Texte intégral
JEAN-MICHEL APHATIE
« Un déballage grotesque », voilà comment Alain JUPPÉ, l'un de vos prédécesseurs à Matignon, qualifie la mesure de publication de patrimoine des élus que vous souhaitez, Jean-Marc AYRAULT. À quoi cela nous sert-il de connaître votre patrimoine ?
JEAN-MARC AYRAULT
Mais il y a un besoin de transparence, vous le savez bien, et quand on exerce une responsabilité publique élus, grands responsables d'administration publique ou entreprises publiques je crois que la transparence est nécessaire en démocratie. D'autres pays l'ont fait avant nous et ils ne s'en portent pas plus mal. Soixante-dix-sept pourcents des Français dans un récent sondage y sont favorables. Alors il y a des craintes de certains élus
JEAN-MICHEL APHATIE
On va en reparler mais ça n'aurait pas évité l'affaire Cahuzac puisque c'est une mesure de transparence.
JEAN-MARC AYRAULT
Non, bien sûr que non. Bien sûr que non. Je reviendrai, si vous voulez bien, sur l'intention du gouvernement et du président de la République. Nous irons jusqu'au bout à travers le projet de loi qui sera présenté le 24 avril au conseil des ministres.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous irez jusqu'au bout ?
JEAN-MARC AYRAULT
Oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
Les députés communiqueront leur patrimoine.
JEAN-MARC AYRAULT
J'ai entamé hier des consultations avec les différents groupes parlementaires et les présidents des assemblées. J'ai vu des contradictions d'ailleurs, j'ai vu des divergences, j'ai vu des oppositions, j'ai vu aussi des approbations. Mais nous, l'exécutif, nous avons une responsabilité. Le président de la République a fait une déclaration, j'ai fait une communication en conseil des ministres cette semaine, et le 24 c'est le projet de loi. Après les parlementaires prendront leurs responsabilités mais nous aurons des dispositifs de contrôle des patrimoines. Il y aura une autorité indépendante avec des pouvoirs d'investigation ce qui n'est pas le cas aujourd'hui qui pourra enquêter et vérifier si ce qui est dit et déclaré est bien exact. C'est la moindre des choses mais ce n'était pas le cas jusqu'à présent. Et puis, la publicité pour les parlementaires, les ministres dès lundi et les patrons des grands exécutifs locaux. Parce que, de toute façon je vais vous dire, si ce n'est pas dans la loi, ceux qui aujourd'hui refusent de le faire seront contraints de répondre à une question qui sera posée par l'opinion. Déjà les journalistes de la presse quotidienne régionale ont interrogé beaucoup de parlementaires qui ont dit : « Oui, oui, je vais le faire et même avant la loi ?? ; d'autres disent : « Je le ferai après la loi ». Donc ça se fera, j'en suis convaincu, parce que c'est nécessaire.
JEAN-MICHEL APHATIE
L'application pratique, Jean-Marc AYRAULT ?
JEAN-MARC AYRAULT
Pratique ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Application pratique : de quoi se compose votre patrimoine ?
JEAN-MARC AYRAULT
Mais moi je le dirais avec l'ensemble des ministres lundi. Ce n'est pas moi qui le publierai : c'est le secrétaire général du gouvernement mais, vous savez, ça ne me pose pas de problèmes. J'ai déjà plusieurs fois rendu public mon patrimoine et celui de mon épouse puisque nous sommes mariés sous le régime de la communauté, qui est déclaré à chaque étape de renouvellement des mandats. J'ai demandé à tous les ministres de procéder de la même façon mais en bon ordre. C'est pour ça qu'ils sont en train d'adresser actuellement leur déclaration au secrétaire général du gouvernement qui le rendra public lundi.
JEAN-MICHEL APHATIE
Claude BARTOLONE, ministre de l'Assemblée nationale, dans une note qu'il vous a adressée dit que la publication du patrimoine des élus, notamment des parlementaires, c'est une mesure inefficace contre la corruption et dangereuse pour la démocratie. Malgré tout, vous irez jusqu'au bout ?
JEAN-MARC AYRAULT
Oui. Oui, oui, oui bien sûr. La transparence est nécessaire. Par contre, est-ce que ça suffit pour lutter contre la corruption ? Je vous ai dit qu'il fallait un organisme indépendant de contrôle, y compris enquêter avec des services fiscaux, ce qui n'est pas le cas je le répète aujourd'hui. Ce sera le cas demain : autorité indépendante. Et puis contre la corruption, il faut quand même faire attention. Il ne s'agit pas de stigmatiser les élus. L'immense majorité des élus, la quasi-totalité sont des gens honnêtes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ils ont peur de l'être. Ils ont peur de l'être.
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, mais il s'agit aussi de les protéger. Ce n'est pas en cachant par pudeur qu'on sera libéré. Je pense qu'il faut aussi dire que la lutte contre la corruption, ce n'est pas la question des élus ; c'est la question de la finance internationale, c'est la question de la fraude fiscale, c'est la question des paradis fiscaux, c'est la question aussi des comptes à l'étranger qu'on ne peut pas aujourd'hui contrôler et c'est ce que le gouvernement veut changer. Parce que dans le même temps dans ce projet de loi, vous aurez un procureur spécial chargé de la lutte contre la corruption et de la délinquance financière avec des moyens, un office central d'enquête, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui parce que tout est dispersé. Mais surtout, vous savez, les années passées on disait : « Il faut lutter contre la délinquance financière ; il y a un pôle financier au parquet de Paris » ; sauf qu'on nous l'a vidé de sa substance puisqu'il n'avait plus de moyens pour travailler. Demain, je fais doubler dans le projet de loi les moyens de la justice, des magistrats enquêteurs
JEAN-MICHEL APHATIE
Des magistrats de ce pôle spécialisé.
JEAN-MARC AYRAULT
Les moyens des policiers de la police judiciaire, enquêteurs, et également des services fiscaux et des douanes. Parce que si vous voulez aller chercher les renseignements, aujourd'hui les choses sont tellement sophistiquées avec des cabinets spécialisés qu'il y a des gens qui finissent par échapper. Et dans l'affaire Cahuzac qui est un drame pour tout le monde, pour la République, il se révèle aux yeux de beaucoup de gens qu'on peut camoufler son argent à l'étranger sans qu'on puisse le savoir par ses comptes. Aujourd'hui, ça n'est plus possible. Il faut qu'au sein de l'Union européenne il y ait une automaticité dans la connaissance des comptes qui sont à l'étranger. Il y a des pays qui résistent encore mais j'apprends que le Luxembourg est en train de l'accepter, il reste encore l'Autriche et puis après, il y a les paradis fiscaux. Les paradis fiscaux, il y en a dans les îles anglo-normandes mais il y en a aussi dans d'autres pays d'Europe et puis il y en a dans le monde entier. C'est une question je dirais d'intérêt public parce que c'est de l'argent qui échappe à l'intérêt commun. C'est des milliards d'euros ; on dit qu'en France c'est quarante à cinquante milliards la fraude, la grosse fraude, mais à l'échelle mondiale c'est plusieurs milliers de milliards ! Donc quand François HOLLANDE disait au Bourget : « La finance qui n'a ni nom, ni visage », elle est là. Eh bien maintenant le moment est venu de la combattre complètement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Projet de loi en conseil des ministres le 24 avril. À propos de l'affaire Cahuzac, Pierre MOSCOVICI a-t-il ou non envoyé une mission secrète en Suisse en décembre à votre connaissance ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non, à ma connaissance non.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est prudent comme formulation.
JEAN-MARC AYRAULT
Non, ce n'est pas prudent. Si vous l'interprétez comme ça, je la rectifie tout de suite. J'ai demandé à Pierre MOSCOVICI au mois de décembre quelles étaient les informations dont il disposait et il a dit exactement ce qu'il a dit aussi bien à l'Assemblée nationale qu'aux journalistes, comme il l'a dit aussi au président des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat : il n'avait pas d'informations. Et à chaque fois que je l'ai interrogé, il m'a dit ce qu'il savait étape par étape.
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce qu'il a fauté Pierre MOSCOVICI par manque d'initiative, de curiosité ? Edwy PLENEL, le président de MEDIAPART, juge qu'il a instrumentalisé l'administration fiscale pour protéger Jérôme CAHUZAC.
JEAN-MARC AYRAULT
Non, ça je ne le crois pas. Je ne le crois pas un seul instant. Franchement, je ne le crois pas. Vous savez, quand il y a eu cet article de MEDIAPART, qui d'ailleurs est un journal qui a fait son travail, et j'ai défendu MEDIAPART lorsque MEDIAPART était attaqué sous la droite et traité de presse fasciste. Monsieur BERTRAND, je crois, avait employé cette expression, c'est scandaleux. Nous avons même un projet de protection des sources des journalistes, dans une démocratie c'est fondamental. Et puis vous pensez bien que
JEAN-MICHEL APHATIE
Pierre MOSCOVICI, Pierre MOSCOVICI.
JEAN-MARC AYRAULT
Nous nous sommes posé des questions, j'ai posé des questions à Pierre MOSCOVICI qui n'avait pas d'informations. Le 5 décembre, c'était le lendemain de l'article de MEDIAPART, Jérôme CAHUZAC s'exprime devant l'Assemblée nationale dans les termes que vous savez. Vous-même vous avez réagi comme nous, vous vous êtes dit : « Quelqu'un qui parle dans un lieu pareil, c'est qu'il dit la vérité. En tous cas, on peut penser qu'il dit la vérité ».
JEAN-MICHEL APHATIE
Et il mentait.
JEAN-MARC AYRAULT
Et il mentait.
JEAN-MICHEL APHATIE
Quand vous l'avez nommé Jérôme CAHUZAC, c'est vous qui l'avez nommé ministre du Budget, vous n'avez jamais eu de rumeur, d'alerte ?
JEAN-MARC AYRAULT
Aucune, aucune.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous n'avez jamais rien entendu sur son compte ?
JEAN-MARC AYRAULT
Aucune. Je vous rappelle que tout le monde
JEAN-MICHEL APHATIE
Les gens disent : « Tout le monde savait ».
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, mais tout le monde dit
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous, vous ne saviez pas ?
JEAN-MARC AYRAULT
Tout le monde dit ça après et puis quand j'ai lu les papiers, j'ai même lu un papier peu de temps avant que MEDIAPART écrive le sien, qu'on disait que Jérôme CAHUZAC était tellement brillant que ça pouvait être un prétendant sérieux à la succession de Jean-Marc AYRAULT à Matignon. Et qui écrivait ça ? Des journalistes ! Donc franchement, il faut quand même après, avec un peu de recul, arrêter de dire n'importe quoi !
