Déclaration de Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme, sur la place du bâtiment dans l'économie du pays, les mesures gouvernementales de soutien à la construction de logements, sur le statut des artisans, Paris le 10 avril 2013.

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Circonstance : Assemblée générale de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), à Paris le 10 avril 2013

Texte intégral

Monsieur le Président LIEBUS,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires
Mesdames et Messieurs les Présidents
Mesdames et Messieurs,
C’est avec un grand plaisir que j’interviens aujourd’hui devant vous et je vous remercie chaleureusement pour votre invitation pour ce moment important qu’est votre assemblée générale.
Il est d’autant plus important pour moi, que, dans le contexte économique que nous traversons, je souhaite que les liens réguliers que nous entretenons, permettent un travail collectif au service de notre pays. Nous nous voyons souvent, Monsieur le Président, et encore dernièrement à Bercy dans le cadre du groupe de travail sur le bâtiment que je viens d’installer avec mes collègues du Gouvernement, mais je suis heureuse aujourd’hui de m’exprimer devant l’ensemble de vos adhérents, devant vous, mesdames et messieurs, qui dirigez ces entreprises si importantes pour la vitalité de notre pays.
Et je voudrais vous dire, Monsieur le Président, que je partage votre détermination pour le maintien d’une solide confiance entre les professionnels, le Gouvernement et l’ensemble des pouvoirs publics. Sachez que je m’y emploie avec force. Et c’est explicitement cette confiance que le Président de la République a souhaité renforcer encore en lançant une grande mobilisation pour la construction de logements le 21 mars dernier.
Nous avons bien conscience que le secteur du bâtiment est incontestablement un secteur moteur de notre économie. Et, avec plus d’un million et demi d’emploi, il est au coeur de la bataille pour l’emploi que mène chaque jour le Gouvernement.
En 2012, la conjoncture s’est dégradée, notamment pour les mises en chantier de logements neufs dont la baisse s’est accentuée. Vous venez de rappeler l’urgence de la situation et les attentes fortes des artisans du bâtiment.
Le Gouvernement a ouvert une nouvelle étape de la politique économique de notre pays, en s’engageant pour un soutien et une stabilité de long terme pour les entreprises, et en construisant, toujours avec les professionnels, des réponses adaptées aux problématiques des secteurs et des entreprises concernées.
Le Pacte National pour la Compétitivité, la Croissance et l’Emploi en a donné le coup d’envoi. Il représente un effort massif et sans précédent en direction des entreprises.
Parmi ses mesures significatives, le secteur du bâtiment bénéficiera pleinement du crédit d’impôt compétitivité qui facilitera les embauches en allégeant les charges des entreprises.
Je tiens à insister également sur la deuxième mesure du Pacte de compétitivité, le fonds de garantie d’Oséo, qui répond étroitement aux problématiques du secteur. La Banque publique d’Investissement, dont Oséo est une filiale, est opérationnelle depuis le 1er janvier de cette année, et cet outil puissant doit répondre aux besoins des entreprises, de toutes les entreprises.
C’est la raison pour laquelle j’ai veillé à ce que le fonds de garantie en faveur des PME et TPE, doté de 500 millions d’euros, soit ouvert à l’ensemble des entreprises, même les plus petites, quelle que soit le montant de leur besoin et leur nombre d’employés.
Il permet de financer des besoins de trésorerie qui constituent un problème récurrent des entreprises artisanales, et qui les conduit à supporter des frais bancaires très importants, notamment dans les périodes de variation rapide d’activité. Je sais que c’est un sujet de préoccupation de nos entreprises.
J’invite tous les artisans du bâtiment à se saisir de ces dispositifs, mais aussi du contrat de génération qui est un instrument précieux, permettant de recruter, par une aide ciblée, un jeune, et de le former pendant 3 ans.
Je me suis personnellement investie pour qu’il bénéficie aux entreprises individuelles et j’ajoute qu’il peut également être utilisé dans le cadre d’une transmission d’entreprise pour permettre à un chef d’entreprise de former son successeur avant son départ en retraite.
Voilà, sans être exhaustive, les outils d’une impulsion majeure qui est donnée à l’ensemble de notre économie ; et je ne peux que vous encourager à les utiliser et à expliquer leur fonctionnement simple et accessible à l’ensemble de vos adhérents.
Et, en tant que Ministre de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme, j’ai conscience que l’attention est parfois rivée sur la situation des grands groupes. Mais la Première entreprise de France, ce sont les artisans. Et vous pouvez être certains que j’ai à coeur de montrer que nos champions nationaux de la qualité, du savoir-faire, et de la prestation sur mesure, c’est vous !
