Texte intégral
Interview, Optimum, jeudi 1 avril 1999
Optimum : Avec l'effondrement de feue la grande puissance soviétique, face au Etats-Unis, l'Europe peut-elle jouer un rôle de contre-pouvoir ?
Alain Madelin : Je me suis réjoui de l'effondrement du système totalitaire soviétique qui nous a offert la chance de la réunification de lEurope. Mais cette réunification, je ne l'analyse pas dabord en terme de puissance. L'Europe n'est pas une addition dEtats, 6, 10, 12, 15, 20, 25....réunis dans une seule logique de puissance. L'Europe c'est une idée, un point de vue sur l'humanité et le monde. La chute du mur de Berlin nous offre l'occasion d'élargir l'Europe, mais plus encore la chance de retrouver les fondements même de ce qui fait le génie propre de la civilisation européenne.
Op : Quelle idée forte peut amener à l'ensemble du monde cette construction européenne ?
AM : La marque du génie européen, c'est la proclamation que l'Homme a en tant que tel des droits fondamentaux supérieurs à tout pouvoir, que ce soit celui d'un tyran, d'un roi, ou même d'une assemblée parlementaire. Le génie européen, c'est d'avoir fait de ces valeurs, issues de l'humanisme libéral -la souveraineté de la personne et la supériorité du Droit- des valeurs universelles, que notre siècle a eu trop tendance à oublier et qui reviennent en force aujourd'hui.
Permettez-moi de citer Vaclav Havel : "L'Europe n'a plus, et n'aura jamais plus, pour mission de régner sur le monde, ni de lui inculquer par la force ses idées du bien ou de l'aisance matérielle, ni de lui imposer sa culture, ni même de lui donner des leçons. La seule mission significative qu'elle puisse endosser pour le siècle à venir, c'est d'être elle-même de la meilleure manière possible, c'est-à-dire en ressuscitant et en projetant dans son existence ses meilleures traditions spirituelles, contribuant ainsi de façon constructive à la création dun nouveau mode de cohabitation sur cette terre ".
L'Europe qui a déjà tant apporté au monde, peut encore lui offrir un modèle, un exemple, celui d'un espace de liberté, de responsabilité et du Droit où peuvent coexister pacifiquement des hommes différents, libres et responsables, hors d'une contrainte politique forte, et sans devoir soumettre les minorités ou les personnes aux caprices de la majorité, dans une civilisation plus civilisée qui remet l'homme au coeur de la société.
Op : Une Europe efficace, est-ce avant tout une Europe libérale ?
AM : Pour les libéraux, l'efficacité économique et sociale est le résultat d'un ordre social plus juste fondé sur la confiance dans la liberté de la personne et sa responsabilité. A la source de l'efficacité économique, il y a l'humanisme libéral, plus que jamais actuel. Notre entrée prochaine dans un nouveau siècle correspond, on le sent bien, à une grande mutation de notre civilisation. Le 20ème siècle a été le siècle de la société de masse, celle des usines et des bureaux, où l'homme était considéré comme un robot ou comme un numéro. Ce siècle, qui a été marqué par deux guerres mondiales et deux idéologies totalitaire, fut rude pour l'homme. Le nouveau siècle qui se dessine, avec la mondialisation, la révolution du savoir numérique, va remettre l'homme et sa créativité au coeur de la société.
Op : Humanisme, le mot est beau, certes...mais n'est-il pas de plus en plus en voie d'obsolétisation ?
AM : Je pense rigoureusement le contraire ! Tout le monde ressent aujourd'hui le besoin de remettre l'homme au coeur de la société. Après avoir affirmé la souveraineté absolue des Etats, voici que nous retrouvons la grande idée libérale de la souveraineté de la personne. Chaque personne est libre de faire le bien comme le mal; Et c'est cette liberté qui fonde sa responsabilité et légale dignité de tous les êtres humains.
Le " procès " Pinochet, tout comme l'accord instituant une Cour Pénale Internationale signifient que la souveraineté des Etats n'est plus absolue; qu'il existe un Droit au dessus des Etats qui tient sa supériorité dans le fait que cest un Droit lié à la nature même de l'homme. L'homme possède des droits inaliénables supérieurs à tout pouvoir. Voilà qui indique la direction du prochain siècle.
Op : Souvent l'Europe est montrée du doigt; on lui impute beaucoup les difficultés économiques et sociales. A tort ou à bon droit, selon vous ?
AM : Les difficultés économiques et sociales viennent, pour lessentiel, de nos rigidités et de notre tendance à la centralisation, à la bureaucratie et au dirigisme. Or, justement, l'Europe a été pour la France une contrainte libérale féconde qui a remis en cause nos nationalisations, nous a obligé à ouvrir de nombreux secteurs protégés à la concurrence, à freiner nos dépenses et nos déficits publics. En revanche, concernant la réalisation de l'Euro, tout le monde s'accorde aujourd'hui à reconnaître que la France a sans doute commis une erreur de politique monétaire en 1992-1993, que j'avais dailleurs dénoncée à l'époque, et que nous avons payé par un surcroît de chômage.
