Texte intégral
JEAN-MICHEL APHATIE
La réforme du mariage pour tous, votée, promulguée, a profondément divisé la société française. Avez-vous mal anticipé, en lançant cette réforme, son potentiel de divisions ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Non, je pense que de toute façon à chaque fois qu'il y a une réforme sociétale, il y a une division de la société française, comme si...
JEAN-MICHEL APHATIE
A ce point-là ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Oh oui ! Si vous reprenez la législation sur l'avortement, ou même les débats sur le Pacs, vous avez toujours, lors de réformes sociétales, comme si la société avait du mal à prendre acte finalement, de réalités qui existent, mais de les signifier et de les exprimer véritablement, et qu'il puisse y avoir des débats profonds c'est tout à fait...
JEAN-MICHEL APHATIE
On n'a pas vu ça pour le Pacs par exemple.
DOMINIQUE BERTINOTTI
Il faut se souvenir quand même... enfin, moi je me souviens quand même des débats sur l'IVG, qui ont été redoutables, les propos très durs que Simone VEIL a dû entendre lorsqu'elle a défendu sa loi...
JEAN-MICHEL APHATIE
Dans l'hémicycle.
DOMINIQUE BERTINOTTI
Dans l'hémicycle, et puis même, je pense, ailleurs, et pour le Pacs il y a eu aussi, quand même, des propos très violents.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous redoutez maintenant, en tant que ministre de la Famille, quand vous sortirez, un collectif huant les ministres, le Printemps français, on l'a vu encore hier au lycée Buffon, a l'air déterminé, les militants de ce mouvement ont l'air déterminés à être présents, à dire leur opposition, vous redoutez vous-même d'être prise à parti ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Non, moi je suis aussi déterminée - d'abord je fais des déplacements - et moi je suis aussi déterminée à ce que l'on puisse faire comprendre à l'ensemble de nos concitoyens qu'on a des institutions démocratiques, que ce projet de loi a vraiment suivi tout le processus démocratique, et qu'à un moment donné c'est la vertu d'une démocratie que de savoir respecter ce que la loi a fait, et donc j'invite a beaucoup de retenue et d'apaisement, et je pense qu'en plus les concitoyens ne comprendront pas cette obstruction. Il y a eu le temps du débat, c'est clos, la loi a été validée, il faut savoir passer à autre chose.
JEAN-MICHEL APHATIE
Beaucoup de gens regrettent ces divisions, Dominique BERTINOTTI, Ségolène ROYAL, dont vous êtes, ou vous avez été proche, je ne sais pas, a dit ce week-end ceci, « le débat a duré trop longtemps. Ce texte n'était ni dans mon projet de 2007, ni dans celui des primaires du Parti socialiste en 2011. En faisant l'union civile avec égalité des droits, mais pas avec le nom de mariage, ça faisait des étapes, ça n'aurait pas conduit à ces confrontations. » Ségolène ROYAL vous fait une leçon de méthode.
DOMINIQUE BERTINOTTI
Ecoutez, moi je n'ai pas de commentaire à faire sur les propos de Ségolène ROYAL...
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est dire votre embarras, si vous n'avez pas de commentaire à faire.
DOMINIQUE BERTINOTTI
Pas du tout. Je pense que vous n'avez qu'à inviter Ségolène ROYAL pour justement qu'elle puisse exprimer tout son regard sur cette question et...
JEAN-MICHEL APHATIE
Très critique sur votre méthode.
DOMINIQUE BERTINOTTI
Et je pense que surtout il est important, maintenant, que l'on puisse à autre chose. Moi je travaille à autre chose.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, ça...
DOMINIQUE BERTINOTTI
Non, mais je travaille à autre chose.
JEAN-MICHEL APHATIE
J'entends bien. On va passer à autre chose.
DOMINIQUE BERTINOTTI
On ne va pas faire ensuite l'exégèse des commentaires, des uns, des autres, ce n'est pas... en tout cas, comme ministre, ce n'est pas mon rôle.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bien sûr. Ce n'est pas l'exégèse, mais cet abandon en rase campagne de la part de Ségolène ROYAL, j'imagine, n'a pas dû vous faire plaisir, et à la manière que vous avez d'éviter d'y répondre, on peut le comprendre.
DOMINIQUE BERTINOTTI
Je prends... de toute façon je suis convaincue que Ségolène ROYAL a toujours été pour l'égalité des droits et je n'ai aucun doute là-dessus, et c'est ça qui m'importe.