Pour répondre aux enjeux que nous avions identifiés ensemble, avec vous, ainsi qu’avec l’ensemble des organisations professionnelles et les chambres des métiers que je tiens à saluer, j’ai présenté, comme vous le savez, un Pacte pour l’Artisanat, qui comprend 33 mesures.
Je me réjouis que nous travaillions en bonne entente pour sa mise en oeuvre. Un certain nombre d’actions ont déjà été lancées et sont déjà en place, c’est le cas du soutien à la trésorerie, c’est le cas également de l’évaluation des pôles d’innovation pour l’artisanat et les petites entreprises, que vous évoquiez à l’instant Monsieur le Président, et qui débouchera sur des propositions concrètes pour les rendre encore plus performants et davantage centrés sur la diffusion des innovations sur l’ensemble du territoire national.
Mais également, un véritable statut de l’artisan, unifié et fondé sur une qualification reconnue, sera rétabli.
Les entreprises seront mieux accompagnées, puisque l’Etat va signer une convention-cadre avec l’Assemblée Permanente des Chambres des métiers et de l’Artisanat, qui sera déclinée entre les préfets et les chambres au niveau local, et qui sera la base d’une diffusion sur tout le territoire des bonnes pratiques repérées pour l’accompagnement des chefs d’entreprises.
Un bilan de compétences leur sera remis au moment de l’inscription au répertoire des métiers, et par la suite, au sein des chambres, ils pourront bénéficier d’un interlocuteur unique et l’accompagnement de ces entreprises sera facilité et personnalisé.
Dans l’artisanat, je veux ajouter que les conjoints doivent aussi pouvoir trouver la place qu’il leur revient, et construire eux aussi un parcours. C’est pourquoi des dispositifs favorisant la validation des acquis de compétence ainsi que des formations spécifiques dédiés aux conjoints d’artisans seront mis en place.
Je me permets de souligner que je parle des conjoints, et pas uniquement des conjointes, car j’espère qu’à l’avenir cette situation sera mieux partagée entre les femmes et les hommes, en particulier dans votre secteur.
J’ai d’ailleurs tenu à ce que les campagnes de promotion et de valorisation de l’artisanat insistent sur la parité des métiers et valorise les femmes exerçant des métiers traditionnellement masculins, mais aussi les hommes exerçant des métiers traditionnellement féminins.
Plus globalement, c’est toute l’image des métiers que je souhaite voir enfin évoluer. L’artisanat doit être une filière choisie, pour les parcours qu’elle permet et pour la liberté qu’elle offre de s’établir à son propre compte.
Des interventions d’artisans seront organisées pendant le parcours scolaires, des actions de communication, de sensibilisation, et de valorisation seront menées par le Fonds National de Promotion de l’Artisanat, par Pôle Emploi, et via le service public d’orientation tout au long de la vie, au niveau national.
Les formations dispensées en Centre de Formation des Apprentis évolueront, puisqu’elles s’enrichiront d’une préparation à l’entrepreneuriat, mais elles doivent être davantage mises en avant. On ne répètera jamais assez combien ils sont des outils précieux, à l’heure où tant de jeunes mettent parfois des années à trouver un emploi fixe, 90% des diplômés d’un CFA sont embauchés à la sortie de leur cursus.
A cet égard, je tiens à saluer l’implication du bâtiment dans la formation des jeunes apprentis, qui sont plus nombreux que dans n’importe quel autre secteur. Et pour ce nouvel horizon que constitue la transition écologique, de nouvelles compétences et de nouveaux métiers vont naître pour lesquels, je l’espère, vous accueillerez aussi largement la jeunesse mais je sais pouvoir compter sur vous.
Au-delà de ces mesures qui concernent tout le secteur de l’artisanat, je voudrais évoquer avec vous toutes celles qui concernent très directement le secteur du bâtiment. Car vous le savez bien, l’activité de la construction et de la rénovation est au coeur des préoccupations du Gouvernement, parce qu’elle est déterminante pour l’emploi, et pour la santé économique et le dynamisme de nos territoires. Et je suis convaincue que le secteur du bâtiment est un excellent baromètre de cette santé économique que j’évoquai à l’instant.!
C’est conscient de cette réalité et de la nécessité d’une action forte que le Président de la République a pris la décision d’un grand Plan d’investissement, le 21 mars, dont les 20 mesures apportent des solutions concrètes et pragmatiques pour lever les obstacles à la construction et la rénovation de logements.
Et pour soutenir l’activité du secteur, la pierre angulaire de cet ensemble de mesures, c’est un choc positif de l’offre : construire enfin les logements dont notre pays à tant besoin.
