Texte intégral
Mesdames et Messieurs, bonjour.
Joschka Fischer et moi-même venons d'avoir une rencontre "de rentrée" parce que nous sommes restés en contact pendant ce mois d'août.
Nous avons eu de très longues conversations téléphoniques, en particulier sur le Proche-Orient et la Macédoine, mais nous reprenons avec cette rencontre d'hier au soir, dîner de travail et réunion de travail de ce matin, le rythme des rencontres telles que vous les avez vues se produire depuis le début de l'année dans ce nouveau mode de concertation intensive entre la France et l'Allemagne, marquées par des dîners du Président, du Chancelier, du Premier ministre et des deux ministres toutes les cinq à six semaines - dîners entre lesquels Joschka Fischer et moi nous nous rencontrons une ou deux fois pour faire avancer les choses, veiller à la mise en oeuvre des décisions prises pendant les dîners puis préparer les sujets suivants.
Cela a d'ailleurs été notre premier sujet. Nous avons préparé le dîner qui aura lieu à Berlin le 5 septembre, dîner à 5, et nous avons travaillé sur l'ensemble des rencontres et des échéances de l'automne aussi bien franco-allemandes qu'européennes.
Depuis cette intensification de la concertation et dans les Conseils européens qui ont eu lieu sous Présidence suédoise, vous avez pu noter la convergence très forte des positions française et allemande. Là, nous avons fait le point, sur le plan européen, de l'état d'avancement des négociations d'élargissement, un certain nombre de questions qui doivent être traitées sous Présidence belge et même sous Présidence espagnole ; parce que sous Présidence espagnole il y a des sujets tout à fait importants de cette négociation sur lesquels nous travaillons pour avoir des positions concertées.
C'est un travail qui devra se poursuivre ; comme vous le voyez, nous passons tout en revue systématiquement et après, cela doit être approfondi point par point.
Nous avons eu également un échange approfondi sur l'avenir de l'Europe. Vous savez qu'à l'issue de cette Présidence belge, à Laeken en décembre, les Quinze adopteront une déclaration qui devra préciser la méthodologie et le calendrier de ce débat, en tous cas de la poursuite du débat sur l'avenir de l'Europe, dont il était prévu à Nice qu'il serait conclu en 2004 par une nouvelle Conférence intergouvernementale. Que fait-on avant ? Sous quelle forme ? Quelle est la façon dont ce débat doit avancer après la phase dans laquelle nous sommes aujourd'hui, qui est surtout une phase de débats nationaux ?
Vous savez qu'en France le gouvernement a lancé avant les vacances des rencontres qui se font régions après régions, et dans l'Ile de France ce sera département par département pour associer l'ensemble des forces politiques, économiques, sociales et culturelles à ce débat. Cela c'est la partie nationale des débats et donc à Laeken, à la fin de l'année, nous nous mettrons d'accord à Quinze sur ce qui doit se passer en 2002, 2003, enfin jusqu'au moment où interviendra la nouvelle Conférence intergouvernementale de conclusion.
Nous avons fait le point également de la question des langues puisque vous savez que nous avions eu à écrire, Joschka Fischer et moi, à Romano Prodi pour lui dire notre désaccord par rapport à certains de ses projets.
Nous avons d'autre part lancé un travail de coopération consulaire franco-allemande dans les pays tiers. Nous lançons les têtes de chapitres - je vais vous dire sur quoi cela va porter - mais nous le lançons de façon franco-allemande. Naturellement, c'est dans un esprit européen et tout autre pays de l'Union qui voudra s'y joindre sera le bienvenu ; c'est dans l'idée de provoquer un mouvement qui doit à terme concerner tous les membres de l'Union européenne.
Cette coopération consulaire portera d'abord sur un échange d'informations, sur la prise en charge des ressortissants en difficulté, sur la gestion des crises, sur la prise en charge commune des détenus, sur la coopération en matière d'administration des communautés, sur la coopération en matière de consuls honoraires, sur la participation réciproque aux réunions consulaires, sur l'utilisation commune de locaux. Vous voyez que c'est très précis et très important pour les ressortissants concernés. Il s'agit donc de coopération consulaire franco-allemande dans les pays tiers.
Nous avons parlé évidemment de toute une série de grandes questions politiques. D'abord, nous avons fait le point sur la mondialisation - ou la globalisation, comme on veut - les contestations qui se développent à ce sujet ; et quelles sont les formes de dialogue qui doivent être développées par les gouvernements qui doivent naturellement continuer à travailler ensemble, c'est à dire naturellement continuer à se réunir et naturellement tenir les sommets qui sont utiles, précisément, pour maîtriser la mondialisation.
C'est un sujet important dont il avait été question d'ailleurs entre les ministres des Affaires étrangères d'Europe bien avant Gênes - ce n'est pas Gênes qui a déclenché cette réflexion en ce qui nous concerne ; on en a parlé même avant Göteborg, à de nombreuses reprises. Mais le débat se développe, tout le monde s'en mêle, et il est évident que cette question de savoir comment la mondialisation doit être encadrée pour être humanisée, sous quelle forme, à quel niveau et qui doit en parler avec qui... tout cela, ce sont des sujets qui vont prendre beaucoup d'ampleur et qui vont être en toile de fond de presque toutes les rencontres internationales, maintenant. Donc, il est bien naturel que nous ayons notre point de vue là-dessus.