Op : Comment créer un véritable pouvoir politique, en face du pouvoir technocratique de la Banque centrale européenne ?
AM : Pourquoi voulez-vous créer un pouvoir politique face à la Banque centrale ? Curieuse idée, non ? Le principe même d'un tel organisme, c'est d'être indépendant. On ne peut pas vouloir d'un côté cette indépendance, et en même temps, dun autre côté, exiger le contrôle des politiques sur cette banque centrale. Voilà une idée très franco-française qu'heureusement personne ne partage ailleurs. Quand on laisse la monnaie au politique, cela conduit aux facilités de la planche à billet et à linflation. Un prix Nobel libéral disait même dans une formule : confier la monnaie à la garde des politiques, cest confier le pot de crème à la garde du chat ! En réalité, le meilleur contrôle démocratique dune banque centrale, c'est l'organisation dun débat public, transparent et sans tabou sur la politique monétaire.
Op : Les Etats-Unis, pays profondément libéral, laissent à côté de ceux qui réalisent le " rève américain " de nombreuses personnes sur le bord de la route !
AM : Méfions nous des clichés ! Comme Tony Blair la rappelé devant les socialistes européens, la meilleure et la première des politiques sociales c'est celle qui, à l'exemple des Etats-Unis, créé des emplois ! Il y a, bien sûr, des exclus aux Etats-Unis, comme dans tous les pays. Mais à la différence de la France, l'exclusion et la pauvreté sont un état temporaire. Un américain sur deux qui vit en dessous du seuil de pauvreté sen sort au bout d'un an, et près de 3 sur 4 au bout de deux ans. Seuls 17% d'entre eux restent 5 ans ou plus en dessous de ce seuil.
Or, le drame chez nous, cest que l'ascenseur social est en panne. Et cet absence de mobilité sociale provoque chez moi de la colère. Aujourd'hui, dans un contexte de chômage persistant, on enferme des familles entières dans l'assistance et la pauvreté au risque d'une destructuration familiale dangereuse. L'exclusion s'installe, et la pauvreté devient héréditaire.
La France a longtemps permis à chacun de sélever dans la société par son talent quelque soit son origine. Cette possibilité de promotion sociale donnée à chacun est au coeur de notre pacte républicain. Sa régression est inacceptable.
Op : Un sondage récent, réalisé auprès de jeunes Français, faisait apparaître qu'une majorité dentre eux souhaitaient intégrer la fonction publique, qu'en pensez-vous ?
AM : Heureusement, d'autres sondages laissent clairement apparaître que nombre de jeunes préfèrent avoir un emploi de travailleur indépendant à un emploi salarié. Ce qui révèle un formidable appétit de la jeunesse pour cette nouvelle société qui est en train de naître. Peut-être aussi certains voient-ils avec justesse dans la création de leur propre entreprise, le meilleur véhicule de l'ascension sociale. C'est pourquoi il est urgent que lon desserre les freins qui bloquent aujourdhui les initiatives et les énergies.
Op : Cet appétit d'initiative, c'est aussi ce qui caractérise une certaine jeunesse banlieusarde, celle des " sauvageons " ?
AM : Dans cette jeunesse banlieusarde, pour beaucoup le fait davoir, comme on dit, bouffé de la vache enragée, les rend plus énergiques. Il existe dans ces banlieues difficiles des capacités d'initiatives et une énergie tout à fait étonnantes, et ce, dans tout les domaines.
Op : Certains jeunes sont vraiment très énergiques, dans ces banlieues-là ! Certaines de leurs initiatives sont assurément étonnantes !
AM : L'énergie peut dégénérer en comportement asociaux et en violence...Mais peut-être parce quon na pas su la canaliser vers là où elle aurait été le plus utile !
Op : A ceux qui trouvent que les impôts devraient plus servir à d'autres tâche qu'à toujours financer les banlieues difficiles, les jeunes qui brulent des voitures, agressent des conducteurs de bus, quelle est votre réponse ?
AM : Je ne vois pas les choses sous cet angle. S'agissant de la sécurité, de nombreux exemples étrangers montrent que l'on peut obtenir des résultats. Il faut assurément pour cela engager une politique sans faiblesse. Renoncer à l'angélisme et au sentiment de culpabilité qui a trop longtemps empêché la nécessaire politique de fermeté.
Op : Etes vous de ceux qui pronent la révision de l'ordonnance de 1945 ?
