Texte intégral
PATRICK COHEN
Le Premier ministre est donc l'invité de FRANCE INTER ce matin. Bonjour Jean-Marc AYRAULT.
JEAN-MARC AYRAULT
Bonjour.
PATRICK COHEN
On va parler de la situation de l'économie, des finances publiques, des suites du scandale CAHUZAC, mais d'abord une question plus générale sur le climat actuel, si vous permettez, climat pourri par la crise dont on ne voit pas la sortie, le mensonge au plus haut niveau de l'Etat, la contestation dans la rue, la défiance à l'égard du pouvoir dans les enquêtes d'opinion, la déception de vos propres électeurs, les doutes ou les critiques de certains de vos ministres ou parlementaires. Est-ce que vous vous posez la question d'un changement de politique, de style, de méthode ou de rythme ?
JEAN-MARC AYRAULT
Vous savez, la France est engagée dans un mouvement qui est en train de se mettre en marche, je crois, qui est celui du redressement. Je suis, moi, à la tête du gouvernement, je suis à Matignon, Matignon, c'est PC opérationnel
PATRICK COHEN
La tour de contrôle
JEAN-MARC AYRAULT
24h sur 24. Et j'ai relevé ce défi du redressement, c'est un travail énorme, ça demande énormément de persuasion, de mobilisation, et c'est une conviction profonde que nous pouvons réussir.
PATRICK COHEN
Où voyez-vous les premiers signes du redressement, Jean-Marc AYRAULT ?
JEAN-MARC AYRAULT
Eh bien, je le vois parce que, figurez-vous que je suis peut-être à la tête d'un PC opérationnel, mais je suis aussi sur le terrain, il n'y a pas une semaine où je ne vais pas dans les différentes régions de France, on n'en parle pas beaucoup, ça reste souvent une information locale, je ne vous en fais pas le reproche, mais là, je vois les gens sur le terrain, je vois les chefs d'entreprise, je vois les salariés, les cadres, les ouvriers, les ingénieurs, je vois aussi les responsables des centres de recherche, je vois les élus locaux, je sens un potentiel qui est prêt à se mobiliser, à s'engager. Et c'est vrai que le gouvernement a engagé un certain nombre de réformes, je pense au pacte de compétitivité, je pense à la loi qui va être bientôt votée sur la réforme du marché du travail, la sécurisation de l'emploi ; pour que ça produise ses effets, il faut un peu de temps, mais si moi, à mon poste
PATRICK COHEN
On va en venir à l'économie
JEAN-MARC AYRAULT
Si moi, à mon poste, je n'y crois pas, j'hésite, comment voulez-vous que ça marche. Donc mon rôle, c'est de mobiliser d'abord les membres du gouvernement
PATRICK COHEN
Mais sur le climat
JEAN-MARC AYRAULT
Mais aussi de mobiliser les acteurs de la société
PATRICK COHEN
Climat actuel, sur le climat dans le pays, puisque vous êtes sur le terrain, Jean-Pierre RAFFARIN, votre prédécesseur, parlait ce matin d'une menace de chienlit dans le pays.
JEAN-MARC AYRAULT
Eh bien écoutez, je pense que quand on est un responsable politique comme l'est Jean-Pierre RAFFARIN, qui a été Premier ministre, comme moi, et qui sait très bien ce qu'est la difficulté de gouverner, qui sait très bien aussi ce qu'est parfois la fragilité de la France, ses hésitations, ses doutes, je pense qu'il est très important que ceux qui exercent des hautes responsabilités tiennent un langage de responsabilité et non pas d'accentuer le doute, le malaise, qui étreint parfois les Français qui pensent que la grande nation que nous sommes est en déclin, eh bien, moi, je le refuse le déclin de la France.
PATRICK COHEN
L'opposition contribue aux crispations d'aujourd'hui, Jean-Marc AYRAULT ?
JEAN-MARC AYRAULT
Je l'ai dit hier à l'Assemblée nationale, de façon posée, calme, je leur ai dit comme je l'avais dit samedi dernier déjà chacun a une part de responsabilité, quand on est républicain, de la cohésion nationale. Et ces jours-ci, il y a des manifestations qui contestent le projet de loi sur le mariage pour tous, elles ont le droit d'exister ces manifestations, nous sommes en République, mais les appels à la violence, les appels à la haine doivent être condamnés, et je le dis aux responsables politiques républicains de la droite, et je ne doute pas un instant que Jean-Pierre RAFFARIN en fasse partie, je leur dis : appelez, vous aussi au calme, c'est l'intérêt du pays, quand on a autant de défis à relever, celui du redressement de nos comptes publics, de notre économie, de notre industrie. Chaque jour, nous voyons qu'il y a encore beaucoup d'efforts à faire, en même temps, d'engager des réformes en profondeur, vous croyez que nous avons du temps à perdre pour nous diviser et nous déchirer, et laisser le pays s'entraîner dans des voies qui, de toute façon, n'ont aucune issue et qui ne peuvent que lui porter préjudice.
PATRICK COHEN
Mais quand on a autant de défis à relever, c'est important d'avoir la confiance des Français, Jean-Marc AYRAULT, elle vous fait défaut aujourd'hui
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, mais cette confiance, elle se mérite, elle se conquière chaque jour. Et je sais bien que les Français doutent, tenez, nous savons que nous avons une dette publique, et que cette dette publique nous pénalise, et je répondrai tout à l'heure, si vous voulez bien, à Bernard GUETTA, mais peut-être qu'il m'interrogera sur ce qu'il a dit, et qui est d'ailleurs un thème extrêmement intéressant et utile. Je vais vous dire que nous avons aussi des réformes à faire, mon objectif, celui du gouvernement, celui du président de la République, c'est : on part du réel, le réel, c'est une situation extrêmement dégradée depuis dix ans, nous sommes là depuis onze mois, en onze mois, je ne peux pas redresser ce qui s'est dégradé à ce point, sur le plan des finances publiques, sur le plan économique, sur le plan de nos services, notre organisation, et y compris, je dirais, le moral politique des Français. Et donc il faut beaucoup d'énergie pour ça. Mais c'est nécessaire, parce que ce qui est en jeu, c'est le redressement pour que la France redevienne leader en Europe, leader économique et politique, mais aussi de sauver notre modèle social républicain, et pour le sauver ; il ne suffit pas de faire de l'incantation, il faut le réformer. Donc ça demande du courage, ça demande, je dirais aussi du partage, et c'est pour ça que le gouvernement a adopté une méthode, qui n'est pas une méthode brutale, comme les gouvernements précédents, qui est une méthode de négociation, dont les fruits vont peu à peu se voir, parce que là, c'est la mort de madame THATCHER, c'est les cérémonies pour son décès
PATRICK COHEN
Aujourd'hui même
JEAN-MARC AYRAULT
A Londres, vous voyez bien qu'il y a une controverse, le pays, la Grande-Bretagne est divisée en deux. Mais moi, ce que je ne veux pas, c'est que justement, on utilise les méthodes des années 80, les méthodes THATCHER, REAGAN, qui avaient pour but de réformer, mais qui étaient tellement brutales, qui ont tellement tout cassé, que, elles ont laissé des traces, et elles laissent encore des traces, notamment dans ce qu'on appelle les marchés financiers qui ont été libéralisés à un tel point qu'ils sont devenus une industrie à part entière, dont sont victimes aujourd'hui beaucoup de pays.
PATRICK COHEN
Le réel, dites-vous, vous partez du réel, vous présentez aujourd'hui en Conseil des ministres le plan de stabilité, qui va donner la trajectoire économique de notre pays, de votre politique pour les prochaines années. Vos prévisions sont encore jugées trop optimistes, et par le FMI et par le Haut Conseil des Finances publiques, qui pensent que le pays pourrait être en récession cette année. Allez-vous tenir compte de ces avis, Jean-Marc AYRAULT ?
JEAN-MARC AYRAULT
Alors, d'abord, il faut regarder dans le détail ces appréciations, le Haut Conseil pour les Finances publiques, c'est le gouvernement actuel qui l'a mis en place, c'est un organe indépendant qui donne un avis indépendant
PATRICK COHEN
Présidé par
JEAN-MARC AYRAULT
On ne peut pas le soupçonner d'être partisan
PATRICK COHEN
Présidé par Didier MIGAUD, le président de la Cour des comptes
JEAN-MARC AYRAULT
Le premier président de la Cour des comptes, et d'autres personnalités indépendantes. Il donne un avis, et il estime qu'il peut y avoir des aléas, des aléas, ça veut dire que ça peut être à la baisse ou à la hausse, nos prévisions de croissance
PATRICK COHEN
Oui, mais il qualifie vos prévisions d'optimistes.
JEAN-MARC AYRAULT
Eh bien, elles sont surtout
PATRICK COHEN
Le mot figure dans l'avis
JEAN-MARC AYRAULT
Elles sont surtout, Monsieur COHEN, volontaristes, et moi, je ne me résigne pas à ce que les réformes que nous avons engagées, demain, ce soir déjà, je réunis la Conférence nationale de l'industrie, pour parler politique industrielle, demain, je réunis tous les ministres concernés avec Louis GALLOIS, pour faire le point sur la mise en oeuvre du pacte, que j'ai présenté le 6 novembre, à la suite de son rapport, sur la croissance et l'emploi. C'est très important ce que nous avons engagé, c'est des réformes en profondeur, il y a le crédit d'impôt, la baisse du coût du travail, mais il y a énormément d'autres choses. Et ça, ça va finir par porter ses fruits. Donc le choix du gouvernement, c'est de mener jusqu'au bout ces réformes, et qui finiront par avoir un impact sur la croissance économique, sinon, c'est à désespérer. Donc les estimations, aussi bien du Haut Conseil que du FMI, portent sur des aléas à la hausse ou à la baisse. Nous, nous avons pris une option volontariste, et en partant d'ailleurs pas de n'importe quoi, des prévisions de croissance de la Commission européenne elle-même.
PATRICK COHEN
Oui, enfin, ces deux organismes regardent tous les compteurs qui sont aujourd'hui au rouge, consommation, investissements des entreprises, il n'y a pas de moteur
JEAN-MARC AYRAULT
Comme vous aussi, vous lisez bien leur avis, vous voyez que le fait que la France soit engagée dans un processus de réformes n'est pas contesté. Il est même salué. Par contre, ce qui est observé, c'est qu'il y a des éléments qui ne dépendent pas de la France, qui dépendent effectivement de l'Europe, qui dépendent de la croissance mondiale, et c'est dans ce contexte que nous agissons. Mais il y a une chose que je ne veux pas faire, et que je redis ici, à FRANCE INTER, c'est une politique de réduction brutale des déficits, qui aurait pour but de créer les conditions d'une austérité, et la politique que je mène, celle de mon gouvernement, n'est pas une politique d'austérité, il ne faut pas je ne joue pas sur les mots. L'austérité, c'est ce qui se passe en Espagne, c'est ce qui se passe au Portugal, c'est ce qui se passe en Irlande, ce n'est pas la politique de la France
PATRICK COHEN
Alors, disons une politique de contraction budgétaire, pour reprendre un terme des économistes
JEAN-MARC AYRAULT
C'est une politique de sérieux budgétaire
PATRICK COHEN
Et dans la pratique, ce que soulignent la plupart des économistes, c'est que cette politique de contraction budgétaire empêche le désendettement, plus l'économie ralentit, moins il y a de rentrées d'argent, et plus les déficits se creusent. Malgré vos efforts, Jean-Marc AYRAULT, le déficit public en janvier-février est supérieur à ce qu'il était en 2012, vous avez vu ces chiffres
JEAN-MARC AYRAULT
Monsieur COHEN, est-ce que vous savez que les dépenses publiques de la France sous Jacques CHIRAC augmentaient de 2,3% par an, est-ce que vous savez que sous Nicolas SARKOZY, elles augmentaient de 1,7 par an, et qu'avec nous, elles augmentent en moyenne de 0 ,5 par an ; ça veut dire que c'est un effort. Est-ce que c'est un effort terrible ? La dépense publique est passée de autour de 53 je vais simplifier les chiffres % de la richesse nationale sous Nicolas SARKOZY, au début de son quinquennat, à presque 57 à la fin. Et est-ce que ça va mieux le pays ? Non. Qu'est-ce qui est le résultat de tout ça ? C'est la dette ! Et la dette, il faut bien la rembourser. Tous les ans, quel est le premier budget de la France, ce n'est pas le budget de l'Education ni de la Défense, c'est de rembourser les intérêts d'emprunts. Moi, pourquoi je veux réduire cette dette et ces déficits, non pas parce que je serais obsédé par des chiffres, que je serais obsédé par un pourcentage, c'est parce que je veux que mon pays retrouve sa souveraineté, son indépendance, la liberté d'action, ça n'est pas l'Europe ou ce n'est pas une institution extérieure, et ce n'est surtout pas les marchés financiers qui vont décider à la place de la France, et moi, je veux qu'on retrouve des marges de manoeuvre pour investir dans l'Education, la formation, dans la politique de l'emploi, dans la politique industrielle, dans la transition énergétique, et ainsi dans la préparation de l'avenir, notamment dans tout ce qui va sur le plan de la recherche, de l'innovation, nous mettre en situation de redevenir leader en Europe. Vous savez que ça ne s'improvise pas cette chose-là
PATRICK COHEN
Jusque dans votre propre camp
JEAN-MARC AYRAULT
Parce que dix ans de déclin, ça coûte cher, et moi, je voudrais que les Français retrouvent confiance en eux. D'ailleurs, je vais donner un dernier chiffre, ce n'est même pas un chiffre que je vais donner, c'est qu'il y a beaucoup de pays autour de nous qui ont un gros problème, qui n'ont pas qu'un problème de dette publique, qui ont un problème de dette privée, nous, ça n'est pas le cas, donc c'est une chance ! Nous avons une épargne française qui est l'une des plus élevées au monde, et qui n'est pas utilisée. Il y a une part de précaution pour l'avenir, pour préparer sa retraite, mais il n'y a pas que ça, il y a aussi parce qu'il y a une crainte. Et moi, je voudrais que, par l'action que nous menons, créer à nouveau de la confiance pour que cette épargne aille à la fois vers la consommation, mais aille aussi vers l'investissement, et pour ça, il y a deux projets de réforme qui sont engagés, un projet de loi avec Benoît HAMON sur la consommation, et avec Pierre MOSCOVICI, sur l'investissement, c'est-à-dire notamment l'épargne longue des assurances-vie qui doit aller vers l'investissement productif. Voyez, on engage des réformes, elles n'ont pas un effet immédiat, parce que ce sont des réformes en profondeur, mais elles sont utiles au redressement du pays.
