Déclaration de Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, sur les codes de bonnes pratiques à développer dans les entreprises multinationales et la normalisation à renforcer notamment dans les instances internationales pour éviter les accidents industriels comme celui du Rana Plaza au Bangladesh, Paris le 26 juin 2013.

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Circonstance : Forum de l'OCDE - Conduite responsable des affaires - à Paris le 26 juin 2013

Texte intégral

Madame la Ministre,
Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Je suis honorée d’intervenir à ce premier forum de l’OCDE sur la conduite responsable des affaires. J’avais signalé à Monsieur le Secrétaire Général l’intérêt du Gouvernement français pour cette question (et la présence aujourd’hui d’un autre Ministre français, Pascal CANFIN, montre bien cette préoccupation).
L’actualité tragique a rendu cet intérêt prioritaire. Le dramatique accident de Rana Plaza, le 24 avril, a coûté la vie à plus de 1 100 femmes et hommes du Bangladesh. Nous ne pouvons pas l’ignorer.
La France s’associe à la douleur des familles et du Bangladesh tout entier et je tenais à remercier Madame Moni, Ministre des Affaires Etrangères du Bangladesh, d’honorer ce forum de sa présence. Elle témoigne ainsi de la grande préoccupation des autorités bangladaises. Il y aura un avant et un après Rana Plaza dans le commerce international.
C’est d’autant plus essentiel, c’est d’autant plus une exigence pour la représentante d’un pays du Nord que je suis, que ce forum intervient deux ans et un mois après l’adoption des nouveaux principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales (25 mai 2011).
La trop longue liste d’accidents industriels dramatiques, au Bangladesh et ailleurs, constitue une douloureuse illustration des efforts qui restent à accomplir pour améliorer les conditions de travail et pour faire appliquer ces principes directeurs.
Nous le devons pourtant. En effet, ils constituent le plus complet des instruments concernant la responsabilité des entreprises. 45 pays, dont la totalité des membres de l’OCDE, adhèrent à ces Principes directeurs.
D’autres s’y intéressent, dont l’Inde, l’Indonésie et la Chine, dont je salue ici les représentants. Ces principes constituent un socle de normes couvrant les droits de l’homme, l’emploi et les relations professionnelles, l’environnement, la lutte contre la corruption mais également la publication d’informations, la fiscalité ou les intérêts des consommateurs. Le panel est vaste, et le combat sera long.
L’OCDE est un lieu privilégié pour promouvoir la conduite responsable des entreprises et veiller à une cohérence des différentes approches et des différents acteurs. Je crois que l’Organisation est au coeur de l’enjeu économique et social majeur que constitue la Responsabilité Sociétale des Entreprises. Et c’est pour moi l’un des lieux où se jouera la bataille.
C’est pourquoi j’ai saisi, quelques semaines après Rana Plaza, le comité de l’investissement de l’OCDE et le Point de contact national français afin qu’ils examinent l’application à ce type de situation des principes directeurs par les entreprises multinationales et qu’ils fassent des recommandations sur les mesures de diligence raisonnable que les entreprises devraient mettre en oeuvre.
J’ai invité, lors de la réunion ministérielle de l’OCDE du 30 mai dernier, mes collègues ministres à en faire autant dans leurs pays respectifs. Le sujet dépasse de loin le cas du Bangladesh. C’est pour l’humanité que nous agissons.
Je me félicite donc que, lors de la réunion annuelle des Points de contact nationaux, qui s’est tenue hier, ait été adoptée une déclaration qui consacre la responsabilité de ces points de contact dans l’application des principes directeurs au secteur textile et inscrit ce sujet au sein de « l’agenda proactif » sur lequel travaille l’OCDE.
La France sera au rendez-vous ; et je ferai des propositions à l’automne dans le cadre de la plateforme RSE installée lundi dernier par le premier ministre. Je voudrais vous livrer ici quelques pistes de réflexion.
Entre la “soft law” que constituent les principes directeurs et un cadre réglementaire strict que certains appellent de leurs voeux, je pense qu’il y a une troisième voie, et plus encore.
1/ Les entreprises, en lien avec les ONG, ont initié de bonnes pratiques comme « l’Accord sur la sécurité des bâtiments et la prévention des incendies au Bangladesh » qui a été présenté tout à l’heure par Jérôme Bédier, Secrétaire général du groupe Carrefour. Cet accord a été signé par près de 40 entreprises mondiales.
Pourquoi ne pas étendre cette démarche à d’autres secteurs et à d’autres pays ? Notre rôle, en tant que pouvoirs publics, est d’inciter à la généralisation des bonnes pratiques.
2/ L’organisation internationale de normalisation vient de décider de développer une nouvelle norme “ISO” sur les “achats responsables”. 25 pays, dont la France et le Brésil, sont impliqués dans la définition de cette nouvelle norme, qui complètera la norme ISO 26000 et permettra, à terme, de certifier les entreprises appliquant les principes directeurs de l’OCDE. Je vous invite à vous mobiliser lors de la première réunion du comité ISO qui se tiendra le 23 septembre à Paris. Peu médiatique, la question des normes demeure, nous le savons tous, essentielle.
3/ Le commerce international est encadré par de nombreux accords internationaux. Nous devons veiller à ce que les futurs accords internationaux sur le commerce intègrent des exigences en matière de normes sociales et environnementales ainsi qu’une évaluation de l’application de ces normes. Mieux que ça, avant de lancer des négociations sur un accord de libre échange, il faut que nous disposions d’une étude d’impact solide sur ces sujets. A l’heure actuelle elle arrive bien souvent à la fin des négociations, une fois que les dés sont jetés. Ce n’est pas acceptable. Au même titre que les gains économiques, la commission doit fournir aux état membres des données sur les coûts environnementaux et sociaux des accords de libre échange car ils sont partie intégrante du processus de décision. Je viens de commander une mission à l’agence de notation extra financière, Vigeo, en ce sens.
4/ Enfin, la transparence est une source importante de progrès car elle permet de mettre en avant les bonnes pratiques et de les faire connaître dans une démarche de progrès continu. C’est pourquoi, je soutiens pleinement l’initiative récente de la Commission européenne d’une directive imposant un reporting extra financier aux entreprises. J’ai écrit avec Pierre MOSCOVICI au commissaire BARNIER afin que cette directive soit la plus ambitieuse possible et soit adoptée dès 2014.
Nous devons oeuvrer en faveur d’une mondialisation responsable. Mais pour cela, il faut que nous élevions nos normes humaines, sociales et environnementales aussi haut que nous avons élevés nos échanges. Il reste encore, mes chers amis, du travail.
Les travaux à mener sont herculéens ; ils nécessitent un très grand effort de l’ensemble des parties prenantes. La France sera au rendez-vous. Je sais pouvoir compter sur vous pour faire vivre ce forum et fournir des résultats à la hauteur des enjeux.
Merci.
Source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 27 juin 2013