AM : Jy suis peinement favorable. Il faut réviser lordonnance de 1945 pour nous doter dune nouvelle politique pénale en direction des mineurs mieux adaptée aux réalités daujourdhui. Récemment, un jeune homme de 18 ans qui avait commis une agression dans un autobus avait déjà à son passif 26 dossiers pour coups et blessures volontaires, vols, vandalisme, recel ! il faut instaurer des sanctions significatives dès le premier délit afin de responsabiliser le jeune et déviter la récidive; créer des centres de détentions pour mineurs; instaurer, quand cela est nécessaire, le couvre-feu pour les plus jeunes, à lexemple de ce qua fait la Grande-Bretagne; responsabiliser les parents, les aider à rétablir lautorité parentale en utilisant sil le faut la mise sous tutelle des allocations familiales; savoir redéployer les forces de police et créer des emplois de proximité à composante de surveillance.
Cela étant, il faut aussi soigner le mal à la racine et sattaquer aux causes et mobiliser des moyens extrêmement importants pour casser cet urbanisme collectiviste inhumain, créer des internats et des établissements scolaires adaptés pour ne pas laisser toute une partie de la jeunesse sans chance, sans avenir et sans espoir.
Op : Dans ces quartiers, l'Ecole a-t-elle un rôle à jouer ?
AM : Bien sûr; mais à condition de faire des écoles différentes. Dans les zones en difficultés, le gouvernement de Tony Blair a décidé de mobiliser l'énergie et linitiative des entreprises, pour prendre en charge des établissements scolaires, expérimenter des méthodes nouvelles, le tout étant lié à une évaluation des résultats de manière à faire bouger les choses.
Il est évident que notre système éducatif français, qui consiste à vouloir couler dans le même moule des enfants extrêmement différents, surtout lorsquils proviennent de plusieurs dizaines dethnies et de populations profondément déracinées, est inadapté. Légalité des chances impose une formidable diversification des établissements.
Cest pourquoi il faut, en priorité dans les zones difficiles, à titre expérimental, offrir pour les établissements qui le souhaitent la possibilité dopter pour un statut de pleine autonomie. Les établissements pourraient alors avoir davantage de liberté dans lorganisation, le recrutement des enseignants et la pédagogie. Ils disposeraient dun budget proportionnel au nombre délèves accueillis. Bénéficiant dune grande liberté de moyens, ils auraient une obligation de résultats.
Jai eu loccasion de visiter récemment l "Ecole de la 2ème chance " créé à linitiative du maire de Marseille. Dans cette école, en marge du système de lEducation Nationale traditionnel, les professeurs ne comptent pas leur temps et disposent dune très grande liberté denseignement. Ils offrent de vraies chances dinsertion dans la société à des jeunes en galère. Ils travaillent en liaison avec les entreprises et donnent aux jeunes une vraie perspective demploi. Ceci coûte de largent, bien sûr. Mais un rapide calcul ma permis de constater quau bout du compte, cela coûte 12 fois moins cher quun emploi jeune !
Op : Allègre vous paraîtrait un bon ministre libéral ?
AM : Non. Un ministre libéral saurait libérer et récompenser l'initiative des enseignants. Beaucoup denseignants, eut égard aux responsabilités quils exercent et à la difficulté de leur tâche, sont mal payés. En revanche, leur temps de travail annuel est plutôt faible. Améliorer lenseignement, cest permettre à ceux qui le souhaitent de travailler un peu plus en étant plus payés. Or, qua fait M. Allègre si ce nest de supprimer les heures supplémentaires pour recruter des emplois-jeunes, à linverse de Tony Blair qui sefforce de valoriser les enseignants et les chefs détablissements méritants.
Op: Est-ce Tony Blair qui fait du Madelin ou linverse ?
AM : Pourquoi ny aurait-il pas une version de gauche des idées et des solutions libérales ? Tony Blair a eu lintelligence de reprendre et même damplifier lhéritage libéral de ses prédécesseurs. Ce qui me conforte dans lidée que le vrai clivage dans la vie politique aujourdhui est moins le vieux clivage gauche-droite que celui entre les anciens et les modernes, entre ceux qui font dabord confiance à lEtat et ceux qui font dabord confiance en lhomme. En France, nous avons trop souvent tendance à vivre replié sur nous-mêmes. Il faut ouvrir les fenêtres, et regarder ce qui marche ailleurs !
Op : Comment garder la spécificité de chacune des nations qui demain vont composer lEurope ?
AM : Il existe un vrai risque de dérive des institutions européennes vers une Europe dont nous ne voulons pas. Nous ne voulons pas dun super-Etat européen, avec son super gouvernement, sa super bureaucratie, ses super impôts, ses super lois, ses super réglements. Nous ne voulons pas que 80% des lois applicables aux Français soient décidées à Bruxelles comme la souhaité Jacques Delors. Nous ne voulons pas ajouter aux impôts nationaux un super-impôt européen.
