Déclaration de M. Thierry Repentin, ministre des affaires européennes, sur l'Union européenne et les territoires français, à Montpellier le 4 octobre 2013.

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Circonstance : Clôture de la 24e Convention nationale de l’intercommunalité, à Montpellier (Hérault) le 4 octobre 2013

Texte intégral


Monsieur le Président (Cher Daniel),
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens d’abord à vous remercier de m’avoir invité à introduire cette session de clôture de la 24e Convention nationale de l’intercommunalité.
J’ai un peu le sentiment de participer à une grande réunion de famille. Beaucoup de bons souvenirs me lient à l’Assemblée des Communautés de France. Beaucoup de visages connus et amis sont aujourd’hui dans la salle.
Et parce que nous sommes en famille, je souhaiterais vous livrer une confidence. Lorsque j’ai pris mes fonctions de ministre en charge des Affaires européennes, j’étais bien loin d’imaginer que mon expérience intercommunale me serait si précieuse. De manière assez étonnante, les points de comparaison entre l’Union européenne et l’intercommunalité sont nombreux. Il y d’abord ce même souffle des pères fondateurs, cette même conviction que les Etats membres, comme nos territoires, sont plus forts unis que séparés. Il y a ensuite cette recherche permanente d’équilibre. Lorsque je suis à la table de négociation à Bruxelles, je suis finalement dans une position assez comparable à celle d’un élu qui siège au bureau d’une intercommunalité :
- je défends naturellement les intérêts de la France, comme chacun d’entre vous défend les intérêts de sa commune ;
- mais je porte aussi une certaine vision de l’Europe, comme chacun d’entre vous est animé d’un projet pour sa communauté de communes ou d’agglomération.
28 Etats membres qui doivent s’accorder, 500 millions d’habitants concernés, c’est bien sûr une échelle différente, mais les pratiques de négociation, d’élaboration des politiques publiques, de construction d’un intérêt général qui ne peut pas être simplement la somme des intérêts de ses membres, tout cela fait que mon quotidien reste finalement assez proche du vôtre.
Au-delà de l’attachement très fort que me lie à l’ADCF, je tenais à être parmi vous aujourd’hui car le programme de votre Convention s’achève par une réflexion prospective : « Quelle France des territoires en 2020 ? ».
Et je souhaitais partager avec vous une conviction : l’avenir de nos territoires passe aussi par l’Europe.
Le Président de la République a remis la croissance et l’emploi au coeur de l’agenda européen. Alors que nous étions bien seuls au départ à porter cette idée, elle fait aujourd’hui l’objet d’un large consensus. Chacun est conscient que nous avons besoin d’une Europe prospère. Pour retrouver le chemin d’une croissance dynamique, durable et équilibrée, il nous fallait :
- consolider les grandes politiques européennes, qui irriguent nos territoires, en particulier la politique de cohésion, la politique de développement rural, le soutien à nos agriculteurs ;
- renforcer les politiques communes qui préparent l’avenir, notamment en matière de recherche, d’innovation ou encore en matière industrielle et énergétique ;
- avoir une approche équilibrée du marché intérieur, préservant les droits des consommateurs et des travailleurs, et protégeant l’environnement ;
- consolider aussi la zone euro, en ayant une véritable politique économique commune au service de la convergence par le haut de nos structures économiques et sociales.
Je suis fier d’appartenir à un Gouvernement qui porte sur la scène européenne cette idée qu’il faut donner les moyens aux territoires d’oeuvrer pour l’Europe toute entière et ses citoyens ! Que la croissance passe aussi par les territoires !
Cette conviction se traduit par au moins trois messages que je souhaitais partager avec vous aujourd’hui :
Premièrement) Un message de confiance à l’égard des collectivités et des acteurs territoriaux ;
Deuxièmement) la conviction que nous avons mis en place les outils européens permettant aux collectivités de jouer pleinement leur rôle dans le retour et la consolidation de la croissance ;
Troisièmement) la nécessité pour les territoires de se mobiliser dans une double perspective : celle de la mise en oeuvre rapide des politiques européennes et celle des élections européennes.
