Déclaration de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, sur l'aménagement numérique des territoires et l'enjeu du plan local d'urbanisme intercommunal, notamment pour les petites villes, à Saint-Rémy-de-Provence le 31 mai 2013.

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Circonstance : Assises de l'Association des petites villes de France, à Saint-Rémy-de-Provence (Bouches-du-Rhône) le 31 mai 2013

Texte intégral

Monsieur le Président,
Vous avez dit : « ce n'est pas tout à fait anormal de vous inviter », et je voudrais saluer cette formule parce qu'elle dit quelque chose de très sincère qui fait le lien avec ce que vous avez dit dans votre intervention, dont je vous remercie beaucoup car elle retransmet à la fois l'esprit de vos assises, l'esprit des membres de votre association mais aussi, elle est évidement nourrie de votre longue expérience du territoire et parfois des contradictions, y compris des élus.
Je suis heureuse d'être ici parce que j'ai été nommé ministre de l'Égalité des territoires. Ce n'est pas rien, c'est un engagement du Président de la République, c'est le premier ministère de l'Égalité des territoires, il hérite évidemment des compétences de ceux qui furent les ministres de l'Aménagement du territoire mais il a changé de nom. Et ce n'est pas anecdotique que ce nom de baptême soit né en 2012.
Mais malheureusement, il m'est revenu d'occuper ce poste et donc lors de mes premières auditions au Sénat, peut-être certains d'entre vous s'en souviennent, un certains nombres d'élus, de sénateurs, en particulier de sénateurs ruraux, maires pour beaucoup d'entre eux, sont venus en disant : « houlà, c'est quoi cette ministre de l'égalité des territoires qui cumule quand même beaucoup d'inconvénients » ; je ne sais pas dans quel ordre il faut mettre les inconvénients : a) elle est écologiste, b) c'est forcément une bobo parisienne, et c) en plus elle nous aime pas.
Les trois choses sont fausses.
Il se trouve, qu'avant d'avoir été maire adjointe d'une commune qui est un peu plus grande qu'une petite ville, j'y reviendrais, j'ai été élevé dans une vraie petite ville. Une ville de 15 000 habitants aux confins de l'Ile-de-France, aux frontières avec le Loiret, une authentique petite ville dans tout ce qu'elle représente, c'est-à-dire un pôle urbain pour le territoire qui l'environne avec une relation très compliquée, avec une immense métropole, la métropole parisienne. Il se trouve que dans le même temps j'étais la petite fille, l'arrière petite fille, l'arrière arrière petite fille et je vous dispense de la suite, d'une famille lozérienne d'un village qui ,lui, ne pourrait avoir l'honneur d'être membre de votre association, qui s'appelle Auroux, qui se trouve en Lozère et qui comporte 428 habitants au dernier recensement. Il se trouve donc que toute mon histoire familiale, personnelle et aussi politique, est nourrie de cette conviction que la France n'est pas seulement une histoire mais largement une géographie, une géographie qui en constitue je crois sa richesse et qui, et c'est intéressant puisque la ministre de l'égalité des territoires a souvent été interrogée sur le débat métropolitain, ne partage absolument pas l'idée que l'avenir de la France se nouerait autour de ces quelques métropoles. Qui seraient, elles, les pôles d'attraction avec un rayonnement mondial pour quelques uns, européen pour d'autres, régional pour les derniers ; qui seraient les locomotives de leurs territoires. Et qu'il suffirait ensuite, à l'égard des autres collectivités d'avoir une politique de compensation.
