Déclaration de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur le rôle du gaz naturel dans la maitrise de la pollution atmosphérique, et suite à la directive européenne, sur l'ouverture totale des marchés du gaz aux particuliers, Paris le 12 septembre 2001.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Ouverture du Congrès du gaz organisé par l'Association française du gaz sur le thème "concurrence et environnement", à Paris, le 12 septembre 2001

Texte intégral

Allocution
de M. Christian PIERRET -
Secrétaire d'Etat à l'Industrie
d'ouverture du Congrès du gaz organisé
par l'Association française du gaz,
à Paris
le 12 septembre 2001
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux d'intervenir devant vous à l'occasion de ce Congrès du gaz.
Le thème de votre Congrès "concurrence et environnement" est particulièrement bien choisi et répond aux préoccupations actuelles du monde gazier.
I - Les préoccupations environnementales ont pris en effet une importance tout à fait particulière dans le domaine énergétique du fait notamment de la prise de conscience des risques liés au phénomène de l'effet de serre.
Il existe désormais une quasi-certitude sur le lien entre usage d'énergies fossiles émettrices de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique.
Sans céder au catastrophisme ont peut estimer que la composition de l'atmosphère continuera de changer du fait de l'activité humaine au XXIème siècle.
Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat pronostique ainsi une élévation de la température de nos jours à l'an 2100 comprise entre 1,5 et 6° C et une élévation du niveau de la mer de 14 à 80 cm.
Notre planète a déjà connu de tels écarts de température, mais étalés sur plusieurs dizaines de milliers d'années.
Il est très difficile de prévoir les conséquences pour la santé, l'agriculture d'un réchauffement de cette ampleur concentré sur un siècle.
Mais assurément la lutte contre l'effet de serre est appelée à devenir un enjeu de niveau international majeur.
Dans ce contexte, le gaz naturel a un rôle à jouer au côté d'autres énergies comme le nucléaire ou les énergies renouvelables. En effet, est-il besoin de le rappeler, le gaz naturel contribue moins au phénomène d'effet de serre que les autres énergies fossiles. A usage égal pour le consommateur final, le gaz naturel émet 30 % de moins de gaz carbonique que le fioul et 45 % de moins que le charbon.
Mis en uvre par des techniques économes et propres, ses qualités environnementales font donc du gaz naturel un combustible fossile avantageux pour l'environnement.
Je citerai deux exemples :
1° Le véhicule au gaz : il retient tout l'intérêt des Pouvoirs publics qui souhaitent promouvoir l'ensemble des filières alternatives : le véhicule électrique, le véhicule au GPL et le gaz naturel véhicule (GNV).
Le développement de ces filières constitue une réponse concrète aux préoccupations de nos concitoyens pour maîtriser la pollution urbaine.
Déjà plus de 600 bus au GNV circulent aujourd'hui dans les grandes villes françaises et 800 autres sont commandés. Un nouveau bus sur trois roule aujourd'hui au GNV.
Un autre secteur du GNV présente également de bonnes perspectives, il s'agit du secteur de la collecte des déchets dans les centres urbains. Aujourd'hui plus de 60 bennes à ordures ménagères roulent au GNV.
Ce bilan positif est à mettre à l'actif d'une coopération exemplaire entre tous les partenaires de la filière au sein de l'Association française du gaz naturel véhicule, l'AFGNV auquel je rends hommage.
2° Le deuxième exemple d'utilisation performante du gaz naturel est celui de la cogénération.
Cette technique à haut rendement de production d'électricité et de chaleur bénéficie du soutien des Pouvoirs publics. En effet, la loi du 10 février 2000 a prévu que ce type de production d'électricité bénéficie d'une obligation d'achat par EDF ou les distributeurs d'électricité.
Les conditions d'achat ont récemment fait l'objet d'une concertation avec tous les acteurs concernés et celle-ci a conduit à l'adoption d'un tarif de rachat que j'ai signé récemment et qui vient d'être publié au Journal officiel.
Ce nouvel environnement législatif et réglementaire va permettre, j'en suis persuadé, de dynamiser le développement de cette filière.
II - Le deuxième volet de mon intervention sera consacré à l'environnement européen du secteur gazier.
La directive européenne de 1998 sur le marché intérieur du gaz naturel, conduit à une ouverture progressive et maîtrisée des marchés nationaux du gaz naturel, en laissant une place importante à la subsidiarité.
Au cours de la négociation de la directive, j'ai pu faire prévaloir diverses ambitions propres à notre pays, en particulier en faveur du service public et de notre politique énergétique.
La notion de service public du gaz, qui nous tient à coeur, a été reconnue ainsi que la volonté d'assurer notre sécurité d'approvisionnement basé sur les contrats de long terme.
L'ouverture du marché est progressive et maîtrisée ; de manière générale, la directive laisse de larges marges de manoeuvre aux Etats, qui peuvent fixer des modes d'organisation conformes à leurs attentes propres.
La mise en oeuvre de cette directive rend nécessaire des évolutions profondes et significatives du cadre législatif français. Pour préparer ces modifications, j'ai souhaité une démarche ouverte et transparente. C'est pourquoi l'élaboration de la future organisation gazière française est le fruit d'une importante concertation nationale.
La concertation progressive et ouverte a permis d'assurer la prise en compte des préoccupations légitimes des acteurs concernés et de nos concitoyens.
Je ne reviendrai pas en détail sur chacune des propositions du projet de loi, mais je souhaite souligner certaines "lignes de force" qui apparaissent à la lumière de ces propositions :
1° Au coeur des préoccupations de nos concitoyens figure un service public exemplaire et moderne, capable de s'adapter à un contexte plus ouvert.
C'est dans cet esprit que, pour la première fois, le projet de loi précise et conforte les missions de service public du gaz, les catégories de consommateurs à qui elles s'adressent et les opérateurs qui en ont la charge. Ces missions portent en particulier sur :
- la distribution du gaz et le processus d'extension de la desserte dans le cadre existant du plan triennal de desserte gazière qu'il convient de conforter ;

- les actions de solidarité et de lutte contre les exclusions qui renforceront des dispositifs préexistants pour concrétiser un "droit à l'énergie" pour tous ;

- les questions liées à la sécurité des installations gazières, qui nécessitent un examen attentif au moment où le nombre des opérateurs va croître ;

- plus généralement la garantie d'une fourniture de gaz répondant aux exigences du service public qui doit être offerte aux consommateurs non éligibles.

