notre pays renoue avec un progrès qui soit respectueux de la dignité de chacun. Et lors de la conclusion de la conférence du mois de décembre, je vous avais déjà annoncé un certain nombre de mesures phares de ce plan que je vais vous confirmer aujourd'hui :
La première mesure, c'est le rattrapage du niveau du RSA, du RSA socle, qui concerne 1,2 million de personnes. Une augmentation de 10%, hors inflation, puisqu'il est réévalué chaque année du niveau de l'inflation, d'ici 2017, avec une première revalorisation de 2% qui interviendra dès septembre 2013, donc cette année.
La deuxième mesure importante, c'est une hausse simultanée, en septembre également, du plafond de la CMU complémentaire, de façon à faire entrer 750.000 personnes de plus dans ce dispositif de couverture santé complémentaire.
Et puis la troisième mesure, qui est également une autre innovation, concerne les jeunes de 18 à 25 ans qui sont sans emploi, qui sont parfois sans formation, sans aucune solution, souvent en situation d'isolement, hors du foyer familial et en tout cas en grande précarité. Pour eux, il s'agit de mettre en place une garantie jeune, pour les jeunes de 18 à 25 ans mais dans le cadre d'un contrat, d'un engagement réciproque, qui ouvre droit à un accompagnement intensif, à des propositions adaptées de formation ou d'emploi, mais en même temps, en contrepartie une allocation d'un montant équivalent au RSA. Cette mesure sera également lancée en septembre sur dix territoires et généralisée en 2014.
Quant aux familles monoparentales qui sont celles qui sont le plus en situation de détresse, à travers une augmentation du montant de l'allocation de soutien familial et une majoration du complément familial, cette aide sera en effet d'un grand secours. Elle s'intègre aux objectifs de la mission qui a été confiée à Bernard Fragonard, président du Haut Conseil de la famille, pour une révision de l'architecture des prestations familiales.
Enfin, un investissement massif dans l'hébergement et l'accès au logement, avec d'abord des mesures d'urgence : 9.000 places de plus dans l'hébergement classique d'urgence mais aussi dans l'accueil des demandeurs d'asile. C'est vrai que j'avais annoncé dès le début du plan hivernal la fin de la « politique du thermomètre » concernant l'hébergement d'urgence. C'est-à-dire que lorsque l'hiver sera terminé, on fermera des centres d'hébergement. Eh bien non, c'est terminé ! Les associations ont récemment exprimé leur inquiétude : aurez-vous les moyens de respecter cet engagement ? Je réponds oui puisque ces 9.000 places aussi bien en CADA qu'en hébergement classique, vont permettre d'y répondre. Mais il faut aussi des mesures structurelles d'accès au logement et vous le savez, la loi sur le logement a été entièrement validée, va permettre la construction de 150.000 logements sociaux par an, et la réforme en cours des modalités d'attribution des logements sociaux devrait améliorer les conditions d'accès à ces logements. Mais il faut aussi accompagner les personnes les plus éloignées de l'insertion vers le logement et dans le logement à travers des initiatives comme les résidences sociales, l'intermédiation locative, la prévention des expulsions. Beaucoup d'expériences ont été menées en la matière et lorsqu'elles sont bien menées, donnent des résultats très positifs.
Bien sûr, d'autres mesures – et elles sont nombreuses – ont été décidées aujourd'hui et viennent compléter cet ensemble. Je ne vais pas les présenter toutes dans le détail, j'en cite seulement quelques-unes et c'est très important dans cette période de chômage très élevé. Les emplois d'avenir, les contrats de génération qui sont actuellement examinés par le Parlement vont contribuer bien entendu à répondre à cette question de l'emploi mais sans attendre, comme vous le savez, le gouvernement dès l'année dernière, a augmenté le nombre de contrats aidés, mais ces contrats aidés sont souvent des contrats courts – ils étaient parfois de six mois, parfois un tout petit peu plus – en tout cas la durée dans l'emploi aidé est beaucoup trop courte et ne permet pas une véritable insertion et un redémarrage. C'est pour ça que nous avons décidé également à ce Comité interministériel l'allongement de la durée des contrats aidés, qui devra tendre vers une durée moyenne de douze mois pour donner plus de souplesse et quand cela est nécessaire, plus de temps aux parcours d'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi durable. C'est donc une mesure très importante.
Et puis il y a la réforme du RSA activité. Le RSA activité, force est de constater qu'il faut comprendre pourquoi ça ne marche pas comme on aurait pu l'imaginer. Il souffre d'un taux de non-recours des personnes potentiellement concernées, extrêmement élevé puisqu'il est actuellement de 68%. 68% des personnes qui pourraient prétendre à ce RSA activité, donc un complément de revenu, du même type que la prime pour l'emploi, n'en bénéficient pas, n'y ont pas recours. Un groupe de travail devra rendre ses conclusions pour le projet de loi de finances pour 2014 pour voir ce qui ne va pas et pour corriger et faire en sorte que ce RSA socle et cette prime pour l'emploi bénéficient vraiment aux personnes concernées.