PATRICK COHEN
On va revenir sur les questions économiques dans la deuxième partie de cette interview, Jean-Marc AYRAULT, avec des questions précises qui vous seront posées sur le budget l'an prochain, et la hausse de la pression fiscale à nouveau. L'affaire CAHUZAC, avez-vous vu ou entendu votre ancien ministre du Budget hier soir ?
JEAN-MARC AYRAULT
Je l'ai vu, je n'ai pas regardé jusqu'au bout
PATRICK COHEN
Vous n'avez pas regardé jusqu'au bout ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non, j'ai trouvé qu'il y avait un côté un peu pathétique de quelqu'un qui a confirmé qu'il avait menti, et qu'il avait gravement menti, pas seulement au président de la République et au Premier ministre, mais menti devant la représentation nationale, menti aux Français, et c'est une faute extrêmement grave. Et maintenant, il est face, non seulement à sa conscience, mais il est face à la justice, et donc c'est une grave faute qui a été faite contre l'Etat et contre les valeurs de la République. Elle devra être réparée, mais ce n'est que la justice qui pourra en décider
PATRICK COHEN
Hier soir, il était face à l'opinion publique, l'avez-vous trouvé sincère dans son expression ?
JEAN-MARC AYRAULT
Moi, je ne sais pas, ce n'est pas la question, la question, c'est que, comme d'autres, j'ai été trompé. Et je repasse en boucle toujours ces images quand on m'interroge là-dessus, et tout évidemment en revenant à l'essentiel, c'est-à-dire ce que je vous ai dit avant, c'est-à-dire les problèmes des Français, les problèmes de la France, l'économie, du travail, de l'emploi, de l'Education. Je repasse en boucle ces images où un ministre de la République, interrogé par un député de l'opposition, le lendemain de l'article de MEDIAPART dit : non, je n'ai pas, je n'ai jamais eu de compte à l'étranger, il le dit devant la représentation nationale, dans le lieu solennel qu'est la représentation nationale, comment ne pas croire sa sincérité, et en même temps, quel choc quand vous constatez que vous avez été trompé.
PATRICK COHEN
Comment interpréter cette phrase de Jérôme CAHUZAC : j'ignore quel était le niveau de connaissance du président de la République ?
JEAN-MARC AYRAULT
Je n'ai aucune interprétation à avoir, parce que je peux vous dire que le président de la République n'avait pas d'information.
PATRICK COHEN
Aucune ?
JEAN-MARC AYRAULT
S'il avait eu des informations, Monsieur COHEN, vous imaginez un instant que moi-même, j'en aurais eu, qu'il aurait été nommé ministre du Budget, évidemment qu'il ne l'aurait jamais été ! Et si nous avions eu des informations qu'il avait effectivement un compte à l'étranger, avant que s'ouvre l'enquête judiciaire, vous croyez que nous n'aurions rien fait, il serait parti immédiatement du gouvernement. D'ailleurs, je vous rappelle que, heureusement, dans notre pays, il existe maintenant une justice que l'on respecte, qu'on respecte dans son travail, enquête préliminaire, et aussitôt que le procureur considère qu'il y a des faits graves et concordants, il ouvre une information judiciaire contre X, on a supposé que ça pouvait viser Jérôme CAHUZAC, c'était l'évidence, tout de suite, il est partout du gouvernement, voilà la réalité, c'est que, aujourd'hui, dans notre pays, et j'aimerais que de temps en temps, vous le reconnaissiez, parce que, à force de dire que tout va mal, que tout va mal, mais, nous sommes engagés dans un processus de modernisation de notre vie publique. La question de la transparence, le gouvernement a rendu public son patrimoine
PATRICK COHEN
On va en parler
JEAN-MARC AYRAULT
Demain, il y aura d'autres mesures concernant les parlementaires, et puis, des luttes contre la fraude, contre les paradis fiscaux. Notre pays aussi réforme ses institutions. Là, le précédent quinquennat, il y avait un pouvoir qui intervenait sur la presse, là, elle n'est pas intervenue. Il y avait un pouvoir qui intervenait dans les affaires de justice, il n'est pas intervenu, parce que c'est notre conception de la République exemplaire, ce qui a fait que l'affaire CAHUZAC a pu aller vite en terme d'action judiciaire, c'est parce que nous n'avons pas utilisé les méthodes du passé pour essayer de protéger un ami, où on utilisait notamment les moyens parallèles, l'affaire des « Fadettes », vous vous en souvenez certainement, c'était quel pouvoir ? C'était le précédent. Aujourd'hui, la page est tournée.
PATRICK COHEN
Jérôme CAHUZAC a pris une sage décision de quitter la politique, Jean-Marc AYRAULT ?
JEAN-MARC AYRAULT
Pardon ?
PATRICK COHEN
Est-ce qu'il a pris une sage décision
JEAN-MARC AYRAULT
Je dis pardon, parce que
PATRICK COHEN
Quand il a annoncé qu'il quittait la politique ?
JEAN-MARC AYRAULT
Parce que c'est tellement une évidence, que par respect des Français, il ne revienne pas à l'Assemblée nationale, je lui avais dit dès le premier jour, que je trouve même presque indécent qu'on ait organisé un feuilleton, je ne sais pas qui l'a organisé d'ailleurs, il y a comme une espèce d'opération de com. dans tout ça, et qui me choque, on n'est pas en Amérique, on est en France. Je pense que si dès le départ, il y avait eu un peu de décence, la question ne se serait jamais posée.
PATRICK COHEN
Quelle est votre part d'ombre à vous, Jean-Marc AYRAULT, puisque d'après Jérôme CAHUZAC, chacun a sa part d'ombre ?
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, oh, je pourrais vous poser la question, Monsieur COHEN, quelle est votre part d'ombre ?
PATRICK COHEN
Je ne suis pas un homme public, en tout cas, pas un élu
JEAN-MARC AYRAULT
Non, mais vous êtes un journaliste, donc comment ne pas pourquoi cacher à tous ceux qui vous écoutent tous les matins que vous avez aussi une part d'ombre, j'espère que vous n'en avez pas. Moi, je vais vous dire ma part d'ombre, si vous voulez, je vous invite à la voir, c'est mon combi VOLKSWAGEN, on pourrait faire un tour ensemble
PATRICK COHEN
Ah oui, non, mais il est sous la lumière depuis un petit moment votre
JEAN-MARC AYRAULT
Voilà, eh bien, voilà
PATRICK COHEN
A 1.000 euros ou 1.000 francs, je ne sais plus ?
JEAN-MARC AYRAULT
Mais il a surtout une valeur symbolique, et surtout sentimentale, et je le garde, parce que quand je pourrai, je l'utiliserai.
PATRICK COHEN
Prenez-en soin. Jean-Marc AYRAULT avec nous jusqu'à 08h55. On vous retrouve dans quelques minutes après « La revue de presse » et avec les questions des auditeurs de FRANCE INTER.
[Deuxième partie]
PATRICK COHEN
Jean-Marc AYRAULT est notre invité ce matin, le Premier ministre avec nous jusqu'à 8 h 55. Avant d'aller au standard d'INTER, je poursuis sur les suites de l'affaire CAHUZAC, l'opération « transparence » Monsieur AYRAULT, le déballage public du patrimoine de vos ministres, c'était vraiment indispensable ?
JEAN-MARC AYRAULT
Je pense que, dans peut-être 2 3 ans, vous n'en parlerez plus dans vos chroniques parce que ça sera devenu quelque chose de parfaitement habituelle et ça se passe d'ailleurs dans beaucoup de démocraties. Et pourquoi est-ce que la France n'engagerait pas encore plus ce travail de transparence ? Moi je pense que ça ne peut que rendre service et aider, ça ne règle pas tout, mais ça peut aider à la confiance qui est nécessaire dans une démocratie. Donc, le projet de loi sur la
PATRICK COHEN
Le premier effet ce n'est pas forcément la confiance, le premier effet c'était les palmarès, les hit-parades
JEAN-MARC AYRAULT
Oui ! Mais ça c'est vous qui les faites.
PATRICK COHEN
Les plus pauvres, les plus riches
JEAN-MARC AYRAULT
C'est vous qui les faites. Simplement il y a eu un intérêt
PATRICK COHEN
Et la curiosité du public ?
JEAN-MARC AYRAULT
Mais bien sûr ! C'est normal, moi j'ai déjà publié plusieurs fois mon patrimoine, la presse locale l'avait, même des magazines nationaux, je l'ai fait sans hésiter - et mon patrimoine commun avec ma femme puisque nous sommes mariés sous le régime de la communauté - et je crois que c'est et c'est révélateur, qu'il y a eu 1.400.000 consultations sur le site de Matignon...
PATRICK COHEN
Oui ! Mais ça n'est pas une preuve de vertu.
JEAN-MARC AYRAULT
Mais ce n'est pas la question de vertu.
PATRICK COHEN
Vous auriez mis des filles nues sur votre site, vous auriez eu beaucoup de visiteurs aussi, Jean-Marc AYRAULT ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non ! Mais, Monsieur COHEN soyez un petit peu sérieux de temps en temps, ne prenez pas les choses à la légère, c'est une affaire sérieuse. Le projet de loi sur la transparence sera présenté le 24 au conseil des ministres, donc ça concernera les parlementaires, les grands élus, mais ce n'est pas seulement de publier, c'est qu'on va mettre en place (et c'est réclamé depuis longtemps) une Haute autorité qui contrôlera la véracité des déclarations - parce que c'est ça la question, qui est principale, il n'y a pas que la publication et ce Haut conseil fera suite à la Commission pour la transparence de la vie publique, de la vie politique, qui est également présidée par le vice-président du Conseil d'Etat et qui disposera de moyens d'investigation, le rapport annuel le réclame tous les ans parce qu'on n'a pas les moyens de vérifier. Donc il y aura des moyens d'investigation et cette Haute autorité pourra faire appel aux services fiscaux, sous son autorité, pour faire les enquêtes nécessaires. Et puis s'agissant de l'autre volet, qui ne concerne pas que les élus bien sûr, c'est la question de la fraude et puis de la lutte contre les paradis fiscaux, c'est au coeur du projet. Sagissant de la fraude fiscale, nous avons déjà engagé un travail très important, en 2012 l'action des services
PATRICK COHEN
Et sous la houlette de Jérôme CAHUZAC !