Pour cela, il nous faut d’abord rétablir une cohérence entre notre fiscalité et cette priorité : il n’est plus acceptable, dans le contexte actuel, d’inciter par des avantages les propriétaires de foncier à détenir des terrains constructibles sans en faire usage.
Tous les avantages fiscaux qui favorisent la rétention des terrains constructibles seront donc supprimés.
Les bureaux, notamment en Ile-de-France où les besoins de logement sont les plus criants, demeurent parfois vides plusieurs années. Des dispositions d’assouplissement prises par voie d’ordonnance permettront de faciliter la reconversion des bureaux en logements.
Mais surtout, comme vous le savez, un soutien massif à la production et à la rénovation de logements sociaux est apporté par ces mesures.
Alors, oui, toutes les constructions ne sont pas du logement social. Mais, plutôt que de faire du saupoudrage, et à l’heure où plus de huit millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté, le Gouvernement a décidé de renforcer son aide et son soutien aux solutions de logement à loyers modérés.
C’est la raison pour laquelle la TVA sur la construction et la rénovation de logement social a été abaissée de 7% à 5%. Pour l’Etat, par rapport au taux intermédiaire du logement privé, cela représente un effort de 400 millions d’euros.
C’est aussi pour cette raison qu’un pacte sera signé entre l’Etat et l’Union Sociale des HLM, afin de faire passer la production de 100 000 à 150 000 logements par an.
Ce sont autant de mesures qui viendront soutenir la construction, et donc les carnets de commandes.
De plus, une nouvelle filière est en train d’émerger ; il s’agit de la rénovation énergétique, qui représente un potentiel de 75 000 emplois. Avec l’appui des mesures du Plan d’investissement pour le logement, ce sont 140 000 rénovations lourdes, dans le logement privé, qui seront effectuées en 2014.
Pour rendre plus efficace ce soutien à l’activité, les mesures annoncées par le Président de la République produiront aussi un choc de simplification.
Les règles du jeu doivent favoriser la simplicité, la rapidité, la lisibilité, et la cohérence ; sans rien affaiblir des conditions impératives de sécurité, et de respect de la concertation.
Dans cette perspective, les délais de procédure des grandes opérations seront raccourcis, et les recours abusifs seront sanctionnés. L’objectif du Gouvernement est aussi de diviser par deux les délais de traitement des contentieux pour les recours légitimes.
Les normes constituent un autre frein important au développement de l’activité.
La France a pris du retard sur cette question. « Toujours promis, jamais réalisé », disiez-vous. Aujourd’hui, cette simplification, elle est non seulement prévue mais planifiée, et elle concerne aussi bien le flux que le stock de normes.
Pour endiguer l’empilement des nouvelles règles, un moratoire de deux ans sur l’instauration de nouvelles normes techniques va être instauré.
Et pour le stock, une évaluation de l’ensemble des normes existantes est en cours et celles présentant le moins bon rapport entre leur coût et leur efficacité ne seront plus contraignantes.
Enfin, certaines situations peuvent pénaliser les entreprises. Je pense notamment aux décalages entre les délais de paiement.
La Loi de Modernisation de l’Economie place les artisans du bâtiment dans une situation délicate, entre des règlements fournisseurs plus courts et des délais clients qui n’ont pas changé.
Dans les mesures présentées par le Président de la République, il y a des aspects qui concernent cette question : pour les commanditaires publics, les clauses relatives aux marchés publics de travaux seront revues afin de réduire les délais de production du décompte général après réception des travaux.
Pour les commandes privées, les maîtres d’ouvrage devront désormais payer chaque mois les travaux exécutés par les entrepreneurs sur la base des demandes de paiement mensuel qu’ils présentent.
Vous évoquez également les situations de concurrence déloyales de certaines sous-traitances, qui fraudent sur la facturation de leur TVA. Pour prévenir ce type de comportements, la facturation de la TVA au donneur d’ordre sera interdite. C’est le donneur d’ordre lui-même qui mentionnera dans sa déclaration de TVA celle qu’il doit au titre des travaux effectués.
Cette mesure limite considérablement la concurrence déloyale sur le prix hors taxe, et comble un important manque à gagner pour l’Etat.
Une concurrence équitable, c’est aussi ce à quoi je souhaite parvenir en ce qui concerne le régime de l’auto-entrepreneur. Il crée parfois, dans certains secteurs dont le vôtre, des difficultés. Le rapport commandé à l’IGF et l’IGAS va être publié aujourd’hui. Le Gouvernement a pris connaissance de ces recommandations et souhaite apporter au régime des évolutions pour en corriger les défauts et l’inscrire de manière harmonieuse dans le paysage de la création d’entreprise.