Dans la lutte contre la pauvreté, il y a la pauvreté des familles avec enfants. Un renforcement de l'accès aux crèches pour les enfants de familles pauvres a également été décidé sur chaque territoire – dans les villes, dans les département - le nombre d'enfants en accueil collectif issus de ces familles devra refléter la composition de la population locale avec un minimum de 10% d'enfants concernés et cela sera inscrit dans le cadre du Contrat d'objectifs et des moyens de la Caisse nationale d'allocations familiales qui vous le savez, dans les départements, finance à la fois la construction de crèches et aussi le fonctionnement de ces établissements et de ces services.
Enfin je citerai pour conclure les mesures, la création d'un registre national des crédits aux particuliers (dit « fichier positif ») pour participer à la lutte contre le surendettement, et d'un observatoire de l'inclusion bancaire qui appréciera publiquement les pratiques des banques envers leurs clients en difficultés financières. Là il y a beaucoup à dire et beaucoup à faire. Tout le monde sait de quoi je parle, de ces personnes à qui on promet parfois d'avoir de l'argent disponible en faisant croire parfois, quand on ne lit pas en bas, ce qu'il y a écrit en tout petit, que ça ne coûte rien. Et là on voit des personnes qui sont effectivement dans de graves difficultés, qui se mettent dans des difficultés encore plus importantes.
Alors je voudrais également pour terminer cette présentation, remercier François Chérèque (il était là tout à l'heure), qui est inspecteur général des Affaires sociales, nouvel inspecteur général des Affaires sociales, vous l'avez appris, après avoir mené une autre vie de syndicaliste mais maintenant cette page de sa vie est terminée et il revient à son métier d'origine de travailleur social et il a accepté une mission que je lui ai confiée, de suivi de la mise en œuvre de ces vingt mesures et de regarder précisément l'application sur le terrain, dans les territoires. C'est une démarche très importante, c'est une démarche nouvelle qui ne concerne pas que le plan de lutte contre la pauvreté et pour l'insertion sociale mais le pacte national pour la compétitivité, la croissance et l'emploi fait l'objet d'une évaluation aussi, qui a été engagée immédiatement pour vérifier par exemple le crédit d'impôt compétitivité emploi, s'il sera bien utilisé efficacement, conformément aux intentions du gouvernement et du législateur et d'ailleurs sur le plan plus général, ce pacte fait l'objet d'un suivi qui a été confié à Louis Gallois, Commissaire général de l'investissement. Je crois que si nous voulons que nos politiques publiques, même avec les meilleures intentions du monde, décidées par un gouvernement, si nous voulons qu'elles soient visibles sur le terrain, que les Français qui sont bénéficiaires de ces politiques décidées, le voient concrètement, il faut en permanence suivre la mise en œuvre de ces politiques publiques à tous les niveaux et en particulier au plus proche de la vie des Françaises et des Français et puis en faire l'évaluation car quand on ne fait pas l'évaluation à temps, on fait des erreurs ; c'est pour ça que j'ai évoqué cette nécessaire évaluation du RSA activité et de la prime pour l'emploi qui sont des décisions déjà de plusieurs années et il est temps maintenant d'évaluer et de voir pourquoi ça ne marche pas autant que souhaité.
Et puis dans les dimensions territoriales, je voudrais qu'on soit extrêmement attentif, notamment aux départements d'Outre-mer, aux zones prioritaires de la politique de la ville mais aussi aux campagnes les plus isolées. Et donc le travail qui a été confié à François Chérèque, avec son indépendance d'esprit et l'éthique de l'Inspection générale, viendra aider le gouvernement à vérifier que sa politique telle que nous l'avons décidée, va dans la bonne direction.
En tout cas, contrairement aux idées reçues, contrairement aux propos parfois blessants que l'on entend, de certains politiques, les Français ont un sens profond de la solidarité. Ils veulent l'exemplarité, à tous les niveaux. D'abord pour les plus puissants, sur le plan fiscal mais aussi de ceux qui dirigent la vie politique de notre pays, depuis le plus modeste des conseillers municipaux jusqu'au Président de la République, l'exemplarité. Mais l'exemplarité vaut aussi pour chaque Français et lorsqu'on met en œuvre des politiques publiques, évidemment il y a des règles du jeu à respecter, des droits et des devoirs, nous y veillerons mais je crois que les Français dans cette période difficile où on demande beaucoup d'efforts pour permettre le redressement du pays, sont attachés aussi à la justice, à la solidarité. Ce plan que je viens de vous résumer, est une étape supplémentaire pour lutter contre toutes les formes de précarité et de pauvreté mais pour donner un espoir à des personnes qui souhaitent s'en sortir. C'est une manière de tendre la main, de tendre la main à la responsabilité, de tendre la main pour réussir à se redresser personnellement et au niveau de sa famille.
Voilà, je vous remercie et si vous avez quelques questions, mes collègues ministres et moi-même, nous sommes à votre disposition pour y répondre.

Source http://www.gouvernement.fr, le 23 janvier 2013