Texte intégral
JEAN-MICHEL APHATIE
Le débat est déjà lancé à propos des retraites, puisqu'il faudra bien faire des sacrifices. Beaucoup de voix s'élèvent dès aujourd'hui pour dire qu'il serait bien que soit mis fin aux privilèges dont bénéficient ou bénéficieraient les fonctionnaires à propos des retraites. Qu'en pensez-vous, Marylise LEBRANCHU ?
MARYLISE LEBRANCHU
D'abord, il faut rappeler quelque chose d'important et que je n'entends plus dire sur les antennes ou lire dans les gazettes. C'est que si on est obligé de se poser la question des retraites aujourd'hui, c'est que la réforme de 2010 nous laisse vingt milliards de trou - pardonnez-moi l'expression vulgaire en 2020, et que le système de retraite par répartition est en danger.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc il faut faire quelque chose.
MARYLISE LEBRANCHU
Donc le Premier ministre a commandé un rapport à madame MOREAU qui sera remis vendredi. Ce serait un peu fou de prendre des mesures avant d'avoir même lu le rapport qu'on va nous remettre. Ça, c'est le premier point. Il faut rappeler que ces fameux vingt milliards étaient une porte ouverte à la fin du régime par répartition pour ouvrir un régime d'assurance les assureurs en seraient d'ailleurs fort contents mais notre objectif n'est pas celui-là. 1/ c'est ça ; 2/ il y a déjà de la part des fonctionnaires, et je trouve injuste qu'on se réfugie et peut-être volontairement d'ailleurs sur le sujet de la fonction publique lorsqu'il y a des mesures générales de prises : nombre d'années de cotisation pour partir par exemple, les fonctionnaires sont à la même enseigne que les autres.
JEAN-MICHEL APHATIE
Aujourd'hui c'est fait.
MARYLISE LEBRANCHU
C'est fait ainsi. Donc s'il y a un effort demandé, ce que disait Marisol TOURAINE l'autre jour, naturellement cet effort sera porté par tout le monde et c'est juste.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le grand problème, c'est le calcul des pensions, vous le savez. C'est-à-dire que le rapport Moreau que vous avez évoqué, qui doit être remis vendredi
MARYLISE LEBRANCHU
Que je n'ai pas lu et vous non plus.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, mais vous avez lu comme nous pour le coup les fuites qui sont déjà parues et, si ce ne sont pas les auteurs du rapport qui font passer les fuites, on se demande bien qui c'est. Ils disent : « L'un des problèmes qu'il faudra regarder, c'est le mode de calcul des pensions ». Dans le privé, on prend en compte les vingt-cinq meilleures années, et dans le public on prend en compte les six derniers mois de salaire. Le rapport Moreau semble dire : « Si on prenait par exemple les dix meilleures années dans la fonction publique, ce serait pas mal ».
MARYLISE LEBRANCHU
Alors ce qu'il faut dire aussi à ceux qui nous écoutent, c'est que dans la fonction publique, vous avez une carrière linéaire. C'est-à-dire que vous commencez à un poste, vous passez des concours ou non et vous avez des échelons, des avancées possibles et d'ailleurs, j'ouvre moi une négociation avec les syndicats pour améliorer ces parcours professionnels qui ne sont pas aujourd'hui de qualité. Quand vous êtes dans le privé, vous pouvez avoir une carrière totalement cyclique et éventuellement à quarante ans être bien mieux payé que vous n'êtes payé en fin de vie en fin de vie de travail, bien évidemment parce que malheureusement le chômage des seniors est très important en France. Donc il peut être intéressant de remonter au-delà des derniers mois de la vie active.
JEAN-MICHEL APHATIE
Des vingt-cinq dernières années. Quand la réforme a été faite il y a vingt ans par Édouard BALLADUR, on n'a pas dit que c'était un acquis social. On a plutôt parlé de régression pour le secteur privé.
MARYLISE LEBRANCHU
Non, et je pense que pour les gens qui ont un très bas salaire et malheureusement des salaires qui seraient comme dans l'agroalimentaire par exemple qui est très touché d'ailleurs dans de nombreux pays en ce moment effectivement ça n'a pas été une bonne nouvelle. Mais si vous prenez la fonction publique, ce qu'on ne dit pas suffisamment, c'est que certes le calcul est différent et porte sur les six derniers mois, mais il faut se souvenir que les fonctionnaires ont un salaire plus des primes, et que le calcul de la retraite, c'est-à-dire le taux de remplacement, ce que vous allez avoir quand vous partez en retraite, n'est pas calculé sur la totalité de votre salaire mais sur votre salaire de base. Or, les primes sont entre vingt et plus de soixante pourcents du salaire, si bien que le taux de remplacement est très faible. Quand vous êtes dans le privé, on calcule votre taux de remplacement sur l'entièreté de votre salaire.