Je vous rappelle d'ailleurs que nous avons pris une position un peu liée à cela, qui a eu un certain retentissement, et qui concerne le refus du clonage reproductif, parce que c'est un sujet très important en ce moment et nous continuerons à réfléchir à ce qu'il faut faire pour donner un encadrement qui n'a de sens que s'il est mondial sur toutes les grandes questions nouvelles de la bioéthique.
En politique étrangère, nous avons fait le point sur la Macédoine. La France s'est réjouie des conclusions du débat qui a eu lieu en Allemagne là dessus. Nous sommes déterminés à veiller à la pleine application du mandat qui a été confié aux forces de l'OTAN, qui est le complément de l'accord politique que les deux communautés concernées en Macédoine ont finalement passé ; elles se sont montré raisonnables en acceptant cet accord qui est le résultat d'un engagement européen très important, constant.
Donc, nous allons veiller à la mise en oeuvre complète de cet accord et nous avons déjà commencé à travailler sur le suivi politique de cet engagement européen en Macédoine.
Enfin, le Proche-Orient. Nous avons une analyse commune qui est que les violences incessantes au Proche-Orient - les attentats, le terrorisme, la répression, les représailles - ne peuvent qu'alimenter la haine et l'esprit de vengeance.
Nous pensons qu'il est impératif que les deux parties arrêtent ce cycle infernal qui ne peut conduire qu'à l'embrasement de la région. Nous saluons tous les deux l'accord intervenu hier, qui a permis le retrait des forces israéliennes de Beit Jala. Nous formons le vu que cela soit le début d'un processus. Nous appelons Israël et l'Autorité palestinienne à renouer le dialogue, à reprendre la coopération sécuritaire, à restaurer une véritable perspective politique.
Nous soutenons la volonté exprimée par Shimon Pérès et Yasser Arafat de se rencontrer. A cet égard, je voudrais redire ici que nous saluons la contribution personnelle de Joschka Fischer à cet espoir qui, sur ce point précis, s'est réouvert. Ils doivent se rencontrer pour s'entretenir des moyens permettant d'aboutir à la désescalade de la violence et préparer ainsi la voie à la mise en oeuvre intégrale des recommandations du rapport Mitchell. Nous disons bien "préparer la voie à", parce que nous savons à quel point c'est difficile ; mais il faut avancer, même si c'est pas à pas.
Nous appuierons avec beaucoup de détermination tous les efforts dans ce sens, naturellement en coordination étroite avec nos partenaires de l'Union européenne et nous devons avoir d'ailleurs une concertation téléphonique avec quelques-uns de nos partenaires dans peu de temps et en concertation avec les Etats-Unis dont l'engagement est plus que jamais nécessaire.
Outre le maintien des contacts intensifs avec les parties au conflit, ce soutien s'exprimera à travers les visites de responsables européens dans la région, puisqu'après la visite de Joschka Fischer et de Renato Ruggiero, plusieurs autres ministres européens doivent se rendre dans la région, sans arrêt avec le même message, les mêmes intentions, le même engagement. J'irai moi-même dans quelques semaines. M. Solana doit y aller dans peu de temps, mais c'est un même effort dans le même but.
Voilà un résumé de ce sur quoi nous avons travaillé. Vous voyez que c'est substantiel et que nous avons encore beaucoup de travail devant nous et nous allons reprendre ce rythme qui était celui du début de l'année et du printemps.
Q - Monsieur le Ministre, dans une interview accordée au Figaro vous avez très sévèrement critiqué l'attentisme des Etats-Unis au Proche-Orient. Est-ce que vous croyez que c'est une phase intermédiaire, une pose de réflexion ? Est-ce que c'est un changement de cap politique ?
R - J'espère que c'est intermédiaire parce que j'espère que cela va changer. Je sais que tous les Européens sont d'accord là-dessus. L'engagement des Etats-Unis est indispensable. S'ils le veulent, ils ont une influence incomparable sur les protagonistes. La paix au Proche-Orient ne reviendra qu'avec un effort international très intense et conjugué. Il ne s'agit donc pas de se livrer à des espèces d'initiatives concurrentes ou de démarches rivales. Ce serait absurde, c'est trop grave. La seule façon est une conjonction de tous les Européens, des Etats-Unis, du Secrétaire général de l'ONU, de tous ceux qui veulent. C'est pour cela que je l'ai dit sur un ton un peu vif, parce que nous regrettons énormément cet attentisme. Nous insistons tellement sur ce point. Cela n'aura de résultat que s'il y a un camp de la paix qui se reconstitue aussi en Israël et chez les Palestiniens.
Q - Monsieur le Ministre, comment expliquez-vous l'absence de représentation à très haut niveau des Européens à la Conférence de Durban ?
R - Vous êtes vexante pour ceux qui représentent les pays européens...
Q - Les chefs d'Etat africains et autres sont représentés à haut niveau.
