Déclaration de Mme Christiane Taubira, Garde des Sceaux, ministre de la justice, sur la politique pénale et la lutte contre la surpopulation carcérale, à l'Assemblée nationale, le 19 mars 2013.

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Circonstance : Débat sur le rapport d'une mission d'information sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale

Texte intégral

La rectification apportée par Mme la présidente me dispense de rappeler à M. Huyghe le principe de la séparation des pouvoirs et la totale souveraineté de l'Assemblée nationale quant à l'établissement de son ordre du jour.
Je suis heureuse de participer au nom du Gouvernement à ce débat autour du rapport de la mission d'information - d'autant que je m'exprime sur cette question de sécurité pour la première fois devant cette assemblée. Je n'emploie pas à la légère ce terme de « sécurité », quand le thème du débat de ce soir est relatif à la surpopulation carcérale ; mais certains ont à ce point caricaturé ma politique pénale - nous en avons eu à l'instant une nouvelle preuve - qu'il me paraît nécessaire de rappeler une évidence majeure : le Gouvernement pense sa politique pénale en cohérence avec ses politiques publiques. En conséquence, la lutte contre la surpopulation carcérale permet de combattre la récidive, combat qui constitue l'un des axes de notre politique pénale.
Ce plan de prévention contre la récidive relève donc autant de la question de la dignité que de celle de l'efficacité, indissociablement liées en démocratie.
Ma mission concerne la sécurité. Je veux gagner cette bataille et je suis persuadée qu'il faut pour ce faire changer de méthodes et de moyens. La justice a pour responsabilité la protection et la sécurité des citoyens ; or je n'ai attendu ni le débat de ce soir, ni même les recommandations du jury de consensus pour me préoccuper de sécurité ou, plus précisément, de la sûreté des citoyens.
Je connais la réalité. Avant d'être ministre, je me rendais dans les endroits difficiles, et je continue de le faire. Je sais à quel point les maires se battent, aussi bien contre la loi des voyous et des bandits que contre la désertion des services publics. En ma qualité de ministre, je sais aussi que les services de la chancellerie traitent chaque semaine des dizaines de courriers de victimes. Dès le mois de juin 2012, je me suis rendue au congrès de l'INAVEM afin d'entendre les associations de victimes et de leur expliquer les grandes lignes de ma politique d'aide.
Alors que le budget des cent soixante-treize associations liées par des conventions à des cours d'appel avait baissé en 2011 de plus de 6,40 % et de 1,17 % encore en 2012, nous avons décidé de l'augmenter cette année de 28 %.
Grâce à un arbitrage favorable du Premier ministre, j'ai pu décider la généralisation des bureaux d'aide aux victimes. Alors qu'entre 2009 et 2012, cinquante de ces bureaux ont été créés, nous voulons quant à nous ouvrir cette année un bureau d'aide aux victimes dans nos quelque cent cinquante TGI : pour la seule année 2013, ce seront donc une centaine de bureaux ouverts.
Ma circulaire générale de politique pénale indique dans son quatrième principe que le ministère public doit se préoccuper de l'accueil des victimes dans les audiences, en particulier pour les procédures de comparution immédiate, ainsi que veiller à leur information et à leur bonne orientation vers les structures et les procédures d'indemnisation.
J'ai demandé au Premier ministre de charger la députée Nathalie Nieson d'une mission sur le financement des associations d'aide aux victimes. J'ai également reçu le CNAV à la chancellerie pour une séance de travail commune : nous nous reverrons bientôt.
Voilà quelques éléments qui prouvent à quel point depuis ma prise de fonction, j'ai tenu en considération les victimes, les associations de victimes et celles d'aide aux victimes pour lesquelles nous avons inversé le mouvement qui consistait à les priver de leurs moyens d'intervention.
J'ai rappelé que la responsabilité de la justice, c'était la protection mais aussi la sécurité, et concernant celle de nos établissements pénitentiaires, je suis informée chaque semaine des actes de violence que subissent les 25 000 membres de l'administration pénitentiaire, souvent des actes graves. Ces personnels assurent, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, une mission rendue difficile notamment du fait de la surpopulation carcérale. Je me suis déplacée sur le terrain, j'ai visité des établissements, Les Baumettes et Fleury-Mérogis bien entendu, mais aussi une quinzaine d'autres, et, quand je reçois à Paris les représentants des personnels pénitentiaires, je traite constamment des problèmes de sécurité, qu'il s'agisse des problèmes de mirador, de fouilles, de projections depuis l'extérieur ou de risques d'évasion.