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous ne regrettez pas de l'avoir nommé ? Vous n'estimez pas avoir commis une erreur en le nommant ?
JEAN-MARC AYRAULT
Ecoutez, Jérôme CAHUZAC a été un brillant président de la commission des finances. Tout le monde le reconnaissait, même à droite, et dans la presse aussi on le disait, quand il parlait pendant une heure des chiffres du budget sans notes. On disait : « Ce type est compétent ». Et lorsque le gouvernement a été formé, on a considéré avec le président de la République que c'était celui qui était le plus compétent pour le budget. Simplement, c'est une tromperie d'une énormité telle que j'ai écouté la réaction d'Alain DUHAMEL ici même quand la nouvelle a été connue, c'était la même réaction que lui, que tous les autres : que nous avions été trompés à un tel point. Je dois dire une deuxième chose Jean-Michel APHATIE. C'est que d'une part, la presse a travaillé sans qu'il y ait des interventions de l'exécutif, d'intervention politique de l'État parce que pour nous, c'était quelque chose avec le président de la République impératif, mais il y a eu autre chose : c'est que la justice aussi a travaillé en toute indépendance. Le procureur de la République a pris la décision sans qu'il y ait une injonction ni un empêchement, il a fait son enquête préliminaire et il l'a fait très bien. Je peux vous dire que quand j'ai eu un doute courant janvier, et je m'en suis expliqué devant l'Assemblée nationale, sur Jérôme CAHUZAC, j'étais heureux que cette enquête ait lieu. Et lorsque la conclusion de cette enquête est arrivée, qu'il y avait quelque chose de très grave, que le procureur a transformé son enquête préliminaire en information judiciaire contre X, alors j'ai appelé à mon retour de Rome Jérôme CAHUZAC pour lui dire qu'il devait démissionner. Ça s'est fait en si peu de temps que je crois qu'il faudrait reconnaître que pour une fois dans notre pays, ce qui n'était pas le cas précédemment, les institutions ont fonctionné. Demain les parlementaires de droite veulent une commission d'enquête ; eh bien oui, ils l'auront, leur commission d'enquête. Moi je veux vous dire, j'étais président de groupe socialiste à l'Assemblée nationale, j'ai demandé une commission d'enquête sur Karachi : on me l'a refusée. J'ai demandé une commission d'enquête sur les sondages de l'Élysée : on me l'a refusée. Aujourd'hui nous voulons que la démocratie française soit apaisée, que ses institutions soient respectées et que la transparence soit la règle pour tous.
JEAN-MICHEL APHATIE
Jérôme CAHUZAC réfléchit à la possibilité de revenir à l'Assemblée nationale, il en a le droit. Un Premier ministre peut-il préconiser autre chose que l'application de la loi ?
JEAN-MARC AYRAULT
Je ne peux pas faire autre chose que d'appliquer la loi. C'est ce que je viens de vous dire.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc s'il veut revenir, il reviendra.
JEAN-MARC AYRAULT
Je dis franchement, pour l'honneur de la République et son honneur à lui s'il en a, que ça serait une indécence terrible qu'il remette les pieds à l'Assemblée nationale. Mais il y avait une autre chose que je lui ai demandée aussi, et là je dois appliquer la loi. La loi dit, ordonnance de 1958, qu'un ministre qui quitte ses fonctions a droit à six mois de traitement. Nous voulons changer cette règle d'ailleurs avec le président de la République, c'est dans le projet de loi du 24 avril. Mais c'est la loi actuelle et c'est la loi organique donc je ne peux pas la changer par un décret. Il faut faire une nouvelle loi et nous la ferons. Mais en attendant, j'ai demandé à Jérôme CAHUZAC par décence d'y renoncer. Il est face à sa conscience.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il y a renoncé ?
JEAN-MARC AYRAULT
Pour l'instant, je n'ai pas sa réponse. Il est face à sa conscience comme il est face à la justice. Maintenant, il est dans les mains de la justice. Moi ce qui m'intéresse, c'est de poursuivre le travail du gouvernement pour le redressement du pays parce que les Français aujourd'hui, ils ont une inquiétude.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors disons-en un mot.
JEAN-MARC AYRAULT
C'est celle du pays, de la croissance et de l'emploi.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et La question économique.
JEAN-MARC AYRAULT
Tout à l'heure vous disiez que nous étions vent de face. Oui nous sommes vent de face, vous avez parfaitement raison. Justement, il faut tenir bon.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et certains de vos ministres, Arnaud MONTEBOURG notamment, vous demandent de modifier la politique. « Le sérieux budgétaire, a-t-il dit dans Le Monde, s'il tue la croissance n'est plus sérieux. Il est absurde et dangereux ». On dit même que cette phrase-là, cette interview-là, vous a beaucoup fâché Jean-Marc AYRAULT.
JEAN-MARC AYRAULT
Mais enfin, « fâché », ce n'est pas un problème personnel.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous en convenez ? vous n'avez pas aimé ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non, je n'ai pas aimé qu'on conteste la politique du gouvernement. Le sérieux budgétaire
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous l'avez dit à l'intéressé ?
JEAN-MARC AYRAULT
C'est en conseil des ministres que ça s'est passé.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, non. L'interview au Monde, je voulais dire.
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, bien sûr.
JEAN-MICHEL APHATIE
En conseil des ministres, c'est Cécile DUFLOT qui a contesté la politique.
JEAN-MARC AYRAULT
En conseil des ministres, il y a eu un rappel par le président de la République en conclusion du conseil des ministres qu'il a rendu public ensuite en réponse à une question d'un journaliste. Il n'y a qu'une ligne politique, c'est celle du redressement et la ligne de la maîtrise des comptes publics, ce n'est pas la ligne de l'austérité parce que la France ne pratique pas l'austérité. Parce que ceux qui emploient ce mot « austérité », il faut aller voir en Espagne ce qu'est l'austérité, il faut aller voir au Portugal ce qu'est l'austérité : ce n'est pas la politique de la France, mais par contre le sérieux budgétaire. C'est l'indépendance du pays qui est en cause.
JEAN-MICHEL APHATIE
La politique ne changera pas.
JEAN-MARC AYRAULT
Moi je n'ai pas envie, je n'ai pas envie demain
JEAN-MICHEL APHATIE
La politique ne changera pas.
JEAN-MARC AYRAULT
Monsieur APHATIE, je n'ai pas envie demain que si nous abandonnions le sérieux budgétaire, c'est-à-dire la réduction de la dette et des déficits, que nous soyons dans les mains des marchés financiers. Aujourd'hui nous empruntons à un taux inégalé de 1,7 %. Ça ne s'est jamais produit parce que nous avons cette rigueur budgétaire et ce sérieux budgétaire. Et en même temps si on fait ça, c'est parce qu'on ne veut pas non plus que la commission européenne et pas seulement les marchés financiers nous imposent notre politique. Notre politique, c'est celle du redressement. C'est des réformes en profondeur, qui se fait dans la justice par la concertation et la négociation, pour remettre notre pays sur les rails. Nous sommes peut-être vent de face mais justement, dans les périodes où il faut être vent de face, quand on est vent de face ce n'est pas le moment d'oublier le cap. Le cap, c'est celui du redressement. C'est dur, c'est difficile, ça demande du courage mais nous atteindrons le but.
JEAN-MICHEL APHATIE
Votre cohabitation avec Arnaud MONTEBOURG peut continuer ?
JEAN-MARC AYRAULT
Écoutez, il n'y a qu'une ligne politique au gouvernement. Il n'y en a pas deux et il n'y en aura pas deux. Chacun est donc responsable et solidaire de cette politique du gouvernement.
* Questions des auditeurs
ANIMATRICE
Les auditeurs de RTL vous posent des questions Jean-Marc AYRAULT, vous répondez aujourd'hui.
LAURENT BAZIN
Merci de rester avec nous Jean-Marc AYRAULT et bonjour à Pierre.
PIERRE
Oui, bonjour Laurent, bonjour monsieur AYRAULT.
LAURENT BAZIN
Qui nous appelle du Gard.
PIERRE
Oui, merci à Jean-Marc AYRAULT de se prêter à cet exercice démocratique. Je travaille moi justement à l'opinion publique, je descends souvent sur le terrain, et ce qui revient sur cette affaire c'est plutôt la feuille d'impôt sur le revenu. Ça nous paraît assez simple, il y a plusieurs personnes qui m'ont rapporté ça
LAURENT BAZIN
C'est-à-dire l'idée Pierre c'est quoi, ce serait que les élus, les ministres publient leur feuille d'impôt ?
PIERRE
Déjà d'une, ils peuvent le faire d'eux-mêmes, il suffit d'avoir un scanner et de pouvoir le mettre sur Internet. Mais deuxièmement, ce que les gens aimeraient savoir, c'est si les gens qui votent des niches fiscales en bénéficient eux-mêmes ensuite sur leur feuille d'impôt. Leur patrimoine en quelque sorte, on s'en « fout », nous ce qu'on voudrait savoir, c'est à quelle hauteur ces personnes-là contribuent eux aussi en fonction de leurs revenus, à quelle hauteur ils défiscalisent et à quelle hauteur ils contribuent eux aussi à l'effort national.
LAURENT BAZIN
Jean-Marc AYRAULT vous répond Pierre.
JEAN-MARC AYRAULT
Je crois que la question que vous posez monsieur, c'est la question de l'effort partagé et justement réparti. Et il y a un principe derrière ce que vous venez de dire qu'il faut absolument faire vivre, c'est celui de l'exemplarité. Si ceux qui sont aux plus hautes responsabilités publiques ne donnent pas l'exemple, comment peuvent-ils se permettre de demander des efforts aux autres. D'ailleurs, je vous rappelle que dès notre prise de fonction, le président de la République et moi-même, les ministres, nous avons décidé de diminuer notre salaire de 30 %...
LAURENT BAZIN
Mais publier les feuilles d'impôt, dit Pierre.
JEAN-MARC AYRAULT
Ben oui ! Ça complèterait, patrimoine et revenus et impôts, ce qui se fait dans plusieurs pays. Donc le projet de loi
LAURENT BAZIN
Donc c'est ce que vous demandez à vos ministres ?
JEAN-MARC AYRAULT
Le projet de loi peut être l'opportunité effectivement de le faire, et j'attends d'ailleurs des parlementaires eux-mêmes qu'ils fassent des propositions, notamment des amendements qu'ils sont prêts à déposer, certains m'ont dit qu'ils allaient le faire dans cette direction. Je pense que la question de l'exemplarité autour du thème de la justice dans une période où chacun sait que pour redresser le pays, le redresser financièrement, le redresser économiquement pour retrouver les marges de manoeuvre de croissance, réformer nos grands systèmes sociaux il faut des efforts. Et les efforts, ils touchent tout le monde
JEAN-MICHEL APHATIE
D'un mot
JEAN-MARC AYRAULT
Mais s'ils ne sont pas justement répartis, les Français ne l'accepteront pas, ils veulent en avoir la garantie et ils ont raison.