R - A l'origine, le début du préparatif avait été présenté, si je me rappelle bien, comme une réunion ministérielle. Cela a été programmé à des niveaux ministériels et en désignant les ministres connaissant le mieux l'Afrique ou ayant travaillé sur ces questions. Ce n'est pas une marque de désintérêt. Puis, il y a énormément de réunions sur différents thèmes, tous très importants, des réunions de l'ONU dans lesquelles il y a des représentations mixtes de chefs d'Etat ou de ministres. Je ne crois pas qu'il faille isoler la réunion spéciale de Durban. Vous pourriez faire la même observation sur presque toutes les conférences des Nations unies. Il y aura même, à mon avis, en moyenne une représentation plutôt plus élevée que dans les autres conférences des Nations unies. Ce n'est donc pas du tout un signe de désintérêt, vous savez très bien que ce n'est pas un manque d'intérêt, notamment des pays européens sur ces questions, comme la lutte contre le racisme, qui sont vraiment très engagés, constamment engagés, qui ont le système législatif et puis l'action pédagogique peut-être la plus intense de tous les pays sur ces questions. Ce n'est pas une distance sur le fond.
Q - Monsieur Védrine, par rapport au Proche-Orient, quelle leçon la France a-t-elle à tirer de M. Fischer, du point de vue de son comportement, de sa pratique, de ses rapports avec les différents protagonistes ? Quelle leçon avez-vous à tirer du succès de M. Fischer au Proche-Orient ?
R - Ce que M. Fischer a fait est très bien. Ce qu'il a obtenu, c'est-à-dire une promesse de M. Arafat et de M. Pérès de se rencontrer, est très bien aussi. M. Fischer a été le premier à dire qu'il fallait faire attention parce qu'il ne faut pas attendre des miracles d'une première rencontre qui remet en marche quelque chose qui sera suivi d'autres. Là on est dans la phase où on espère d'abord qu'ils vont se rencontrer vraiment. En effet, ils nous disent : "bon c'est pour bientôt, on essaie, on travaille". Et nous, nous insistons sur la bonne présentation. Il ne faut pas que cette rencontre ait lieu et qu'elle soit décevante. Ce serait encore un peu plus mal après qu'avant. Mais sur ce sujet, nous avons vraiment la même approche. M. Fischer a été le premier à le dire. C'est un effort très louable et une percée qui permet de réespérer qui s'inscrit dans un effort européen collectif. C'est d'ailleurs pour cela que l'on en parle aussi souvent par rapport à cela.
Que faut-il faire après ? Que faut-il en tirer comme leçon ? Nous sommes animés par une sorte de morale commune qui est de ne jamais désespérer sur le Proche-Orient, de ne jamais baisser les bras. On pourrait dire : "C'est insoluble, on n'y arrive pas. Les Etats-Unis sont sur une sorte de retrait, qu'est-ce qu'on y peut ?". Mais nous ne raisonnons pas comme cela. Les Européens, pour des raisons politiques, pour des raisons émotionnelles, pour des raisons de solidarité humaine, pour des raisons géopolitiques aussi de proximité, sont décidés à rester engagés de plus en plus. On y arrive par un procédé, on en essaie un autre, un projet qui échoue, on en relance un autre. C'est cela notre morale. Cela ne change pas le fond de l'analyse. On n'a pas à changer la structure de l'analyse politique. Elle est très simple. Il y a deux peuples qui seront toujours là, même après des épisodes aussi atroces qu'en ce moment. Ils sont toujours là, ils seront toujours obligés de coexister politiquement. Il faudra bien sûr que cette question réémerge. Il faudra bien que des gens courageux de part et d'autre la reformulent politiquement.
Et nous, les Européens, nous sommes là avec cet engagement. Nous nous parlons entre Européens sur ces questions, c'est peut-être le sujet politique dont nous avons le plus parlé au sein des Quinze, depuis 3 ans. Si je mets de côté les questions européennes proprement dites, l'organisation de l'Europe, l'avenir de l'Europe, etc... le sujet qui vient immédiatement après, en temps passé avec des explications très sincères, parfois pas faciles, parce que ce sont des sujets qui bouleversent chacun, c'est le Proche-Orient. Et à force de discuter, à force de voyages, à force de concertation et à force d'échanges, on voit s'élaborer au fil des mois une vraie conception commune de l'Union européenne, une vraie vision, une véritable approche politique, des méthodes. C'est de plus en plus difficile de distinguer les démarches française, allemande, britannique, italienne, etc... Il y a vraiment quelque chose que nous sommes en train de créer dans la difficulté, à cause du malheur, donc c'est dommage. Mais c'est une façon, pour nous, de devenir plus efficaces, j'espère.
Q - Est-ce que vous avez évoqué l'idée de créer une sorte de Groupe de contact entre les principales puissances occidentales et éventuellement la Russie, pour mieux coordonner les efforts au Proche-Orient ? Et que pensez-vous de cette idée ?
R - Non, nous n'en avons pas parlé de façon aussi formelle. La concertation est très intense, donc nous sommes presque de facto dans des formules de ce type. Mais nous n'avons pas raisonné en termes de formalisation d'un groupe.