Linscription du principe de subsidiarité dans le Traité de Maastricht comme principe organisateur de lunion européenne, constitue, fort heureusement, le garde-fou nécessaire pour prévenir les risque de dérives vers un super-Etat européen centralisateur. Encore faut-il savoir traduire ce principe dans les faits et les institutions.
Notre vieux continent est un ensemble hétérogène quon ne peut comparer à lAllemagne ou aux Etats-Unis. Ne pas tenir compte des langues, du fait national, des traditions régionales, de la diversité des structures familiales, conduirait à créer des tendance centrifuges destructrices.
La force et et le génie de lEurope résident dans sa diversité. LEurope doit senrichir de ses diversités, les respecter et les protéger. Elle doit chercher, non pas à harmoniser ses différences, cest-à-dire les raboter, mais à les mettre en harmonie, à en tirer le meilleur parti dans une société de liberté et déchange.
Op : Dans cette campagne des européennes, qui convainc le plus lautre, de Madelin ou de Séguin ?
AM : Ce nest pas la première fois que je fait campagne avec le RPR sur lEurope. Nous avons fait des campagnes européennes communes en 1984, 1989, 1994..Et nous avons les uns et les autres gouverné ensemble et participé à des étapes décisives de la construction européenne. Etre européen, vraiment européen, cest chercher à rassembler, entraîner, à rapprocher des points de vue différents. Nous ne sommes plus à la veille du Traité de Maastricht qui a divisé lopposition comme il a divisé les Français. Nous sommes au lendemain du Traité dAmsterdam que lopposition vient dapprouver massivement.
Op : Sans parler de lélectron libre Charles Pasqua !
AM : Le débat entre ceux qui voient lEurope comme un cartel dEtat-nation souverains et ceux qui la rêvent comme un futur super Etat-nation agrandi est aujourdhui totalement dépassé. Nous nallons pas refaire de débat Lecanuet - De Gaulle ! LEurope, a, depuis, fort heureusement avancé. Et tout le monde sent bien la nécessité de dépasser ces vieux clivages pour imaginer lEurope autrement. Sur la question européenne aussi, il y a les anciens et les modernes.
Op : Aux prochaines élections, que serait le plus grave, de labsentionnisme ou dune poussée de voix vers les différents Fronts ?
AM : Je fais campagne pour éviter lun comme lautre.
Op : Cette désunion, qui a abouti à la scission du FN, ne marque-t-elle pas la fin pour la droite classique, daffirmer que Jospin sappuye sur le FN ?
AM : Ce qui est sûr cest que si Monsieur Jospin est au gouvernement, il le doit au Front national et au maintien de ses candidats dans un certain nombre de circonscriptions au second tour des élections législatives de 1997. Pour lopposition, la division du FN réduit ce risque. Mauvaise nouvelle pour Monsieur Jospin.
Op : Ouvrir le capital dAir France, voilà qui doit vous réjouir?
AM : Tout est relatif. Nous aurions dû privatiser Air France il y a 15 ans, à linstar de British Airways. Au surplus, il ne sagit même pas dune privatisation mais dune ouverture du capital. Je me réjouis cependant de la participation du personnel dAir France au mouvement de privatisation de lentreprise qui, elle, va dans le bon sens.
Op : Cette franche privatisation bloque-t-elle en raison de Jean Claude Gayssot, ministre communiste en charge des transports?
AM : En partie seulement. Les socialistes eux-mêmes nont jamais poussé beaucoup sur la voie de la privatisation dAir France ! Mais ils y vont sans doute doucement aujourdhui sans trop le dire...et surtout sans le dire à Gayssot !!
Op : Vous voyez avec sympathie le retour de Cohn Bendit ?
AM : J'écoute avec attention ce quil dit. On lui doit en 1968 davoir décrispé l'anti-communisme à gauche. Ce rôle utile, il peut le jouer aujourdhui pour décrisper l'anti-libéralisme primaire d'une certaine gauche. Peut-être ses provocations verbales amèneront-elles lapparition de cette gauche libérale...mais ses propositions restent encore beaucoup trop brouillonnes pour être prises comme propositions de gouvernement.
Op : Combien d'heures travaillez-vous par semaine ? 35 payées 39?
AM: Quand on aime, cest connu, on ne compte pas ! J'ai la chance d'être passionné par ce que je fait.
Op : Vous reste-t-il encore un peu de temps pour cuisiner, cultiver votre jardin de Redon ?
AM : Je my efforce ! Si je nai pas le talent dun authentique cordon bleu, jaime à passer parfois un peu de temps aux fourneaux. Préparer la pâte des raviolis à la farine de châtaignes, et découvrir le plaisir de les cuisiner, voilà un excellent passe-temps ! Jai aussi la passion de mon jardin potager et jaime bien bricoler. Ayant suivi un enseignement technique -avant dentamer mes études de Droit- où jai appris l'ajustage, le tournage et le fraisage, je reste un manuel.