1) Notre confiance à l’égard des acteurs territoriaux.
Le temps est révolu où l’on bâtissait une politique économique ambitieuse simplement par la politique des Etats. Certes, l’Etat reste un acteur économique et politique décisif qui oriente et donne l’impulsion des politiques économiques, mais l’Etat doit se positionner comme un Etat stratège. L’aménagement du territoire et son développement doivent se construire au plus proche des réalités, au plus proche du terrain.
Les territoires ont un rôle décisif à jouer, reposant sur l’analyse de leurs avantages comparatifs, de manière à accompagner les entreprises et à créer de l’emploi, à fournir les équipements et services dont nos concitoyens ont besoin, à faire que nous vivions mieux ensemble.
Aujourd’hui, en France comme en Europe, ce sont bien les collectivités territoriales qui investissent. En Europe, 65% des investissements publics émanent des villes et des Régions. Ce chiffre atteint même 70% en France.
Les inquiétudes qui existent ici ou là, dans nos espaces ruraux comme dans la France périurbaine, doivent être entendues. Nous devons leur apporter des réponses. Des solidarités nouvelles doivent se construire entre métropoles, réseaux urbains intermédiaires et espaces ruraux. Cécile Duflot l’évoquera sans doute, mais si, à l’occasion de son 50e anniversaire, nous transformons la DATAR, appellation chère au coeur des élus locaux, en Commissariat à l’égalité des territoires, cela a une signification politique mais aussi une portée très opérationnelle. Les problématiques des villes et du monde rural doivent être traitées dans un seul et même lieu, pour remettre du liant, de la cohérence dans l’action publique.
C’est dans cette même perspective que nous devons organiser de véritables synergies entre les budgets européens, nationaux et locaux.
2) la conviction que nous avons mis en place les outils européens permettant aux collectivités de jouer pleinement leur rôle dans le retour et la consolidation de la croissance
C’est conscients de cette capacité et de cet enjeu déterminants que nous avons décidé de décentraliser la gestion des fonds structurels.
Le Gouvernement a ainsi posé un acte de décentralisation permettant de rapprocher la gestion de ces crédits des territoires, et de créer ainsi les conditions d’une meilleure utilisation et d’une plus grande adéquation avec les stratégies de développement conçues par les élus locaux.
Nous rejoignons ainsi une pratique largement répandue dans les autres pays européens.
Pour créer un véritable effet de levier et une relance de la croissance et de la compétitivité de notre économie pour l’emploi, notre rôle est de s’assurer que tous les outils possibles au niveau européen sont mobilisés en faveur de la croissance.
Les premiers signes de la reprise sont certes encore timides, mais bel et bien là. Il faut maintenant l’amplifier et la mettre au service de la création d’emplois.
Nous nous sommes battus, avec nos partenaires européens, pour obtenir des avancées, pour que les territoires aient les moyens de cette ambition collective et partagée.
C’est pour cela que nous avons sauvé la politique de cohésion. Une politique de cohésion qui s’adresse à toutes les Régions européennes et non simplement à quelques-unes. Une politique de cohésion qui traite de manière juste les territoires, grâce à la création d’une catégorie de régions intermédiaires qui permettra d’accroître l’intensité d’aide par habitant dans dix de nos régions françaises.
En France, ce sont 16 Mds€ qui vont ainsi être investis dans nos territoires au cours des sept prochaines années. C’est une belle victoire car lorsque François Hollande a été élu Président de la République, le risque était grand de voir la politique de cohésion sacrifiée sur l’autel de l’austérité. Or, si nous devons être sérieux sur le plan budgétaire, ce que nous sommes, nous ne devons pas pour autant tourner le dos à la croissance. Et comment créer de la croissance sans investir ?
J’étais lundi à Bruxelles pour négocier les derniers points encore en discussion sur les règlements relatifs à la politique de cohésion. Nous avons bon espoir que ces règlements puissent être finalisés avant la fin du mois d’octobre. La ventilation des enveloppes entre les régions françaises devrait être officiellement connue dans les prochains jours. Enfin, après avoir été discutés au sein du partenariat régional, les programmes opérationnels font actuellement l’objet de réunions entre la Commission européenne et les régions. Tous les instruments doivent être en place pour que cette politique puisse sans tarder être mise en oeuvre sur le terrain.