Q - Monsieur le Ministre, quelles sont les idées françaises et allemandes pour éviter qu'un prochain sommet ne se transforme en Sommet de Gênes ou Göteborg ? Est-ce qu'il y a des approches qui sont déjà élaborées sur ce sujet ? On sait par exemple que le gouvernement italien, ce matin, devait évoquer l'histoire de Rome pour le sommet de la FAO. C'est quand même un problème qui est devenu un problème assez partagé. Est-ce qu'il y a des idées qui ont déjà été jetées sur la table pour éviter ce genre de choses ?
R - Tout le monde a parlé de cela. Je vous ai dit que les ministres des Affaires étrangères avaient commencé à parler de la façon de traiter cette vague montante sur l'anti-mondialisation, avant Göteborg même. Puis, depuis Gênes, tout le monde en parle. Il n'y a pas un point de vue arrêté encore, opérationnel, parce que c'est un sujet très vaste, avec des aspects multiples. Il me semble et M. Fischer dira ce qu'il en pense, que tous les gouvernements d'Europe ont deux ou trois positions simples Je l'ai d'ailleurs déjà redit dans Le Figaro ce matin, il est évidemment indispensable pour les gouvernements de continuer à se réunir et à travailler. La plupart de ces sommets ont pour objet la maîtrise de la mondialisation. J'ai cité souvent le paradoxe. Pendant les manifestations de Göteborg, où les manifestants protestaient contre la globalisation sauvage, le Conseil européen travaillait une après-midi entière sur le développement durable. Un paradoxe amusant à relever. Donc, premier point : les gouvernements doivent pouvoir continuer à se réunir chaque fois que cela est utile, sur l'ensemble des sujets, dans des configurations multiples qui représentent la réalité internationale.
Deuxièmement, les manifestants doivent pouvoir manifester, en respectant les lois, mais il ne faut pas que leurs manifestations soient détournées de leur objet et dénaturées par des tous petits groupes ultra-violents. Et cette violence ne peut pas être admise, elle doit être contenue, elle doit être encadrée. Il faut que les polices qui ont à faire face à ces tâches extraordinairement difficiles - d'avoir à traiter avec des groupes ultra-violents - arrivent à se perfectionner en prenant modèle sur des polices d'Etats démocratiques les plus développés, qui arrivent à faire du maintien de l'ordre à la fois le plus efficace, et en respectant le mieux les lois. Il y a une sorte de perfectionnement qu'il faut obtenir face à la difficulté. C'est très difficile comme tâche, mais il faut l'obtenir.
Après, il y a l'autre chapitre, qui est de savoir sous quelle forme il faut intensifier ce dialogue sur les grandes questions de la mondialisation, avec qui ? Evidemment ce n'est pas avec les "violents", ce n'est pas avec ceux qui, de toute façon, ne veulent pas le dialogue. Mais il y a des tas d'autres mouvements - associations, ONG, ou mouvements encore plus informels - qui cherchent un dialogue, d'une certaine façon. Et même si nous pensons qu'ils n'apportent pas les bonnes réponses, ce sont des questions qui sont intéressantes, qui méritent d'être traitées. Ces questions peuvent être traitées dans les Parlements, les gouvernements, cela peut être traité à de multiples niveaux. Cela va se démultiplier, c'est un sujet trop immense pour être enfermé dans une bouteille. Cela se fera à beaucoup de niveaux. Je ne pense pas non plus que ce dialogue autour de la globalisation doit avoir lieu uniquement autour d'un sommet particulier. Ce n'est pas lié à un seul moment de l'année. Je pense que le dialogue politique sur les conditions de développement de la mondialisation, sur les propositions de régulation - lesquelles, pourquoi il y en a aussi peu qui marchent, qu'est-ce qu'il faut faire ? - c'est quelque chose qui va se développer ; cela va devenir l'horizon presque permanent du débat économique, politique et social dans la plupart de nos pays, pendant des années et des années. Il faut y réfléchir de façon ambitieuse. Mais ce sont des points de vue, ce ne sont pas des positions structurées et arbitrées.
Q - Monsieur le Ministre, je voulais vous demander : des consulats franco-allemands dans les pays tiers, c'est quand même une grande première européenne ; cela veut dire que là nous jouons un rôle de pionnier ?
R - On verra si cela marche bien.
Q - Et si cela marche bien, on peut imaginer à terme des consulats de l'Union européenne ?
R - Evidemment, l'objectif n'est pas de faire que du franco-allemand. C'est d'avoir quelque chose qui harmonise et qui regroupe de plus possible les Européens. Mais n'allez pas plus vite que la musique. En fait, le message c'est qu'au lieu de fantasmer sur des ambassades communes, ce qui ne marche pas, travaillons dans le domaine consulaire : c'est très concret, très précis, les intérêts européens sont très proches.
Maintenant, les législations ne sont pas les mêmes, les réglementations ne sont pas les mêmes, les corps ne sont pas gérés de la même façon. Donc, nous n'en sommes pas non plus à des consulats communs, sauf si un jour nous faisons une maison consulaire commune de l'Europe avec une série de consuls par pays. Cela sera peut-être une étape. Pour arriver vraiment à des consuls communs, il faudrait avoir harmonisé l'ensemble des législations, réglementations et gestion des corps. C'est compliqué mais ce n'est pas intellectuellement impensable. Ce n'est pas une contraction à la base. Il n'y a pas de contradiction insurmontable.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 août 2001)
Joschka Fischer et moi-même venons d'avoir une rencontre "de rentrée" parce que nous sommes restés en contact pendant ce mois d'août.