Par ailleurs, dès le mois de juillet, j'ai examiné attentivement, pour le renforcer, le dispositif de repérage et d'action contre le prosélytisme islamiste dans nos établissements. Je rappelle au passage que l'article 2 de la loi pénitentiaire de 2009 indique bien que les personnels pénitentiaires participent à la sécurité publique.
Enfin, nos magistrats, si inconsidérément décriés, accusés de laxisme, sont, tout comme nos greffiers et les autres personnels de justice qui interviennent dans les tribunaux de grande instance, en contact quotidien avec les victimes concernées par les procédures pénales. Ma circulaire du 19 septembre leur demande d'ailleurs de prêter une attention particulière aux victimes, notamment de les assister dans leurs différentes démarches.
Je n'ignore donc rien, ni des faits, ni de la violence, ni des souffrances ainsi provoquées. Je n'ignore pas non plus que, trop souvent, les personnes mises en cause étaient ou avaient été suivies par la justice, et pas seulement depuis ces dix derniers mois.
La question est donc de savoir comment répondre efficacement au besoin de sécurité, c'est-à-dire comment remplir notre devoir de sécurité. Je le répète : la sécurité est un des premiers chantiers que j'ai pris en charge. Dès le mois de juillet, je réunissais à la chancellerie les procureurs généraux et les procureurs de façon à organiser la mise en place des zones de sécurité prioritaire. J'ai fait évaluer et réactiver un certain nombre de GLTD - les groupements locaux de prévention de la délinquance. J'ai travaillé avec le parquet et avec l'administration de façon à articuler le travail en juridiction avec la participation sur le terrain des procureurs, aux côtés de la préfecture et de la police, dans le cadre des cellules de coordination. Je me suis déplacée sur le terrain pour expliquer les grandes lignes de ma politique, notamment la mise en œuvre de cette circulaire générale de politique pénale qui a été adoptée en Conseil des ministres le 19 septembre 2012, mais aussi des politiques pénales territoriales pour Marseille, pour la Corse, pour la Guyane, pour la Nouvelle-Calédonie depuis quelques jours - d'autres suivront pour des territoires où il y a une délinquance et une criminalité spécifiques. J'ai mis en place, avec le ministre de l'intérieur, des réunions de coordination entre l'institution judiciaire, la police et la justice. Dans les deux circulaires de politique territoriale respectivement pour Marseille et pour la Corse, je conseille des co-saisines police-gendarmerie chaque fois que c'est utile et possible - les procureurs en décident avec discernement -, et les premiers résultats sont probants.
Il y a donc maintenant un arsenal de moyens et de dispositions mis en place qui prouve à quel point le problème de la sécurité est pris en charge très sérieusement, au titre de ses missions constitutionnelles, par le ministère de la justice.
Un tel travail sur la justice et sur la sécurité vise à renforcer le lien social. J'affiche très clairement l'ambition d'être à la hauteur des missions constitutionnelles confiées au ministère de la justice s'agissant de la garantie des libertés individuelles mais aussi d'une justice accessible, efficace et protectrice des citoyens. Je le dis très clairement : dans une démocratie qui consolide ses valeurs par le respect des droits, les institutions peuvent opposer légitimement à ceux qui violent la loi, à ceux qui violent ses valeurs, des décisions de restriction ou de suppression de liberté.
Respect des droits des citoyens, respect des droits des victimes, respect des droits des personnes détenues, ces droits sont indissociables parce qu'ils se renforcent les uns les autres.
Oui, nous voulons l'efficacité, mais celle-ci ne peut pas être garantie par la surpopulation carcérale. Songez seulement aux difficultés qu'éprouvent les personnels pénitentiaires pour obtenir un comportement correct de la part des détenus, le respect de leurs obligations, notamment l'entretien de leur cellule lorsqu'ils sont trois dans une cellule de huit mètres carrés avec éventuellement un matelas par terre qu'il n'y a dans l'établissement ni activités ni travail et qu'ils passent le plus clair de leur temps dans leur cellule. Comment dès lors les personnels pénitentiaires concernés pourraient-ils accomplir correctement leurs missions ? Comment préparer la réinsertion de façon à prévenir la récidive, sachant que la prévention de la récidive permet d'éviter de nouvelles victimes ?