JEAN-MARC AYRAULT
De l'Etat, des services de l'Etat, ce n'est pas Jérôme CAHUZAC qui faisait les contrôles fiscaux, ce sont des fonctionnaires
PATRICK COHEN
Oui ! Il dirigeait l'administration Jérôme CAHUZAC.
JEAN-MARC AYRAULT
Je voudrais aussi leur rendre hommage et ils font leur travail de façon indépendante et pas sur ils font des instructions générales mais pas les instructions individuelles, eh bien ça a rapporté 18 milliards d'euros cette lutte contre la fraude, et je pense qu'on peut rapporter beaucoup plus que ça. Et puis les choses sont en train de bouger partout, notamment Pierre MOSCOVICI qui était à Dublin la semaine dernière a obtenu l'accord que pour les principaux gouvernements d'Europe il y ait une automaticité des renseignements sur les comptes détenus à l'étranger, parce que ça c'est très important, sinon avec les systèmes opaques de spécialistes, d'avocats d'affaires, de fiscalistes qui montent des dossiers très compliqués, c'est très difficile de lutter contre la fraude fiscale. Donc, la fraude fiscale il faut la combattre à l'intérieur, il faut la combattre aussi à l'extérieur. Et puis au-delà, eh bien il y a le chantier énorme des paradis fiscaux, parce que c'est des dizaines et des dizaines de milliards de dollars, qui permettent de spéculer, d'échapper à l'impôt et qui déstabilisent les états et que, s'ils étaient traités, ces questions étaient traitées, je pense que l'économie mondiale se porterait mieux.
PATRICK COHEN
Sur ces dossiers, des questions des auditeurs de FRANCE INTER. Christophe qui nous appelle du Beaujolais, c'est ce qu'il y a sur ma fiche, bonjour Christophe.
CHRISTOPHE, AUDITEUR DU BEAUJOLAIS
Bonjour
PATRICK COHEN
Nous vous écoutons.
CHRISTOPHE
Bonjour à tous, bonjour à Monsieur le Premier ministre.
JEAN-MARC AYRAULT
Bonjour.
CHRISTOPHE
Je voulais simplement vous parce que vous parlez de transparence et de moralisation, mais ne serait-il pas plus simple de commencer par voter le non cumul des mandats promis par François HOLLANDE, parce que et avant les Municipales de 2014, parce que là les gens ne vont plus savoir pour qui voter et ils vont se reporter vers les extrêmes et ses et, tant que vous y êtes, ça serait peut-être pas mal aussi d'arrêter les réserves parlementaires ?
PATRICK COHEN
Merci Christophe pour ces questions ! Jean-Marc AYRAULT.
JEAN-MARC AYRAULT
Eh bien vous avez tout à fait raison ! C'est pourquoi le gouvernement a déjà adopté son projet de loi pour interdire le cumul d'un mandat parlementaire avec un mandat d'exécutif local et qui sera voté avant l'été
PATRICK COHEN
Pour application en 2017 !
JEAN-MARC AYRAULT
Mais
PATRICK COHEN
Non ! Mais la question de l'auditeur c'était pourquoi ne pas le faire tout de suite ?
JEAN-MARC AYRAULT
J'ai bien compris ! J'ai bien compris. Mais vous savez c'est un serpent de mer, il y a tellement de serpents de mer en France, il faut faire telle réforme, telle réforme, telle réforme et puis les gouvernements arrivent et puis les gouvernements passent et on ne le fait pas, ce gouvernement, ce président de la République François HOLLANDE auront eu l'honneur de respecter leurs engagements. Pendant cette législature, pendant cette législature, avant l'été, la réforme qui consistera à supprimer le cumul d'un mandat parlementaire avec un mandat exécutif local sera votée, je suis sûr qu'elle sera largement votée. Ca, c'est une réforme. Après, il a parlé de la transparence, je suis sûr aussi que les parlementaires n'hésiteront pas et qu'ils la voteront parce que c'est l'attente républicaine, c'est l'attente des citoyens, donc c'est la contribution à cette République exemplaire, cette République de la transparence, cette République de la confiance que nous sommes en train d'engager.
PATRICK COHEN
Une question de Marc FAUVELLE là-dessus ?
MARC FAUVELLE
Oui ! Pour reprendre la question de notre auditeur sur la réserve parlementaire, on rappelle 150 millions à disposition des députés et sénateurs qui peuvent la redistribuer dans leurs circonscriptions, système opaque et inégalitaire, ce n'est pas moi qui le dit, c'est René DOSIERE, le Socialiste.
JEAN-MARC AYRAULT
Oui ! Oui, je connais bien
PATRICK COHEN
150.000, pas 150 millions.
JEAN-MARC AYRAULT
Je connais bien René DOSIERE et je connais aussi ses livres. Ce que je sais c'est que les 2 assemblées, le Sénat et l'Assemblée nationale, ont déjà réformé les règles de la réserve parlementaires et je crois comprendre que les présidents des 2 chambres sont prêts à faire encore d'autres propositions. Mais là je voudrais quand même aussi que chacun fasse le travail qui est le sien, la réserve parlementaire c'est aux assemblées d'en décider et elles ont déjà pris les décisions concernant les différents modes de rémunération, de retraite, je pense qu'il n'y a pas de raison de ne pas faire confiance aux 2 assemblées pour améliorer encore ce qui a été engagé.
PATRICK COHEN
Sur des questions de lutte contre la fraude et de transparence, Agnès nous appelle de Bourgogne, bonjour Agnès.
AGNES, AUDITRICE DE BOURGOGNE
Bonjour.
PATRICK COHEN
Nous vous écoutons.
AGNES
Alors bonjour Monsieur le Premier ministre.
JEAN-MARC AYRAULT
Oui ! Bonjour madame.
AGNES
Je voulais vous demander qu'est-ce que concrètement votre gouvernement compte engager comme mesure ou comme loi - je ne sais pas - pour poursuivre les banques françaises qui détiennent quand même notre argent et dont on a constaté qu'ils étaient largement actionnaires dans les paradis fiscaux, parce que là les Français s'inquiètent beaucoup quand même, on a beaucoup, beaucoup de frais bancaires, il y a des organismes qui créent des nouvelles monnaies - le bit je ne sais pas quoi là et on cherche à échapper quand même à cette toute puissance des banques ?
JEAN-MARC AYRAULT
Oui ! Absolument, mais vous avez raison. C'est ce que le projet de loi qui va être adopté la semaine prochaine va traiter, traiter à la fois de la transparence je viens d'en parler et du contrôle de ce que les élus possèdent, et de leur patrimoine (mais ça c'est le volet transparence) et puis il y a aussi tout un autre volet, un des autres chapitres de ce projet de loi, c'est la lutte contre la fraude et la lutte contre la fraude et des paradis fiscaux. Déjà nous savons que les banques, nous l'avons déjà décidé dans la loi bancaire qui est en cours de vote, que les banques devront donner toutes les informations sur les avoirs détenus à l'étranger, les comptes, etc., enfin toutes leurs activités à l'étranger
PATRICK COHEN
Il y aura une obligation d'informer ! Mais, dans le programme de François HOLLANDE, il y avait l'interdiction pour une banque française de détenir une filiale dans un paradis fiscal Jean-Marc AYRAULT ?
JEAN-MARC AYRAULT
Mais là nous allons franchir une nouvelle étape, mais cette nouvelle étape on ne la franchira pas tout seul.
PATRICK COHEN
Qui n'ira pas jusqu'à la promesse initiale de François HOLLANDE ?
JEAN-MARC AYRAULT
Mais la promesse Vous savez la finance, sans nom et sans visage, c'est celle des paradis fiscaux, c'est celle-là que nous voulons combattre. J'ai parlé des années THATCHER REAGAN tout à l'heure, il faut tourner cette page, on la tournera si tout le monde s'y met. Déjà, je vous l'ai dit, les Européens sont en train d'avancer, c'est une la Suisse, qui jusqu'à présent disait sujet tabou, est en train de bouger, parce que rien n'est on ne peut plus rester comme ça, les citoyens de tous nos pays n'en peuvent plus, ils n'en peuvent plus non plus des rémunérations énormes. Vous voyez les citoyens Suisses ont voté pour toute la Suisse pour les plafonner Bon ! Nous allons le faire aussi en France ; la taxe à 75%, c'est la rémunération de plus de 1 million dans les entreprises, payée par les entreprises, je peux vous dire qu'elle va avoir un effet régulateur, il faut à la fois la transparence pour les responsables politiques mais il faut aussi la transparence pour les dirigeants des entreprises et, donc, les actionnaires ne manqueront pas de le rappeler. Les peuples attendent la confiance, la confiance elle passe par effectivement plus de contrôles et ça vaut pour les paradis fiscaux.
PATRICK COHEN
Alors
JEAN-MARC AYRAULT
Il y a une réunion cette semaine du G20
PATRICK COHEN
Oui !
JEAN-MARC AYRAULT
Pierre MOSCOVICI représente la France, il va faire des propositions qui seront audacieuses et je ne pense pas qu'on sera isolés. Est-ce que vous savez par exemple que le Président des Etats-Unis Barack OBAMA lorsqu'il était sénateur a déposé régulièrement des propositions de loi pour lutter contre les paradis fiscaux ? Donc, on a des alliés. Mais parce que les citoyens le demandent, mais la puissance de l'argent est telle et François HOLLANDE l'avait bien dénoncée au Bourget elle reste là et il faut continuer à la combattre. Et au sein de l'Union européenne d'abord, je prends un pays comme l'Autriche
PATRICK COHEN
Oui !
JEAN-MARC AYRAULT
Qui ne veut pas qu'on touche à son secret bancaire, eh bien écoutez l'Autriche ne pourra pas tenir sur cette position, c'est un pays ami, je connais son Chancelier, je lui ai déjà dit, eh bien je suis sûr que les choses changeront là aussi.
PATRICK COHEN
Je poursuis, Jean-Marc AYRAULT, sur les questions fiscales et je reviens au plan de stabilité que vous présenterez tout à l'heure devant le conseil des ministres. On nous avait promis, vous nous aviez promis la stabilité fiscale en 2014 et l'on découvre, à la faveur des informations qui sont parues ces derniers jours, qu'il y aura 10 milliards d'impôts et de cotisations en plus l'an prochain avec au total une pression fiscale, des impôts qui vont battre tous les records.
JEAN-MARC AYRAULT
Non ! Non. Je pense que ce qui a été annoncé, le Président de la République l'a dit l'autre jour, ça déjà été annoncé, c'est la hausse de la TVA, vous le savez ?
PATRICK COHEN
Oui !
JEAN-MARC AYRAULT
Ca, ce n'est pas nouveau.
PATRICK COHEN
Eh bien ce n'est pas nouveau, mais ça
JEAN-MARC AYRAULT
Donc, il ne faut pas feindre de le découvrir.
PATRICK COHEN
Ca a déjà
JEAN-MARC AYRAULT
Après
PATRICK COHEN
Oui !
JEAN-MARC AYRAULT
Après
PATRICK COHEN
Il y a la hausse de la TVA et puis, et puis
JEAN-MARC AYRAULT
Après il y a un certain nombre
PATRICK COHEN
Il manque 4 ou 6 milliards en plus à trouver d'impôts
JEAN-MARC AYRAULT
Oui ! Mais
PATRICK COHEN
D'autres impôts ?
JEAN-MARC AYRAULT
Vous savez bien que
MARC FONTELLE
Il n'y a pas de taxe écologique ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non ! Il n'y a pas de taxe écologique de prévue en 2014.
PATRICK COHEN
Dégressivité des allocations familiales éventuellement ?
JEAN-MARC AYRAULT
Ah ! Eh bien ça c'est ce qui a déjà été décidé, que tout le monde sait -et ça fait partie des prélèvements que vous évoquez il y a eu notamment la négociation entre les partenaires, ce n'est pas le gouvernement, c'est entre les partenaires sociaux, qui pour sauver le régime de retraite complémentaire ont décidé une augmentation de cotisations, donc ça fait partie des prélèvements que vous évoquez. Et Voilà ! Et après
PATRICK COHEN
Et il faudra trouver d'autres ressources ?