(source http://www.demlib.com, le 7 février 2001)
Optimum : Avec l'effondrement de feue la grande puissance soviétique, face au Etats-Unis, l'Europe peut-elle jouer un rôle de contre-pouvoir ?
Alain Madelin : Je me suis réjoui de l'effondrement du système totalitaire soviétique qui nous a offert la chance de la réunification de lEurope. Mais cette réunification, je ne l'analyse pas dabord en terme de puissance. L'Europe n'est pas une addition dEtats, 6, 10, 12, 15, 20, 25....réunis dans une seule logique de puissance. L'Europe c'est une idée, un point de vue sur l'humanité et le monde. La chute du mur de Berlin nous offre l'occasion d'élargir l'Europe, mais plus encore la chance de retrouver les fondements même de ce qui fait le génie propre de la civilisation européenne.
Op : Quelle idée forte peut amener à l'ensemble du monde cette construction européenne ?
AM : La marque du génie européen, c'est la proclamation que l'Homme a en tant que tel des droits fondamentaux supérieurs à tout pouvoir, que ce soit celui d'un tyran, d'un roi, ou même d'une assemblée parlementaire. Le génie européen, c'est d'avoir fait de ces valeurs, issues de l'humanisme libéral -la souveraineté de la personne et la supériorité du Droit- des valeurs universelles, que notre siècle a eu trop tendance à oublier et qui reviennent en force aujourd'hui.
Permettez-moi de citer Vaclav Havel : "L'Europe n'a plus, et n'aura jamais plus, pour mission de régner sur le monde, ni de lui inculquer par la force ses idées du bien ou de l'aisance matérielle, ni de lui imposer sa culture, ni même de lui donner des leçons. La seule mission significative qu'elle puisse endosser pour le siècle à venir, c'est d'être elle-même de la meilleure manière possible, c'est-à-dire en ressuscitant et en projetant dans son existence ses meilleures traditions spirituelles, contribuant ainsi de façon constructive à la création dun nouveau mode de cohabitation sur cette terre ".
L'Europe qui a déjà tant apporté au monde, peut encore lui offrir un modèle, un exemple, celui d'un espace de liberté, de responsabilité et du Droit où peuvent coexister pacifiquement des hommes différents, libres et responsables, hors d'une contrainte politique forte, et sans devoir soumettre les minorités ou les personnes aux caprices de la majorité, dans une civilisation plus civilisée qui remet l'homme au coeur de la société.
Op : Une Europe efficace, est-ce avant tout une Europe libérale ?
AM : Pour les libéraux, l'efficacité économique et sociale est le résultat d'un ordre social plus juste fondé sur la confiance dans la liberté de la personne et sa responsabilité. A la source de l'efficacité économique, il y a l'humanisme libéral, plus que jamais actuel. Notre entrée prochaine dans un nouveau siècle correspond, on le sent bien, à une grande mutation de notre civilisation. Le 20ème siècle a été le siècle de la société de masse, celle des usines et des bureaux, où l'homme était considéré comme un robot ou comme un numéro. Ce siècle, qui a été marqué par deux guerres mondiales et deux idéologies totalitaire, fut rude pour l'homme. Le nouveau siècle qui se dessine, avec la mondialisation, la révolution du savoir numérique, va remettre l'homme et sa créativité au coeur de la société.
Op : Humanisme, le mot est beau, certes...mais n'est-il pas de plus en plus en voie d'obsolétisation ?
AM : Je pense rigoureusement le contraire ! Tout le monde ressent aujourd'hui le besoin de remettre l'homme au coeur de la société. Après avoir affirmé la souveraineté absolue des Etats, voici que nous retrouvons la grande idée libérale de la souveraineté de la personne. Chaque personne est libre de faire le bien comme le mal; Et c'est cette liberté qui fonde sa responsabilité et légale dignité de tous les êtres humains.
Le " procès " Pinochet, tout comme l'accord instituant une Cour Pénale Internationale signifient que la souveraineté des Etats n'est plus absolue; qu'il existe un Droit au dessus des Etats qui tient sa supériorité dans le fait que cest un Droit lié à la nature même de l'homme. L'homme possède des droits inaliénables supérieurs à tout pouvoir. Voilà qui indique la direction du prochain siècle.
Op : Souvent l'Europe est montrée du doigt; on lui impute beaucoup les difficultés économiques et sociales. A tort ou à bon droit, selon vous ?
AM : Les difficultés économiques et sociales viennent, pour lessentiel, de nos rigidités et de notre tendance à la centralisation, à la bureaucratie et au dirigisme. Or, justement, l'Europe a été pour la France une contrainte libérale féconde qui a remis en cause nos nationalisations, nous a obligé à ouvrir de nombreux secteurs protégés à la concurrence, à freiner nos dépenses et nos déficits publics. En revanche, concernant la réalisation de l'Euro, tout le monde s'accorde aujourd'hui à reconnaître que la France a sans doute commis une erreur de politique monétaire en 1992-1993, que j'avais dailleurs dénoncée à l'époque, et que nous avons payé par un surcroît de chômage.