Nous avons eu de très longues conversations téléphoniques, en particulier sur le Proche-Orient et la Macédoine, mais nous reprenons avec cette rencontre d'hier au soir, dîner de travail et réunion de travail de ce matin, le rythme des rencontres telles que vous les avez vues se produire depuis le début de l'année dans ce nouveau mode de concertation intensive entre la France et l'Allemagne, marquées par des dîners du Président, du Chancelier, du Premier ministre et des deux ministres toutes les cinq à six semaines - dîners entre lesquels Joschka Fischer et moi nous nous rencontrons une ou deux fois pour faire avancer les choses, veiller à la mise en oeuvre des décisions prises pendant les dîners puis préparer les sujets suivants.
Cela a d'ailleurs été notre premier sujet. Nous avons préparé le dîner qui aura lieu à Berlin le 5 septembre, dîner à 5, et nous avons travaillé sur l'ensemble des rencontres et des échéances de l'automne aussi bien franco-allemandes qu'européennes.
Depuis cette intensification de la concertation et dans les Conseils européens qui ont eu lieu sous Présidence suédoise, vous avez pu noter la convergence très forte des positions française et allemande. Là, nous avons fait le point, sur le plan européen, de l'état d'avancement des négociations d'élargissement, un certain nombre de questions qui doivent être traitées sous Présidence belge et même sous Présidence espagnole ; parce que sous Présidence espagnole il y a des sujets tout à fait importants de cette négociation sur lesquels nous travaillons pour avoir des positions concertées.
C'est un travail qui devra se poursuivre ; comme vous le voyez, nous passons tout en revue systématiquement et après, cela doit être approfondi point par point.
Nous avons eu également un échange approfondi sur l'avenir de l'Europe. Vous savez qu'à l'issue de cette Présidence belge, à Laeken en décembre, les Quinze adopteront une déclaration qui devra préciser la méthodologie et le calendrier de ce débat, en tous cas de la poursuite du débat sur l'avenir de l'Europe, dont il était prévu à Nice qu'il serait conclu en 2004 par une nouvelle Conférence intergouvernementale. Que fait-on avant ? Sous quelle forme ? Quelle est la façon dont ce débat doit avancer après la phase dans laquelle nous sommes aujourd'hui, qui est surtout une phase de débats nationaux ?
Vous savez qu'en France le gouvernement a lancé avant les vacances des rencontres qui se font régions après régions, et dans l'Ile de France ce sera département par département pour associer l'ensemble des forces politiques, économiques, sociales et culturelles à ce débat. Cela c'est la partie nationale des débats et donc à Laeken, à la fin de l'année, nous nous mettrons d'accord à Quinze sur ce qui doit se passer en 2002, 2003, enfin jusqu'au moment où interviendra la nouvelle Conférence intergouvernementale de conclusion.
Nous avons fait le point également de la question des langues puisque vous savez que nous avions eu à écrire, Joschka Fischer et moi, à Romano Prodi pour lui dire notre désaccord par rapport à certains de ses projets.
Nous avons d'autre part lancé un travail de coopération consulaire franco-allemande dans les pays tiers. Nous lançons les têtes de chapitres - je vais vous dire sur quoi cela va porter - mais nous le lançons de façon franco-allemande. Naturellement, c'est dans un esprit européen et tout autre pays de l'Union qui voudra s'y joindre sera le bienvenu ; c'est dans l'idée de provoquer un mouvement qui doit à terme concerner tous les membres de l'Union européenne.
Cette coopération consulaire portera d'abord sur un échange d'informations, sur la prise en charge des ressortissants en difficulté, sur la gestion des crises, sur la prise en charge commune des détenus, sur la coopération en matière d'administration des communautés, sur la coopération en matière de consuls honoraires, sur la participation réciproque aux réunions consulaires, sur l'utilisation commune de locaux. Vous voyez que c'est très précis et très important pour les ressortissants concernés. Il s'agit donc de coopération consulaire franco-allemande dans les pays tiers.
Nous avons parlé évidemment de toute une série de grandes questions politiques. D'abord, nous avons fait le point sur la mondialisation - ou la globalisation, comme on veut - les contestations qui se développent à ce sujet ; et quelles sont les formes de dialogue qui doivent être développées par les gouvernements qui doivent naturellement continuer à travailler ensemble, c'est à dire naturellement continuer à se réunir et naturellement tenir les sommets qui sont utiles, précisément, pour maîtriser la mondialisation.
C'est un sujet important dont il avait été question d'ailleurs entre les ministres des Affaires étrangères d'Europe bien avant Gênes - ce n'est pas Gênes qui a déclenché cette réflexion en ce qui nous concerne ; on en a parlé même avant Göteborg, à de nombreuses reprises. Mais le débat se développe, tout le monde s'en mêle, et il est évident que cette question de savoir comment la mondialisation doit être encadrée pour être humanisée, sous quelle forme, à quel niveau et qui doit en parler avec qui... tout cela, ce sont des sujets qui vont prendre beaucoup d'ampleur et qui vont être en toile de fond de presque toutes les rencontres internationales, maintenant. Donc, il est bien naturel que nous ayons notre point de vue là-dessus.