C'est là un enjeu essentiel pour nous, et nous l'assumons malgré sa dimension ingrate - nous aurions préféré que ce combat soit mené dans les années passées et qu'aujourd'hui on compte moins de victimes. C'est un travail ingrat parce que les victimes que nous aurons évitées ne le savent pas, mais c'est une responsabilité républicaine et nous ferons tout pour l'assumer correctement et pour obtenir des résultats.
Peut-on sérieusement être satisfait aujourd'hui à la fois de la politique pénale des années passées et du système pénal ? Ne peut-on éviter à cette institution, à un service public aussi éminent que la justice, les querelles partisanes ? Est-il impossible d'admettre que la majorité et l'opposition républicaine puissent s'entendre sur l'objectif, la sécurité des Français et, à cette fin, discuter des méthodes et des moyens ?
Monsieur Huyghe, vous invitez à poursuivre les politiques des années passées.
Commençons par en faire le bilan et l'évaluation.
Ces politiques ont surtout servi à diviser la société et à affaiblir l'État.
L'instrumentalisation des faits divers et la proclamation systématique d'un responsable ont en effet eu essentiellement pour conséquence de diviser les Français d'un territoire à l'autre et d'opposer les professionnels entre eux - les avocats contre les magistrats, les parquetiers contre les magistrats du siège et contre les conseillers d'insertion et de probation, les victimes contre les magistrats. La conséquence, c'est tout simplement une perte de confiance vis-à-vis de la justice et, d'une façon générale, vis-à-vis des institutions, une défiance à l'égard de l'État. Personne n'y gagne, sauf les ennemis de la démocratie.
Nous, nous disons non à cette politique qui a été incohérente : après une profusion de lois pénales a brusquement surgi une loi pénitentiaire ; après des déclarations martiales - on allait voir ce qu'on allait voir ! - l'on a constaté surtout une réduction des effectifs et une baisse des moyens ; après l'ordre d'incarcérer toujours plus et toujours plus longtemps, on a entendu des consignes d'aménagement des peines.
Ces injonctions contradictoires ont fait des dégâts considérables, selon le témoignage de tous les professionnels sur le terrain : malaise taraudant, impression de perte de sens, sentiment d'impuissance et d'irrationalité. Tous ces professionnels demandent à pouvoir exercer leur métier correctement, à travailler efficacement contre la délinquance et la criminalité, à mieux protéger les victimes et à en limiter le nombre. Mais lorsque 45 % des détenus purgent des peines de moins de six mois, expliquez-nous, monsieur Huyghe, comment, avec des durées pareilles, être efficace, comment réduire les risques de récidive et comment préparer à la réinsertion afin de faire mieux indemniser les victimes, de surcroît dans des établissements d'arrêt surpeuplés, sans activités et sans travail.
Quel sens peut avoir un système où plus de 350 juges d'application des peines, près de 5 000 agents et conseillers d'insertion et de probation, consacrent du temps chaque année à aménager des dizaines de milliers de peines d'incarcération ferme alors que pourrait être prononcée une peine - une vraie peine - autre que l'incarcération, mais soumise à des contrôles et à des suivis ? Il faut redonner du sens au travail de tous ces professionnels, d'abord à celui des services enquêteurs, mais aussi à celui des magistrats, des personnels de justice, des personnels pénitentiaires, des conseillers d'insertion et de probation, et ce en redonnant du sens à la peine, à la sanction, et donc au processus pénal auquel concourent tous ces métiers.
Voyons un peu ce que disent les statistiques. Le nombre d'incarcérations au 1er mars vient de m'être communiqué : 66 995 personnes détenues contre 66 746 au 1er février, soit une augmentation de 0,4 % d'un mois sur l'autre. À ceux qui passent leur temps à dire que nous vidons les prisons, je réponds que l'incarcération n'a cessé d'augmenter depuis plusieurs mois.
J'ai fait mettre en place un dispositif statistique qui n'existait pas et qui permet dorénavant de connaître les entrées et les sorties des établissements, ainsi que le stock de peines à aménager confié aux juges d'application des peines. Ceux-ci, au nombre de 385 environ, ont dû aménager en 2010 plus de 145 000 peines, sachant que la moitié est traitée en moins de cinq mois, la moyenne générale étant de neuf moi. Je répète : 145 000 peines à aménager en une année ! Ces chiffres montrent clairement que l'incarcération n'est pas le résultat d'une nécessité sociale mais bien celui d'un système pénal et carcéral qui dysfonctionne en raison de toute une série de dispositifs incohérents et contradictoires, celui d'un système en échec. Il faut donc une nouvelle approche, assumons-le.