Op : Comment créer un véritable pouvoir politique, en face du pouvoir technocratique de la Banque centrale européenne ?
AM : Pourquoi voulez-vous créer un pouvoir politique face à la Banque centrale ? Curieuse idée, non ? Le principe même d'un tel organisme, c'est d'être indépendant. On ne peut pas vouloir d'un côté cette indépendance, et en même temps, dun autre côté, exiger le contrôle des politiques sur cette banque centrale. Voilà une idée très franco-française qu'heureusement personne ne partage ailleurs. Quand on laisse la monnaie au politique, cela conduit aux facilités de la planche à billet et à linflation. Un prix Nobel libéral disait même dans une formule : confier la monnaie à la garde des politiques, cest confier le pot de crème à la garde du chat ! En réalité, le meilleur contrôle démocratique dune banque centrale, c'est l'organisation dun débat public, transparent et sans tabou sur la politique monétaire.
Op : Les Etats-Unis, pays profondément libéral, laissent à côté de ceux qui réalisent le " rève américain " de nombreuses personnes sur le bord de la route !
AM : Méfions nous des clichés ! Comme Tony Blair la rappelé devant les socialistes européens, la meilleure et la première des politiques sociales c'est celle qui, à l'exemple des Etats-Unis, créé des emplois ! Il y a, bien sûr, des exclus aux Etats-Unis, comme dans tous les pays. Mais à la différence de la France, l'exclusion et la pauvreté sont un état temporaire. Un américain sur deux qui vit en dessous du seuil de pauvreté sen sort au bout d'un an, et près de 3 sur 4 au bout de deux ans. Seuls 17% d'entre eux restent 5 ans ou plus en dessous de ce seuil.
Or, le drame chez nous, cest que l'ascenseur social est en panne. Et cet absence de mobilité sociale provoque chez moi de la colère. Aujourd'hui, dans un contexte de chômage persistant, on enferme des familles entières dans l'assistance et la pauvreté au risque d'une destructuration familiale dangereuse. L'exclusion s'installe, et la pauvreté devient héréditaire.
La France a longtemps permis à chacun de sélever dans la société par son talent quelque soit son origine. Cette possibilité de promotion sociale donnée à chacun est au coeur de notre pacte républicain. Sa régression est inacceptable.
Op : Un sondage récent, réalisé auprès de jeunes Français, faisait apparaître qu'une majorité dentre eux souhaitaient intégrer la fonction publique, qu'en pensez-vous ?
AM : Heureusement, d'autres sondages laissent clairement apparaître que nombre de jeunes préfèrent avoir un emploi de travailleur indépendant à un emploi salarié. Ce qui révèle un formidable appétit de la jeunesse pour cette nouvelle société qui est en train de naître. Peut-être aussi certains voient-ils avec justesse dans la création de leur propre entreprise, le meilleur véhicule de l'ascension sociale. C'est pourquoi il est urgent que lon desserre les freins qui bloquent aujourdhui les initiatives et les énergies.
Op : Cet appétit d'initiative, c'est aussi ce qui caractérise une certaine jeunesse banlieusarde, celle des " sauvageons " ?
AM : Dans cette jeunesse banlieusarde, pour beaucoup le fait davoir, comme on dit, bouffé de la vache enragée, les rend plus énergiques. Il existe dans ces banlieues difficiles des capacités d'initiatives et une énergie tout à fait étonnantes, et ce, dans tout les domaines.
Op : Certains jeunes sont vraiment très énergiques, dans ces banlieues-là ! Certaines de leurs initiatives sont assurément étonnantes !
AM : L'énergie peut dégénérer en comportement asociaux et en violence...Mais peut-être parce quon na pas su la canaliser vers là où elle aurait été le plus utile !
Op : A ceux qui trouvent que les impôts devraient plus servir à d'autres tâche qu'à toujours financer les banlieues difficiles, les jeunes qui brulent des voitures, agressent des conducteurs de bus, quelle est votre réponse ?
AM : Je ne vois pas les choses sous cet angle. S'agissant de la sécurité, de nombreux exemples étrangers montrent que l'on peut obtenir des résultats. Il faut assurément pour cela engager une politique sans faiblesse. Renoncer à l'angélisme et au sentiment de culpabilité qui a trop longtemps empêché la nécessaire politique de fermeté.
Op : Etes vous de ceux qui pronent la révision de l'ordonnance de 1945 ?