JEAN-MICHEL APHATIE
Excusez-moi, je n'ai pas bien compris, le projet de loi pourrait s'étendre à patrimoine, revenu
LAURENT BAZIN
Publication des feuilles d'impôt, c'est ce qu'on comprend
JEAN-MICHEL APHATIE
Et publication des feuilles d'impôt, il pourrait s'étendre ?
JEAN-MARC AYRAULT
J'ai dit hier transparence, j'ai dit hier transparence, je le redis devant vous
JEAN-MICHEL APHATIE
Pas que le patrimoine ?
JEAN-MARC AYRAULT
Ce que les Français veulent savoir, c'est si tout le monde est logé à la même enseigne, et si ceux qui votent la loi notamment la loi fiscale participent eux aussi à l'effort. J'ai dit ce que nous avions fait, le président de la République, moi-même et les membres du gouvernement, baisser nos salaires de 30 %, mais je pense que les Français veulent en savoir plus
LAURENT BAZIN
Donc vous êtes prêt à
JEAN-MARC AYRAULT
La justice
LAURENT BAZIN
Votre feuille d'impôt.
JEAN-MARC AYRAULT
Mais je paie des impôts et je paie je vais payer par les décisions que nous avons prises d'ailleurs, plus d'impôts cette année que je n'en ai payés l'année dernière.
LAURENT BAZIN
Merci Pierre de cette question.
JEAN-MARC AYRAULT
Et je crois que ces réformes que nous avons faites vont dans le sens de la justice, de faire participer ceux qui ont plus à l'effort collectif.
LAURENT BAZIN
Une question au 64.900 du côté des SMS : pourquoi ne pas appliquer le principe de précaution à Pierre MOSCOVICI et le suspendre ?
JEAN-MARC AYRAULT
Ecoutez ! Faudrait-il encore que Pierre MOSCOVICI ait fait des fautes et des erreurs. Je trouve quand même qu'on n'est pas on est dans une démocratie, chacun a ses responsabilités, l'exécutif a ses responsabilités et a des comptes à rendre. Il va y avoir une commission d'enquête bientôt, et je l'ai dit tout à l'heure, heureusement, c'est ce qui nous a été refusé lorsque nous étions dans l'opposition pour Karachi et les sondages de l'Elysée. Ben nous ! Nous ne nous opposons pas et nous souhaitons au contraire qu'elle puisse avoir lieu, et les ministres viendront devant la commission d'enquête répondre à toutes les questions des parlementaires.
LAURENT BAZIN
Un autre SMS rapide : qui est le minable aujourd'hui, DEPARDIEU ou CAHUZAC ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non, moi je ne veux pas être sur ce terrain-là parce que c'est un terrain
LAURENT BAZIN
C'est un mot que vous aviez employé vous.
JEAN-MARC AYRAULT
Mais je n'ai pas traité quelqu'un de minable, il faut arrêter avec ça.
LAURENT BAZIN
Vous avez parlé d'attitude minable !
JEAN-MARC AYRAULT
Oui mais ça n'a rien à voir, dans une phrase et après on en a fait toute une polémique. Ça ne m'intéresse pas de polémiquer avec qui que ce soit. Ce qui est important, c'est qu'on ait des principes, des règles et qu'on s'y tienne, qu'on ne soit pas toujours dans l'anecdote. Malheureusement parfois la politique se réduit à l'anecdote, et moi je trouve que la politique c'est une affaire sérieuse. Vous savez moi, je me suis engagé pour j'ai dit « je sais où je vais, il n'y a pas longtemps, pour le pays », mais je sais aussi d'où je viens. Je viens d'un milieu modeste, je suis un enfant de l'école de la République comme d'autres français, mes enfants mes parents ont fait des efforts pour que leurs enfants puissent faire des études. Donc j'ai commencé comme élève professeur à 20 ans, puis j'ai poursuivi mon parcours. Et si je suis devenu ce que je suis devenu ce que je suis devenu, c'est grâce à l'école de la République et je dois à la République un retour. Et moi, je veux que les injustices que j'ai pu connaître, que j'ai pu voir, que je continue de voir parce que je vais sur le terrain, j'ai été longtemps 35 ans maire, je connais la vie, je connais les gens, je connais la réalité
LAURENT BAZIN
On va retourner sur le terrain.
JEAN-MARC AYRAULT
Je connais ce qui marche et ce qui ne marche pas, mais moi j'ai une dette de justice à l'égard de tous ces Français, ceux qui souffrent mais ceux aussi qui inventent, qui prennent des risques parce que notre pays est un pays formidable. Et ça je le sais et je voudrais justement que la France gagne.
LAURENT BAZIN
Retournons au terrain avec Pierre de Saint-André-en-Royans, c'est dans l'Isère, bonjour Pierre.
PIERRE
Oui, bonjour Laurent.
LAURENT BAZIN
Eleveur !
PIERRE
Eleveur laitier oui, bonjour monsieur le Premier ministre.
JEAN-MARC AYRAULT
Bonjour monsieur.
LAURENT BAZIN
Il manifeste aujourd'hui.
PIERRE
Je me permets de vous appeler vite fait, aujourd'hui il y a des manifestations dans la France entière au sujet du prix du litre de lait. J'aimerais savoir votre position car nous réclamons 30 par 1.000 litres auprès des intermédiaires ; et savoir si vous pouvez aussi vous attaquer sur la marge arrière des grandes surfaces, parce que l'élevage laitier est en péril en France, et je voudrais votre réponse.
JEAN-MARC AYRAULT
Ecoutez monsieur, d'abord vous dites vous m'appelez vite fait, je comprends parce que je connais les conditions de travail d'un éleveur ou d'un producteur de lait, c'est 7 jours sur 7 avec des horaires difficiles et donc, vous avez droit à une juste rémunération. Et cette question m'a été posée au Salon de l'agriculture avec Stéphane Le FOLL, le ministre de l'Agriculture et Guillaume GAROT, nous étions présents et j'ai pris des engagements. Bientôt, Benoît HAMON va présenter la loi sur la consommation, il faut donner des garanties aux producteurs qui sont aujourd'hui dans une position de faiblesse dans les négociations face à la distribution. Il y a quelque chose qui est profondément injuste, il faut partir du coût réel de la production et non pas de l'offre que fait la grande distribution, parce qu'à ce moment-là lorsque les prix des matières premières, les coûts de base augmentent, le producteur c'est lui le dindon de la farce, donc ce n'est pas acceptable. Donc nous avons préconisé une négociation avec la distribution, mais cette négociation n'a pas abouti, nous souhaitons qu'elle reprenne mais en tout état de cause
LAURENT BAZIN
Donc pas de soutien des cours du lait.
JEAN-MARC AYRAULT
En tout état de cause, il y aura des dispositions législatives, le 24 avril Benoît HAMON présente son projet de loi.
LAURENT BAZIN
Mais pas de soutien des cours du lait ?
JEAN-MARC AYRAULT
Ben si ! Ça sera une exigence
LAURENT BAZIN
Pas de baisse de charges, puisque c'est ce que les éleveurs demandent ?
JEAN-MARC AYRAULT
S'il faut prendre des mesures transitoires, on les prendra mais ce qui compte c'est les réformes structurelles pour que ça ne se reproduise pas à chaque hausse de coûts de matières premières. Donc là, la question c'est : est-ce que c'est la grande distribution qui fait la loi ou est-ce qu'il y a un équilibre économique entre le coût de la production, les prix à la vente à la distribution, monsieur évoquait les marges arrières, il faut arrêter de prendre les producteurs pour des vaches à lait, si je puis me permettre cette expression.
LAURENT BAZIN
Merci Pierre de votre appel. Bonjour Jacky qui nous appelle de Guesnain dans le Nord.
JACKY
Oui, bonjour monsieur le ministre.
JEAN-MARC AYRAULT
Bonjour monsieur.
JACKY
Voilà, je voudrais poser une petite question. Il y a 15 jours, monsieur le président de la République était passé à la télé, il avait dit qu'il pouvait débloquer les parts salariales sur les comptes bloqués. Je voulais savoir à quelle date ça serait fait.
JEAN-MARC AYRAULT
Ça va être fait bientôt, le gouvernement prépare un projet de loi qui permettrait jusqu'à 20.000 de débloquer ces montants, pour qu'ils puissent être utilisés
LAURENT BAZIN
Bientôt c'est ?
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, ben ! Avant l'été.
LAURENT BAZIN
Avant l'été !
JEAN-MARC AYRAULT
Bien sûr, ça demande toujours un travail
LAURENT BAZIN
Mais pas dans les jours qui viennent, comme l'avait dit Pierre MOSCOVICI sur RTL, au lendemain de l'intervention
JEAN-MARC AYRAULT
Dans les jours qui viennent non
LAURENT BAZIN
Du président.
JEAN-MARC AYRAULT
Dans les jours qui viennent, nous préparons le projet. Mais le travail gouvernemental c'est un travail complexe, il y a Matignon qui fait la coordination de différents ministères, il y a le ministère de l'Economie et des Finances, il y a le ministère du Travail, il y a plusieurs ministères concernés. Donc on est en train de préparer un projet qui va être ensuite soumis au Conseil d'Etat, et puis après il sera voté par le Parlement
LAURENT BAZIN
Avant l'été, vous avez dit.
JEAN-MARC AYRAULT
Le président de la République a souhaité que ça aille vite, nous allons vite, nous n'avons pas perdu un instant.
LAURENT BAZIN
Ecoutez Patrick qui nous appelait tout à l'heure à 7 h 20 pour nous parler du chômage.
PATRICK
On arrive en fin de droit, on est tout proche de la retraite, on a encore 2, 3 ans et puis on a aucune perspective de travail. L'ASS c'est 460 , et donc avec des gens qui ont des maisons à payer, qui ont des enfants à charge, qu'est-ce qui va se passer, c'est dramatique.
LAURENT BAZIN
Et Christian, 64.900 : pourquoi ne fait-on jamais rien pour l'emploi des quinquagénaires ?