Pourquoi ? Parce que l'on peut réfléchir à cette politique la quand il s'agit d'une politique industrielle, on peut en penser ce qu'on en veut, mais on peut considérer que la sidérurgie c'est terminé, que le textile c'est derrière nous, que certains secteurs industriels sont dépassés, qu'il faut les abandonner et s'orienter vers d'autres secteurs. Il y a une chose qui est absolument impossible de faire c'est de considérer que les territoires de montagne vont disparaitre parce qu'ils sont trop compliqués à gérer, que les zones rurales finalement ce n'est pas très utiles et qu'on va garder 4, 5, 6, 10 métropoles et puis ça suffira. C'est simplement impossible, la géographie ne peut pas répondre à cette approche. Non seulement c'est impossible mais ce serait, je crois, pour notre pays une grave erreur parce que sur le plan des valeurs c'est bien la question de l'égalité qui met en mouvement notre nation depuis la Révolution française, l'égalité de tous les citoyens de ce pays quelque soit leurs origines et où ils habitent. Pas une grande querelle, pas une grande bataille politique en France, pas une polémique publique qui n'ait comporté en son sein une certaine idée du rapport à l'égalité et c'est bien pourquoi, au delà des clivages politiques, cette question de l égalité est, et dans ce cadre là, la question de l'égalité des territoires, est constitutive même de notre identité nationale.
Je crois même que dans notre triptyque républicain, l'égalité c'est celle qui ordonne la construction de l'intérêt général. Parler de l'égalité des territoires c'est donc parler d'une certaine idée de la France, de son présent et j'y reviendrais, surtout de son avenir. Mais l'égalité n'appartient bien évidemment pas qu'au registre des valeurs, parler d'égalité des territoires c'est bien s'interroger sur le mouvement réel de l'histoire et sur les politiques publiques à mettre en oeuvre pour assurer l'égalité des citoyens sur le territoire ; elle passe nécessairement par la garantie que chaque territoire dispose des moyens nécessaires pour permettre l'épanouissement ce celles et ceux qui y résident. C'est le rôle de l'Etat, et c'est celui que je souhaite promouvoir à travers mon ministère ; c'est de favoriser cette mise en capacité de tous les territoires, de donner par exemple aux petites villes, une petite ville que vous représentez chacun d'entre vous, la capacité d'agir elles-mêmes pour leur propre développement, de leur faire confiance, de leur faire jouer leur rôle d'impulsion et de structuration du territoire.
Disons les choses très clairement : je ne pense absolument pas que l'on puisse sacrifier les petites villes. Et si tant est qu'une ministre est une quelconque responsabilité, je ne laisserais pas faire parce que la tentation du laisser faire a suffisamment déstructuré notre pays. L'idée que la main invisible du marché déciderait seule de l'évolution de nos territoires n'est pas seulement erronée, elle est surtout dangereuse.
La tendance à la métropolisation est réelle, elle est portée par les évolutions économiques mais elle n'est pas non plus une fatalité. Parce que je crois que le rôle des métropoles est bien d'avoir toute la place pour se développer mais elle n'est pas de vampiriser toutes les énergies tous les moyens et toutes les potentialités de développement, mais au contraire d'agir en harmonie avec l'ensemble du territoire au sein duquel elles se développent. Il rentre dans ma mission, en tout cas, c'est comme ca que je l'a conçois d'y veiller.
Quel est mon état d'esprit ? Il est très simple, et sur beaucoup de question il est de cette nature et j'en profite pour saluer le sénateur Jarlier qui a eu la gentillesse, mais ce n'était pas de la gentillesse je pense, c'était de la conviction de voter en faveur des dispositions qui vont permettre d'agir efficacement pour lutter contre la crise du secteur du logement et de la construction, il a pu constater que mon état d'esprit en beaucoup de sujet s'était nourri de conviction mais surtout d'un grand pragmatisme et de la volonté d'apporter des solutions efficaces.
Il convient donc de partir du réel et le réel c'est que les petites villes ont un rôle majeur dans le réseau urbain de notre pays. De surcroit, elles sont aussi et toujours aujourd'hui des pivots essentiels de l'articulation entre urbain et rural, qui regroupent une offre de services et d'équipements qui bénéficient à un territoire plus large (hôpitaux de proximité, services et administrations d'Etat, opérateurs publics, lycées…). Dès lors, les petites villes doivent être au coeur de la mise en oeuvre d'une politique de planification, d'urbanisme, de transports et d'aménagement qui fait le lien avec les territoires de son influence. Mais j'y reviendrai ne vous inquiétez pas.