JEAN-MARC AYRAULT
Ecoutez ! La fiscalité des ménages je l'ai évoquée, je le dis elle a déjà été annoncée, ce n'est pas une surprise, elle concerne la TVA.
PHILIPPE LEFEBURE
Rien sur les prélèvements sociaux, sur les retraites notamment, on ne va pas vers une augmentation des cotisations retraite pour les salariés ?
JEAN-MARC AYRAULT
Eh bien il y a celle des retraites complémentaires dont j'ai parlée !
PHILIPPE LEFEBURE
Oui !
JEAN-MARC AYRAULT
Mais sur le reste, que ce soit sur la politique familiale ou que ce soit sur la politique concernant le régime général des retraites, vous savez que pour le régime général des retraites - où il y aura à l'horizon 2020 un problème de déficit il y aura des discussions avec les partenaires sociaux qui vont commencer à partir du mois de juin, parce que le rapport avec les différents scénarios pour résoudre ce problème sera présenté au gouvernement fin juin ou début juin et, ensuite, nous commencerons les discussions avec les partenaires, ça sera dailleurs l'un des thèmes de la future Conférence sociale de l'été prochain. Donc, vous voyez, tout sera mis sur la table. Mais les décisions ne seront pas forcément prises dans l'immédiat, il faut qu'on puisse arriver à un consensus, un accord, je crois que tout le monde est conscient qu'il faut sauver les retraites. Il y a une chose que je peux vous dire, là, au moment où je m'exprime, c'est qu'il n'est pas question d'appauvrir les retraités et qu'il n'est pas question non plus d'abandonner les jeunes qui aujourd'hui travaillent et qui n'auront pas demain de retraite si on ne s'en donne pas les moyens, donc il faut trouver la solution. Mais il y a un problème ! Quel est le problème ? Mais qui est en même temps une chance, c'est que nous avons une durée de la vie qui augmente et, comme elle augmente, eh bien les salariés qui arrivent à la retraite, les gens qui arrivent à la retraite, vont vivre plus longtemps à la retraite, donc vous n'avez pas besoin d'avoir fait Polytechnique pour comprendre qu'il y a un problème de déséquilibre, donc il faut trouver la réponse ensemble. Mais comme je vous l'ai dit au début de cette émission, mon but c'est de sauver le modèle social français en le réformant, et là cela se fait par le dialogue et la négociation. C'est la même chose pour la politique familiale, la politique familiale c'est un des acquis de la France, c'est à la fois les allocations familiales, c'est les aides aux jeunes enfants, c'est la garde dans les crèches, c'est aussi l'école maternelle de 2 à 3 ans, tout ça c'est un des acquis de la France, on ne va pas l'abandonner.
PHILIPPE LEFEBURE
Est-ce que vous avez fixé le seuil ? Est-ce que vous avez fixé le seuil au-dessus duquel les familles
JEAN-MARC AYRAULT
Non ! Non, mais
PHILIPPE LEFEBURE
Paieront ou perdront les allocations familiales
JEAN-MARC AYRAULT
Nous avons Oh ! Ca sera
PHILIPPE LEFEBURE
5.000 7.000 euros par mois, c'est les pistes avancées ?
JEAN-MARC AYRAULT
Ca sera pour les plus hauts revenus autour de 15% des gens concernés, mais on gardera l'universalité des allocations familiales, c'est-à-dire que tout le monde percevra des allocations familiales, mais à partir d'un certain niveau de salaire ou de revenu plutôt
PHILIPPE LEFEBURE
Par mois ça sera combien alors, Monsieur le Premier ministre ?
JEAN-MARC AYRAULT
Eh bien ce sera ce sera progressif. Cette affaire n'est pas tranchée puisque je dois dans les prochaines semaines me rendre devant le Haut conseil où tous les partenaires autour de la table pourront en débattre avec moi.
PATRICK COHEN
Question de Bernard GUETTA !
BERNARD GUETTA
Oui ! Donc pourquoi ne pas ouvrir non plus seulement à huis-clos, dans le tête à tête entre Monsieur HOLLANDE et Madame MERKEL, pourquoi ne pas ouvrir publiquement le débat avec la Chancelière allemande sur la politique à mener, économique, à mener aujourd'hui en Europe et sur les dangers de cette politique d'austérité ?
JEAN-MARC AYRAULT
Vous savez d'abord il y a en ce moment, il y a - vous l'avez évoqué vous-même il y a un débat qui est très intéressant en Allemagne puisque c'est le débat des élections au Parlement
BERNARD GUETTA
Tout à fait !
JEAN-MARC AYRAULT
Qui aura lieu en septembre. J'étais à Munich il y a très de temps, il y a quelques jours, c'était d'ailleurs très intéressant, j'ai rencontré énormément de monde, de gens de droite, des gens de gauche, et aussi des chefs d'entreprise, des citoyens, et on a abordé ces questions. Et je vous le dis, pour être très concret, à Munich j'ai parlé avec des chefs d'entreprise, ils sont tout près de l'Italie, l'Italie est en crise aujourd'hui, crise politique, mais majeure, dont elle n'est pas sortie et qui a un impact aussi économique, c'est un pays qui est pourtant a des atouts formidables mais qui est en difficulté, et je leur disait, en parlant franchement : si la croissance est en berne visiblement en Italie, parce que c'est un pays dynamique, beaucoup de PME, un peu comme en Allemagne, mais qui aujourd'hui ont des problèmes de financement, des problèmes de trésorerie et donc il y a des chutes, des pertes d'entreprises, des pertes d'emplois, vous croyez que votre principal client régional va continuer à soutenir votre croissance ? J'avais à peine, parce que cette intervention se faisait en allemand, donc il y avait une facilité d'échanges, j'ai été interrompu par des applaudissements par les chefs d'entreprise qui étaient là, et pourtant je pense que la majorité d'entre eux ne sont pas Socialistes.
BERNARD GUETTA
Alors donc allez-y, ouvrez le débat publiquement.
JEAN-MARC AYRAULT
Mais le débat, Monsieur GUETTA, il n'a de sens que si on le pose dans de bons termes et pas en faisant croire que le peu de sérieux budgétaire français règlerait les problèmes, parce que c'est ça dont il est question, c'est que certains défendent l'idée que : il n'y a qu'à laisser filer le déficit en France et, comme ça, ça va repartir en Europe, c'est une vision je dirais du passé qui s'inscrit dans ce qu'on a connu dans le passé où il suffisait de dévaluer pour faire redémarrer, maintenant la France ne peut pas décider de dévaluer, ça n'existe pas, nous sommes dans la même zone ou dans la même monnaie. Donc, de toute façon, il faut qu'on parle ensemble. Donc, le sérieux budgétaire, c'est-à-dire le redressement de nos comptes publics avec les réformes que nous avons engagées c'est un atout pour la France pour se renforcer et pour discuter de façon plus crédible avec ses partenaires, parce qu'il faut d'abord commencer à balayer devant sa porte, ce n'est pas à Madame MERKEL à nous dire ce que nous avons à faire - elle ne nous le dit pas d'ailleurs ce n'est pas à la commission de nous imposer ce qu'on doit faire, ce n'est pas aux marchés financiers de nous imposer ce qu'on doit faire. Moi, je veux retrouver des marges de manoeuvre de souveraineté, mais par contre, effectivement, il y a un débat qui doit avoir lieu. Alors, il y a un double débat, à l'intérieur de l'Allemagne, ça, c'est la confrontation démocratique, les socio-démocrates disent : il faut plus de pouvoir d'achat, parce qu'on a beaucoup d'excédents, ça servira aux citoyens allemands, ça servira aux travailleurs allemands, mais ça servira aussi à la croissance en Europe. Ça, c'est une bonne question, les socio-démocrates ont raison
PATRICK COHEN
Et là, vous êtes en train de souhaiter la victoire des socio-démocrates en septembre
JEAN-MARC AYRAULT
Je trouve que le débat est bien posé : salaire minimum, enfin, tout ça est dans le débat. Et puis, deuxièmement, il faut que les Européens discutent, il y a un Conseil en juin, moi, je vais vous prendre un exemple concret, pour bien me faire comprendre
PATRICK COHEN
Très vite
JEAN-MARC AYRAULT
L'Europe n'a aucune ressource propre, c'est les contributions des Etats pour son budget et ses investissements. Moi, je souhaiterais qu'on utilise, parce que ça, c'est déjà une décision positive, la taxe sur les transactions financières, qui porte sur toutes les transactions au sein des onze pays qui l'ont adoptée, va rapporter des ressources, je souhaite que cette ressource soit affectée à l'Europe, et que, à partir de cette ressource, l'Europe décide et ça, c'est une discussion politique qu'il faut avoir, pas seulement avec les Allemands, avec tous de pouvoir emprunter, mais pas pour emprunter pour boucher les trous, pour investir dans la transition énergétique, la croissance verte, massivement, la recherche et l'innovation, et dans les grandes infrastructures. Ça, ça serait de la vraie croissance, qui profitera à la fois au nord et au sud, et à toute l'Europe. Parce que l'Europe, c'est le continent le plus riche du monde, c'est la puissance économique la plus grande, c'est la zone commerciale la plus grande, et on ne se sert pas de cet atout-là, eh bien, il faut s'en servir comme un levier. Donc d'un côté, sérieux budgétaire français, redressement de notre industrie, réformes qu'il faut pour sauver notre modèle social, et puis en même temps, eh bien, ça nous mettra dans une position plus forte. La France est un pays leader, c'est une nation qui pèse, elle intervient au Mali, plus elle sera forte économiquement, plus elle pèsera politiquement aussi au sein de l'Europe. Et la France est attendue. Et je suis convaincu que c'est cette voie qu'il faut continuer à emprunter. Mais je vous rappelle que le président de la République, que vous avez cité, Monsieur GUETTA, dès son élection, dès sa prise de fonction, le 15 mai, a commencé la discussion avec madame MERKEL. Il y a eu une avancée, qui est encore modeste, qui est le pacte de croissance que nous avons obtenu. Maintenant, il faut aller plus loin.
PATRICK COHEN
Un tout dernier mot, Jean-Marc AYRAULT, parce qu'on a parlé de l'économie de façon un peu abstraite, il y a hier 470 salariés qui ont perdu espoir
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, oui, bien sûr
PATRICK COHEN
PETROPLUS va cesser son activité, c'est encore un échec du gouvernement dans le domaine industriel.
JEAN-MARC AYRAULT
Ce n'est pas un échec du gouvernement, c'est une situation justement qui hérite d'une situation passée, on n'est pas à PETROPLUS par hasard, c'est tout le problème des raffineries. Ce problème a-t-il été traité par le passé ? Non, donc là, le gouvernement avait dit dès le départ, et aux salariés et aux représentants syndicaux qui ont été rencontrés régulièrement, d'ailleurs, aussi bien par mon cabinet qu'avec Arnaud MONTEBOURG, Michel SAPIN, mais aussi avec les députés, comme Guillaume BACHELAY, qui ont fait un travail formidable, et le message est très clair : on recherchera un repreneur jusqu'au bout, un repreneur crédible, et puis, si nécessaire, l'Etat interviendra pour compléter. Mais ce repreneur crédible, le tribunal de commerce, malheureusement, vient de le dire, il n'existe pas. Donc c'est tragique effectivement pour ceux qui sont directement concernés. Donc le gouvernement n'a pas laissé tomber les travailleurs de PETROPLUS, et il ne veut pas les laisser tomber maintenant pour autant, mais on est entré effectivement dans une nouvelle phase. Et moi, ce que je souhaite pour l'avenir, c'est qu'on anticipe les mutations industrielles, qu'on anticipe la réorganisation des filières industrielles, qu'on ne se laisse pas balloter, qu'on n'attende pas le dernier moment, et c'est ça la politique du gouvernement, donc sur l'ensemble de la politique industrielle, sur la manière de dialoguer avec les organisations syndicales, y compris l'accord qui a été signé, qui est actuellement transcrit au Parlement, eh bien, c'est un plus pour gérer à la fois les problèmes industriels, et aussi traiter les problèmes de l'emploi dans l'intérêt du travailleur.