À cet effet, j'ai tenu à ce que nos politiques publiques soient fondées sur une connaissance rigoureuse de la réalité. Voilà pourquoi j'ai mis en place un comité d'organisation pour préparer une conférence de consensus. Installé le 18 septembre, des sénateurs de la majorité et de l'opposition y ont participé - je rappelle qu'il était composé, outre ces parlementaires, d'une vingtaine de personnalités : universitaires français et étrangers, magistrats, membres du personnel pénitentiaire, policiers de niveau commissaire et gendarmes de niveau colonel, représentants d'associations, y compris d'associations de victimes, et professionnels de l'insertion. Ce comité, présidé par Nicole Maestracci, l'ancienne Première présidente de la cour d'appel de Rouen, a fait un travail considérable sur l'état des savoirs en France et à l'étranger s'agissant de la prévention de la récidive, auditionné plus de soixante-dix représentants d'organisations professionnelles, rassemblé plus de 120 contributions individuelles, toutes placées sur le site du ministère de la justice. Ce travail a été mis à disposition du jury de consensus.
Ce dernier était présidé par Françoise Tulkens, vice-présidente à la Cour européenne des droits de l'homme, et il était composé d'une vingtaine de personnalités aussi diverses et divergentes que celles du comité d'organisation. Ce sont ces personnalités diverses et divergentes, au nombre desquelles on trouvait encore des représentants de la police et de la gendarmerie, qui, à l'unanimité, ont élaboré douze préconisations, remises au Premier ministre le 20 février, au terme de deux journées d'auditions publiques ayant rassemblé plus de 2 300 personnes.
Ces travaux nous ont été présentés. Je vous remercie, monsieur le député Raimbourg, d'avoir mis à la disposition du jury de consensus les travaux de la mission d'information que vous avez conduite et dont certaines préconisations recoupent celles de la mission d'information. Manifestement, vous avez tenu à faire un travail exhaustif, si l'on en juge par le nombre de personnes qui ont été auditionnées dans le cadre de la mission.
Ces travaux, monsieur le député Huyghe, font l'objet, depuis près de trois semaines, d'un cycle de consultations que j'ai ouvert. Contrairement à ce que vous avez affirmé à la tribune, je n'ai pris aucune décision.
Cela fait dix mois que vous me reprochez de vouloir supprimer les peines planchers.
Cela fait dix mois que vous me le reprochez lors des questions au Gouvernement, ce n'est donc plus de l'actualité.
Les consultations ont lieu, non pas sur les peines plancher mais sur la base des douze préconisations sur lesquelles je n'ai encore pris aucune décision.
Ce travail de très grande qualité va continuer à nous éclairer. Il s'agit, une fois que nous aurons changé d'approche, de savoir quelle direction prendre pour rendre efficace la politique de prévention de la récidive.
Trois grandes directions se dessinent.
Premièrement : la prison. Il ne s'agit pas de l'abolir mais il faut rappeler qu'elle est une institution républicaine qui doit respecter la dignité mais surtout permettre le travail de réinsertion. Pour cette prison républicaine, nous imposons le respect de la dignité mais aussi l'efficacité qui suppose des méthodes.
Qu'avons-nous fait en attendant ? Nous avons déjà lancé un programme immobilier. Certes, vous pouvez évoquer constamment les 20 000 places qui n'étaient absolument pas financées : il n'y avait pas un euro en face de ces 20 000 places.
Nous avons choisi de construire 6 300 places supplémentaires, mais la grande différence, c'est que tout ce qui est annoncé est financé.
Par ailleurs, nous avons augmenté la dotation qui permettra la rénovation du parc pénitentiaire.
Nous l'avons augmentée de 20 % parce que ce parc pénitentiaire est considérablement dégradé. Les constructions pénitentiaires que nous ferons permettront déjà de fermer 1 082 places dans des établissements extrêmement vétustes.
Nous devons travailler également sur les problèmes de santé dans les établissements pénitentiaires. Avec Marisol Touraine, j'ai mis en place deux groupes de travail pour faire des propositions et prendre des décisions.