Vous l'aurez compris, les petites villes que vous dirigez sont des appuis essentiels pour mener une action publique locale à l'échelle d'un territoire plus vaste, au service de ses habitants. Chacun sait que la mobilité, le logement, les services, le développement durable, sont autant de problématiques qui ne sont pas cantonnées aux frontières communales. Il convient donc de chercher les voies de la cohérence et de l'efficacité.
Par tous les moyens nécessaires, nous devons combattre les fractures territoriales qui abiment notre pays. La mise en concurrence des territoires, la montée des antagonismes, le développement de la frustration, l'atonie démocratique parfois, les micro communautarismes sont autant de menaces réelles pour la cohésion de notre pays.
Ceux qui pensent que mon alerte est exagérément pessimiste doivent se souvenir d'une réalité crue : l'histoire n'a pas toujours été apaisée dans notre pays. Les crises économiques sont parfois grosses de périls plus graves encore. Je vois pour ma part avec une inquiétude réelle renaître dans toute l'Europe des idées qu'on pensait disparues de la scène de l'histoire.
La priorité d'une politique d'égalité des territoires, ma priorité politique, c'est donc de maintenir notre cohésion sociale pour renforcer notre capacité de résilience collective face à la crise. Au besoin, cela implique d'évoluer, de redistribuer les pouvoirs, de réorganiser l'architecture des responsabilités, bref de s'adapter à l'évolution du monde pour pouvoir y défendre notre modèle. Je souhaiterais donc vous dire à quel point nous aurons dans le cadre de ce qui est pour l'instant le deuxième projet de loi sur la décentralisation, à traiter de l'égalité des territoires, grâce à un titre, celui de l'égalité des territoires dont je suis chargée, qui offrira des outils aux collectivités pour renforcer le développement local et l'accessibilité des services au public. Je pense qu'aujourd'hui deux axes qui me paraissent important sont portés par le ministère de l'égalité des territoires et ces deux axes me semblent participer directement de cette mise en capacité que j'appelle de mes voeux et qui contribuent à un développement durable et équilibré de notre territoire dans lequel les petites villes ont plus que jamais leurs places.
Le premier axe, c'est le développement des usages du numérique, qui sont des vecteurs de développement, d'amélioration de la qualité de services, dans le cadre de véritables projets de territoire et qui doivent être considérés dès aujourd'hui comme des moyens d'une occupation différente du territoire et que cette concentration urbaine que nous avons connu pendant ces dernières 50 années n'est pas forcément un scénario qui va se poursuivre et s'amplifier de manière aussi durable que l'on pourrait le croire.
Le second, et c'est le corollaire du premier, c'est la réforme de la planification indispensable à la mise en oeuvre de projets de territoires pertinents.
Ces deux sujets n'épuisent pas la question de l'égalité des territoires, vous avez évoquer des questions financières, des question de critérisation, des questions de dotations publiques, ce sont des sujets qui sont absolument évidents, il me semble nécessaire de pouvoir éviter ce que nous avons un peu trop connu ces dernières années, c'est-à-dire que des territoires déjà meurtris soient eux-mêmes victimes d'autres meurtrissures je veux parler de départs parfois conjoints sur les territoires de plusieurs services publics qui ont mis des élus locaux en situation de grande fragilité. Je voudrais si vous le permettez avant de développer les deux points que je viens d'évoquer rendre un hommage, un hommage très sincère, aux rôles qu'ont les élus locaux dans notre pays aujourd'hui. Dans un certains nombre de territoires – les petites villes en font partie - ce sont les élus locaux qui sont au coeur des derniers vrais piliers de services qui demeurent, ce sont eux qui font face aux habitants qui sont au chômage, ce sont eux qui font face aux personnes âgées qui sont parfois en situation très délicate à l'idée de devoir quitter leur territoire, eux qui doivent répondre aux mêmes personnes âgées, parfois aux ménages plus jeunes qui sont en situation de précarité énergétique qui ne savent plus comment payer les factures de la maison dont ils sont pourtant propriétaire, je sais que vous êtes dans un certain nombre de cas la digue qui tente de résister face à une crise qui devient plus profonde et c'est bien pour cela que je souhaite à la fois renforcer ce rôle des élus locaux, mais aussi faire en sorte que nous nous dotions des dispositions qui permettent de le faire de manière plus collective, plus efficace et finalement, et j'y reviendrais, plus confortable pour les élus locaux et pour les maires notamment.