JEAN-MARC AYRAULT
Alors justement il y a deux choses, monsieur décrit une situation que malheureusement, je vous le disais, je connais à travers des visages, des personnes, pas des statistiques. Et il y a vraiment une profonde injustice à se trouver dans cette situation, on ne peut pas s'en sortir, et puis il y a un côté humiliant. Pour ceux qui sont concernés par cette situation qui avaient leurs années de cotisations, j'ai rétabli il y a quelques mois l'allocation d'équivalent retraite, donc ce qui permet à un certain nombre de personnes de remonter très substantiellement leur niveau de rémunération et puis jusqu'à atteindre l'âge définitif officiel de la retraite. Mais il y a des personnes qui sont dans d'autres situations, peut-être c'est le cas de monsieur, nous avons mis en place ce qu'on appelle le contrat de génération. J'ai été dans des entreprises qui ont déjà commencé à signer les contrats de génération, ils viennent de sortir il y a peu de temps, ils ont été
LAURENT BAZIN
On ne va pas embaucher des seniors, on va maintenir des seniors dans l'emploi.
JEAN-MARC AYRAULT
Il s'agit de maintenir des seniors dans l'emploi
LAURENT BAZIN
Oui, donc ça ne s'applique pas à ceux qui sont au chômage
JEAN-MARC AYRAULT
Et d'embaucher un jeune en contrepartie, pour transmettre le savoir mais l'expérience. J'ai visité une petite entreprise où j'ai rencontré le senior qui était maintenu dans l'emploi et le jeune qui venait de rentrer, dans une entreprise qui a un travail très pointu et où la transmission du savoir est fondamentale. Et je vais vous dire, le chef d'entreprise était heureux de bénéficier d'une aide substantielle, avec le crédit d'impôt en plus c'est quasiment 6.000 pour l'embauche de ce jeune et le maintien dans l'emploi du senior. Mais j'ai vu aussi la joie de ce monsieur qui avait un vrai savoir-faire de 35 ans minimum d'expérience, et qu'il transmettait à un jeune qui avait pris une autre orientation professionnelle, mais qui n'avait pas de débouchés, qui ne savait pas où aller. Et puis là il y a une opportunité, et je voyais le visage d'hommes heureux et de femmes heureuses. C'est ce que je voudrais qui se développe, les contrats de générations ils sont là en place, et on a un objectif de 500.000. Mesdames et messieurs les chefs d'entreprise, mesdames et messieurs les syndicalistes, mesdames et messieurs les salariés, n'hésitez pas à utiliser ces moyens que nous avons votés et qui sont à votre disposition.
LAURENT BAZIN
Jean-Marc AYRAULT, Odile vous interpelle sur les Allocations familiales, bonjour Odile.
ODILE
Bonjour, bonjour à tous.
LAURENT BAZIN
De Colmar.
ODILE
Oui. Donc voilà, nous sommes parents de 3 enfants, nous sommes un couple (c'est vrai) un couple aisé, nous employons aujourd'hui une personne à domicile depuis plus de 10 ans. C'est une personne de confiance qui travaille beaucoup, et aujourd'hui je vais être obligée je vais être concernée certainement par la baisse des allocations et je vais être obligée de diminuer ses heures. Donc cette situation est vraiment nulle parce qu'elle favorise l'assistanat et elle précarise encore plus les emplois à domicile.
LAURENT BAZIN
Jean-Marc AYRAULT vous répond Odile.
JEAN-MARC AYRAULT
Ecoutez ! Il ne faut pas non plus d'abord je ne connais pas votre situation précise
LAURENT BAZIN
J'ai une question SMS : ma femme et moi gagnons 5.540 , nous avons 3 enfants, combien allons-nous perdre ?
JEAN-MARC AYRAULT
Je pense que dans ce cas-là je ne pense pas que ces personnes perdront. Je voudrais rappeler ce que nous avons décidé, c'est premièrement l'universalité des Allocations familiales sera maintenue, la politique familiale c'est un des acquis de la France
LAURENT BAZIN
Mais on touchera moins au-delà d'une certaine somme.
JEAN-MARC AYRAULT
On peut s'en féliciter
LAURENT BAZIN
C'est ce qu'on a compris.
JEAN-MARC AYRAULT
Et puis deuxièmement, il y a donc tout le monde touchera les allocations, nous envisageons qu'au plus haut niveau des revenus, ces Allocations familiales soient baissées de façon progressive, parce que c'est aussi une question de justice, et puis qu'il y ait
LAURENT BAZIN
Jusqu'à 25 % comme on l'a dit ?
JEAN-MARC AYRAULT
Et puis qu'il y ait un transfert ce n'est pas décidé ça encore, et qu'il y ait un transfert de ce que nous aurons gagné en faveur des familles les plus en difficulté.
LAURENT BAZIN
Et si ça coûte des emplois, comme vous le dit Odile ?
JEAN-MARC AYRAULT
Je ne pense pas que ça coûtera des emplois
( ) Brouhaha
LAURENT BAZIN
Des emplois à domicile qui vont être supprimés, des heures qui vont être supprimées.
JEAN-MARC AYRAULT
Je ne pense pas que ça sera le cas, je crois qu'il ne faut pas non plus avoir peur à chaque réforme. Mais en même temps je voudrais dire quelque chose, je profite de cette occasion pour le dire. Notre pays a un modèle social, nous y sommes attachés, les Français sont attachés à ce modèle social. Mais si nous laissons filer les déficits, la branche famille c'est 2,5 milliards de déficit, si nous laissons filer les déficits de la France, on ne le fait pas par dogmatisme et principe, il faut faire baisser les déficits pour faire baisser les déficits, c'est parce que c'est notre souveraineté, notre indépendance qui est en cause et notre capacité aussi à poursuivre ce modèle social auquel nous sommes attachés. Donc ne pas le réformer serait (je dirai) une responsabilité morale que ni le président de la République ni moi-même ne voulons prendre à l'égard du pays. Ça fait 10 ans qu'on laisse filer les choses, 10 ans. Moi je vais vous dire, la France est face à la croisée des chemins. Dans les années 2.000, l'homme malade de l'Europe c'était l'Allemagne, c'était un pays qui était dans des déficits importants, un pays qui avait une productivité qui se déclinait et une compétitivité en berne, la France était en meilleure situation. La droite a dirigé ce pays pendant 10 ans, à peu près à la même période. Les Allemands ont redressé la barre, ils ont fait beaucoup d'efforts, parfois ils ont créé des injustices. C'est pour ça que moi je veux préserver le modèle français, il y a une différence, je ne cherche pas le modèle en Allemagne mais simplement ce que je veux dire, c'est qu'aujourd'hui c'est nous qui sommes en difficulté, qui avons vu nos déficits se creuser, notre chômage augmenter massivement, notre compétitivité. Pourquoi j'ai appliqué les préconisations de Louis GALLOIS à traverse le pacte de crédit d'impôt pour les entreprises, c'est pour remonter la pente de la compétitivité de nos entreprises, c'est ça qu'on est en train de faire. Alors quand vous faites des réformes, mais qu'il faut faire pour le pays, eh bien ! Ça peut provoquer des réactions, des inquiétudes parce que les gens se demandent à quelle sauce ils vont être mangés. Donc nous devons expliquer
LAURENT BAZIN
Mais vous tiendrez bon !
JEAN-MARC AYRAULT
Davantage pour convaincre, mais je pense que les Français sentent bien qu'il faut des réformes, parce que si on ne les fait pas, alors le pays ira dans le mur et moi je veux que la France réussisse, je l'ai dit tout à l'heure. Et ça va demander encore des efforts, mais moi je n'ai pas envie que ça dure aussi longtemps qu'en Allemagne en 10 ans, donc ces efforts ils sont commencés tout de suite pour qu'ils portent leurs fruits. Et puis il y a un autre élément que je voudrais dire, c'est
LAURENT BAZIN
D'un mot si vous le voulez bien monsieur le Premier ministre.
JEAN-MARC AYRAULT
C'est les efforts de la France, et comme le président de la République a commencé à le faire dès son élection et de sa prise de fonction le 15 mai, il faut travailler aussi avec nos partenaires à réorienter l'Europe vers plus de croissance. On a commencé à le faire mais ce n'est pas suffisant
LAURENT BAZIN
Donc tordre le bras de madame MERKEL ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non, ce n'est pas comme ça qu'il faut faire. Il faut d'abord être exemplaire pour son propre pays, je viens de le dire. Si nous, nous ne faisons pas nos propres efforts
LAURENT BAZIN
Mais c'est bien madame MERKEL qui refuse
JEAN-MARC AYRAULT
Si nous ne pouvons pas
LAURENT BAZIN
Qui refuse qu'on relance, donc il faudra bien
JEAN-MARC AYRAULT
Monsieur BAZIN
LAURENT BAZIN
Engager un bras de fer avec madame MERKEL.
JEAN-MARC AYRAULT
Qu'est-ce que vous voulez dire entre laisser filer, si vous me demandez de laisser filer les déficits pour que la dette qui est à plus de 90 % de notre richesse nationale arrive bientôt à 100, je vous dis c'est non
LAURENT BAZIN
La relance, la relance
JEAN-MARC AYRAULT
On ne va pas
LAURENT BAZIN
C'est bien Angela MERKEL qui s'y oppose.
JEAN-MARC AYRAULT
Mais ce n'est pas une question de relance, c'est une question de choix d'investissements d'avenir que l'Europe doit faire, ce n'est pas seulement l'Allemagne, c'est tous les pays d'Europe qui doivent se mettre autour de la table. Et en juin, il y a un Conseil européen qui sera consacré à ça et moi, je souhaiterais que les Européens ne laissent pas filer les déficits, mais par contre ensemble fassent le choix des investissements d'avenir qui créeront de la croissance. La croissance verte, la politique de l'énergie et les énergies renouvelables, la recherche, l'innovation, les grandes infrastructures, si les Européens étaient capables de prendre cette décision en plus de la nécessité de faire reculer les déficits, alors ils redonneraient confiance et espoir. Et je pense que c'est possible et ça, cette discussion elle doit avoir lieu autour de la table sans stigmatiser personne. Ça commence, pour être respectés et écoutés, à ce que nous mettions balayons d'abord devant notre propre porte pour que nous soyons respectés. Et moi, je veux que la France soit respectée parce que quel est l'objectif final, c'est que la France redevienne l'un des pays leaders de l'Europe, elle le peut. Vous le voyez sur le plan de la politique internationale, nous sommes le seul pays en Europe qui peut intervenir au Mali, et c'est reconnu par nos partenaires européens qui considèrent que nous sommes une grande nation qui peut jouer un rôle politique et stratégique. Et en même temps, nous avons des faiblesses économiques, si nous redressons nos faiblesses économiques, si nous redevenons plus forts, si nous redonnons de l'emploi, de la croissance, alors la France sera à nouveau un grand leader en Europe et dans le monde. C'est ça son histoire et moi, j'ai envie que nous soyons à la hauteur de l'histoire.