JEAN-MICHEL APHATIE
On dira de votre propos, Marylise LEBRANCHU, que vous êtes plutôt hostile à ce que le mode de calcul des pensions des fonctionnaires soit révisé.
MARYLISE LEBRANCHU
Je veux surtout casser le fait qu'à chaque fois qu'on commence à parler des retraites et en particulier l'opposition actuelle, et en particulier les gens qui pratiquent le populisme, nous font des marronniers, des premières pages, des premières expressions sur les fonctionnaires et leurs six mois. Je pense honnêtement que ça cache l'entièreté du sujet, que ça cache le fait qu'il manque vingt milliards pour 2020, et que si un jour il y a quelque chose à faire, ce sera en discussion avec les syndicats. Si on a pu discuter avec eux, c'est que j'ai ouvert depuis un an, et je continuerai, un vrai débat sur la carrière des fonctionnaires qui aujourd'hui, ne l'oublions pas, il y en a sept cent mille qui sont payés au smic. Les fonctionnaires ne sont pas des privilégiés. Il ne faut pas se réfugier derrière des phrases comme ça lancées à l'encan qui les déstabilisent et qui les rendent, je pense, assez amères alors que ce sont eux qui portent les valeurs républicaines.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et donc je reprends ma question : mieux vaut ne pas toucher au calcul du mode de pension des fonctionnaires.
MARYLISE LEBRANCHU
Je crois que s'il y a quoi que ce soit à faire, monsieur APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui.
MARYLISE LEBRANCHU
S'il y a quoi que ce soit à faire, il faut que ce soit juste, il faut que ce soit dans la durée, il faut que ça serve à tout le monde. Honnêtement aujourd'hui, l'urgence n'est pas là. L'urgence est sur les vingt milliards qu'il faut compenser en 2020.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, mais il faut les trouver ces vingt milliards.
MARYLISE LEBRANCHU
J'ai en face de moi, monsieur APHATIE, des syndicats qui sont réalistes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et fâchés déjà. Qui appellent à la grève, la CGT par exemple.
MARYLISE LEBRANCHU
Vous savez pourquoi ? Uniquement parce qu'on balance des informations qui ne sont pas justes. Et tant qu'on continuera à dire : « Vous savez, ils sont privilégiés par rapport aux autres », ils ne rentreront pas facilement dans un débat général. Et moi qui travaille tout le temps avec les fonctionnaires et avec leurs syndicats, et en particulier avec leurs syndicats, je peux vous dire que ce sont des gens réalistes et qu'ils ont raison de parler de la faiblesse des parcours professionnels des fonctionnaires en France.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc on peut dire que ce matin, mais c'est votre rôle, vous êtes plutôt venue défendre les fonctionnaires dans la réforme des retraites qui s'annonce.
MARYLISE LEBRANCHU
Oui, parce que c'est fatigant de cacher la réalité des problèmes derrière une phrase qui est lancée à l'encan : « Les fonctionnaires seraient des privilégiés ».
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous visez peut-être votre collègue de la santé, Marisol TOURAINE, qui disait dimanche dans Le Parisien : « Disons-le clairement, pour sauver le système des retraites, des efforts seront nécessaires et chacun devra y participer ». Ça, c'était une pierre dans votre jardin.
MARYLISE LEBRANCHU
Non. Elle a parfaitement raison, c'est ce que j'ai dit en début de propos. S'il y a des mesures générales âge d'ouverture des droits, durée de cotisation et taux de cotisation ça concernera aussi les salariés de la fonction publique.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous pensez que le gouvernement va avoir l'autorité pour faire cette réforme des retraites ?
MARYLISE LEBRANCHU
Je crois que Jean-Marc AYRAULT est quelqu'un qui est très autoritaire dans le sens où il a vraiment, vraiment mais vraiment l'objectif de réussir ce que la droite n'a pas réussi pour la réforme de 2010, c'est-à-dire être juste et rendre ce régime équilibré pour le sauver.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes sûre que le qualificatif va lui plaire à Jean-Marc AYRAULT ?