Je vous rappelle d'ailleurs que nous avons pris une position un peu liée à cela, qui a eu un certain retentissement, et qui concerne le refus du clonage reproductif, parce que c'est un sujet très important en ce moment et nous continuerons à réfléchir à ce qu'il faut faire pour donner un encadrement qui n'a de sens que s'il est mondial sur toutes les grandes questions nouvelles de la bioéthique.
En politique étrangère, nous avons fait le point sur la Macédoine. La France s'est réjouie des conclusions du débat qui a eu lieu en Allemagne là dessus. Nous sommes déterminés à veiller à la pleine application du mandat qui a été confié aux forces de l'OTAN, qui est le complément de l'accord politique que les deux communautés concernées en Macédoine ont finalement passé ; elles se sont montré raisonnables en acceptant cet accord qui est le résultat d'un engagement européen très important, constant.
Donc, nous allons veiller à la mise en oeuvre complète de cet accord et nous avons déjà commencé à travailler sur le suivi politique de cet engagement européen en Macédoine.
Enfin, le Proche-Orient. Nous avons une analyse commune qui est que les violences incessantes au Proche-Orient - les attentats, le terrorisme, la répression, les représailles - ne peuvent qu'alimenter la haine et l'esprit de vengeance.
Nous pensons qu'il est impératif que les deux parties arrêtent ce cycle infernal qui ne peut conduire qu'à l'embrasement de la région. Nous saluons tous les deux l'accord intervenu hier, qui a permis le retrait des forces israéliennes de Beit Jala. Nous formons le vu que cela soit le début d'un processus. Nous appelons Israël et l'Autorité palestinienne à renouer le dialogue, à reprendre la coopération sécuritaire, à restaurer une véritable perspective politique.
Nous soutenons la volonté exprimée par Shimon Pérès et Yasser Arafat de se rencontrer. A cet égard, je voudrais redire ici que nous saluons la contribution personnelle de Joschka Fischer à cet espoir qui, sur ce point précis, s'est réouvert. Ils doivent se rencontrer pour s'entretenir des moyens permettant d'aboutir à la désescalade de la violence et préparer ainsi la voie à la mise en oeuvre intégrale des recommandations du rapport Mitchell. Nous disons bien "préparer la voie à", parce que nous savons à quel point c'est difficile ; mais il faut avancer, même si c'est pas à pas.
Nous appuierons avec beaucoup de détermination tous les efforts dans ce sens, naturellement en coordination étroite avec nos partenaires de l'Union européenne et nous devons avoir d'ailleurs une concertation téléphonique avec quelques-uns de nos partenaires dans peu de temps et en concertation avec les Etats-Unis dont l'engagement est plus que jamais nécessaire.
Outre le maintien des contacts intensifs avec les parties au conflit, ce soutien s'exprimera à travers les visites de responsables européens dans la région, puisqu'après la visite de Joschka Fischer et de Renato Ruggiero, plusieurs autres ministres européens doivent se rendre dans la région, sans arrêt avec le même message, les mêmes intentions, le même engagement. J'irai moi-même dans quelques semaines. M. Solana doit y aller dans peu de temps, mais c'est un même effort dans le même but.
Voilà un résumé de ce sur quoi nous avons travaillé. Vous voyez que c'est substantiel et que nous avons encore beaucoup de travail devant nous et nous allons reprendre ce rythme qui était celui du début de l'année et du printemps.
Q - Monsieur le Ministre, dans une interview accordée au Figaro vous avez très sévèrement critiqué l'attentisme des Etats-Unis au Proche-Orient. Est-ce que vous croyez que c'est une phase intermédiaire, une pose de réflexion ? Est-ce que c'est un changement de cap politique ?
R - J'espère que c'est intermédiaire parce que j'espère que cela va changer. Je sais que tous les Européens sont d'accord là-dessus. L'engagement des Etats-Unis est indispensable. S'ils le veulent, ils ont une influence incomparable sur les protagonistes. La paix au Proche-Orient ne reviendra qu'avec un effort international très intense et conjugué. Il ne s'agit donc pas de se livrer à des espèces d'initiatives concurrentes ou de démarches rivales. Ce serait absurde, c'est trop grave. La seule façon est une conjonction de tous les Européens, des Etats-Unis, du Secrétaire général de l'ONU, de tous ceux qui veulent. C'est pour cela que je l'ai dit sur un ton un peu vif, parce que nous regrettons énormément cet attentisme. Nous insistons tellement sur ce point. Cela n'aura de résultat que s'il y a un camp de la paix qui se reconstitue aussi en Israël et chez les Palestiniens.
Q - Monsieur le Ministre, comment expliquez-vous l'absence de représentation à très haut niveau des Européens à la Conférence de Durban ?
R - Vous êtes vexante pour ceux qui représentent les pays européens...
Q - Les chefs d'Etat africains et autres sont représentés à haut niveau.