LAURENT BAZIN
Jean-Marc AYRAULT, Premier ministre, était donc l'invité de RTL ce matin, merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 avril 2013
« Un déballage grotesque », voilà comment Alain JUPPÉ, l'un de vos prédécesseurs à Matignon, qualifie la mesure de publication de patrimoine des élus que vous souhaitez, Jean-Marc AYRAULT. À quoi cela nous sert-il de connaître votre patrimoine ?
JEAN-MARC AYRAULT
Mais il y a un besoin de transparence, vous le savez bien, et quand on exerce une responsabilité publique élus, grands responsables d'administration publique ou entreprises publiques je crois que la transparence est nécessaire en démocratie. D'autres pays l'ont fait avant nous et ils ne s'en portent pas plus mal. Soixante-dix-sept pourcents des Français dans un récent sondage y sont favorables. Alors il y a des craintes de certains élus
JEAN-MICHEL APHATIE
On va en reparler mais ça n'aurait pas évité l'affaire Cahuzac puisque c'est une mesure de transparence.
JEAN-MARC AYRAULT
Non, bien sûr que non. Bien sûr que non. Je reviendrai, si vous voulez bien, sur l'intention du gouvernement et du président de la République. Nous irons jusqu'au bout à travers le projet de loi qui sera présenté le 24 avril au conseil des ministres.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous irez jusqu'au bout ?
JEAN-MARC AYRAULT
Oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
Les députés communiqueront leur patrimoine.
JEAN-MARC AYRAULT
J'ai entamé hier des consultations avec les différents groupes parlementaires et les présidents des assemblées. J'ai vu des contradictions d'ailleurs, j'ai vu des divergences, j'ai vu des oppositions, j'ai vu aussi des approbations. Mais nous, l'exécutif, nous avons une responsabilité. Le président de la République a fait une déclaration, j'ai fait une communication en conseil des ministres cette semaine, et le 24 c'est le projet de loi. Après les parlementaires prendront leurs responsabilités mais nous aurons des dispositifs de contrôle des patrimoines. Il y aura une autorité indépendante avec des pouvoirs d'investigation ce qui n'est pas le cas aujourd'hui qui pourra enquêter et vérifier si ce qui est dit et déclaré est bien exact. C'est la moindre des choses mais ce n'était pas le cas jusqu'à présent. Et puis, la publicité pour les parlementaires, les ministres dès lundi et les patrons des grands exécutifs locaux. Parce que, de toute façon je vais vous dire, si ce n'est pas dans la loi, ceux qui aujourd'hui refusent de le faire seront contraints de répondre à une question qui sera posée par l'opinion. Déjà les journalistes de la presse quotidienne régionale ont interrogé beaucoup de parlementaires qui ont dit : « Oui, oui, je vais le faire et même avant la loi ?? ; d'autres disent : « Je le ferai après la loi ». Donc ça se fera, j'en suis convaincu, parce que c'est nécessaire.
JEAN-MICHEL APHATIE
L'application pratique, Jean-Marc AYRAULT ?
JEAN-MARC AYRAULT
Pratique ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Application pratique : de quoi se compose votre patrimoine ?
JEAN-MARC AYRAULT
Mais moi je le dirais avec l'ensemble des ministres lundi. Ce n'est pas moi qui le publierai : c'est le secrétaire général du gouvernement mais, vous savez, ça ne me pose pas de problèmes. J'ai déjà plusieurs fois rendu public mon patrimoine et celui de mon épouse puisque nous sommes mariés sous le régime de la communauté, qui est déclaré à chaque étape de renouvellement des mandats. J'ai demandé à tous les ministres de procéder de la même façon mais en bon ordre. C'est pour ça qu'ils sont en train d'adresser actuellement leur déclaration au secrétaire général du gouvernement qui le rendra public lundi.
JEAN-MICHEL APHATIE
Claude BARTOLONE, ministre de l'Assemblée nationale, dans une note qu'il vous a adressée dit que la publication du patrimoine des élus, notamment des parlementaires, c'est une mesure inefficace contre la corruption et dangereuse pour la démocratie. Malgré tout, vous irez jusqu'au bout ?
JEAN-MARC AYRAULT
Oui. Oui, oui, oui bien sûr. La transparence est nécessaire. Par contre, est-ce que ça suffit pour lutter contre la corruption ? Je vous ai dit qu'il fallait un organisme indépendant de contrôle, y compris enquêter avec des services fiscaux, ce qui n'est pas le cas je le répète aujourd'hui. Ce sera le cas demain : autorité indépendante. Et puis contre la corruption, il faut quand même faire attention. Il ne s'agit pas de stigmatiser les élus. L'immense majorité des élus, la quasi-totalité sont des gens honnêtes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ils ont peur de l'être. Ils ont peur de l'être.
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, mais il s'agit aussi de les protéger. Ce n'est pas en cachant par pudeur qu'on sera libéré. Je pense qu'il faut aussi dire que la lutte contre la corruption, ce n'est pas la question des élus ; c'est la question de la finance internationale, c'est la question de la fraude fiscale, c'est la question des paradis fiscaux, c'est la question aussi des comptes à l'étranger qu'on ne peut pas aujourd'hui contrôler et c'est ce que le gouvernement veut changer. Parce que dans le même temps dans ce projet de loi, vous aurez un procureur spécial chargé de la lutte contre la corruption et de la délinquance financière avec des moyens, un office central d'enquête, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui parce que tout est dispersé. Mais surtout, vous savez, les années passées on disait : « Il faut lutter contre la délinquance financière ; il y a un pôle financier au parquet de Paris » ; sauf qu'on nous l'a vidé de sa substance puisqu'il n'avait plus de moyens pour travailler. Demain, je fais doubler dans le projet de loi les moyens de la justice, des magistrats enquêteurs
JEAN-MICHEL APHATIE
Des magistrats de ce pôle spécialisé.
JEAN-MARC AYRAULT
Les moyens des policiers de la police judiciaire, enquêteurs, et également des services fiscaux et des douanes. Parce que si vous voulez aller chercher les renseignements, aujourd'hui les choses sont tellement sophistiquées avec des cabinets spécialisés qu'il y a des gens qui finissent par échapper. Et dans l'affaire Cahuzac qui est un drame pour tout le monde, pour la République, il se révèle aux yeux de beaucoup de gens qu'on peut camoufler son argent à l'étranger sans qu'on puisse le savoir par ses comptes. Aujourd'hui, ça n'est plus possible. Il faut qu'au sein de l'Union européenne il y ait une automaticité dans la connaissance des comptes qui sont à l'étranger. Il y a des pays qui résistent encore mais j'apprends que le Luxembourg est en train de l'accepter, il reste encore l'Autriche et puis après, il y a les paradis fiscaux. Les paradis fiscaux, il y en a dans les îles anglo-normandes mais il y en a aussi dans d'autres pays d'Europe et puis il y en a dans le monde entier. C'est une question je dirais d'intérêt public parce que c'est de l'argent qui échappe à l'intérêt commun. C'est des milliards d'euros ; on dit qu'en France c'est quarante à cinquante milliards la fraude, la grosse fraude, mais à l'échelle mondiale c'est plusieurs milliers de milliards ! Donc quand François HOLLANDE disait au Bourget : « La finance qui n'a ni nom, ni visage », elle est là. Eh bien maintenant le moment est venu de la combattre complètement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Projet de loi en conseil des ministres le 24 avril. À propos de l'affaire Cahuzac, Pierre MOSCOVICI a-t-il ou non envoyé une mission secrète en Suisse en décembre à votre connaissance ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non, à ma connaissance non.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est prudent comme formulation.
JEAN-MARC AYRAULT
Non, ce n'est pas prudent. Si vous l'interprétez comme ça, je la rectifie tout de suite. J'ai demandé à Pierre MOSCOVICI au mois de décembre quelles étaient les informations dont il disposait et il a dit exactement ce qu'il a dit aussi bien à l'Assemblée nationale qu'aux journalistes, comme il l'a dit aussi au président des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat : il n'avait pas d'informations. Et à chaque fois que je l'ai interrogé, il m'a dit ce qu'il savait étape par étape.
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce qu'il a fauté Pierre MOSCOVICI par manque d'initiative, de curiosité ? Edwy PLENEL, le président de MEDIAPART, juge qu'il a instrumentalisé l'administration fiscale pour protéger Jérôme CAHUZAC.
JEAN-MARC AYRAULT
Non, ça je ne le crois pas. Je ne le crois pas un seul instant. Franchement, je ne le crois pas. Vous savez, quand il y a eu cet article de MEDIAPART, qui d'ailleurs est un journal qui a fait son travail, et j'ai défendu MEDIAPART lorsque MEDIAPART était attaqué sous la droite et traité de presse fasciste. Monsieur BERTRAND, je crois, avait employé cette expression, c'est scandaleux. Nous avons même un projet de protection des sources des journalistes, dans une démocratie c'est fondamental. Et puis vous pensez bien que
JEAN-MICHEL APHATIE
Pierre MOSCOVICI, Pierre MOSCOVICI.
JEAN-MARC AYRAULT
Nous nous sommes posé des questions, j'ai posé des questions à Pierre MOSCOVICI qui n'avait pas d'informations. Le 5 décembre, c'était le lendemain de l'article de MEDIAPART, Jérôme CAHUZAC s'exprime devant l'Assemblée nationale dans les termes que vous savez. Vous-même vous avez réagi comme nous, vous vous êtes dit : « Quelqu'un qui parle dans un lieu pareil, c'est qu'il dit la vérité. En tous cas, on peut penser qu'il dit la vérité ».
JEAN-MICHEL APHATIE
Et il mentait.
JEAN-MARC AYRAULT
Et il mentait.
JEAN-MICHEL APHATIE
Quand vous l'avez nommé Jérôme CAHUZAC, c'est vous qui l'avez nommé ministre du Budget, vous n'avez jamais eu de rumeur, d'alerte ?
JEAN-MARC AYRAULT
Aucune, aucune.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous n'avez jamais rien entendu sur son compte ?
JEAN-MARC AYRAULT
Aucune. Je vous rappelle que tout le monde
JEAN-MICHEL APHATIE
Les gens disent : « Tout le monde savait ».
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, mais tout le monde dit
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous, vous ne saviez pas ?
JEAN-MARC AYRAULT
Tout le monde dit ça après et puis quand j'ai lu les papiers, j'ai même lu un papier peu de temps avant que MEDIAPART écrive le sien, qu'on disait que Jérôme CAHUZAC était tellement brillant que ça pouvait être un prétendant sérieux à la succession de Jean-Marc AYRAULT à Matignon. Et qui écrivait ça ? Des journalistes ! Donc franchement, il faut quand même après, avec un peu de recul, arrêter de dire n'importe quoi !