MARYLISE LEBRANCHU
Qu'il est autoritaire ? Non, qu'il a l'autorité nécessaire pour le faire ? Mais Jean-Marc appréciera.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 juin 2013
Le débat est déjà lancé à propos des retraites, puisqu'il faudra bien faire des sacrifices. Beaucoup de voix s'élèvent dès aujourd'hui pour dire qu'il serait bien que soit mis fin aux privilèges dont bénéficient ou bénéficieraient les fonctionnaires à propos des retraites. Qu'en pensez-vous, Marylise LEBRANCHU ?
MARYLISE LEBRANCHU
D'abord, il faut rappeler quelque chose d'important et que je n'entends plus dire sur les antennes ou lire dans les gazettes. C'est que si on est obligé de se poser la question des retraites aujourd'hui, c'est que la réforme de 2010 nous laisse vingt milliards de trou - pardonnez-moi l'expression vulgaire en 2020, et que le système de retraite par répartition est en danger.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc il faut faire quelque chose.
MARYLISE LEBRANCHU
Donc le Premier ministre a commandé un rapport à madame MOREAU qui sera remis vendredi. Ce serait un peu fou de prendre des mesures avant d'avoir même lu le rapport qu'on va nous remettre. Ça, c'est le premier point. Il faut rappeler que ces fameux vingt milliards étaient une porte ouverte à la fin du régime par répartition pour ouvrir un régime d'assurance les assureurs en seraient d'ailleurs fort contents mais notre objectif n'est pas celui-là. 1/ c'est ça ; 2/ il y a déjà de la part des fonctionnaires, et je trouve injuste qu'on se réfugie et peut-être volontairement d'ailleurs sur le sujet de la fonction publique lorsqu'il y a des mesures générales de prises : nombre d'années de cotisation pour partir par exemple, les fonctionnaires sont à la même enseigne que les autres.
JEAN-MICHEL APHATIE
Aujourd'hui c'est fait.
MARYLISE LEBRANCHU
C'est fait ainsi. Donc s'il y a un effort demandé, ce que disait Marisol TOURAINE l'autre jour, naturellement cet effort sera porté par tout le monde et c'est juste.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le grand problème, c'est le calcul des pensions, vous le savez. C'est-à-dire que le rapport Moreau que vous avez évoqué, qui doit être remis vendredi
MARYLISE LEBRANCHU
Que je n'ai pas lu et vous non plus.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, mais vous avez lu comme nous pour le coup les fuites qui sont déjà parues et, si ce ne sont pas les auteurs du rapport qui font passer les fuites, on se demande bien qui c'est. Ils disent : « L'un des problèmes qu'il faudra regarder, c'est le mode de calcul des pensions ». Dans le privé, on prend en compte les vingt-cinq meilleures années, et dans le public on prend en compte les six derniers mois de salaire. Le rapport Moreau semble dire : « Si on prenait par exemple les dix meilleures années dans la fonction publique, ce serait pas mal ».
MARYLISE LEBRANCHU
Alors ce qu'il faut dire aussi à ceux qui nous écoutent, c'est que dans la fonction publique, vous avez une carrière linéaire. C'est-à-dire que vous commencez à un poste, vous passez des concours ou non et vous avez des échelons, des avancées possibles et d'ailleurs, j'ouvre moi une négociation avec les syndicats pour améliorer ces parcours professionnels qui ne sont pas aujourd'hui de qualité. Quand vous êtes dans le privé, vous pouvez avoir une carrière totalement cyclique et éventuellement à quarante ans être bien mieux payé que vous n'êtes payé en fin de vie en fin de vie de travail, bien évidemment parce que malheureusement le chômage des seniors est très important en France. Donc il peut être intéressant de remonter au-delà des derniers mois de la vie active.
JEAN-MICHEL APHATIE
Des vingt-cinq dernières années. Quand la réforme a été faite il y a vingt ans par Édouard BALLADUR, on n'a pas dit que c'était un acquis social. On a plutôt parlé de régression pour le secteur privé.
MARYLISE LEBRANCHU
Non, et je pense que pour les gens qui ont un très bas salaire et malheureusement des salaires qui seraient comme dans l'agroalimentaire par exemple qui est très touché d'ailleurs dans de nombreux pays en ce moment effectivement ça n'a pas été une bonne nouvelle. Mais si vous prenez la fonction publique, ce qu'on ne dit pas suffisamment, c'est que certes le calcul est différent et porte sur les six derniers mois, mais il faut se souvenir que les fonctionnaires ont un salaire plus des primes, et que le calcul de la retraite, c'est-à-dire le taux de remplacement, ce que vous allez avoir quand vous partez en retraite, n'est pas calculé sur la totalité de votre salaire mais sur votre salaire de base. Or, les primes sont entre vingt et plus de soixante pourcents du salaire, si bien que le taux de remplacement est très faible. Quand vous êtes dans le privé, on calcule votre taux de remplacement sur l'entièreté de votre salaire.