R - A l'origine, le début du préparatif avait été présenté, si je me rappelle bien, comme une réunion ministérielle. Cela a été programmé à des niveaux ministériels et en désignant les ministres connaissant le mieux l'Afrique ou ayant travaillé sur ces questions. Ce n'est pas une marque de désintérêt. Puis, il y a énormément de réunions sur différents thèmes, tous très importants, des réunions de l'ONU dans lesquelles il y a des représentations mixtes de chefs d'Etat ou de ministres. Je ne crois pas qu'il faille isoler la réunion spéciale de Durban. Vous pourriez faire la même observation sur presque toutes les conférences des Nations unies. Il y aura même, à mon avis, en moyenne une représentation plutôt plus élevée que dans les autres conférences des Nations unies. Ce n'est donc pas du tout un signe de désintérêt, vous savez très bien que ce n'est pas un manque d'intérêt, notamment des pays européens sur ces questions, comme la lutte contre le racisme, qui sont vraiment très engagés, constamment engagés, qui ont le système législatif et puis l'action pédagogique peut-être la plus intense de tous les pays sur ces questions. Ce n'est pas une distance sur le fond.
Q - Monsieur Védrine, par rapport au Proche-Orient, quelle leçon la France a-t-elle à tirer de M. Fischer, du point de vue de son comportement, de sa pratique, de ses rapports avec les différents protagonistes ? Quelle leçon avez-vous à tirer du succès de M. Fischer au Proche-Orient ?
R - Ce que M. Fischer a fait est très bien. Ce qu'il a obtenu, c'est-à-dire une promesse de M. Arafat et de M. Pérès de se rencontrer, est très bien aussi. M. Fischer a été le premier à dire qu'il fallait faire attention parce qu'il ne faut pas attendre des miracles d'une première rencontre qui remet en marche quelque chose qui sera suivi d'autres. Là on est dans la phase où on espère d'abord qu'ils vont se rencontrer vraiment. En effet, ils nous disent : "bon c'est pour bientôt, on essaie, on travaille". Et nous, nous insistons sur la bonne présentation. Il ne faut pas que cette rencontre ait lieu et qu'elle soit décevante. Ce serait encore un peu plus mal après qu'avant. Mais sur ce sujet, nous avons vraiment la même approche. M. Fischer a été le premier à le dire. C'est un effort très louable et une percée qui permet de réespérer qui s'inscrit dans un effort européen collectif. C'est d'ailleurs pour cela que l'on en parle aussi souvent par rapport à cela.
Que faut-il faire après ? Que faut-il en tirer comme leçon ? Nous sommes animés par une sorte de morale commune qui est de ne jamais désespérer sur le Proche-Orient, de ne jamais baisser les bras. On pourrait dire : "C'est insoluble, on n'y arrive pas. Les Etats-Unis sont sur une sorte de retrait, qu'est-ce qu'on y peut ?". Mais nous ne raisonnons pas comme cela. Les Européens, pour des raisons politiques, pour des raisons émotionnelles, pour des raisons de solidarité humaine, pour des raisons géopolitiques aussi de proximité, sont décidés à rester engagés de plus en plus. On y arrive par un procédé, on en essaie un autre, un projet qui échoue, on en relance un autre. C'est cela notre morale. Cela ne change pas le fond de l'analyse. On n'a pas à changer la structure de l'analyse politique. Elle est très simple. Il y a deux peuples qui seront toujours là, même après des épisodes aussi atroces qu'en ce moment. Ils sont toujours là, ils seront toujours obligés de coexister politiquement. Il faudra bien sûr que cette question réémerge. Il faudra bien que des gens courageux de part et d'autre la reformulent politiquement.
Et nous, les Européens, nous sommes là avec cet engagement. Nous nous parlons entre Européens sur ces questions, c'est peut-être le sujet politique dont nous avons le plus parlé au sein des Quinze, depuis 3 ans. Si je mets de côté les questions européennes proprement dites, l'organisation de l'Europe, l'avenir de l'Europe, etc... le sujet qui vient immédiatement après, en temps passé avec des explications très sincères, parfois pas faciles, parce que ce sont des sujets qui bouleversent chacun, c'est le Proche-Orient. Et à force de discuter, à force de voyages, à force de concertation et à force d'échanges, on voit s'élaborer au fil des mois une vraie conception commune de l'Union européenne, une vraie vision, une véritable approche politique, des méthodes. C'est de plus en plus difficile de distinguer les démarches française, allemande, britannique, italienne, etc... Il y a vraiment quelque chose que nous sommes en train de créer dans la difficulté, à cause du malheur, donc c'est dommage. Mais c'est une façon, pour nous, de devenir plus efficaces, j'espère.
Q - Est-ce que vous avez évoqué l'idée de créer une sorte de Groupe de contact entre les principales puissances occidentales et éventuellement la Russie, pour mieux coordonner les efforts au Proche-Orient ? Et que pensez-vous de cette idée ?
R - Non, nous n'en avons pas parlé de façon aussi formelle. La concertation est très intense, donc nous sommes presque de facto dans des formules de ce type. Mais nous n'avons pas raisonné en termes de formalisation d'un groupe.