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous ne regrettez pas de l'avoir nommé ? Vous n'estimez pas avoir commis une erreur en le nommant ?
JEAN-MARC AYRAULT
Ecoutez, Jérôme CAHUZAC a été un brillant président de la commission des finances. Tout le monde le reconnaissait, même à droite, et dans la presse aussi on le disait, quand il parlait pendant une heure des chiffres du budget sans notes. On disait : « Ce type est compétent ». Et lorsque le gouvernement a été formé, on a considéré avec le président de la République que c'était celui qui était le plus compétent pour le budget. Simplement, c'est une tromperie d'une énormité telle que j'ai écouté la réaction d'Alain DUHAMEL ici même quand la nouvelle a été connue, c'était la même réaction que lui, que tous les autres : que nous avions été trompés à un tel point. Je dois dire une deuxième chose Jean-Michel APHATIE. C'est que d'une part, la presse a travaillé sans qu'il y ait des interventions de l'exécutif, d'intervention politique de l'État parce que pour nous, c'était quelque chose avec le président de la République impératif, mais il y a eu autre chose : c'est que la justice aussi a travaillé en toute indépendance. Le procureur de la République a pris la décision sans qu'il y ait une injonction ni un empêchement, il a fait son enquête préliminaire et il l'a fait très bien. Je peux vous dire que quand j'ai eu un doute courant janvier, et je m'en suis expliqué devant l'Assemblée nationale, sur Jérôme CAHUZAC, j'étais heureux que cette enquête ait lieu. Et lorsque la conclusion de cette enquête est arrivée, qu'il y avait quelque chose de très grave, que le procureur a transformé son enquête préliminaire en information judiciaire contre X, alors j'ai appelé à mon retour de Rome Jérôme CAHUZAC pour lui dire qu'il devait démissionner. Ça s'est fait en si peu de temps que je crois qu'il faudrait reconnaître que pour une fois dans notre pays, ce qui n'était pas le cas précédemment, les institutions ont fonctionné. Demain les parlementaires de droite veulent une commission d'enquête ; eh bien oui, ils l'auront, leur commission d'enquête. Moi je veux vous dire, j'étais président de groupe socialiste à l'Assemblée nationale, j'ai demandé une commission d'enquête sur Karachi : on me l'a refusée. J'ai demandé une commission d'enquête sur les sondages de l'Élysée : on me l'a refusée. Aujourd'hui nous voulons que la démocratie française soit apaisée, que ses institutions soient respectées et que la transparence soit la règle pour tous.
JEAN-MICHEL APHATIE
Jérôme CAHUZAC réfléchit à la possibilité de revenir à l'Assemblée nationale, il en a le droit. Un Premier ministre peut-il préconiser autre chose que l'application de la loi ?
JEAN-MARC AYRAULT
Je ne peux pas faire autre chose que d'appliquer la loi. C'est ce que je viens de vous dire.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc s'il veut revenir, il reviendra.
JEAN-MARC AYRAULT
Je dis franchement, pour l'honneur de la République et son honneur à lui s'il en a, que ça serait une indécence terrible qu'il remette les pieds à l'Assemblée nationale. Mais il y avait une autre chose que je lui ai demandée aussi, et là je dois appliquer la loi. La loi dit, ordonnance de 1958, qu'un ministre qui quitte ses fonctions a droit à six mois de traitement. Nous voulons changer cette règle d'ailleurs avec le président de la République, c'est dans le projet de loi du 24 avril. Mais c'est la loi actuelle et c'est la loi organique donc je ne peux pas la changer par un décret. Il faut faire une nouvelle loi et nous la ferons. Mais en attendant, j'ai demandé à Jérôme CAHUZAC par décence d'y renoncer. Il est face à sa conscience.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il y a renoncé ?
JEAN-MARC AYRAULT
Pour l'instant, je n'ai pas sa réponse. Il est face à sa conscience comme il est face à la justice. Maintenant, il est dans les mains de la justice. Moi ce qui m'intéresse, c'est de poursuivre le travail du gouvernement pour le redressement du pays parce que les Français aujourd'hui, ils ont une inquiétude.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors disons-en un mot.
JEAN-MARC AYRAULT
C'est celle du pays, de la croissance et de l'emploi.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et La question économique.
JEAN-MARC AYRAULT
Tout à l'heure vous disiez que nous étions vent de face. Oui nous sommes vent de face, vous avez parfaitement raison. Justement, il faut tenir bon.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et certains de vos ministres, Arnaud MONTEBOURG notamment, vous demandent de modifier la politique. « Le sérieux budgétaire, a-t-il dit dans Le Monde, s'il tue la croissance n'est plus sérieux. Il est absurde et dangereux ». On dit même que cette phrase-là, cette interview-là, vous a beaucoup fâché Jean-Marc AYRAULT.
JEAN-MARC AYRAULT
Mais enfin, « fâché », ce n'est pas un problème personnel.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous en convenez ? vous n'avez pas aimé ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non, je n'ai pas aimé qu'on conteste la politique du gouvernement. Le sérieux budgétaire
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous l'avez dit à l'intéressé ?
JEAN-MARC AYRAULT
C'est en conseil des ministres que ça s'est passé.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, non. L'interview au Monde, je voulais dire.
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, bien sûr.
JEAN-MICHEL APHATIE
En conseil des ministres, c'est Cécile DUFLOT qui a contesté la politique.
JEAN-MARC AYRAULT
En conseil des ministres, il y a eu un rappel par le président de la République en conclusion du conseil des ministres qu'il a rendu public ensuite en réponse à une question d'un journaliste. Il n'y a qu'une ligne politique, c'est celle du redressement et la ligne de la maîtrise des comptes publics, ce n'est pas la ligne de l'austérité parce que la France ne pratique pas l'austérité. Parce que ceux qui emploient ce mot « austérité », il faut aller voir en Espagne ce qu'est l'austérité, il faut aller voir au Portugal ce qu'est l'austérité : ce n'est pas la politique de la France, mais par contre le sérieux budgétaire. C'est l'indépendance du pays qui est en cause.
JEAN-MICHEL APHATIE
La politique ne changera pas.
JEAN-MARC AYRAULT
Moi je n'ai pas envie, je n'ai pas envie demain
JEAN-MICHEL APHATIE
La politique ne changera pas.
JEAN-MARC AYRAULT
Monsieur APHATIE, je n'ai pas envie demain que si nous abandonnions le sérieux budgétaire, c'est-à-dire la réduction de la dette et des déficits, que nous soyons dans les mains des marchés financiers. Aujourd'hui nous empruntons à un taux inégalé de 1,7 %. Ça ne s'est jamais produit parce que nous avons cette rigueur budgétaire et ce sérieux budgétaire. Et en même temps si on fait ça, c'est parce qu'on ne veut pas non plus que la commission européenne et pas seulement les marchés financiers nous imposent notre politique. Notre politique, c'est celle du redressement. C'est des réformes en profondeur, qui se fait dans la justice par la concertation et la négociation, pour remettre notre pays sur les rails. Nous sommes peut-être vent de face mais justement, dans les périodes où il faut être vent de face, quand on est vent de face ce n'est pas le moment d'oublier le cap. Le cap, c'est celui du redressement. C'est dur, c'est difficile, ça demande du courage mais nous atteindrons le but.
JEAN-MICHEL APHATIE
Votre cohabitation avec Arnaud MONTEBOURG peut continuer ?
JEAN-MARC AYRAULT
Écoutez, il n'y a qu'une ligne politique au gouvernement. Il n'y en a pas deux et il n'y en aura pas deux. Chacun est donc responsable et solidaire de cette politique du gouvernement.
* Questions des auditeurs
ANIMATRICE
Les auditeurs de RTL vous posent des questions Jean-Marc AYRAULT, vous répondez aujourd'hui.
LAURENT BAZIN
Merci de rester avec nous Jean-Marc AYRAULT et bonjour à Pierre.
PIERRE
Oui, bonjour Laurent, bonjour monsieur AYRAULT.
LAURENT BAZIN
Qui nous appelle du Gard.
PIERRE
Oui, merci à Jean-Marc AYRAULT de se prêter à cet exercice démocratique. Je travaille moi justement à l'opinion publique, je descends souvent sur le terrain, et ce qui revient sur cette affaire c'est plutôt la feuille d'impôt sur le revenu. Ça nous paraît assez simple, il y a plusieurs personnes qui m'ont rapporté ça
LAURENT BAZIN
C'est-à-dire l'idée Pierre c'est quoi, ce serait que les élus, les ministres publient leur feuille d'impôt ?
PIERRE
Déjà d'une, ils peuvent le faire d'eux-mêmes, il suffit d'avoir un scanner et de pouvoir le mettre sur Internet. Mais deuxièmement, ce que les gens aimeraient savoir, c'est si les gens qui votent des niches fiscales en bénéficient eux-mêmes ensuite sur leur feuille d'impôt. Leur patrimoine en quelque sorte, on s'en « fout », nous ce qu'on voudrait savoir, c'est à quelle hauteur ces personnes-là contribuent eux aussi en fonction de leurs revenus, à quelle hauteur ils défiscalisent et à quelle hauteur ils contribuent eux aussi à l'effort national.
LAURENT BAZIN
Jean-Marc AYRAULT vous répond Pierre.
JEAN-MARC AYRAULT
Je crois que la question que vous posez monsieur, c'est la question de l'effort partagé et justement réparti. Et il y a un principe derrière ce que vous venez de dire qu'il faut absolument faire vivre, c'est celui de l'exemplarité. Si ceux qui sont aux plus hautes responsabilités publiques ne donnent pas l'exemple, comment peuvent-ils se permettre de demander des efforts aux autres. D'ailleurs, je vous rappelle que dès notre prise de fonction, le président de la République et moi-même, les ministres, nous avons décidé de diminuer notre salaire de 30 %...
LAURENT BAZIN
Mais publier les feuilles d'impôt, dit Pierre.
JEAN-MARC AYRAULT
Ben oui ! Ça complèterait, patrimoine et revenus et impôts, ce qui se fait dans plusieurs pays. Donc le projet de loi
LAURENT BAZIN
Donc c'est ce que vous demandez à vos ministres ?
JEAN-MARC AYRAULT
Le projet de loi peut être l'opportunité effectivement de le faire, et j'attends d'ailleurs des parlementaires eux-mêmes qu'ils fassent des propositions, notamment des amendements qu'ils sont prêts à déposer, certains m'ont dit qu'ils allaient le faire dans cette direction. Je pense que la question de l'exemplarité autour du thème de la justice dans une période où chacun sait que pour redresser le pays, le redresser financièrement, le redresser économiquement pour retrouver les marges de manoeuvre de croissance, réformer nos grands systèmes sociaux il faut des efforts. Et les efforts, ils touchent tout le monde
JEAN-MICHEL APHATIE
D'un mot
JEAN-MARC AYRAULT
Mais s'ils ne sont pas justement répartis, les Français ne l'accepteront pas, ils veulent en avoir la garantie et ils ont raison.