PATRICK COHEN
Merci Jean-Marc AYRAULT d'être venu ce matin au micro de FRANCE INTER.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 avril 2013
Le Premier ministre est donc l'invité de FRANCE INTER ce matin. Bonjour Jean-Marc AYRAULT.
JEAN-MARC AYRAULT
Bonjour.
PATRICK COHEN
On va parler de la situation de l'économie, des finances publiques, des suites du scandale CAHUZAC, mais d'abord une question plus générale sur le climat actuel, si vous permettez, climat pourri par la crise dont on ne voit pas la sortie, le mensonge au plus haut niveau de l'Etat, la contestation dans la rue, la défiance à l'égard du pouvoir dans les enquêtes d'opinion, la déception de vos propres électeurs, les doutes ou les critiques de certains de vos ministres ou parlementaires. Est-ce que vous vous posez la question d'un changement de politique, de style, de méthode ou de rythme ?
JEAN-MARC AYRAULT
Vous savez, la France est engagée dans un mouvement qui est en train de se mettre en marche, je crois, qui est celui du redressement. Je suis, moi, à la tête du gouvernement, je suis à Matignon, Matignon, c'est PC opérationnel
PATRICK COHEN
La tour de contrôle
JEAN-MARC AYRAULT
24h sur 24. Et j'ai relevé ce défi du redressement, c'est un travail énorme, ça demande énormément de persuasion, de mobilisation, et c'est une conviction profonde que nous pouvons réussir.
PATRICK COHEN
Où voyez-vous les premiers signes du redressement, Jean-Marc AYRAULT ?
JEAN-MARC AYRAULT
Eh bien, je le vois parce que, figurez-vous que je suis peut-être à la tête d'un PC opérationnel, mais je suis aussi sur le terrain, il n'y a pas une semaine où je ne vais pas dans les différentes régions de France, on n'en parle pas beaucoup, ça reste souvent une information locale, je ne vous en fais pas le reproche, mais là, je vois les gens sur le terrain, je vois les chefs d'entreprise, je vois les salariés, les cadres, les ouvriers, les ingénieurs, je vois aussi les responsables des centres de recherche, je vois les élus locaux, je sens un potentiel qui est prêt à se mobiliser, à s'engager. Et c'est vrai que le gouvernement a engagé un certain nombre de réformes, je pense au pacte de compétitivité, je pense à la loi qui va être bientôt votée sur la réforme du marché du travail, la sécurisation de l'emploi ; pour que ça produise ses effets, il faut un peu de temps, mais si moi, à mon poste
PATRICK COHEN
On va en venir à l'économie
JEAN-MARC AYRAULT
Si moi, à mon poste, je n'y crois pas, j'hésite, comment voulez-vous que ça marche. Donc mon rôle, c'est de mobiliser d'abord les membres du gouvernement
PATRICK COHEN
Mais sur le climat
JEAN-MARC AYRAULT
Mais aussi de mobiliser les acteurs de la société
PATRICK COHEN
Climat actuel, sur le climat dans le pays, puisque vous êtes sur le terrain, Jean-Pierre RAFFARIN, votre prédécesseur, parlait ce matin d'une menace de chienlit dans le pays.
JEAN-MARC AYRAULT
Eh bien écoutez, je pense que quand on est un responsable politique comme l'est Jean-Pierre RAFFARIN, qui a été Premier ministre, comme moi, et qui sait très bien ce qu'est la difficulté de gouverner, qui sait très bien aussi ce qu'est parfois la fragilité de la France, ses hésitations, ses doutes, je pense qu'il est très important que ceux qui exercent des hautes responsabilités tiennent un langage de responsabilité et non pas d'accentuer le doute, le malaise, qui étreint parfois les Français qui pensent que la grande nation que nous sommes est en déclin, eh bien, moi, je le refuse le déclin de la France.
PATRICK COHEN
L'opposition contribue aux crispations d'aujourd'hui, Jean-Marc AYRAULT ?
JEAN-MARC AYRAULT
Je l'ai dit hier à l'Assemblée nationale, de façon posée, calme, je leur ai dit comme je l'avais dit samedi dernier déjà chacun a une part de responsabilité, quand on est républicain, de la cohésion nationale. Et ces jours-ci, il y a des manifestations qui contestent le projet de loi sur le mariage pour tous, elles ont le droit d'exister ces manifestations, nous sommes en République, mais les appels à la violence, les appels à la haine doivent être condamnés, et je le dis aux responsables politiques républicains de la droite, et je ne doute pas un instant que Jean-Pierre RAFFARIN en fasse partie, je leur dis : appelez, vous aussi au calme, c'est l'intérêt du pays, quand on a autant de défis à relever, celui du redressement de nos comptes publics, de notre économie, de notre industrie. Chaque jour, nous voyons qu'il y a encore beaucoup d'efforts à faire, en même temps, d'engager des réformes en profondeur, vous croyez que nous avons du temps à perdre pour nous diviser et nous déchirer, et laisser le pays s'entraîner dans des voies qui, de toute façon, n'ont aucune issue et qui ne peuvent que lui porter préjudice.
PATRICK COHEN
Mais quand on a autant de défis à relever, c'est important d'avoir la confiance des Français, Jean-Marc AYRAULT, elle vous fait défaut aujourd'hui
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, mais cette confiance, elle se mérite, elle se conquière chaque jour. Et je sais bien que les Français doutent, tenez, nous savons que nous avons une dette publique, et que cette dette publique nous pénalise, et je répondrai tout à l'heure, si vous voulez bien, à Bernard GUETTA, mais peut-être qu'il m'interrogera sur ce qu'il a dit, et qui est d'ailleurs un thème extrêmement intéressant et utile. Je vais vous dire que nous avons aussi des réformes à faire, mon objectif, celui du gouvernement, celui du président de la République, c'est : on part du réel, le réel, c'est une situation extrêmement dégradée depuis dix ans, nous sommes là depuis onze mois, en onze mois, je ne peux pas redresser ce qui s'est dégradé à ce point, sur le plan des finances publiques, sur le plan économique, sur le plan de nos services, notre organisation, et y compris, je dirais, le moral politique des Français. Et donc il faut beaucoup d'énergie pour ça. Mais c'est nécessaire, parce que ce qui est en jeu, c'est le redressement pour que la France redevienne leader en Europe, leader économique et politique, mais aussi de sauver notre modèle social républicain, et pour le sauver ; il ne suffit pas de faire de l'incantation, il faut le réformer. Donc ça demande du courage, ça demande, je dirais aussi du partage, et c'est pour ça que le gouvernement a adopté une méthode, qui n'est pas une méthode brutale, comme les gouvernements précédents, qui est une méthode de négociation, dont les fruits vont peu à peu se voir, parce que là, c'est la mort de madame THATCHER, c'est les cérémonies pour son décès
PATRICK COHEN
Aujourd'hui même
JEAN-MARC AYRAULT
A Londres, vous voyez bien qu'il y a une controverse, le pays, la Grande-Bretagne est divisée en deux. Mais moi, ce que je ne veux pas, c'est que justement, on utilise les méthodes des années 80, les méthodes THATCHER, REAGAN, qui avaient pour but de réformer, mais qui étaient tellement brutales, qui ont tellement tout cassé, que, elles ont laissé des traces, et elles laissent encore des traces, notamment dans ce qu'on appelle les marchés financiers qui ont été libéralisés à un tel point qu'ils sont devenus une industrie à part entière, dont sont victimes aujourd'hui beaucoup de pays.
PATRICK COHEN
Le réel, dites-vous, vous partez du réel, vous présentez aujourd'hui en Conseil des ministres le plan de stabilité, qui va donner la trajectoire économique de notre pays, de votre politique pour les prochaines années. Vos prévisions sont encore jugées trop optimistes, et par le FMI et par le Haut Conseil des Finances publiques, qui pensent que le pays pourrait être en récession cette année. Allez-vous tenir compte de ces avis, Jean-Marc AYRAULT ?
JEAN-MARC AYRAULT
Alors, d'abord, il faut regarder dans le détail ces appréciations, le Haut Conseil pour les Finances publiques, c'est le gouvernement actuel qui l'a mis en place, c'est un organe indépendant qui donne un avis indépendant
PATRICK COHEN
Présidé par
JEAN-MARC AYRAULT
On ne peut pas le soupçonner d'être partisan
PATRICK COHEN
Présidé par Didier MIGAUD, le président de la Cour des comptes
JEAN-MARC AYRAULT
Le premier président de la Cour des comptes, et d'autres personnalités indépendantes. Il donne un avis, et il estime qu'il peut y avoir des aléas, des aléas, ça veut dire que ça peut être à la baisse ou à la hausse, nos prévisions de croissance
PATRICK COHEN
Oui, mais il qualifie vos prévisions d'optimistes.
JEAN-MARC AYRAULT
Eh bien, elles sont surtout
PATRICK COHEN
Le mot figure dans l'avis
JEAN-MARC AYRAULT
Elles sont surtout, Monsieur COHEN, volontaristes, et moi, je ne me résigne pas à ce que les réformes que nous avons engagées, demain, ce soir déjà, je réunis la Conférence nationale de l'industrie, pour parler politique industrielle, demain, je réunis tous les ministres concernés avec Louis GALLOIS, pour faire le point sur la mise en oeuvre du pacte, que j'ai présenté le 6 novembre, à la suite de son rapport, sur la croissance et l'emploi. C'est très important ce que nous avons engagé, c'est des réformes en profondeur, il y a le crédit d'impôt, la baisse du coût du travail, mais il y a énormément d'autres choses. Et ça, ça va finir par porter ses fruits. Donc le choix du gouvernement, c'est de mener jusqu'au bout ces réformes, et qui finiront par avoir un impact sur la croissance économique, sinon, c'est à désespérer. Donc les estimations, aussi bien du Haut Conseil que du FMI, portent sur des aléas à la hausse ou à la baisse. Nous, nous avons pris une option volontariste, et en partant d'ailleurs pas de n'importe quoi, des prévisions de croissance de la Commission européenne elle-même.
PATRICK COHEN
Oui, enfin, ces deux organismes regardent tous les compteurs qui sont aujourd'hui au rouge, consommation, investissements des entreprises, il n'y a pas de moteur
JEAN-MARC AYRAULT
Comme vous aussi, vous lisez bien leur avis, vous voyez que le fait que la France soit engagée dans un processus de réformes n'est pas contesté. Il est même salué. Par contre, ce qui est observé, c'est qu'il y a des éléments qui ne dépendent pas de la France, qui dépendent effectivement de l'Europe, qui dépendent de la croissance mondiale, et c'est dans ce contexte que nous agissons. Mais il y a une chose que je ne veux pas faire, et que je redis ici, à FRANCE INTER, c'est une politique de réduction brutale des déficits, qui aurait pour but de créer les conditions d'une austérité, et la politique que je mène, celle de mon gouvernement, n'est pas une politique d'austérité, il ne faut pas je ne joue pas sur les mots. L'austérité, c'est ce qui se passe en Espagne, c'est ce qui se passe au Portugal, c'est ce qui se passe en Irlande, ce n'est pas la politique de la France
PATRICK COHEN
Alors, disons une politique de contraction budgétaire, pour reprendre un terme des économistes
JEAN-MARC AYRAULT
C'est une politique de sérieux budgétaire
PATRICK COHEN
Et dans la pratique, ce que soulignent la plupart des économistes, c'est que cette politique de contraction budgétaire empêche le désendettement, plus l'économie ralentit, moins il y a de rentrées d'argent, et plus les déficits se creusent. Malgré vos efforts, Jean-Marc AYRAULT, le déficit public en janvier-février est supérieur à ce qu'il était en 2012, vous avez vu ces chiffres
JEAN-MARC AYRAULT
Monsieur COHEN, est-ce que vous savez que les dépenses publiques de la France sous Jacques CHIRAC augmentaient de 2,3% par an, est-ce que vous savez que sous Nicolas SARKOZY, elles augmentaient de 1,7 par an, et qu'avec nous, elles augmentent en moyenne de 0 ,5 par an ; ça veut dire que c'est un effort. Est-ce que c'est un effort terrible ? La dépense publique est passée de autour de 53 je vais simplifier les chiffres % de la richesse nationale sous Nicolas SARKOZY, au début de son quinquennat, à presque 57 à la fin. Et est-ce que ça va mieux le pays ? Non. Qu'est-ce qui est le résultat de tout ça ? C'est la dette ! Et la dette, il faut bien la rembourser. Tous les ans, quel est le premier budget de la France, ce n'est pas le budget de l'Education ni de la Défense, c'est de rembourser les intérêts d'emprunts. Moi, pourquoi je veux réduire cette dette et ces déficits, non pas parce que je serais obsédé par des chiffres, que je serais obsédé par un pourcentage, c'est parce que je veux que mon pays retrouve sa souveraineté, son indépendance, la liberté d'action, ça n'est pas l'Europe ou ce n'est pas une institution extérieure, et ce n'est surtout pas les marchés financiers qui vont décider à la place de la France, et moi, je veux qu'on retrouve des marges de manoeuvre pour investir dans l'Education, la formation, dans la politique de l'emploi, dans la politique industrielle, dans la transition énergétique, et ainsi dans la préparation de l'avenir, notamment dans tout ce qui va sur le plan de la recherche, de l'innovation, nous mettre en situation de redevenir leader en Europe. Vous savez que ça ne s'improvise pas cette chose-là
PATRICK COHEN
Jusque dans votre propre camp
JEAN-MARC AYRAULT
Parce que dix ans de déclin, ça coûte cher, et moi, je voudrais que les Français retrouvent confiance en eux. D'ailleurs, je vais donner un dernier chiffre, ce n'est même pas un chiffre que je vais donner, c'est qu'il y a beaucoup de pays autour de nous qui ont un gros problème, qui n'ont pas qu'un problème de dette publique, qui ont un problème de dette privée, nous, ça n'est pas le cas, donc c'est une chance ! Nous avons une épargne française qui est l'une des plus élevées au monde, et qui n'est pas utilisée. Il y a une part de précaution pour l'avenir, pour préparer sa retraite, mais il n'y a pas que ça, il y a aussi parce qu'il y a une crainte. Et moi, je voudrais que, par l'action que nous menons, créer à nouveau de la confiance pour que cette épargne aille à la fois vers la consommation, mais aille aussi vers l'investissement, et pour ça, il y a deux projets de réforme qui sont engagés, un projet de loi avec Benoît HAMON sur la consommation, et avec Pierre MOSCOVICI, sur l'investissement, c'est-à-dire notamment l'épargne longue des assurances-vie qui doit aller vers l'investissement productif. Voyez, on engage des réformes, elles n'ont pas un effet immédiat, parce que ce sont des réformes en profondeur, mais elles sont utiles au redressement du pays.
