Déclaration de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, sur les grandes orientations du plan de rénovation énergétique de l'habitat, Arras le 28 janvier 2013

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Circonstance : 2e conférence partenariale sur le plan de réhabilitation énergétique et environnementale du parc de logements anciens du Nord-Pas-de-Calais, Arras le 28 janvier 2013

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureuse d'être à vos côtés aujourd'hui, et cela à plus d'un titre.
Votre plan de réhabilitation énergétique et environnemental du parc de logements anciens dans la Région affiche une ambition qui indique combien vous souhaitez prendre la mesure de ces enjeux. Vous le faites avec sérieux, dans un esprit de responsabilité appuyé sur une prise de conscience réelle de l'urgence qui est la notre.
Quel est l'enjeu ? Nous devons conduire une bifurcation radicale du cours de nos sociétés. Il ne s'agit de rien de moins que de faire un choix de civilisation. L'impératif écologique nous commande d'inventer une nouvelle manière de produire et de consommer, nous somme de vivre différemment pour assurer notre survie même sur une planète préservée. En particulier, dans le cas qui nous occupe, la lutte contre le réchauffement climatique est une ardente obligation. Des engagements ont été pris au niveau planétaire, tout d'abord avec le protocole de Kyoto ; au niveau européen, avec le paquet « énergie climat », qui impose le fameux 3 fois 20 à l'horizon 2020 ou au niveau national, avec l'objectif du facteur 4 soit une division par 4 des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050. Il nous faudra aller plus loin encore, soyez en convaincus. Mais d'ores et déjà, les responsables politiques, à tous les niveaux de responsabilités sont confrontés à la question de la mise en oeuvre des engagements. Certains trainent des pieds et font tout pour que rien ne change. D'autres semblent avoir choisi d'être des précurseurs. Je m'en félicite.
Et bien La Région Nord-Pas-de-Calais fait partie de ces précurseurs, de ceux qui ont pris le sujet à bras le corps et sans doute avons nous collectivement beaucoup à apprendre de votre expérience, à partir de la stratégie que vous avez mise en place autour de ses 3 pivots :
- L'animation des partenariats régionaux pour créer une réelle dynamique sur le sujet grâce à une conférence partenariale ;
- L'intervention d'un organisme qui vienne faire levier sur les dispositifs existants ou ceux à élaborer : il s'agit de définir les conditions dans lesquelles un tiers-financement peut intervenir.
- La signature de conventions avec les agglomérations pour la mise en oeuvre opérationnelle.
Votre méthode doit porter inspiration. Elle est féconde. J'imagine qu'elle fut le fruit de mobilisations, de discussions, d'oppositions mêmes peut être. Vos débats ont contribué à lui donner une assise solide. C'est par la pédagogie que l'écologie peut remporter la bataille des consciences. Je veux dire donc ici, que les différences de traditions politiques sur ces questions ne doivent pas être des freins, mais bien des leviers pour construire à partir de constats partagés, des solutions efficaces. En matière de réponse aux crises environnementales, nous devons affronter l'épreuve des faits, qui comme disait Lénine, sont têtus.
Permettez moi pour tempérer l'effet qu'aura produit sur vous le fait d'entendre, une fois n'est pas coutume une écologiste citer un bolchévique, de citer une personnalité moins polémique et plus contemporaine. Le premier Ministre rappelait dans son discours du 14 septembre 2012 à l'occasion de la conférence environnementale que « les territoires, à travers les régions, à travers les villes, à travers les départements, ne nous ont pas attendus pour agir » et que sa volonté était de lancer un appel à projets pour « les repérer » et s'appuyer sur « cette intelligence locale qui a fait ses preuves et qui est un des acteurs déterminants de la réussite de la transition écologique ». J'ai plaisir à citer Jean Marc Ayrault, sur ces enjeux, car je vois dans les discours qu'il tient, les signes avant coureurs d'une conversion plus profonde encore. Cette conversion de grande ampleur, je l'appelle de mes voeux.