Car le régime a en pratique davantage facilité l’exercice d’activités accessoires ou à faible valeur ajoutée que permis la création d’entreprises pérennes à potentiel de croissance En effet, près de la moitié des auto-entrepreneurs ne dégagent pas de chiffre d’affaire, et 90 % d’entre eux réalisent un chiffre d’affaire inférieur au SMIC.
Par ailleurs, la mission, dont les travaux se sont heurtés à la faiblesse du suivi statistique des auto-entrepreneurs, reconnaît l’existence de risques et parfois d’abus liés à ce régime en matière de concurrence déloyale, de salariat déguisé en fausse sous-traitance, ou de fraudes.
Notre objectif n’est pas de casser ce régime, mais de le clarifier, l’améliorer et le rendre vraiment efficace, en tenant compte de ces limites que les artisans nous signalent régulièrement, en particulier dans le bâtiment.
Le gouvernement souhaite adapter le régime pour répondre à deux objectifs distincts, qui appellent des réponses différentes :
1. Premier objectif : l’exercice d’une activité complémentaire permettant de se créer un revenu d’appoint, notamment pour les populations au revenu modeste : chômeurs, retraités, etc. ; dans ce cas, le régime sera maintenu ; mais il faut que cette activité reste une activité d’appoint, pour maintenir les conditions d’une concurrence saine et loyale, et pour cela il nous faut examiner, avec vous, les critères qui le permettront, par exemple par l’instauration de seuils de chiffre d’affaire intermédiaires.
2. Deuxième objectif : la création d’entreprise par son caractère simple et accessible en restant un tremplin qui permet de créer à terme une structure classique d’entreprise, pour une activité viable et pérenne, et un régime plus protecteur. Dans ce cas, nous souhaitons que ce régime soit limité dans le temps. La durée précise fera l’objet de discussions avec les acteurs. Nous renforcerons l’accompagnement de ces auto-entrepreneurs pour les aider à basculer vers le régime normal, et nous étudierons les modalités d’une transition aménagée pour faciliter ce passage.
Plus généralement, je souhaite préserver globalement le cadre fiscal et social du régime, dont la simplicité est un des atouts, mais apporter des évolutions concernant l’assujettissement à la cotisation foncière des entreprises (CFE), dans le sens d’une plus grande équité avec les autres régimes de création d’entreprise. Nous avons déjà rapproché les cotisations sociales des auto-entrepreneurs et des autres travailleurs indépendants dans le cadre du PLFSS 2013. Ce sont des mesures de justice, mais qui préservent la simplicité de ce régime.
Nous sommes également favorables aux recommandations qui sont faites dans le rapport en matière de suivi statistique et de contrôles. Le Gouvernement partage ces orientations et les services des ministères concernés doivent dans les prochaines semaines expertiser la possibilité de les mettre en oeuvre. En particulier, pour certains métiers, je pense tout particulièrement au bâtiment, il y a une exigence de qualification qui permet de protéger le consommateur, par exemple parce qu’il y a des enjeux de sécurité, il est important d’avoir des garanties sur les qualifications et la qualité du travail réalisé ; pour cela, nous sommes favorables à un renforcement des obligations déclaratives et des vérifications a priori pour l’exercice des professions, par exemple en matière d’assurance et de qualifications. Sur ce point, j’ai demandé à mes services de faire une étude de faisabilité, parce que ce n’est pas forcément simple à mettre en oeuvre concrètement et juridiquement, mais cela répond à un enjeu fort de protection du consommateur.
Notre volonté est de trouver les réponses adaptées, et comme pour l’ensemble des décisions que prend ce gouvernement, nous sommes guidés par l’objectif d’efficacité économique et de justice à l’égard de l’ensemble des acteurs.
Je m’arrêterai là, mais vous le voyez, le Gouvernement a pris toute la mesure des enjeux auxquels est aujourd’hui confronté le secteur du bâtiment, de nombreux leviers ont été actionnés, les objectifs ont été fixés, et nous construirons ensemble les modalités concrètes de leur mise en oeuvre, dans le cadre du groupe de travail interministériel que je pilote.
Les Français sont directement concernés par les travaux que nous menons, et comme j’ai eu l’occasion de vous le dire lors de l’ouverture de ce groupe, je partage entièrement votre souhait que nous avancions rapidement, ensemble, et avec détermination.
La mobilisation pour le redressement de notre économie et pour l’emploi est la première priorité de ce Gouvernement, et c’est un combat que nous menons avec l’ensemble des acteurs qui s’impliquent à nos côtés dans l’intérêt de notre pays.
Je vous remercie.
Source http://www.artisanat-commerce-tourisme.gouv.fr, le 12 avril 2013