JEAN-MICHEL APHATIE
Excusez-moi, je n'ai pas bien compris, le projet de loi pourrait s'étendre à patrimoine, revenu
LAURENT BAZIN
Publication des feuilles d'impôt, c'est ce qu'on comprend
JEAN-MICHEL APHATIE
Et publication des feuilles d'impôt, il pourrait s'étendre ?
JEAN-MARC AYRAULT
J'ai dit hier transparence, j'ai dit hier transparence, je le redis devant vous
JEAN-MICHEL APHATIE
Pas que le patrimoine ?
JEAN-MARC AYRAULT
Ce que les Français veulent savoir, c'est si tout le monde est logé à la même enseigne, et si ceux qui votent la loi notamment la loi fiscale participent eux aussi à l'effort. J'ai dit ce que nous avions fait, le président de la République, moi-même et les membres du gouvernement, baisser nos salaires de 30 %, mais je pense que les Français veulent en savoir plus
LAURENT BAZIN
Donc vous êtes prêt à
JEAN-MARC AYRAULT
La justice
LAURENT BAZIN
Votre feuille d'impôt.
JEAN-MARC AYRAULT
Mais je paie des impôts et je paie je vais payer par les décisions que nous avons prises d'ailleurs, plus d'impôts cette année que je n'en ai payés l'année dernière.
LAURENT BAZIN
Merci Pierre de cette question.
JEAN-MARC AYRAULT
Et je crois que ces réformes que nous avons faites vont dans le sens de la justice, de faire participer ceux qui ont plus à l'effort collectif.
LAURENT BAZIN
Une question au 64.900 du côté des SMS : pourquoi ne pas appliquer le principe de précaution à Pierre MOSCOVICI et le suspendre ?
JEAN-MARC AYRAULT
Ecoutez ! Faudrait-il encore que Pierre MOSCOVICI ait fait des fautes et des erreurs. Je trouve quand même qu'on n'est pas on est dans une démocratie, chacun a ses responsabilités, l'exécutif a ses responsabilités et a des comptes à rendre. Il va y avoir une commission d'enquête bientôt, et je l'ai dit tout à l'heure, heureusement, c'est ce qui nous a été refusé lorsque nous étions dans l'opposition pour Karachi et les sondages de l'Elysée. Ben nous ! Nous ne nous opposons pas et nous souhaitons au contraire qu'elle puisse avoir lieu, et les ministres viendront devant la commission d'enquête répondre à toutes les questions des parlementaires.
LAURENT BAZIN
Un autre SMS rapide : qui est le minable aujourd'hui, DEPARDIEU ou CAHUZAC ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non, moi je ne veux pas être sur ce terrain-là parce que c'est un terrain
LAURENT BAZIN
C'est un mot que vous aviez employé vous.
JEAN-MARC AYRAULT
Mais je n'ai pas traité quelqu'un de minable, il faut arrêter avec ça.
LAURENT BAZIN
Vous avez parlé d'attitude minable !
JEAN-MARC AYRAULT
Oui mais ça n'a rien à voir, dans une phrase et après on en a fait toute une polémique. Ça ne m'intéresse pas de polémiquer avec qui que ce soit. Ce qui est important, c'est qu'on ait des principes, des règles et qu'on s'y tienne, qu'on ne soit pas toujours dans l'anecdote. Malheureusement parfois la politique se réduit à l'anecdote, et moi je trouve que la politique c'est une affaire sérieuse. Vous savez moi, je me suis engagé pour j'ai dit « je sais où je vais, il n'y a pas longtemps, pour le pays », mais je sais aussi d'où je viens. Je viens d'un milieu modeste, je suis un enfant de l'école de la République comme d'autres français, mes enfants mes parents ont fait des efforts pour que leurs enfants puissent faire des études. Donc j'ai commencé comme élève professeur à 20 ans, puis j'ai poursuivi mon parcours. Et si je suis devenu ce que je suis devenu ce que je suis devenu, c'est grâce à l'école de la République et je dois à la République un retour. Et moi, je veux que les injustices que j'ai pu connaître, que j'ai pu voir, que je continue de voir parce que je vais sur le terrain, j'ai été longtemps 35 ans maire, je connais la vie, je connais les gens, je connais la réalité
LAURENT BAZIN
On va retourner sur le terrain.
JEAN-MARC AYRAULT
Je connais ce qui marche et ce qui ne marche pas, mais moi j'ai une dette de justice à l'égard de tous ces Français, ceux qui souffrent mais ceux aussi qui inventent, qui prennent des risques parce que notre pays est un pays formidable. Et ça je le sais et je voudrais justement que la France gagne.
LAURENT BAZIN
Retournons au terrain avec Pierre de Saint-André-en-Royans, c'est dans l'Isère, bonjour Pierre.
PIERRE
Oui, bonjour Laurent.
LAURENT BAZIN
Eleveur !
PIERRE
Eleveur laitier oui, bonjour monsieur le Premier ministre.
JEAN-MARC AYRAULT
Bonjour monsieur.
LAURENT BAZIN
Il manifeste aujourd'hui.
PIERRE
Je me permets de vous appeler vite fait, aujourd'hui il y a des manifestations dans la France entière au sujet du prix du litre de lait. J'aimerais savoir votre position car nous réclamons 30 par 1.000 litres auprès des intermédiaires ; et savoir si vous pouvez aussi vous attaquer sur la marge arrière des grandes surfaces, parce que l'élevage laitier est en péril en France, et je voudrais votre réponse.
JEAN-MARC AYRAULT
Ecoutez monsieur, d'abord vous dites vous m'appelez vite fait, je comprends parce que je connais les conditions de travail d'un éleveur ou d'un producteur de lait, c'est 7 jours sur 7 avec des horaires difficiles et donc, vous avez droit à une juste rémunération. Et cette question m'a été posée au Salon de l'agriculture avec Stéphane Le FOLL, le ministre de l'Agriculture et Guillaume GAROT, nous étions présents et j'ai pris des engagements. Bientôt, Benoît HAMON va présenter la loi sur la consommation, il faut donner des garanties aux producteurs qui sont aujourd'hui dans une position de faiblesse dans les négociations face à la distribution. Il y a quelque chose qui est profondément injuste, il faut partir du coût réel de la production et non pas de l'offre que fait la grande distribution, parce qu'à ce moment-là lorsque les prix des matières premières, les coûts de base augmentent, le producteur c'est lui le dindon de la farce, donc ce n'est pas acceptable. Donc nous avons préconisé une négociation avec la distribution, mais cette négociation n'a pas abouti, nous souhaitons qu'elle reprenne mais en tout état de cause
LAURENT BAZIN
Donc pas de soutien des cours du lait.
JEAN-MARC AYRAULT
En tout état de cause, il y aura des dispositions législatives, le 24 avril Benoît HAMON présente son projet de loi.
LAURENT BAZIN
Mais pas de soutien des cours du lait ?
JEAN-MARC AYRAULT
Ben si ! Ça sera une exigence
LAURENT BAZIN
Pas de baisse de charges, puisque c'est ce que les éleveurs demandent ?
JEAN-MARC AYRAULT
S'il faut prendre des mesures transitoires, on les prendra mais ce qui compte c'est les réformes structurelles pour que ça ne se reproduise pas à chaque hausse de coûts de matières premières. Donc là, la question c'est : est-ce que c'est la grande distribution qui fait la loi ou est-ce qu'il y a un équilibre économique entre le coût de la production, les prix à la vente à la distribution, monsieur évoquait les marges arrières, il faut arrêter de prendre les producteurs pour des vaches à lait, si je puis me permettre cette expression.
LAURENT BAZIN
Merci Pierre de votre appel. Bonjour Jacky qui nous appelle de Guesnain dans le Nord.
JACKY
Oui, bonjour monsieur le ministre.
JEAN-MARC AYRAULT
Bonjour monsieur.
JACKY
Voilà, je voudrais poser une petite question. Il y a 15 jours, monsieur le président de la République était passé à la télé, il avait dit qu'il pouvait débloquer les parts salariales sur les comptes bloqués. Je voulais savoir à quelle date ça serait fait.
JEAN-MARC AYRAULT
Ça va être fait bientôt, le gouvernement prépare un projet de loi qui permettrait jusqu'à 20.000 de débloquer ces montants, pour qu'ils puissent être utilisés
LAURENT BAZIN
Bientôt c'est ?
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, ben ! Avant l'été.
LAURENT BAZIN
Avant l'été !
JEAN-MARC AYRAULT
Bien sûr, ça demande toujours un travail
LAURENT BAZIN
Mais pas dans les jours qui viennent, comme l'avait dit Pierre MOSCOVICI sur RTL, au lendemain de l'intervention
JEAN-MARC AYRAULT
Dans les jours qui viennent non
LAURENT BAZIN
Du président.
JEAN-MARC AYRAULT
Dans les jours qui viennent, nous préparons le projet. Mais le travail gouvernemental c'est un travail complexe, il y a Matignon qui fait la coordination de différents ministères, il y a le ministère de l'Economie et des Finances, il y a le ministère du Travail, il y a plusieurs ministères concernés. Donc on est en train de préparer un projet qui va être ensuite soumis au Conseil d'Etat, et puis après il sera voté par le Parlement
LAURENT BAZIN
Avant l'été, vous avez dit.
JEAN-MARC AYRAULT
Le président de la République a souhaité que ça aille vite, nous allons vite, nous n'avons pas perdu un instant.
LAURENT BAZIN
Ecoutez Patrick qui nous appelait tout à l'heure à 7 h 20 pour nous parler du chômage.
PATRICK
On arrive en fin de droit, on est tout proche de la retraite, on a encore 2, 3 ans et puis on a aucune perspective de travail. L'ASS c'est 460 , et donc avec des gens qui ont des maisons à payer, qui ont des enfants à charge, qu'est-ce qui va se passer, c'est dramatique.
LAURENT BAZIN
Et Christian, 64.900 : pourquoi ne fait-on jamais rien pour l'emploi des quinquagénaires ?