PATRICK COHEN
On va revenir sur les questions économiques dans la deuxième partie de cette interview, Jean-Marc AYRAULT, avec des questions précises qui vous seront posées sur le budget l'an prochain, et la hausse de la pression fiscale à nouveau. L'affaire CAHUZAC, avez-vous vu ou entendu votre ancien ministre du Budget hier soir ?
JEAN-MARC AYRAULT
Je l'ai vu, je n'ai pas regardé jusqu'au bout
PATRICK COHEN
Vous n'avez pas regardé jusqu'au bout ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non, j'ai trouvé qu'il y avait un côté un peu pathétique de quelqu'un qui a confirmé qu'il avait menti, et qu'il avait gravement menti, pas seulement au président de la République et au Premier ministre, mais menti devant la représentation nationale, menti aux Français, et c'est une faute extrêmement grave. Et maintenant, il est face, non seulement à sa conscience, mais il est face à la justice, et donc c'est une grave faute qui a été faite contre l'Etat et contre les valeurs de la République. Elle devra être réparée, mais ce n'est que la justice qui pourra en décider
PATRICK COHEN
Hier soir, il était face à l'opinion publique, l'avez-vous trouvé sincère dans son expression ?
JEAN-MARC AYRAULT
Moi, je ne sais pas, ce n'est pas la question, la question, c'est que, comme d'autres, j'ai été trompé. Et je repasse en boucle toujours ces images quand on m'interroge là-dessus, et tout évidemment en revenant à l'essentiel, c'est-à-dire ce que je vous ai dit avant, c'est-à-dire les problèmes des Français, les problèmes de la France, l'économie, du travail, de l'emploi, de l'Education. Je repasse en boucle ces images où un ministre de la République, interrogé par un député de l'opposition, le lendemain de l'article de MEDIAPART dit : non, je n'ai pas, je n'ai jamais eu de compte à l'étranger, il le dit devant la représentation nationale, dans le lieu solennel qu'est la représentation nationale, comment ne pas croire sa sincérité, et en même temps, quel choc quand vous constatez que vous avez été trompé.
PATRICK COHEN
Comment interpréter cette phrase de Jérôme CAHUZAC : j'ignore quel était le niveau de connaissance du président de la République ?
JEAN-MARC AYRAULT
Je n'ai aucune interprétation à avoir, parce que je peux vous dire que le président de la République n'avait pas d'information.
PATRICK COHEN
Aucune ?
JEAN-MARC AYRAULT
S'il avait eu des informations, Monsieur COHEN, vous imaginez un instant que moi-même, j'en aurais eu, qu'il aurait été nommé ministre du Budget, évidemment qu'il ne l'aurait jamais été ! Et si nous avions eu des informations qu'il avait effectivement un compte à l'étranger, avant que s'ouvre l'enquête judiciaire, vous croyez que nous n'aurions rien fait, il serait parti immédiatement du gouvernement. D'ailleurs, je vous rappelle que, heureusement, dans notre pays, il existe maintenant une justice que l'on respecte, qu'on respecte dans son travail, enquête préliminaire, et aussitôt que le procureur considère qu'il y a des faits graves et concordants, il ouvre une information judiciaire contre X, on a supposé que ça pouvait viser Jérôme CAHUZAC, c'était l'évidence, tout de suite, il est partout du gouvernement, voilà la réalité, c'est que, aujourd'hui, dans notre pays, et j'aimerais que de temps en temps, vous le reconnaissiez, parce que, à force de dire que tout va mal, que tout va mal, mais, nous sommes engagés dans un processus de modernisation de notre vie publique. La question de la transparence, le gouvernement a rendu public son patrimoine
PATRICK COHEN
On va en parler
JEAN-MARC AYRAULT
Demain, il y aura d'autres mesures concernant les parlementaires, et puis, des luttes contre la fraude, contre les paradis fiscaux. Notre pays aussi réforme ses institutions. Là, le précédent quinquennat, il y avait un pouvoir qui intervenait sur la presse, là, elle n'est pas intervenue. Il y avait un pouvoir qui intervenait dans les affaires de justice, il n'est pas intervenu, parce que c'est notre conception de la République exemplaire, ce qui a fait que l'affaire CAHUZAC a pu aller vite en terme d'action judiciaire, c'est parce que nous n'avons pas utilisé les méthodes du passé pour essayer de protéger un ami, où on utilisait notamment les moyens parallèles, l'affaire des « Fadettes », vous vous en souvenez certainement, c'était quel pouvoir ? C'était le précédent. Aujourd'hui, la page est tournée.
PATRICK COHEN
Jérôme CAHUZAC a pris une sage décision de quitter la politique, Jean-Marc AYRAULT ?
JEAN-MARC AYRAULT
Pardon ?
PATRICK COHEN
Est-ce qu'il a pris une sage décision
JEAN-MARC AYRAULT
Je dis pardon, parce que
PATRICK COHEN
Quand il a annoncé qu'il quittait la politique ?
JEAN-MARC AYRAULT
Parce que c'est tellement une évidence, que par respect des Français, il ne revienne pas à l'Assemblée nationale, je lui avais dit dès le premier jour, que je trouve même presque indécent qu'on ait organisé un feuilleton, je ne sais pas qui l'a organisé d'ailleurs, il y a comme une espèce d'opération de com. dans tout ça, et qui me choque, on n'est pas en Amérique, on est en France. Je pense que si dès le départ, il y avait eu un peu de décence, la question ne se serait jamais posée.
PATRICK COHEN
Quelle est votre part d'ombre à vous, Jean-Marc AYRAULT, puisque d'après Jérôme CAHUZAC, chacun a sa part d'ombre ?
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, oh, je pourrais vous poser la question, Monsieur COHEN, quelle est votre part d'ombre ?
PATRICK COHEN
Je ne suis pas un homme public, en tout cas, pas un élu
JEAN-MARC AYRAULT
Non, mais vous êtes un journaliste, donc comment ne pas pourquoi cacher à tous ceux qui vous écoutent tous les matins que vous avez aussi une part d'ombre, j'espère que vous n'en avez pas. Moi, je vais vous dire ma part d'ombre, si vous voulez, je vous invite à la voir, c'est mon combi VOLKSWAGEN, on pourrait faire un tour ensemble
PATRICK COHEN
Ah oui, non, mais il est sous la lumière depuis un petit moment votre
JEAN-MARC AYRAULT
Voilà, eh bien, voilà
PATRICK COHEN
A 1.000 euros ou 1.000 francs, je ne sais plus ?
JEAN-MARC AYRAULT
Mais il a surtout une valeur symbolique, et surtout sentimentale, et je le garde, parce que quand je pourrai, je l'utiliserai.
PATRICK COHEN
Prenez-en soin. Jean-Marc AYRAULT avec nous jusqu'à 08h55. On vous retrouve dans quelques minutes après « La revue de presse » et avec les questions des auditeurs de FRANCE INTER.
[Deuxième partie]
PATRICK COHEN
Jean-Marc AYRAULT est notre invité ce matin, le Premier ministre avec nous jusqu'à 8 h 55. Avant d'aller au standard d'INTER, je poursuis sur les suites de l'affaire CAHUZAC, l'opération « transparence » Monsieur AYRAULT, le déballage public du patrimoine de vos ministres, c'était vraiment indispensable ?
JEAN-MARC AYRAULT
Je pense que, dans peut-être 2 3 ans, vous n'en parlerez plus dans vos chroniques parce que ça sera devenu quelque chose de parfaitement habituelle et ça se passe d'ailleurs dans beaucoup de démocraties. Et pourquoi est-ce que la France n'engagerait pas encore plus ce travail de transparence ? Moi je pense que ça ne peut que rendre service et aider, ça ne règle pas tout, mais ça peut aider à la confiance qui est nécessaire dans une démocratie. Donc, le projet de loi sur la
PATRICK COHEN
Le premier effet ce n'est pas forcément la confiance, le premier effet c'était les palmarès, les hit-parades
JEAN-MARC AYRAULT
Oui ! Mais ça c'est vous qui les faites.
PATRICK COHEN
Les plus pauvres, les plus riches
JEAN-MARC AYRAULT
C'est vous qui les faites. Simplement il y a eu un intérêt
PATRICK COHEN
Et la curiosité du public ?
JEAN-MARC AYRAULT
Mais bien sûr ! C'est normal, moi j'ai déjà publié plusieurs fois mon patrimoine, la presse locale l'avait, même des magazines nationaux, je l'ai fait sans hésiter - et mon patrimoine commun avec ma femme puisque nous sommes mariés sous le régime de la communauté - et je crois que c'est et c'est révélateur, qu'il y a eu 1.400.000 consultations sur le site de Matignon...
PATRICK COHEN
Oui ! Mais ça n'est pas une preuve de vertu.
JEAN-MARC AYRAULT
Mais ce n'est pas la question de vertu.
PATRICK COHEN
Vous auriez mis des filles nues sur votre site, vous auriez eu beaucoup de visiteurs aussi, Jean-Marc AYRAULT ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non ! Mais, Monsieur COHEN soyez un petit peu sérieux de temps en temps, ne prenez pas les choses à la légère, c'est une affaire sérieuse. Le projet de loi sur la transparence sera présenté le 24 au conseil des ministres, donc ça concernera les parlementaires, les grands élus, mais ce n'est pas seulement de publier, c'est qu'on va mettre en place (et c'est réclamé depuis longtemps) une Haute autorité qui contrôlera la véracité des déclarations - parce que c'est ça la question, qui est principale, il n'y a pas que la publication et ce Haut conseil fera suite à la Commission pour la transparence de la vie publique, de la vie politique, qui est également présidée par le vice-président du Conseil d'Etat et qui disposera de moyens d'investigation, le rapport annuel le réclame tous les ans parce qu'on n'a pas les moyens de vérifier. Donc il y aura des moyens d'investigation et cette Haute autorité pourra faire appel aux services fiscaux, sous son autorité, pour faire les enquêtes nécessaires. Et puis s'agissant de l'autre volet, qui ne concerne pas que les élus bien sûr, c'est la question de la fraude et puis de la lutte contre les paradis fiscaux, c'est au coeur du projet. Sagissant de la fraude fiscale, nous avons déjà engagé un travail très important, en 2012 l'action des services
PATRICK COHEN
Et sous la houlette de Jérôme CAHUZAC !