2° L'énergie n'est pas un bien de consommation banalisé et c'est notamment vrai pour le gaz naturel. Des enjeux particulièrement importants pour notre société y sont attachés, liés en particulier à la qualité du service public, à la sécurité d'approvisionnement de notre pays, à la protection de l'environnement et à la compétitivité de la fourniture. C'est pourquoi elle fait l'objet d'une politique publique forte : la politique énergétique.
L'ouverture du secteur du gaz à un plus grand nombre d'acteurs ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de la politique énergétique, mais il convient toutefois d'adapter nos instruments de politique énergétique à ce nouveau contexte. Le projet de loi prévoit notamment :
- l'encadrement de l'activité des fournisseurs de gaz naturel, selon des modalités compatibles avec les règles communautaires ;

- le contrôle de la diversification et de la fiabilité de nos approvisionnements, en particulier à travers le maintien des contrats d'approvisionnement de long terme ( "take-or-pay" ) ;
- la reconnaissance du rôle essentiel joué par les stockages souterrains pour l'équilibre des réseaux, qui exclut l'instauration d'un "droit d'accès des tiers aux stockages" analogue au "droit d'accès des tiers aux réseaux", sans toutefois faire obstacle au développement du marché des prestations de stockage lorsque des capacités sont disponibles.

3° En définitive, le futur système gazier devra bénéficier à tous. Le Gouvernement, sous le contrôle du Parlement, y veillera, en exerçant pleinement ses responsabilités, notamment en matière de choix de politique énergétique, de définition et de contrôle des missions de service public et d'élaboration de la réglementation générale applicable au secteur du gaz.
Une Commission de régulation spécialisée, qui pourra être commune au gaz et à l'électricité, complétera le dispositif de régulation, en veillant aux aspects concurrentiels du fonctionnement du système, tel que "l'accès des tiers aux réseaux" ou la séparation comptable des activités.
Le projet de loi adopté par le Gouvernement le 17 mai 2000 propose des évolutions de notre organisation gazière adaptées au nouveau contexte du secteur, permettant d'assurer les équilibres souhaités par le Gouvernement entre service public, mise en oeuvre de la politique énergétique et concurrence.
Dans l'attente de l'examen par le Parlement de ce projet de loi et pour répondre à l'objectif d'ouverture du marché, je me réjouis de l'initiative des transporteurs de gaz, Gaz de France, Gaz du Sud-Ouest et la Compagnie Française du Méthane, qui ont mis en place un régime transitoire "d'accès au réseau" pour les clients éligibles dès le 10 août 2000. Ce dispositif est complété par la mise à disposition de ces clients qui le souhaitent, d'un "service de modulation de la fourniture de gaz", c'est-à-dire la possibilité de dépôt temporaire de gaz en certains points des réseaux en apportant certaines garanties d'équilibre de souscriptions journalières.
Ces initiatives permettent aux industriels grands consommateurs de gaz, qui représentent environ 20% de la consommation totale française, de choisir leur fournisseur au niveau européen. Le gaz peut d'ores et déjà être acheminé sur les réseaux de transport français, selon des conditions commerciales transparentes et publiées sur Internet par les exploitants des réseaux.
L'application du régime transitoire a d'ores et déjà permis aux premiers clients éligibles de renégocier leur contrat de fourniture de gaz et, dans certains cas, de changer de fournisseur. C'est ainsi qu'un certain nombre de clients éligibles, représentant un volume de ventes annuelles estimé aujourd'hui à 11 TWh, ont fait appel à de nouveaux fournisseurs de gaz naturel installés dans d'autres Etats membres et notamment au Royaume-Uni.
Ces faits objectifs démontrent bien que la France répond à ses engagements communautaires. A de multiples égards, j'affirme que la mise en place progressive de l'accès aux réseaux gaziers français conduit à une ouverture effective du marché français et cela dans de meilleures conditions que dans d'autres Etats membres dans lesquels l'accès se heurte à des obstacles techniques et économiques.
4° Pour l'avenir, la Commission a récemment proposé que soit modifiée la directive actuelle pour aller dans le sens d'une ouverture accélérée du marché du gaz à la concurrence. Tous les clients "non domestiques" seraient éligibles et pourraient alors choisir leurs fournisseurs de gaz dès 2004. Cette possibilité serait ouverte à tous les consommateurs, y compris les consommateurs domestiques, en 2005.
Les spécificités gazières que j'ai déjà évoquées tout à l'heure m'incitent à une grande prudence face aux perspectives d'une ouverture excessive et précipitée du marché du gaz. Les discussions qui se déroulent actuellement à Bruxelles mentionnent bien que ces sujets sont très complexes et au coeur de la problématique énergétique européenne.
* * *
Je conclurai cette intervention en souhaitant deux bonnes journées de travail et d'échanges et que ce Congrès du gaz soit un grand succès pour l'industrie du gaz et pour tous ses acteurs.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 17 septembre 2001)