Pour le numérique, je crois qu'il faut mesurer à quel point c'est une opportunité majeure pour les petites villes et leurs territoires, pas seulement par son existence même, mais aussi par les nouveaux usages qu'il autorise.
L'accès au haut débit permet d'envisager, il faut le savoir, une relocalisation des activités, des entreprises dans des territoires qui peuvent être aujourd'hui géographiquement enclavés et éloignés des pôles métropolitains. Oui l'innovation peut se faire et pourra se faire, au vu du nombre de déplacement que je fais, je peux le constater chaque jour, dans des territoires auxquels on ne s'attend pas aujourd'hui. Le développement des centres de télétravail, par exemple, est une bonne manière de repenser la manière d'être sur le territoire.
Le plan Très haut débit présenté en février dernier par le gouvernement, qui s'engage à couvrir l'ensemble du territoire en très haut débit, renforce l'accompagnement financier de l'Etat sur les territoires peu denses : la subvention dont ils bénéficieront pour créer leurs infrastructures de très haut débit sera plus importante que celle des territoires les plus denses. Le titre égalité des territoires inclus dans le second volet de cette réforme sur la décentralisation, participe aussi de cette mise en capacité des territoires : les compétences en matière numérique sont clarifiées, ce seront les départements qui seront chef de file sur cette compétence et qui devront piloter l'élaboration d'un schéma départemental d'aménagement numérique. Pour ma part, je pense qu'il faut aller plus loin, et je ne verrais que des avantages à ce que ces schémas intègrent aussi un volet stratégique sur les usages et sur les services numériques. En effet, le très haut débit n'est pas une fin en soi, c'est bien les usages qu'ils permettent qui permettront de changer aussi la manière de vivre sur le territoire. C'est dans cet état d'esprit que j'ai confié à Claudy Lebreton un rapport sur la transformation des territoires par les usages numériques, qui me sera remis avant l'été, et qui proposera des initiatives, des actions à mettre en oeuvre pour lever les freins éventuels au développement d'usages innovants. Je donne souvent cet exemple, aujourd'hui dans nombre de nos petites villes les cinémas sont partis, il faut parfois aller loin, faire des dizaines de kilomètres pour aller dans un multiplexe qui a concentré les salles de cinéma. La présence de très haut débit permettra, y compris dans de toutes petites villes, de pouvoir retrouver pas seulement des séances de cinéma, mais une sortie en exclusivité mondiale d'un film. Voilà qui participera aussi du beau tissage de liens sociaux, de nouveaux usages qu'on imagine encore trop peu. Je le dis aussi pour la question des services publics avec le guichet numérique et à condition, je dis à condition, de maintenir dans ses services publics, une présence humaine qui permet de tisser du lien avec les habitants. On pourra la aussi, réinventer un mélange ultra proximité et haute technologie. Une manière différente de délivrer les services publics. Voilà donc cet enjeu qui est devant nous et devant vous, c'est celui de bâtir de véritables territoires de projets numériques.
J'ai décidé d'engager mon ministère dans l'accompagnement et l'émergence de ces territoires numériques, c'est pourquoi, je vous l'annonce aujourd'hui, je lancerai prochainement un appel à projet sur les territoires numériques dont l'objectif sera d'aider aux développements des usages autour de lieux d'accompagnement vers le numérique et d'insertion des publics fragiles notamment.
Le deuxième élément, c'est celui de la question d'une planification urbaine à une échelle pertinente pour assoir les projets de territoires.
Je ne me cacherai pas derrière mon petit doigt. Il s'agit de la question des PLU intercommunaux. C'est un vrai sujet et il serait facile pour moi d'essayer d'esquiver devant vous ce débat. J'ai bien vu la phrase que vous avez indiquée avec l'inquiétude que soulevait la perspective d'un transfert obligatoire de la compétence PLU à l'intercommunalité.