Nous devons aussi travailler à éviter les sorties sèches car toutes les études et les statistiques, élaborées en France, en Europe et ailleurs, démontrent qu'elles génèrent de graves risques de récidive. Nous devons également favoriser les activités dans nos établissements et faire en sorte que la préparation à la réinsertion soit plus efficace.
Deuxièmement, nous nous interrogeons évidemment sur l'importance de créer les conditions de l'individualisation de la procédure, de la peine et de ses modalités d'exécution. L'individualisation est tout simplement un principe constitutionnel.
La création de peines plancher, voilà bien la façon de respecter l'individualisation ! Pour notre part, nous voulons restituer aux magistrats leur liberté d'appréciation parce que nous leur faisons confiance. Nous estimons qu'ils sont capables - c'est leur métier et la grandeur même de leur mission - d'apprécier, dans chaque situation, les faits, les circonstances, la personnalité de l'auteur, la peine à prononcer et les modalités de son exécution.
Concernant la récidive, personne ne dit qu'il faut alléger les peines des récidivistes. Le principe d'appliquer des peines plus lourdes aux récidivistes est inscrit dans notre droit depuis 1791.
Personne ne demande son abrogation. Nous disons simplement qu'il faut mettre un terme au dispositif qui impose le prononcé de peines minimales et contrarie la création de mesures d'individualisation, susceptibles d'aider à la réinsertion.
Depuis leur création par la loi d'août 2007, les peines plancher ont provoqué le prononcé de plus de 4 000 années d'emprisonnement supplémentaires par an. Pour quoi ? Pour des atteintes aux biens. Pour qui ? Des personnes mal insérées, des toxicomanes qui auraient davantage besoin de soins.
Nous revenons donc au principe constitutionnel d'individualisation.
Troisièmement, les préconisations du jury de consensus et les recommandations de la mission d'information, en ce qui concerne l'efficacité de la peine, se rejoignent autour de l'idée de créer une peine en milieu ouvert. Provisoirement baptisée peine de probation - peut-être gardera-t-elle ce nom -, cette peine fait l'objet d'échanges très approfondis au cours des consultations que je conduis.
Une douzaine de consultations ont déjà eu lieu avec des représentants des magistrats, de toutes les professions de justice, d'associations de victimes et d'aide aux victimes, de tous les syndicats de policiers. Le dialogue est franc, ouvert et loyal. Nous nous reverrons régulièrement car le travail se fait ensemble sur le terrain par les policiers et les magistrats, conformément aux dispositions du code de procédure pénale.
Nous étudions donc cette peine de probation et nous essayons de voir comment elle peut s'inscrire dans l'architecture et le régime des peines.
Il existe une peine de probation dont vous connaissez toutes les dispositions mais ce n'est pas de cela dont nous parlons.
Nous faisons un travail sérieux, notamment avec des parlementaires de l'opposition qui réfléchissent à ces questions depuis des années.
Nous devons donner un contenu à cette peine en milieu ouvert et faire en sorte qu'elle soit crédible aux yeux de ceux qui commettent des actes répréhensibles, des victimes et de la société. Cette crédibilité, nous la construisons avec sérieux et rigueur.
S'agissant du numerus clausus, monsieur le député Raimbourg, j'ai déjà eu l'occasion de vous exprimer nos réserves. Dans le cadre des consultations, de manière étonnante, certains proposent de retenir cette disposition. Pour ma part, je m'interroge sur les risques d'inégalités territoriales que comporte un tel mécanisme. Nos réflexions sont en cours.
Nous avons à construire ensemble une œuvre de justice. C'est un travail qui relève du ministère de l'intérieur et Manuel Valls s'y atèle sans faillir. C'est une responsabilité qui relève du ministère de la justice, je viens de le démontrer. Mais, et je rappelais comment les maires se battent à la fois contre les voyous et contre la désertion des services publics, cette responsabilité relève aussi du ministère de la ville, du ministère du logement, du ministère de la formation et du ministère des affaires sociales et de la santé. Il relève aussi des collectivités, qui prennent leur part, des associations et de leurs militants bénévoles.
Il nous faudra du courage pour le faire. Nous n'en manquons pas et nous saurons additionner nos courages. Le courage, disait Jaurès, c'est d'aller vers l'idéal et de comprendre le réel.
source http://www.justice.gouv.fr, le 16 avril 2013