Je souhaite lancer prochainement cet appel à projets pour, à la fois repérer et promouvoir les démarches – de tous types - des collectivités - de toutes tailles - visant à déclencher des travaux de rénovation énergétique. Le travail de capitalisation effectué une fois les projets reçus permettra dans un second temps d'accompagner d'autres collectivités qui souhaitent engager des démarches similaires et qui ont besoin d'un appui méthodologique.
Les projets des collectivités seront évalués sous différents angles d'attaque (repérage des ménages en situation d'effectuer des rénovations énergétiques, sensibilisation des ménages, accompagnement des ménages, outils financiers à destination des ménages).
J'ai également demandé à Philippe PELLETIER, missionné sur le sujet, à ce que le « plan bâtiment durable » une attention particulière aux dynamiques territoriales et de faire des régions des partenaires de la rénovation énergétique. 6 régions, dont la région Nord-Pas-de- Calais, se sont engagées à travers leurs propres expériences à être les relais de cette politique.
L'Etat prendra ses responsabilités : le Président de la République a dit clairement ses intentions lors de la conférence environnementale.
Nous partageons le même constat qu'une rénovation énergétique massive des bâtiments en France est absolument nécessaire. Elle a besoin d'un cadre stable, clair et pérenne autour d'un nouveau modèle de financement.
Le plan de rénovation énergétique de l'habitat sera annoncé dans les prochaines semaines par le Gouvernement. C'est pourquoi je ne peux aujourd'hui qu'en esquisser les grandes lignes, les orientations.
Tout d'abord, nous devons répondre à trois exigences dans un univers budgétaire des plus contraints.
La première de ces exigences, c'est l'emploi, l'emploi vert.
Je sais que le secteur du BTP est fortement touché par le contexte économique dégradé.
Je sais la fragilité de nombre d'emplois et des TPE qui ne regroupent qu'un ou deux employés.
Je ne souhaite pas seulement faire survivre ces emplois et ces entreprises, je veux leur offrir des perspectives d'avenir, de nouvelles activités bénéfiques pour l'environnement et le pouvoir d'achat, et en faire une filière de premier choix pour les jeunes qui trouveront là des emplois pérennes. La rénovation énergétique permettra la structuration de toute une filière industrielle. Compte tenu du volume d'activité constaté aujourd'hui, on évalue la création d'emplois additionnels directs et indirects d'environ respectivement 48 000 et 26 000, soit de l'ordre de 75 000 au total liés au plan de rénovation énergétique de l'habitat.
La seconde exigence, c'est la stabilité.
Si nous pensons que c'est une question économique majeure structurant un marché créateur d'emplois, alors nous devons garantir aux professionnels la stabilité. Je sais le quotidien des installateurs, des industriels des matériaux, des bureaux d'études, qui vivent déjà à la mesure du carnet de commandes. Ils ne doivent pas, ils ne doivent plus être ballotés au gré des normes et des réglementations. En la matière le rôle du politique ce n'est pas de renverser la table, ce n'est pas de décréter un bouleversement, mais c'est d'améliorer, de pérenniser et de garantir. C'est ce que nous ferons. C'est un cap, une direction économique, politique et technique qui sera donnée, pour permettre dès aujourd'hui d'anticiper les investissements nécessaires, techniques et réglementaires.
Enfin, notre troisième exigence, doit être la solidarité. C'est une exigence politique, mais également une exigence morale.
Ce sont plus de 8 millions de personnes qui souffrent, en 2012 en France, de précarité énergétique. C'est-à-dire, très concrètement, qu'elles ne peuvent se chauffer convenablement l'hiver ou qu'elles y consacrent une part trop importante de leurs revenus.
Ce n'est plus acceptable. Certaines passoires énergétiques, je n'ai pas peur de le dire, relèvent tout simplement de l'habitat indigne. J'entends dire que ces 8 millions de personnes ne sont peut-être pas « rentables ». Il faut ici prendre conscience de l'affaissement moral et social d'une société qui accepterait de faire sienne des arguments aussi misérables. Je ne peux m'y résoudre.