Je voudrais à ce stade vous dire deux choses. Je n'étais pas à priori convaincue. Vous avez évoqué mes responsabilités de maire adjointe à l'urbanisme. J'étais dans une commune qui se trouve à 12 kilomètres de la frontière de Paris - c'est drôle d'ailleurs d'utiliser ce terme - et qui n'est dans aucune intercommunalité, encore aujourd'hui, et qui a un PLU communal. J'étais adjointe à l'urbanisme.
Si on m'avait dit, étant donné par ailleurs les relations conflictuelles parfois avec les communes environnantes, « maintenant il va falloir faire un PLU intercommunal », j'aurai sans doute eu la même réaction que vous. Sans doute, assise avec vous, j'aurai dit : « ça non, en plus ils font n'importe quoi, la preuve, ils ont décidé d'installer leur déchetterie alors que même nous on essaye de gérer l'entrée de ville, ce n'est pas la peine de parler avec eux ». Sauf que, pourquoi il s'est passé ça ? Parce qu'il n'y avait aucune débat intercommunal sur l'aménagement d'endroits où un trottoir d'un côté de la rue faisait partie d'une des communes et le trottoir de l'autre côté de la rue d'une autre commune. Il n'y avait d'ailleurs pas les mêmes bordures de trottoirs pour que chacun comprenne bien sur quel trottoir il marchait, je suis absolument convaincue qu'au moment où il s'agit de délaisser ce qui apparait comme étant une compétence propre pour passer à un autre stade, la crainte existe.
Mais je veux vous faire part de ma conviction. Je suis convaincue que c'est une chance et c'est en particulier une chance pour les territoires ruraux et pour les petites villes. Pourquoi c'est une chance ? Parce que dans la situation dans laquelle nous nous trouvons, nous avons vécu une sorte d'intermédiaire. Vous avez évoqué la question des missions de l'état, d'ADS et d'ATESAT. La compétence urbanisme a été pleinement confiée aux communes en 1982 mais depuis 30 ans, dans un certain nombre de communes, pour instruire un dossier d'extension d'une véranda, ce sont les services de l'état qui le font. Qu'est ce qui se passe ? Parfois ils proposent de refuser la délivrance du permis, le maire grogne, explique que c'est un scandale, que l'État est gonflé et qu'en plus son administré va venir le voir trois fois parce qu'il ne comprend pas pourquoi on lui dit non et il va dire, « ben c'est l'État qui ne veut pas ». C'est ce qui se passe et je suis sûre, je ne vous oblige pas à m'approuver mais je suis certaine que vous avez des tas d'histoires comme ça. C'est-à-dire que c'est une compétence pleinement communale mais sur laquelle on explique que c'est l'État qui bloque un certain nombre de projets. Pourquoi ? Parce que dans un certains nombres de cas aussi, et ça je l'ai vécu et je peux le dire en tant que maire adjointe, quand il s'agit de refuser la délivrance d'un permis de construire et bien c'est très désagréable. C'est notamment encore plus désagréable quand on est face à une personne qui prend rendez-vous et qui demande pourquoi on refuse de délivrer ce permis. Et je pense vraiment qu'aujourd'hui, c'est une vraie preuve, à la fois de responsabilité et de confort que de changer le périmètre de réflexion en matière d'urbanisme. Pourquoi ? Pour une deuxième raison. Parce qu'il se trouve que le périmètre des communes, et moi je ne suis pas de ceux qui pensent qu'il faut fusionner les communes, vous avez évoqué la question tout à l'heure, et je suis absolument convaincue que ces communes sont très attachées – j'y reviendrai en conclusion – à l'histoire de notre pays. Il y a un attachement réel et on peut inventer une solution qui ne soit pas binaire entre la fusion ou le maintien de 36 000 communes. Et que cette solution qui n'est pas binaire, c'est bien l'intercommunalité.