JEAN-MICHEL APHATIE
On dira de votre propos, Marylise LEBRANCHU, que vous êtes plutôt hostile à ce que le mode de calcul des pensions des fonctionnaires soit révisé.
MARYLISE LEBRANCHU
Je veux surtout casser le fait qu'à chaque fois qu'on commence à parler des retraites et en particulier l'opposition actuelle, et en particulier les gens qui pratiquent le populisme, nous font des marronniers, des premières pages, des premières expressions sur les fonctionnaires et leurs six mois. Je pense honnêtement que ça cache l'entièreté du sujet, que ça cache le fait qu'il manque vingt milliards pour 2020, et que si un jour il y a quelque chose à faire, ce sera en discussion avec les syndicats. Si on a pu discuter avec eux, c'est que j'ai ouvert depuis un an, et je continuerai, un vrai débat sur la carrière des fonctionnaires qui aujourd'hui, ne l'oublions pas, il y en a sept cent mille qui sont payés au smic. Les fonctionnaires ne sont pas des privilégiés. Il ne faut pas se réfugier derrière des phrases comme ça lancées à l'encan qui les déstabilisent et qui les rendent, je pense, assez amères alors que ce sont eux qui portent les valeurs républicaines.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et donc je reprends ma question : mieux vaut ne pas toucher au calcul du mode de pension des fonctionnaires.
MARYLISE LEBRANCHU
Je crois que s'il y a quoi que ce soit à faire, monsieur APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui.
MARYLISE LEBRANCHU
S'il y a quoi que ce soit à faire, il faut que ce soit juste, il faut que ce soit dans la durée, il faut que ça serve à tout le monde. Honnêtement aujourd'hui, l'urgence n'est pas là. L'urgence est sur les vingt milliards qu'il faut compenser en 2020.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, mais il faut les trouver ces vingt milliards.
MARYLISE LEBRANCHU
J'ai en face de moi, monsieur APHATIE, des syndicats qui sont réalistes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et fâchés déjà. Qui appellent à la grève, la CGT par exemple.
MARYLISE LEBRANCHU
Vous savez pourquoi ? Uniquement parce qu'on balance des informations qui ne sont pas justes. Et tant qu'on continuera à dire : « Vous savez, ils sont privilégiés par rapport aux autres », ils ne rentreront pas facilement dans un débat général. Et moi qui travaille tout le temps avec les fonctionnaires et avec leurs syndicats, et en particulier avec leurs syndicats, je peux vous dire que ce sont des gens réalistes et qu'ils ont raison de parler de la faiblesse des parcours professionnels des fonctionnaires en France.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc on peut dire que ce matin, mais c'est votre rôle, vous êtes plutôt venue défendre les fonctionnaires dans la réforme des retraites qui s'annonce.
MARYLISE LEBRANCHU
Oui, parce que c'est fatigant de cacher la réalité des problèmes derrière une phrase qui est lancée à l'encan : « Les fonctionnaires seraient des privilégiés ».
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous visez peut-être votre collègue de la santé, Marisol TOURAINE, qui disait dimanche dans Le Parisien : « Disons-le clairement, pour sauver le système des retraites, des efforts seront nécessaires et chacun devra y participer ». Ça, c'était une pierre dans votre jardin.
MARYLISE LEBRANCHU
Non. Elle a parfaitement raison, c'est ce que j'ai dit en début de propos. S'il y a des mesures générales âge d'ouverture des droits, durée de cotisation et taux de cotisation ça concernera aussi les salariés de la fonction publique.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous pensez que le gouvernement va avoir l'autorité pour faire cette réforme des retraites ?
MARYLISE LEBRANCHU
Je crois que Jean-Marc AYRAULT est quelqu'un qui est très autoritaire dans le sens où il a vraiment, vraiment mais vraiment l'objectif de réussir ce que la droite n'a pas réussi pour la réforme de 2010, c'est-à-dire être juste et rendre ce régime équilibré pour le sauver.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes sûre que le qualificatif va lui plaire à Jean-Marc AYRAULT ?
MARYLISE LEBRANCHU
Qu'il est autoritaire ? Non, qu'il a l'autorité nécessaire pour le faire ? Mais Jean-Marc appréciera.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 juin 2013