JEAN-MICHEL APHATIE
Leçon de méthode, on renvoie les auditeurs qui le voudront sur des sites Internet, ils trouveront la leçon de méthode de Ségolène ROYAL. Un sénateur maire UMP, Jean-Louis MASSON, qui était opposé à cette loi, propose une proposition de loi. « Etant promulguée », écrit-il, « la loi doit s'appliquer, mais il est indispensable de ne pas contraindre un maire ou un officier d'état civil à servir de caution en agissant contre sa conscience et ses convictions, en célébrant un mariage homosexuel. » Est-ce qu'il y aura une clause de conscience pour les maires, à venir, Dominique BERTINOTTI ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Mais la loi prévoit déjà qu'un maire peut toujours déléguer à ses adjoints, à ses conseillers municipaux, la possibilité de procéder à ces mariages, et par ailleurs je répète, c'est presque l'ancien maire que j'ai été qui parle, nous avons quand même, en tant qu'officier d'état civil, et en tant que maire, l'obligation d'appliquer la loi républicaine. Voilà.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais il dit « la loi doit s'appliquer, mais il faudrait reconnaître une clause de conscience aux maires », vous n'entrerez pas dans ce débat ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Non.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord. Vous serez demain à Montpellier pour célébrer le premier mariage homosexuel, Vincent AUTIN et Bruno BOILEAU veulent se marier, se marieront à la mairie de Montpellier demain. On annonce la présence de Najat VALLAUD-BELKACEM, qui est porte-parole du gouvernement, et la vôtre Dominique BERTINOTTI.
DOMINIQUE BERTINOTTI
Non, moi je ne serai pas à Montpellier.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous n'y serez pas ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Je vais vous dire pourquoi. Je pense que le rôle du gouvernement... nous avons présenté avec Christiane TAUBIRA cette loi, elle a été longuement discutée devant le Parlement, elle a été votée par le Parlement, le Conseil Constitutionnel l'a validée, maintenant elle s'applique, et maintenant nous rentrons dans l'ordre de l'intime, et j'estime, moi en tant que ministre, à ne pas rentrer dans l'ordre de l'intime, et je souhaite que désormais il y ait des mariages homosexuels qui se fassent...
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous voulez banaliser la situation ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Exactement, dans la lignée... chaque samedi - il n'y a pas que le samedi qu'on marie, mais enfin en tout cas c'est souvent le samedi - eh bien il y aura indifféremment célébrations de mariages hétérosexuels ou de mariages homosexuels, cela appartient aux couples, ce n'est plus de mon ressort.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est votre décision personnelle ou c'est le Premier ministre qui vous a demandé de ne pas y aller ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
C'est une conjonction, à la fois c'est une décision personnelle, moi j'estime...
JEAN-MICHEL APHATIE
Et le Premier ministre vous l'a demandé.
DOMINIQUE BERTINOTTI
Je n'ai pas eu, je dirais, à ce que le Premier ministre me le demande puisque de toute façon...
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais il l'a fait.
DOMINIQUE BERTINOTTI
De toute façon je ne souhaitais pas, j'estimais que, voilà, je n'avais pas à être... je ne connais pas spécialement ce couple-là et je pense que nous devons maintenant laisser les choses de l'ordre de l'intime se faire dans un cadre intime.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est votre contribution à l'apaisement ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Oui, tout à fait. Je suis absolument pour l'apaisement, je vais vous dire pourquoi, parce que nous avons d'autres questions sur, justement l'évolution du droit de la famille, tout simplement parce que les familles ont évolué, et que s'il n'y a pas ce climat d'apaisement et de sérénité, on ne pourra pas les aborder, et c'est dommage, car je crois que nos citoyens ont besoin de nouveaux repères et qu'en période de crise c'est fondamental de pouvoir leur apporter.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et la porte-parole du gouvernement y sera ou n'y sera pas demain ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Ça vous lui demanderez.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais vous ne le savez pas aujourd'hui ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Non.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord. La PMA, pour terminer, Procréation Médicalement Assistée. Vous avez toujours dit, Dominique BERTINOTTI, parce que vous avez toujours été une militante de la PMA, que vous souhaitiez que la loi Famille, qui sera présentée à la fin de l'année au Parlement, contienne cette disposition. Vous le confirmez ce matin ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Ce n'est pas comme ça que les choses se posent aujourd'hui, d'abord parce que, je le répète, il ne peut pas y avoir à nouveau de débat sur des questions d'éthique, dans ce climat, ce n'est pas possible, ça ne rime à rien. Donc, il faut qu'il y ait d'abord de l'apaisement et de la sérénité, et ensuite la démarche est très simple, en ce qui concerne la PMA, le Conseil Consultatif d'Ethique justement s'est saisi de cette question, rendra son avis à l'automne 2013, il y aurait des états généraux...
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous le suivrez ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Mais le président de la République l'a dit très clairement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc la PMA ne passe pas pendant cette législature ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
En tout cas... d'abord je ne préjuge pas de l'avis du Comité Consultatif, mais il y a des questions fondamentales qui sont l'emploi, la croissance, l'avenir de la jeunesse, je pense qu'il faut que chacun, dans nos ministères, nous répondions à ces impératifs.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 mai 2013