JEAN-MARC AYRAULT
De l'Etat, des services de l'Etat, ce n'est pas Jérôme CAHUZAC qui faisait les contrôles fiscaux, ce sont des fonctionnaires
PATRICK COHEN
Oui ! Il dirigeait l'administration Jérôme CAHUZAC.
JEAN-MARC AYRAULT
Je voudrais aussi leur rendre hommage et ils font leur travail de façon indépendante et pas sur ils font des instructions générales mais pas les instructions individuelles, eh bien ça a rapporté 18 milliards d'euros cette lutte contre la fraude, et je pense qu'on peut rapporter beaucoup plus que ça. Et puis les choses sont en train de bouger partout, notamment Pierre MOSCOVICI qui était à Dublin la semaine dernière a obtenu l'accord que pour les principaux gouvernements d'Europe il y ait une automaticité des renseignements sur les comptes détenus à l'étranger, parce que ça c'est très important, sinon avec les systèmes opaques de spécialistes, d'avocats d'affaires, de fiscalistes qui montent des dossiers très compliqués, c'est très difficile de lutter contre la fraude fiscale. Donc, la fraude fiscale il faut la combattre à l'intérieur, il faut la combattre aussi à l'extérieur. Et puis au-delà, eh bien il y a le chantier énorme des paradis fiscaux, parce que c'est des dizaines et des dizaines de milliards de dollars, qui permettent de spéculer, d'échapper à l'impôt et qui déstabilisent les états et que, s'ils étaient traités, ces questions étaient traitées, je pense que l'économie mondiale se porterait mieux.
PATRICK COHEN
Sur ces dossiers, des questions des auditeurs de FRANCE INTER. Christophe qui nous appelle du Beaujolais, c'est ce qu'il y a sur ma fiche, bonjour Christophe.
CHRISTOPHE, AUDITEUR DU BEAUJOLAIS
Bonjour
PATRICK COHEN
Nous vous écoutons.
CHRISTOPHE
Bonjour à tous, bonjour à Monsieur le Premier ministre.
JEAN-MARC AYRAULT
Bonjour.
CHRISTOPHE
Je voulais simplement vous parce que vous parlez de transparence et de moralisation, mais ne serait-il pas plus simple de commencer par voter le non cumul des mandats promis par François HOLLANDE, parce que et avant les Municipales de 2014, parce que là les gens ne vont plus savoir pour qui voter et ils vont se reporter vers les extrêmes et ses et, tant que vous y êtes, ça serait peut-être pas mal aussi d'arrêter les réserves parlementaires ?
PATRICK COHEN
Merci Christophe pour ces questions ! Jean-Marc AYRAULT.
JEAN-MARC AYRAULT
Eh bien vous avez tout à fait raison ! C'est pourquoi le gouvernement a déjà adopté son projet de loi pour interdire le cumul d'un mandat parlementaire avec un mandat d'exécutif local et qui sera voté avant l'été
PATRICK COHEN
Pour application en 2017 !
JEAN-MARC AYRAULT
Mais
PATRICK COHEN
Non ! Mais la question de l'auditeur c'était pourquoi ne pas le faire tout de suite ?
JEAN-MARC AYRAULT
J'ai bien compris ! J'ai bien compris. Mais vous savez c'est un serpent de mer, il y a tellement de serpents de mer en France, il faut faire telle réforme, telle réforme, telle réforme et puis les gouvernements arrivent et puis les gouvernements passent et on ne le fait pas, ce gouvernement, ce président de la République François HOLLANDE auront eu l'honneur de respecter leurs engagements. Pendant cette législature, pendant cette législature, avant l'été, la réforme qui consistera à supprimer le cumul d'un mandat parlementaire avec un mandat exécutif local sera votée, je suis sûr qu'elle sera largement votée. Ca, c'est une réforme. Après, il a parlé de la transparence, je suis sûr aussi que les parlementaires n'hésiteront pas et qu'ils la voteront parce que c'est l'attente républicaine, c'est l'attente des citoyens, donc c'est la contribution à cette République exemplaire, cette République de la transparence, cette République de la confiance que nous sommes en train d'engager.
PATRICK COHEN
Une question de Marc FAUVELLE là-dessus ?
MARC FAUVELLE
Oui ! Pour reprendre la question de notre auditeur sur la réserve parlementaire, on rappelle 150 millions à disposition des députés et sénateurs qui peuvent la redistribuer dans leurs circonscriptions, système opaque et inégalitaire, ce n'est pas moi qui le dit, c'est René DOSIERE, le Socialiste.
JEAN-MARC AYRAULT
Oui ! Oui, je connais bien
PATRICK COHEN
150.000, pas 150 millions.
JEAN-MARC AYRAULT
Je connais bien René DOSIERE et je connais aussi ses livres. Ce que je sais c'est que les 2 assemblées, le Sénat et l'Assemblée nationale, ont déjà réformé les règles de la réserve parlementaires et je crois comprendre que les présidents des 2 chambres sont prêts à faire encore d'autres propositions. Mais là je voudrais quand même aussi que chacun fasse le travail qui est le sien, la réserve parlementaire c'est aux assemblées d'en décider et elles ont déjà pris les décisions concernant les différents modes de rémunération, de retraite, je pense qu'il n'y a pas de raison de ne pas faire confiance aux 2 assemblées pour améliorer encore ce qui a été engagé.
PATRICK COHEN
Sur des questions de lutte contre la fraude et de transparence, Agnès nous appelle de Bourgogne, bonjour Agnès.
AGNES, AUDITRICE DE BOURGOGNE
Bonjour.
PATRICK COHEN
Nous vous écoutons.
AGNES
Alors bonjour Monsieur le Premier ministre.
JEAN-MARC AYRAULT
Oui ! Bonjour madame.
AGNES
Je voulais vous demander qu'est-ce que concrètement votre gouvernement compte engager comme mesure ou comme loi - je ne sais pas - pour poursuivre les banques françaises qui détiennent quand même notre argent et dont on a constaté qu'ils étaient largement actionnaires dans les paradis fiscaux, parce que là les Français s'inquiètent beaucoup quand même, on a beaucoup, beaucoup de frais bancaires, il y a des organismes qui créent des nouvelles monnaies - le bit je ne sais pas quoi là et on cherche à échapper quand même à cette toute puissance des banques ?
JEAN-MARC AYRAULT
Oui ! Absolument, mais vous avez raison. C'est ce que le projet de loi qui va être adopté la semaine prochaine va traiter, traiter à la fois de la transparence je viens d'en parler et du contrôle de ce que les élus possèdent, et de leur patrimoine (mais ça c'est le volet transparence) et puis il y a aussi tout un autre volet, un des autres chapitres de ce projet de loi, c'est la lutte contre la fraude et la lutte contre la fraude et des paradis fiscaux. Déjà nous savons que les banques, nous l'avons déjà décidé dans la loi bancaire qui est en cours de vote, que les banques devront donner toutes les informations sur les avoirs détenus à l'étranger, les comptes, etc., enfin toutes leurs activités à l'étranger
PATRICK COHEN
Il y aura une obligation d'informer ! Mais, dans le programme de François HOLLANDE, il y avait l'interdiction pour une banque française de détenir une filiale dans un paradis fiscal Jean-Marc AYRAULT ?
JEAN-MARC AYRAULT
Mais là nous allons franchir une nouvelle étape, mais cette nouvelle étape on ne la franchira pas tout seul.
PATRICK COHEN
Qui n'ira pas jusqu'à la promesse initiale de François HOLLANDE ?
JEAN-MARC AYRAULT
Mais la promesse Vous savez la finance, sans nom et sans visage, c'est celle des paradis fiscaux, c'est celle-là que nous voulons combattre. J'ai parlé des années THATCHER REAGAN tout à l'heure, il faut tourner cette page, on la tournera si tout le monde s'y met. Déjà, je vous l'ai dit, les Européens sont en train d'avancer, c'est une la Suisse, qui jusqu'à présent disait sujet tabou, est en train de bouger, parce que rien n'est on ne peut plus rester comme ça, les citoyens de tous nos pays n'en peuvent plus, ils n'en peuvent plus non plus des rémunérations énormes. Vous voyez les citoyens Suisses ont voté pour toute la Suisse pour les plafonner Bon ! Nous allons le faire aussi en France ; la taxe à 75%, c'est la rémunération de plus de 1 million dans les entreprises, payée par les entreprises, je peux vous dire qu'elle va avoir un effet régulateur, il faut à la fois la transparence pour les responsables politiques mais il faut aussi la transparence pour les dirigeants des entreprises et, donc, les actionnaires ne manqueront pas de le rappeler. Les peuples attendent la confiance, la confiance elle passe par effectivement plus de contrôles et ça vaut pour les paradis fiscaux.
PATRICK COHEN
Alors
JEAN-MARC AYRAULT
Il y a une réunion cette semaine du G20
PATRICK COHEN
Oui !
JEAN-MARC AYRAULT
Pierre MOSCOVICI représente la France, il va faire des propositions qui seront audacieuses et je ne pense pas qu'on sera isolés. Est-ce que vous savez par exemple que le Président des Etats-Unis Barack OBAMA lorsqu'il était sénateur a déposé régulièrement des propositions de loi pour lutter contre les paradis fiscaux ? Donc, on a des alliés. Mais parce que les citoyens le demandent, mais la puissance de l'argent est telle et François HOLLANDE l'avait bien dénoncée au Bourget elle reste là et il faut continuer à la combattre. Et au sein de l'Union européenne d'abord, je prends un pays comme l'Autriche
PATRICK COHEN
Oui !
JEAN-MARC AYRAULT
Qui ne veut pas qu'on touche à son secret bancaire, eh bien écoutez l'Autriche ne pourra pas tenir sur cette position, c'est un pays ami, je connais son Chancelier, je lui ai déjà dit, eh bien je suis sûr que les choses changeront là aussi.
PATRICK COHEN
Je poursuis, Jean-Marc AYRAULT, sur les questions fiscales et je reviens au plan de stabilité que vous présenterez tout à l'heure devant le conseil des ministres. On nous avait promis, vous nous aviez promis la stabilité fiscale en 2014 et l'on découvre, à la faveur des informations qui sont parues ces derniers jours, qu'il y aura 10 milliards d'impôts et de cotisations en plus l'an prochain avec au total une pression fiscale, des impôts qui vont battre tous les records.
JEAN-MARC AYRAULT
Non ! Non. Je pense que ce qui a été annoncé, le Président de la République l'a dit l'autre jour, ça déjà été annoncé, c'est la hausse de la TVA, vous le savez ?
PATRICK COHEN
Oui !
JEAN-MARC AYRAULT
Ca, ce n'est pas nouveau.
PATRICK COHEN
Eh bien ce n'est pas nouveau, mais ça
JEAN-MARC AYRAULT
Donc, il ne faut pas feindre de le découvrir.
PATRICK COHEN
Ca a déjà
JEAN-MARC AYRAULT
Après
PATRICK COHEN
Oui !
JEAN-MARC AYRAULT
Après
PATRICK COHEN
Il y a la hausse de la TVA et puis, et puis
JEAN-MARC AYRAULT
Après il y a un certain nombre
PATRICK COHEN
Il manque 4 ou 6 milliards en plus à trouver d'impôts
JEAN-MARC AYRAULT
Oui ! Mais
PATRICK COHEN
D'autres impôts ?
JEAN-MARC AYRAULT
Vous savez bien que
MARC FONTELLE
Il n'y a pas de taxe écologique ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non ! Il n'y a pas de taxe écologique de prévue en 2014.
PATRICK COHEN
Dégressivité des allocations familiales éventuellement ?
JEAN-MARC AYRAULT
Ah ! Eh bien ça c'est ce qui a déjà été décidé, que tout le monde sait -et ça fait partie des prélèvements que vous évoquez il y a eu notamment la négociation entre les partenaires, ce n'est pas le gouvernement, c'est entre les partenaires sociaux, qui pour sauver le régime de retraite complémentaire ont décidé une augmentation de cotisations, donc ça fait partie des prélèvements que vous évoquez. Et Voilà ! Et après
PATRICK COHEN
Et il faudra trouver d'autres ressources ?