C'est une intercommunalité sincère, c'est une intercommunalité engageante. Ca n'est pas une intercommunalité infantilisante. Et je dois vous dire que je pense que vous vous faites peu confiance de pouvoir croire qu'on imposerait sur le territoire de telle ou telle commune, qu'il y ait telle ou telle réalisation, tel ou tel projet ou tel ou tel zonage, si le conseil municipal et le maire n'étaient pas d'accord. J'imagine bien que personne n'a décidé d'installer l'Alpinium contre l'avis du maire de Saint-Rémy de Provence. Je ne peux pas imaginer ça. Quand bien même on imaginerait que le débat s'est porté au niveau intercommunal, ce que j'imagine puisque pour disposer d'un aussi bel équipement, c'était forcément, notamment avec le soutien du département j'ai compris mais pas seulement, avec la mobilisation de l'ensemble des élus qui s'accordent pour un projet partagé. Et donc ça n'est pas une volonté ni autoritaire de la part de l'État, ni dans une logique de refus de reconnaitre la capacité d'action des élus locaux. C'est vraiment dans une volonté de vous dire, avec une grande sincérité, que je suis convaincue que c'est une chance pour les communes et en particulier pour toutes celles qui ne sont pas dans les métropoles de pouvoir penser l'avenir. Et que pour ça, c'est une proposition que je vous fais, Monsieur le Président, puisque j'ai bien lu votre texte et qu'il s'agit d'inquiétudes, je vous propose que vous nommiez une délégation des membres de votre association, celle que vous voulez, pour que nous ayons une discussion très franche et très sincère sur le projet de loi, sur ce que nous envisageons. Je ne suis pas sûre que la méthode du véto soit la bonne, en revanche, je ne veux absolument pas dans cet état d'esprit, obliger les communes à accepter un certains nombres de dispositions qui ne seraient pas les leurs mais je constate dans chacun de mes déplacements, qu'on peut voir des zones d'activité installées sur cinq communes qui sont quasiment contigües avec un hangar installé par zone d'activité et de l'espace, notamment naturel, forestier, utilisé pour rien. Je constate qu'un certain nombre de petites villes aujourd'hui sont en train de devoir faire face à une situation qui sera sans doute aussi difficile que ce qu'ont vécu les grands ensembles. C'est-à-dire la nécrose des centre ville, le départ des habitants, parfois des commerces. Une situation très douloureuse, qui pèse sur l'image, sur le moral des habitants et j'en suis certaine, sur l'engagement des élus locaux. Donc c'est vraiment une volonté qui est une volonté de construire l'avenir qui est la mienne. Et c'est une vraie conviction, pas une conviction évidente mais une conviction qui est née de la confrontation aux réalités des situations des différentes communes. Puis de la conviction aussi pour l'avoir entendu, y compris autour de moi quand j'étais assise tout à l'heure, « oui mais pour ça y a les SCOT »
C'est vrai et le rôle des SCOT a été édifiant mais là où c'est très intéressant, les SCOT ne sont pas prescriptifs et bizarrement dans tous les territoires que j'ai pu constater, ils ont une fonction prescriptive quasiment au-delà de ce que ne leur prévoit absolument pas la loi. C'est bien parce que la capacité de s'engager dans cette démarche intercommunale, ce travail en commun permet de réfléchir de manière différente et permettra aussi de se doter des services, par exemple, d'instruction de permis de construire. Je rappelle que la délivrance du permis est toujours du ressort du maire. Qu'il est évident que c'est lui qui sera confronté à la construction, qui permettra aux élus de travailler le mieux ensemble. C'est donc une conviction que j'ai envie de vous faire partager. Une conviction et un pari. On pourrait parfois entendre si on écoutait mal ce que vous avez dit dans la table ronde de ce matin, « tout fonctionne bien, tout va bien et y a pas de problème, il faut surtout rien toucher ». Il faut que chacun ait ses compétences mais en même temps il faut qu'on ait tous la compétence générale, tout en ayant des chefs de file mais les chefs de file ils ne doivent pas quand même faire obéir les collectivités qui sont de niveau inférieur.