Q - Monsieur le Ministre, quelles sont les idées françaises et allemandes pour éviter qu'un prochain sommet ne se transforme en Sommet de Gênes ou Göteborg ? Est-ce qu'il y a des approches qui sont déjà élaborées sur ce sujet ? On sait par exemple que le gouvernement italien, ce matin, devait évoquer l'histoire de Rome pour le sommet de la FAO. C'est quand même un problème qui est devenu un problème assez partagé. Est-ce qu'il y a des idées qui ont déjà été jetées sur la table pour éviter ce genre de choses ?
R - Tout le monde a parlé de cela. Je vous ai dit que les ministres des Affaires étrangères avaient commencé à parler de la façon de traiter cette vague montante sur l'anti-mondialisation, avant Göteborg même. Puis, depuis Gênes, tout le monde en parle. Il n'y a pas un point de vue arrêté encore, opérationnel, parce que c'est un sujet très vaste, avec des aspects multiples. Il me semble et M. Fischer dira ce qu'il en pense, que tous les gouvernements d'Europe ont deux ou trois positions simples Je l'ai d'ailleurs déjà redit dans Le Figaro ce matin, il est évidemment indispensable pour les gouvernements de continuer à se réunir et à travailler. La plupart de ces sommets ont pour objet la maîtrise de la mondialisation. J'ai cité souvent le paradoxe. Pendant les manifestations de Göteborg, où les manifestants protestaient contre la globalisation sauvage, le Conseil européen travaillait une après-midi entière sur le développement durable. Un paradoxe amusant à relever. Donc, premier point : les gouvernements doivent pouvoir continuer à se réunir chaque fois que cela est utile, sur l'ensemble des sujets, dans des configurations multiples qui représentent la réalité internationale.
Deuxièmement, les manifestants doivent pouvoir manifester, en respectant les lois, mais il ne faut pas que leurs manifestations soient détournées de leur objet et dénaturées par des tous petits groupes ultra-violents. Et cette violence ne peut pas être admise, elle doit être contenue, elle doit être encadrée. Il faut que les polices qui ont à faire face à ces tâches extraordinairement difficiles - d'avoir à traiter avec des groupes ultra-violents - arrivent à se perfectionner en prenant modèle sur des polices d'Etats démocratiques les plus développés, qui arrivent à faire du maintien de l'ordre à la fois le plus efficace, et en respectant le mieux les lois. Il y a une sorte de perfectionnement qu'il faut obtenir face à la difficulté. C'est très difficile comme tâche, mais il faut l'obtenir.
Après, il y a l'autre chapitre, qui est de savoir sous quelle forme il faut intensifier ce dialogue sur les grandes questions de la mondialisation, avec qui ? Evidemment ce n'est pas avec les "violents", ce n'est pas avec ceux qui, de toute façon, ne veulent pas le dialogue. Mais il y a des tas d'autres mouvements - associations, ONG, ou mouvements encore plus informels - qui cherchent un dialogue, d'une certaine façon. Et même si nous pensons qu'ils n'apportent pas les bonnes réponses, ce sont des questions qui sont intéressantes, qui méritent d'être traitées. Ces questions peuvent être traitées dans les Parlements, les gouvernements, cela peut être traité à de multiples niveaux. Cela va se démultiplier, c'est un sujet trop immense pour être enfermé dans une bouteille. Cela se fera à beaucoup de niveaux. Je ne pense pas non plus que ce dialogue autour de la globalisation doit avoir lieu uniquement autour d'un sommet particulier. Ce n'est pas lié à un seul moment de l'année. Je pense que le dialogue politique sur les conditions de développement de la mondialisation, sur les propositions de régulation - lesquelles, pourquoi il y en a aussi peu qui marchent, qu'est-ce qu'il faut faire ? - c'est quelque chose qui va se développer ; cela va devenir l'horizon presque permanent du débat économique, politique et social dans la plupart de nos pays, pendant des années et des années. Il faut y réfléchir de façon ambitieuse. Mais ce sont des points de vue, ce ne sont pas des positions structurées et arbitrées.
Q - Monsieur le Ministre, je voulais vous demander : des consulats franco-allemands dans les pays tiers, c'est quand même une grande première européenne ; cela veut dire que là nous jouons un rôle de pionnier ?
R - On verra si cela marche bien.
Q - Et si cela marche bien, on peut imaginer à terme des consulats de l'Union européenne ?
R - Evidemment, l'objectif n'est pas de faire que du franco-allemand. C'est d'avoir quelque chose qui harmonise et qui regroupe de plus possible les Européens. Mais n'allez pas plus vite que la musique. En fait, le message c'est qu'au lieu de fantasmer sur des ambassades communes, ce qui ne marche pas, travaillons dans le domaine consulaire : c'est très concret, très précis, les intérêts européens sont très proches.
Maintenant, les législations ne sont pas les mêmes, les réglementations ne sont pas les mêmes, les corps ne sont pas gérés de la même façon. Donc, nous n'en sommes pas non plus à des consulats communs, sauf si un jour nous faisons une maison consulaire commune de l'Europe avec une série de consuls par pays. Cela sera peut-être une étape. Pour arriver vraiment à des consuls communs, il faudrait avoir harmonisé l'ensemble des législations, réglementations et gestion des corps. C'est compliqué mais ce n'est pas intellectuellement impensable. Ce n'est pas une contraction à la base. Il n'y a pas de contradiction insurmontable.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 août 2001)