JEAN-MARC AYRAULT
Ecoutez ! La fiscalité des ménages je l'ai évoquée, je le dis elle a déjà été annoncée, ce n'est pas une surprise, elle concerne la TVA.
PHILIPPE LEFEBURE
Rien sur les prélèvements sociaux, sur les retraites notamment, on ne va pas vers une augmentation des cotisations retraite pour les salariés ?
JEAN-MARC AYRAULT
Eh bien il y a celle des retraites complémentaires dont j'ai parlée !
PHILIPPE LEFEBURE
Oui !
JEAN-MARC AYRAULT
Mais sur le reste, que ce soit sur la politique familiale ou que ce soit sur la politique concernant le régime général des retraites, vous savez que pour le régime général des retraites - où il y aura à l'horizon 2020 un problème de déficit il y aura des discussions avec les partenaires sociaux qui vont commencer à partir du mois de juin, parce que le rapport avec les différents scénarios pour résoudre ce problème sera présenté au gouvernement fin juin ou début juin et, ensuite, nous commencerons les discussions avec les partenaires, ça sera dailleurs l'un des thèmes de la future Conférence sociale de l'été prochain. Donc, vous voyez, tout sera mis sur la table. Mais les décisions ne seront pas forcément prises dans l'immédiat, il faut qu'on puisse arriver à un consensus, un accord, je crois que tout le monde est conscient qu'il faut sauver les retraites. Il y a une chose que je peux vous dire, là, au moment où je m'exprime, c'est qu'il n'est pas question d'appauvrir les retraités et qu'il n'est pas question non plus d'abandonner les jeunes qui aujourd'hui travaillent et qui n'auront pas demain de retraite si on ne s'en donne pas les moyens, donc il faut trouver la solution. Mais il y a un problème ! Quel est le problème ? Mais qui est en même temps une chance, c'est que nous avons une durée de la vie qui augmente et, comme elle augmente, eh bien les salariés qui arrivent à la retraite, les gens qui arrivent à la retraite, vont vivre plus longtemps à la retraite, donc vous n'avez pas besoin d'avoir fait Polytechnique pour comprendre qu'il y a un problème de déséquilibre, donc il faut trouver la réponse ensemble. Mais comme je vous l'ai dit au début de cette émission, mon but c'est de sauver le modèle social français en le réformant, et là cela se fait par le dialogue et la négociation. C'est la même chose pour la politique familiale, la politique familiale c'est un des acquis de la France, c'est à la fois les allocations familiales, c'est les aides aux jeunes enfants, c'est la garde dans les crèches, c'est aussi l'école maternelle de 2 à 3 ans, tout ça c'est un des acquis de la France, on ne va pas l'abandonner.
PHILIPPE LEFEBURE
Est-ce que vous avez fixé le seuil ? Est-ce que vous avez fixé le seuil au-dessus duquel les familles
JEAN-MARC AYRAULT
Non ! Non, mais
PHILIPPE LEFEBURE
Paieront ou perdront les allocations familiales
JEAN-MARC AYRAULT
Nous avons Oh ! Ca sera
PHILIPPE LEFEBURE
5.000 7.000 euros par mois, c'est les pistes avancées ?
JEAN-MARC AYRAULT
Ca sera pour les plus hauts revenus autour de 15% des gens concernés, mais on gardera l'universalité des allocations familiales, c'est-à-dire que tout le monde percevra des allocations familiales, mais à partir d'un certain niveau de salaire ou de revenu plutôt
PHILIPPE LEFEBURE
Par mois ça sera combien alors, Monsieur le Premier ministre ?
JEAN-MARC AYRAULT
Eh bien ce sera ce sera progressif. Cette affaire n'est pas tranchée puisque je dois dans les prochaines semaines me rendre devant le Haut conseil où tous les partenaires autour de la table pourront en débattre avec moi.
PATRICK COHEN
Question de Bernard GUETTA !
BERNARD GUETTA
Oui ! Donc pourquoi ne pas ouvrir non plus seulement à huis-clos, dans le tête à tête entre Monsieur HOLLANDE et Madame MERKEL, pourquoi ne pas ouvrir publiquement le débat avec la Chancelière allemande sur la politique à mener, économique, à mener aujourd'hui en Europe et sur les dangers de cette politique d'austérité ?
JEAN-MARC AYRAULT
Vous savez d'abord il y a en ce moment, il y a - vous l'avez évoqué vous-même il y a un débat qui est très intéressant en Allemagne puisque c'est le débat des élections au Parlement
BERNARD GUETTA
Tout à fait !
JEAN-MARC AYRAULT
Qui aura lieu en septembre. J'étais à Munich il y a très de temps, il y a quelques jours, c'était d'ailleurs très intéressant, j'ai rencontré énormément de monde, de gens de droite, des gens de gauche, et aussi des chefs d'entreprise, des citoyens, et on a abordé ces questions. Et je vous le dis, pour être très concret, à Munich j'ai parlé avec des chefs d'entreprise, ils sont tout près de l'Italie, l'Italie est en crise aujourd'hui, crise politique, mais majeure, dont elle n'est pas sortie et qui a un impact aussi économique, c'est un pays qui est pourtant a des atouts formidables mais qui est en difficulté, et je leur disait, en parlant franchement : si la croissance est en berne visiblement en Italie, parce que c'est un pays dynamique, beaucoup de PME, un peu comme en Allemagne, mais qui aujourd'hui ont des problèmes de financement, des problèmes de trésorerie et donc il y a des chutes, des pertes d'entreprises, des pertes d'emplois, vous croyez que votre principal client régional va continuer à soutenir votre croissance ? J'avais à peine, parce que cette intervention se faisait en allemand, donc il y avait une facilité d'échanges, j'ai été interrompu par des applaudissements par les chefs d'entreprise qui étaient là, et pourtant je pense que la majorité d'entre eux ne sont pas Socialistes.
BERNARD GUETTA
Alors donc allez-y, ouvrez le débat publiquement.
JEAN-MARC AYRAULT
Mais le débat, Monsieur GUETTA, il n'a de sens que si on le pose dans de bons termes et pas en faisant croire que le peu de sérieux budgétaire français règlerait les problèmes, parce que c'est ça dont il est question, c'est que certains défendent l'idée que : il n'y a qu'à laisser filer le déficit en France et, comme ça, ça va repartir en Europe, c'est une vision je dirais du passé qui s'inscrit dans ce qu'on a connu dans le passé où il suffisait de dévaluer pour faire redémarrer, maintenant la France ne peut pas décider de dévaluer, ça n'existe pas, nous sommes dans la même zone ou dans la même monnaie. Donc, de toute façon, il faut qu'on parle ensemble. Donc, le sérieux budgétaire, c'est-à-dire le redressement de nos comptes publics avec les réformes que nous avons engagées c'est un atout pour la France pour se renforcer et pour discuter de façon plus crédible avec ses partenaires, parce qu'il faut d'abord commencer à balayer devant sa porte, ce n'est pas à Madame MERKEL à nous dire ce que nous avons à faire - elle ne nous le dit pas d'ailleurs ce n'est pas à la commission de nous imposer ce qu'on doit faire, ce n'est pas aux marchés financiers de nous imposer ce qu'on doit faire. Moi, je veux retrouver des marges de manoeuvre de souveraineté, mais par contre, effectivement, il y a un débat qui doit avoir lieu. Alors, il y a un double débat, à l'intérieur de l'Allemagne, ça, c'est la confrontation démocratique, les socio-démocrates disent : il faut plus de pouvoir d'achat, parce qu'on a beaucoup d'excédents, ça servira aux citoyens allemands, ça servira aux travailleurs allemands, mais ça servira aussi à la croissance en Europe. Ça, c'est une bonne question, les socio-démocrates ont raison
PATRICK COHEN
Et là, vous êtes en train de souhaiter la victoire des socio-démocrates en septembre
JEAN-MARC AYRAULT
Je trouve que le débat est bien posé : salaire minimum, enfin, tout ça est dans le débat. Et puis, deuxièmement, il faut que les Européens discutent, il y a un Conseil en juin, moi, je vais vous prendre un exemple concret, pour bien me faire comprendre
PATRICK COHEN
Très vite
JEAN-MARC AYRAULT
L'Europe n'a aucune ressource propre, c'est les contributions des Etats pour son budget et ses investissements. Moi, je souhaiterais qu'on utilise, parce que ça, c'est déjà une décision positive, la taxe sur les transactions financières, qui porte sur toutes les transactions au sein des onze pays qui l'ont adoptée, va rapporter des ressources, je souhaite que cette ressource soit affectée à l'Europe, et que, à partir de cette ressource, l'Europe décide et ça, c'est une discussion politique qu'il faut avoir, pas seulement avec les Allemands, avec tous de pouvoir emprunter, mais pas pour emprunter pour boucher les trous, pour investir dans la transition énergétique, la croissance verte, massivement, la recherche et l'innovation, et dans les grandes infrastructures. Ça, ça serait de la vraie croissance, qui profitera à la fois au nord et au sud, et à toute l'Europe. Parce que l'Europe, c'est le continent le plus riche du monde, c'est la puissance économique la plus grande, c'est la zone commerciale la plus grande, et on ne se sert pas de cet atout-là, eh bien, il faut s'en servir comme un levier. Donc d'un côté, sérieux budgétaire français, redressement de notre industrie, réformes qu'il faut pour sauver notre modèle social, et puis en même temps, eh bien, ça nous mettra dans une position plus forte. La France est un pays leader, c'est une nation qui pèse, elle intervient au Mali, plus elle sera forte économiquement, plus elle pèsera politiquement aussi au sein de l'Europe. Et la France est attendue. Et je suis convaincu que c'est cette voie qu'il faut continuer à emprunter. Mais je vous rappelle que le président de la République, que vous avez cité, Monsieur GUETTA, dès son élection, dès sa prise de fonction, le 15 mai, a commencé la discussion avec madame MERKEL. Il y a eu une avancée, qui est encore modeste, qui est le pacte de croissance que nous avons obtenu. Maintenant, il faut aller plus loin.
PATRICK COHEN
Un tout dernier mot, Jean-Marc AYRAULT, parce qu'on a parlé de l'économie de façon un peu abstraite, il y a hier 470 salariés qui ont perdu espoir
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, oui, bien sûr
PATRICK COHEN
PETROPLUS va cesser son activité, c'est encore un échec du gouvernement dans le domaine industriel.
JEAN-MARC AYRAULT
Ce n'est pas un échec du gouvernement, c'est une situation justement qui hérite d'une situation passée, on n'est pas à PETROPLUS par hasard, c'est tout le problème des raffineries. Ce problème a-t-il été traité par le passé ? Non, donc là, le gouvernement avait dit dès le départ, et aux salariés et aux représentants syndicaux qui ont été rencontrés régulièrement, d'ailleurs, aussi bien par mon cabinet qu'avec Arnaud MONTEBOURG, Michel SAPIN, mais aussi avec les députés, comme Guillaume BACHELAY, qui ont fait un travail formidable, et le message est très clair : on recherchera un repreneur jusqu'au bout, un repreneur crédible, et puis, si nécessaire, l'Etat interviendra pour compléter. Mais ce repreneur crédible, le tribunal de commerce, malheureusement, vient de le dire, il n'existe pas. Donc c'est tragique effectivement pour ceux qui sont directement concernés. Donc le gouvernement n'a pas laissé tomber les travailleurs de PETROPLUS, et il ne veut pas les laisser tomber maintenant pour autant, mais on est entré effectivement dans une nouvelle phase. Et moi, ce que je souhaite pour l'avenir, c'est qu'on anticipe les mutations industrielles, qu'on anticipe la réorganisation des filières industrielles, qu'on ne se laisse pas balloter, qu'on n'attende pas le dernier moment, et c'est ça la politique du gouvernement, donc sur l'ensemble de la politique industrielle, sur la manière de dialoguer avec les organisations syndicales, y compris l'accord qui a été signé, qui est actuellement transcrit au Parlement, eh bien, c'est un plus pour gérer à la fois les problèmes industriels, et aussi traiter les problèmes de l'emploi dans l'intérêt du travailleur.
PATRICK COHEN
Merci Jean-Marc AYRAULT d'être venu ce matin au micro de FRANCE INTER.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 avril 2013