Voilà la situation, si je caricature, dans laquelle on pourrait se trouver. Moi ce qui m'intéresse, c'est de faire avancer ce projet avec tous ceux qui sont concernés, ceux qui, puisque grâce au club du PLUI que nous avons mis en place au sein du ministère, ceux qui avaient fait un pari risqué puisque c'était une, c'est toujours d'ailleurs, une compétence optionnelle. Ils pourront constater et ont pu constater à quel point c'était aussi gratifiant, j'ose ce terme, gratifiant de voir cette réflexion partagée sur l'avenir du territoire. Pourquoi je souhaite que nous allions vers une démarche qui rendra ces PLUI sur l'ensemble du territoire parce qu'aujourd'hui nous sommes à moins de 8%. Moins de 8% parce que, une chose est d'aller dans cette démarche quand elle est prévue et qu'elle doit être organisée, une autre est comme vous l'avez dit, Monsieur le Président, d'assumer devant ses électeurs, que c'est les élus eux-mêmes qui ont fait le choix d'aller dans cette démarche. Je sais que c'est plus difficile et donc il me semble, et je réitère ma proposition que nous levions toutes les inquiétudes, j'y suis prête mais que nous allions ensemble vers ce chemin. Que ce ne soit pas un sujet de confrontation politique mais bien un sujet qui à partir du moment où les inquiétudes seront levées, y compris sur les équilibres politiques au sein des intercommunalités et le risque qu'un élu soit mis sous tutelle d'autres élus qui ne seraient pas du tout de sa famille politique et qui le feraient pour des raisons qui ne seraient pas des raisons d'aménagement équilibré de l'ensemble du territoire. Je le dis, là aussi soyons francs, puisque je souhaite que ce PLUI puisse aller sur l'ensemble du territoire français, il ne me parait pas opportun aujourd'hui d'y associer de manière obligatoire un PLH et un PDU qui est très lourd, très complexe et un plan de déplacement urbain pour des intercommunalités rurales et pas forcément le sujet le plus prioritaire donc je souhaite que cette discussion est lieu et je souhaite vraiment que celle-ci est lieu dans un bon état d'esprit. Parce que je suis absolument convaincue, qu'appuyé par l'état aussi, parce qu'il est de la responsabilité de l'état d'aider les territoires ruraux et les petites villes qui sont en situation plus difficile et qui subissent plus durement la crise, vous serez des acteurs majeurs de la lutte contre la fracture sociale et territoriale, de la remise en marche économique de notre pays.
Pardon d'avoir été longue. Vous m'excuserez d'avoir été franche. La franchise de votre débat m'y a invité mais je souhaitais être claire, à défaut d'être exhaustive et croyez bien, et je pense que certains d'entre vous aujourd'hui n'en doutent plus, qu'en tant que ministre de l'égalité des territoires, je veillerai à ce que loin d'être laissé au bord du chemin, les petites villes soient reconnues dans leurs rôles, respectées dans leurs prérogatives et renforcées dans le moyens qui leur seront dévolus pour combattre la crise.
Il se trouve que j'ai fait un exercice impromptu en vous rejoignant qui était de regarder qu'elles étaient vraiment les petites villes qui étaient membres de votre association. Donc j'ai constaté qu'elles étaient très nombreuses mais qu'elles allaient de Saint-Rémy de Provence avec ses 13 desserts de Noël, la transhumance et l'huile d'olive, Volvic dont la pierre et l'eau se retrouve dans tout notre pays, Marmande, Monsieur le Maire dont le nom est indissociable de ses tomates. Mais aussi Rethel et presque détruite en 1914 et détruite en 1940 et qui a trouvé à chaque fois la force de se rebâtir. Le Thor, Monsieur le Maire, dont la colline du château de Touzon montre que c'était déjà une petite ville au néolithique, Ferney-Voltaire qui a pris le nom de celui qui fut son protecteur ou de Figeac, Monsieur le Président, haut lieu de la résistance quercynoise et du sacrifice de nombre de ses habitants.
Ce sont vos petites villes qui gardent vivant le patrimoine de notre pays et nous y sommes tous extrêmement attachés. Ce sont dans vos villes que se sont écrites parmi les plus grandes pages de l'histoire de notre pays.
« Lis aubre que van founs soun li que mounton aut »
Il est encore autorisé aux ministres de parler en occitan. C'est de Frédéric Mistral « Les arbres aux racines profondes sont ceux qui montent haut ». Ce sont donc vos villes, et j'espère le faire avec vous, qui écriront l'avenir de notre pays.
Merci beaucoup.
Source http://www.territoires.gouv.fr, le 7 juin 2013