AM : Jy suis peinement favorable. Il faut réviser lordonnance de 1945 pour nous doter dune nouvelle politique pénale en direction des mineurs mieux adaptée aux réalités daujourdhui. Récemment, un jeune homme de 18 ans qui avait commis une agression dans un autobus avait déjà à son passif 26 dossiers pour coups et blessures volontaires, vols, vandalisme, recel ! il faut instaurer des sanctions significatives dès le premier délit afin de responsabiliser le jeune et déviter la récidive; créer des centres de détentions pour mineurs; instaurer, quand cela est nécessaire, le couvre-feu pour les plus jeunes, à lexemple de ce qua fait la Grande-Bretagne; responsabiliser les parents, les aider à rétablir lautorité parentale en utilisant sil le faut la mise sous tutelle des allocations familiales; savoir redéployer les forces de police et créer des emplois de proximité à composante de surveillance.
Cela étant, il faut aussi soigner le mal à la racine et sattaquer aux causes et mobiliser des moyens extrêmement importants pour casser cet urbanisme collectiviste inhumain, créer des internats et des établissements scolaires adaptés pour ne pas laisser toute une partie de la jeunesse sans chance, sans avenir et sans espoir.
Op : Dans ces quartiers, l'Ecole a-t-elle un rôle à jouer ?
AM : Bien sûr; mais à condition de faire des écoles différentes. Dans les zones en difficultés, le gouvernement de Tony Blair a décidé de mobiliser l'énergie et linitiative des entreprises, pour prendre en charge des établissements scolaires, expérimenter des méthodes nouvelles, le tout étant lié à une évaluation des résultats de manière à faire bouger les choses.
Il est évident que notre système éducatif français, qui consiste à vouloir couler dans le même moule des enfants extrêmement différents, surtout lorsquils proviennent de plusieurs dizaines dethnies et de populations profondément déracinées, est inadapté. Légalité des chances impose une formidable diversification des établissements.
Cest pourquoi il faut, en priorité dans les zones difficiles, à titre expérimental, offrir pour les établissements qui le souhaitent la possibilité dopter pour un statut de pleine autonomie. Les établissements pourraient alors avoir davantage de liberté dans lorganisation, le recrutement des enseignants et la pédagogie. Ils disposeraient dun budget proportionnel au nombre délèves accueillis. Bénéficiant dune grande liberté de moyens, ils auraient une obligation de résultats.
Jai eu loccasion de visiter récemment l "Ecole de la 2ème chance " créé à linitiative du maire de Marseille. Dans cette école, en marge du système de lEducation Nationale traditionnel, les professeurs ne comptent pas leur temps et disposent dune très grande liberté denseignement. Ils offrent de vraies chances dinsertion dans la société à des jeunes en galère. Ils travaillent en liaison avec les entreprises et donnent aux jeunes une vraie perspective demploi. Ceci coûte de largent, bien sûr. Mais un rapide calcul ma permis de constater quau bout du compte, cela coûte 12 fois moins cher quun emploi jeune !
Op : Allègre vous paraîtrait un bon ministre libéral ?
AM : Non. Un ministre libéral saurait libérer et récompenser l'initiative des enseignants. Beaucoup denseignants, eut égard aux responsabilités quils exercent et à la difficulté de leur tâche, sont mal payés. En revanche, leur temps de travail annuel est plutôt faible. Améliorer lenseignement, cest permettre à ceux qui le souhaitent de travailler un peu plus en étant plus payés. Or, qua fait M. Allègre si ce nest de supprimer les heures supplémentaires pour recruter des emplois-jeunes, à linverse de Tony Blair qui sefforce de valoriser les enseignants et les chefs détablissements méritants.
Op: Est-ce Tony Blair qui fait du Madelin ou linverse ?
AM : Pourquoi ny aurait-il pas une version de gauche des idées et des solutions libérales ? Tony Blair a eu lintelligence de reprendre et même damplifier lhéritage libéral de ses prédécesseurs. Ce qui me conforte dans lidée que le vrai clivage dans la vie politique aujourdhui est moins le vieux clivage gauche-droite que celui entre les anciens et les modernes, entre ceux qui font dabord confiance à lEtat et ceux qui font dabord confiance en lhomme. En France, nous avons trop souvent tendance à vivre replié sur nous-mêmes. Il faut ouvrir les fenêtres, et regarder ce qui marche ailleurs !
Op : Comment garder la spécificité de chacune des nations qui demain vont composer lEurope ?
AM : Il existe un vrai risque de dérive des institutions européennes vers une Europe dont nous ne voulons pas. Nous ne voulons pas dun super-Etat européen, avec son super gouvernement, sa super bureaucratie, ses super impôts, ses super lois, ses super réglements. Nous ne voulons pas que 80% des lois applicables aux Français soient décidées à Bruxelles comme la souhaité Jacques Delors. Nous ne voulons pas ajouter aux impôts nationaux un super-impôt européen.