Les personnes concernées par la précarité énergétique ont besoin d'un effort sans précédent et nous y consacrerons tous les moyens que nous avons. Les crédits de l'Anah et du fonds d'aide à la rénovation thermique du programme d'investissement d'avenir seront mis à contribution dès 2013 et 2014 pour y répondre. Ce seraient ainsi près d'1 milliard d'euros qui pourraient être mobilisés. Le programme « Habiter Mieux » doit être amplifié, ajusté, amélioré pour que les travaux de rénovation soit fait par priorité là où ils sont le plus nécessaires, c'est-à-dire là où les occupants de ces logements ne peuvent en supporter le coût ni avancer les frais.
Quel est notre cap ? La première étape commence en 2013. Il s'agit d'optimiser le travail déjà entamé. De le rendre plus efficace, plus juste et plus accessible. Il nous faudra donc commencer par améliorer les dispositifs déjà existants pour soutenir la demande. Notre objectif est d'apporter le secours financier nécessaire pour garantir aux particuliers que leur investissement sera rentable. Les dispositifs existants, CIDD et Éco-PTZ, seront renforcés et réorientés pour favoriser les travaux vraiment efficaces et remplir leur pleine fonction sociale. Les critères d'éligibilité seront harmonisés, et les démarches administratives seront simplifiées grâce aux entreprises « reconnues Grenelle environnement ».
Optimiser, c'est aussi dispenser une information de service public et la rendre accessible à tous. Un guichet unique de la rénovation énergétique, territorialisé, aura vocation à regrouper l'ensemble des informations sur les solutions techniques existantes, sur les aides financières mobilisables, et sur les professionnels de la région avec lesquels se mettre en contact. Un métier de rénovateur, assurant un rôle d'ensemblier pourra émerger. Des « ambassadeurs de la rénovation énergétique », embauchés sur les emplois d'avenir, seront chargés d'améliorer les démarches d'identification et d'accompagnement des ménages.
Cette première étape pourra nous permettre de faire naître la suivante.
Dans une seconde étape, c'est un outil novateur de financement qui viendra prendre le relais. Ce dispositif d'ores et déjà expérimenté par des collectivités et dans d'autres pays, pourra être un modèle de tiers financement. Je pense notamment à l'exemple de la SEM POSITIF mise en place par la région Ile-de-France. L'un des modèles consiste à ce qu'un tiers prenne en charge le financement des travaux de rénovation énergétique et se rembourse par les économies nées des travaux. Ce schéma que vous étudiez, nous l'étudierons ensemble afin qu'il soit le plus efficace et le plus sûr.
On le sait, la performance énergétique n'est rentable individuellement qu'à long terme mais elle est collectivement d'intérêt général. Nous devons créer les conditions les plus favorables pour permettre un fonctionnement optimal de ce nouveau système, qui ne peut pas reposer seulement sur de la subvention publique. Chacun y prendra sa part. S'il produit les résultats que nous attendons, alors il donnera l'opportunité de généraliser, de massifier un marché déjà stabilisé. C'est ce circuit de financement qui nous permettra de tenir les engagements pris par le Président de la République et confirmé lors de la conférence environnementale.
Enfin, puisque nous parlons de cap et de stabilité, il est de notre responsabilité de poser dès aujourd'hui toutes les questions et d'ouvrir les horizons. Je ne crois pas qu'on ouvre un chantier d'une telle ampleur par l'affirmation d'une règle ou d'une sanction. Le chantier qui s'ouvre est une opportunité. Si vous partagez ma conviction profonde, que nous ne négocierons pas avec le changement climatique, alors une évidence s'impose. Nous devons ouvrir dès aujourd'hui le débat sur la mise en place d'une obligation de rénovation en 2020. Je connais trop bien dans le bâtiment le poids des normes et des règlementations. Je sais qu'il ne suffit pas de se fixer un objectif si l'on n'en dessine pas le chemin. Alors ce chemin je souhaite que nous le dessinions, ensemble, par la mobilisation des énergies, par le débat, par la mobilisation civique,
Je vous remercie.
Source http://www.territoires.gouv.fr, le 29 janvier 2013