JEAN-MARC AYRAULT
Alors justement il y a deux choses, monsieur décrit une situation que malheureusement, je vous le disais, je connais à travers des visages, des personnes, pas des statistiques. Et il y a vraiment une profonde injustice à se trouver dans cette situation, on ne peut pas s'en sortir, et puis il y a un côté humiliant. Pour ceux qui sont concernés par cette situation qui avaient leurs années de cotisations, j'ai rétabli il y a quelques mois l'allocation d'équivalent retraite, donc ce qui permet à un certain nombre de personnes de remonter très substantiellement leur niveau de rémunération et puis jusqu'à atteindre l'âge définitif officiel de la retraite. Mais il y a des personnes qui sont dans d'autres situations, peut-être c'est le cas de monsieur, nous avons mis en place ce qu'on appelle le contrat de génération. J'ai été dans des entreprises qui ont déjà commencé à signer les contrats de génération, ils viennent de sortir il y a peu de temps, ils ont été
LAURENT BAZIN
On ne va pas embaucher des seniors, on va maintenir des seniors dans l'emploi.
JEAN-MARC AYRAULT
Il s'agit de maintenir des seniors dans l'emploi
LAURENT BAZIN
Oui, donc ça ne s'applique pas à ceux qui sont au chômage
JEAN-MARC AYRAULT
Et d'embaucher un jeune en contrepartie, pour transmettre le savoir mais l'expérience. J'ai visité une petite entreprise où j'ai rencontré le senior qui était maintenu dans l'emploi et le jeune qui venait de rentrer, dans une entreprise qui a un travail très pointu et où la transmission du savoir est fondamentale. Et je vais vous dire, le chef d'entreprise était heureux de bénéficier d'une aide substantielle, avec le crédit d'impôt en plus c'est quasiment 6.000 pour l'embauche de ce jeune et le maintien dans l'emploi du senior. Mais j'ai vu aussi la joie de ce monsieur qui avait un vrai savoir-faire de 35 ans minimum d'expérience, et qu'il transmettait à un jeune qui avait pris une autre orientation professionnelle, mais qui n'avait pas de débouchés, qui ne savait pas où aller. Et puis là il y a une opportunité, et je voyais le visage d'hommes heureux et de femmes heureuses. C'est ce que je voudrais qui se développe, les contrats de générations ils sont là en place, et on a un objectif de 500.000. Mesdames et messieurs les chefs d'entreprise, mesdames et messieurs les syndicalistes, mesdames et messieurs les salariés, n'hésitez pas à utiliser ces moyens que nous avons votés et qui sont à votre disposition.
LAURENT BAZIN
Jean-Marc AYRAULT, Odile vous interpelle sur les Allocations familiales, bonjour Odile.
ODILE
Bonjour, bonjour à tous.
LAURENT BAZIN
De Colmar.
ODILE
Oui. Donc voilà, nous sommes parents de 3 enfants, nous sommes un couple (c'est vrai) un couple aisé, nous employons aujourd'hui une personne à domicile depuis plus de 10 ans. C'est une personne de confiance qui travaille beaucoup, et aujourd'hui je vais être obligée je vais être concernée certainement par la baisse des allocations et je vais être obligée de diminuer ses heures. Donc cette situation est vraiment nulle parce qu'elle favorise l'assistanat et elle précarise encore plus les emplois à domicile.
LAURENT BAZIN
Jean-Marc AYRAULT vous répond Odile.
JEAN-MARC AYRAULT
Ecoutez ! Il ne faut pas non plus d'abord je ne connais pas votre situation précise
LAURENT BAZIN
J'ai une question SMS : ma femme et moi gagnons 5.540 , nous avons 3 enfants, combien allons-nous perdre ?
JEAN-MARC AYRAULT
Je pense que dans ce cas-là je ne pense pas que ces personnes perdront. Je voudrais rappeler ce que nous avons décidé, c'est premièrement l'universalité des Allocations familiales sera maintenue, la politique familiale c'est un des acquis de la France
LAURENT BAZIN
Mais on touchera moins au-delà d'une certaine somme.
JEAN-MARC AYRAULT
On peut s'en féliciter
LAURENT BAZIN
C'est ce qu'on a compris.
JEAN-MARC AYRAULT
Et puis deuxièmement, il y a donc tout le monde touchera les allocations, nous envisageons qu'au plus haut niveau des revenus, ces Allocations familiales soient baissées de façon progressive, parce que c'est aussi une question de justice, et puis qu'il y ait
LAURENT BAZIN
Jusqu'à 25 % comme on l'a dit ?
JEAN-MARC AYRAULT
Et puis qu'il y ait un transfert ce n'est pas décidé ça encore, et qu'il y ait un transfert de ce que nous aurons gagné en faveur des familles les plus en difficulté.
LAURENT BAZIN
Et si ça coûte des emplois, comme vous le dit Odile ?
JEAN-MARC AYRAULT
Je ne pense pas que ça coûtera des emplois
( ) Brouhaha
LAURENT BAZIN
Des emplois à domicile qui vont être supprimés, des heures qui vont être supprimées.
JEAN-MARC AYRAULT
Je ne pense pas que ça sera le cas, je crois qu'il ne faut pas non plus avoir peur à chaque réforme. Mais en même temps je voudrais dire quelque chose, je profite de cette occasion pour le dire. Notre pays a un modèle social, nous y sommes attachés, les Français sont attachés à ce modèle social. Mais si nous laissons filer les déficits, la branche famille c'est 2,5 milliards de déficit, si nous laissons filer les déficits de la France, on ne le fait pas par dogmatisme et principe, il faut faire baisser les déficits pour faire baisser les déficits, c'est parce que c'est notre souveraineté, notre indépendance qui est en cause et notre capacité aussi à poursuivre ce modèle social auquel nous sommes attachés. Donc ne pas le réformer serait (je dirai) une responsabilité morale que ni le président de la République ni moi-même ne voulons prendre à l'égard du pays. Ça fait 10 ans qu'on laisse filer les choses, 10 ans. Moi je vais vous dire, la France est face à la croisée des chemins. Dans les années 2.000, l'homme malade de l'Europe c'était l'Allemagne, c'était un pays qui était dans des déficits importants, un pays qui avait une productivité qui se déclinait et une compétitivité en berne, la France était en meilleure situation. La droite a dirigé ce pays pendant 10 ans, à peu près à la même période. Les Allemands ont redressé la barre, ils ont fait beaucoup d'efforts, parfois ils ont créé des injustices. C'est pour ça que moi je veux préserver le modèle français, il y a une différence, je ne cherche pas le modèle en Allemagne mais simplement ce que je veux dire, c'est qu'aujourd'hui c'est nous qui sommes en difficulté, qui avons vu nos déficits se creuser, notre chômage augmenter massivement, notre compétitivité. Pourquoi j'ai appliqué les préconisations de Louis GALLOIS à traverse le pacte de crédit d'impôt pour les entreprises, c'est pour remonter la pente de la compétitivité de nos entreprises, c'est ça qu'on est en train de faire. Alors quand vous faites des réformes, mais qu'il faut faire pour le pays, eh bien ! Ça peut provoquer des réactions, des inquiétudes parce que les gens se demandent à quelle sauce ils vont être mangés. Donc nous devons expliquer
LAURENT BAZIN
Mais vous tiendrez bon !
JEAN-MARC AYRAULT
Davantage pour convaincre, mais je pense que les Français sentent bien qu'il faut des réformes, parce que si on ne les fait pas, alors le pays ira dans le mur et moi je veux que la France réussisse, je l'ai dit tout à l'heure. Et ça va demander encore des efforts, mais moi je n'ai pas envie que ça dure aussi longtemps qu'en Allemagne en 10 ans, donc ces efforts ils sont commencés tout de suite pour qu'ils portent leurs fruits. Et puis il y a un autre élément que je voudrais dire, c'est
LAURENT BAZIN
D'un mot si vous le voulez bien monsieur le Premier ministre.
JEAN-MARC AYRAULT
C'est les efforts de la France, et comme le président de la République a commencé à le faire dès son élection et de sa prise de fonction le 15 mai, il faut travailler aussi avec nos partenaires à réorienter l'Europe vers plus de croissance. On a commencé à le faire mais ce n'est pas suffisant
LAURENT BAZIN
Donc tordre le bras de madame MERKEL ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non, ce n'est pas comme ça qu'il faut faire. Il faut d'abord être exemplaire pour son propre pays, je viens de le dire. Si nous, nous ne faisons pas nos propres efforts
LAURENT BAZIN
Mais c'est bien madame MERKEL qui refuse
JEAN-MARC AYRAULT
Si nous ne pouvons pas
LAURENT BAZIN
Qui refuse qu'on relance, donc il faudra bien
JEAN-MARC AYRAULT
Monsieur BAZIN
LAURENT BAZIN
Engager un bras de fer avec madame MERKEL.
JEAN-MARC AYRAULT
Qu'est-ce que vous voulez dire entre laisser filer, si vous me demandez de laisser filer les déficits pour que la dette qui est à plus de 90 % de notre richesse nationale arrive bientôt à 100, je vous dis c'est non
LAURENT BAZIN
La relance, la relance
JEAN-MARC AYRAULT
On ne va pas
LAURENT BAZIN
C'est bien Angela MERKEL qui s'y oppose.
JEAN-MARC AYRAULT
Mais ce n'est pas une question de relance, c'est une question de choix d'investissements d'avenir que l'Europe doit faire, ce n'est pas seulement l'Allemagne, c'est tous les pays d'Europe qui doivent se mettre autour de la table. Et en juin, il y a un Conseil européen qui sera consacré à ça et moi, je souhaiterais que les Européens ne laissent pas filer les déficits, mais par contre ensemble fassent le choix des investissements d'avenir qui créeront de la croissance. La croissance verte, la politique de l'énergie et les énergies renouvelables, la recherche, l'innovation, les grandes infrastructures, si les Européens étaient capables de prendre cette décision en plus de la nécessité de faire reculer les déficits, alors ils redonneraient confiance et espoir. Et je pense que c'est possible et ça, cette discussion elle doit avoir lieu autour de la table sans stigmatiser personne. Ça commence, pour être respectés et écoutés, à ce que nous mettions balayons d'abord devant notre propre porte pour que nous soyons respectés. Et moi, je veux que la France soit respectée parce que quel est l'objectif final, c'est que la France redevienne l'un des pays leaders de l'Europe, elle le peut. Vous le voyez sur le plan de la politique internationale, nous sommes le seul pays en Europe qui peut intervenir au Mali, et c'est reconnu par nos partenaires européens qui considèrent que nous sommes une grande nation qui peut jouer un rôle politique et stratégique. Et en même temps, nous avons des faiblesses économiques, si nous redressons nos faiblesses économiques, si nous redevenons plus forts, si nous redonnons de l'emploi, de la croissance, alors la France sera à nouveau un grand leader en Europe et dans le monde. C'est ça son histoire et moi, j'ai envie que nous soyons à la hauteur de l'histoire.
LAURENT BAZIN
Jean-Marc AYRAULT, Premier ministre, était donc l'invité de RTL ce matin, merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 avril 2013