Linscription du principe de subsidiarité dans le Traité de Maastricht comme principe organisateur de lunion européenne, constitue, fort heureusement, le garde-fou nécessaire pour prévenir les risque de dérives vers un super-Etat européen centralisateur. Encore faut-il savoir traduire ce principe dans les faits et les institutions.
Notre vieux continent est un ensemble hétérogène quon ne peut comparer à lAllemagne ou aux Etats-Unis. Ne pas tenir compte des langues, du fait national, des traditions régionales, de la diversité des structures familiales, conduirait à créer des tendance centrifuges destructrices.
La force et et le génie de lEurope résident dans sa diversité. LEurope doit senrichir de ses diversités, les respecter et les protéger. Elle doit chercher, non pas à harmoniser ses différences, cest-à-dire les raboter, mais à les mettre en harmonie, à en tirer le meilleur parti dans une société de liberté et déchange.
Op : Dans cette campagne des européennes, qui convainc le plus lautre, de Madelin ou de Séguin ?
AM : Ce nest pas la première fois que je fait campagne avec le RPR sur lEurope. Nous avons fait des campagnes européennes communes en 1984, 1989, 1994..Et nous avons les uns et les autres gouverné ensemble et participé à des étapes décisives de la construction européenne. Etre européen, vraiment européen, cest chercher à rassembler, entraîner, à rapprocher des points de vue différents. Nous ne sommes plus à la veille du Traité de Maastricht qui a divisé lopposition comme il a divisé les Français. Nous sommes au lendemain du Traité dAmsterdam que lopposition vient dapprouver massivement.
Op : Sans parler de lélectron libre Charles Pasqua !
AM : Le débat entre ceux qui voient lEurope comme un cartel dEtat-nation souverains et ceux qui la rêvent comme un futur super Etat-nation agrandi est aujourdhui totalement dépassé. Nous nallons pas refaire de débat Lecanuet - De Gaulle ! LEurope, a, depuis, fort heureusement avancé. Et tout le monde sent bien la nécessité de dépasser ces vieux clivages pour imaginer lEurope autrement. Sur la question européenne aussi, il y a les anciens et les modernes.
Op : Aux prochaines élections, que serait le plus grave, de labsentionnisme ou dune poussée de voix vers les différents Fronts ?
AM : Je fais campagne pour éviter lun comme lautre.
Op : Cette désunion, qui a abouti à la scission du FN, ne marque-t-elle pas la fin pour la droite classique, daffirmer que Jospin sappuye sur le FN ?
AM : Ce qui est sûr cest que si Monsieur Jospin est au gouvernement, il le doit au Front national et au maintien de ses candidats dans un certain nombre de circonscriptions au second tour des élections législatives de 1997. Pour lopposition, la division du FN réduit ce risque. Mauvaise nouvelle pour Monsieur Jospin.
Op : Ouvrir le capital dAir France, voilà qui doit vous réjouir?
AM : Tout est relatif. Nous aurions dû privatiser Air France il y a 15 ans, à linstar de British Airways. Au surplus, il ne sagit même pas dune privatisation mais dune ouverture du capital. Je me réjouis cependant de la participation du personnel dAir France au mouvement de privatisation de lentreprise qui, elle, va dans le bon sens.
Op : Cette franche privatisation bloque-t-elle en raison de Jean Claude Gayssot, ministre communiste en charge des transports?
AM : En partie seulement. Les socialistes eux-mêmes nont jamais poussé beaucoup sur la voie de la privatisation dAir France ! Mais ils y vont sans doute doucement aujourdhui sans trop le dire...et surtout sans le dire à Gayssot !!
Op : Vous voyez avec sympathie le retour de Cohn Bendit ?
AM : J'écoute avec attention ce quil dit. On lui doit en 1968 davoir décrispé l'anti-communisme à gauche. Ce rôle utile, il peut le jouer aujourdhui pour décrisper l'anti-libéralisme primaire d'une certaine gauche. Peut-être ses provocations verbales amèneront-elles lapparition de cette gauche libérale...mais ses propositions restent encore beaucoup trop brouillonnes pour être prises comme propositions de gouvernement.
Op : Combien d'heures travaillez-vous par semaine ? 35 payées 39?
AM: Quand on aime, cest connu, on ne compte pas ! J'ai la chance d'être passionné par ce que je fait.
Op : Vous reste-t-il encore un peu de temps pour cuisiner, cultiver votre jardin de Redon ?
AM : Je my efforce ! Si je nai pas le talent dun authentique cordon bleu, jaime à passer parfois un peu de temps aux fourneaux. Préparer la pâte des raviolis à la farine de châtaignes, et découvrir le plaisir de les cuisiner, voilà un excellent passe-temps ! Jai aussi la passion de mon jardin potager et jaime bien bricoler. Ayant suivi un enseignement technique -avant dentamer mes études de Droit- où jai appris l'ajustage, le tournage et le fraisage, je reste un manuel.
(source http://www.demlib.com, le 7 février 2001)