Les retours de la France au titre de la politique agricole commune ont également été sauvegardés et nous sommes même parvenus à obtenir davantage de moyens – 8,8 Milliards d’euros sur la période 2014-2020 – en faveur du développement rural pour nos territoires.
Bien entendu, cette ambition politique doit aussi pouvoir être réalisée grâce aux autres programmes européens. C’est pour cela aussi que nous avons voulu donner davantage de moyens aux territoires dans le cadre :
- du soutien à la recherche et à l’innovation, avec le programme « horizon 2020 » qui sera doté de 70 Mds€ sur la période 2014-2020, ce qui permettra de transformer les idées qui existent dans nos laboratoires en emplois dans nos territoires ;
- des investissements en faveur des infrastructures de transports, d’énergie et de télécommunications, ce que permet le Mécanisme d’Interconnexion pour l’Europe. Là aussi, à force de conviction et de négociation, nous avons obtenu qu’il soit augmenté de plus de dix milliards d’euros par rapport à la période actuelle (passant de huit à dix-neuf milliards d’euros) dans le cadre du prochain budget de l’Union. Il est déterminant parce qu’il a vocation à servir pour des grands projets, tels que le Lyon – Turin ;
- des moyens alloués à la Banque Européenne d’Investissement qui apporte ses financements pour la réalisation des grands objectifs de l'UE. L’augmentation de son capital à hauteur de 10 milliards d’euros, obtenue par le Président de la République dès le Conseil européen de juin 2012, permettra de faire passer le montant des prêts en France de 4,5 à 7 milliards d’euros par an entre 2013 et 2015. Tous les prêts de la BEI alloués depuis le mois de juin l’ont été grâce à cette augmentation de capital et j’ai bon espoir, après m’être entretenu avec le vice-président de la BEI lundi, que nous puissions même dépasser ce chiffre de 7 milliards d’euros en 2013.
Ceci se traduit de manière très concrète sur les territoires par le financement de nombreux projets. Je pense en particulier :
- au prêt de 600 millions d’euros octroyé au syndicat d’assainissement francilien pour la modernisation de la station d’épuration de Seine aval ;
- au financement du numérique en Haute-Savoie qui fera l’objet d’une signature lundi prochain ;
- ou encore, au prêt de 400 millions d’euros accordé à Renault pour le développement de son programme de véhicule électrique.
En France, pour aller plus loin, et pour répondre aux besoins spécifiques de financement des territoires, une convention a été signée entre la Caisse des Dépôts et Consignations et la BEI. Elle permettra que des projets d’infrastructures prioritaires pour les collectivités soient totalement financés par la CDC et la BEI (à hauteur de 50% chacune). Nous avons aussi fait en sorte que les universités et les hôpitaux soient éligibles pour des enveloppes allant de 500 millions à 1 milliard d’euros.
3) La mobilisation des collectivités est essentielle pour que ces outils produisent leurs effets au coeur des territoires.
Pour créer un véritable effet de levier, les collectivités doivent tirer profit au maximum de l’ensemble de ces outils.
Or, pour que ces outils soient efficaces, vous seuls pouvez les mobiliser avec l’analyse la plus fine possible des besoins et potentiels sur vos territoires.
Chaque euro de l’Union européenne doit pouvoir être mobilisé rapidement et avec l’effet de levier le plus important possible. C’est à cette condition que la politique de cohésion peut et doit perdurer. C’est ainsi qu’elle contribuera à dessiner la France des territoires en 2020.
Il est impératif que tous, gouvernement et élus locaux, nous soyons en « ordre de marche » pour que le budget 2014-2020 orienté vers la croissance et l’emploi ait un impact au coeur des territoires, aux côtés des collectivités locales, et pour nos concitoyens.
Je ne peux m’empêcher de dire un mot sur les élections européennes de mai prochain. Car pour que cette politique continue d’être portée, il faut que les électeurs soient au rendez-vous.
Pour cela, nous avons tous une même responsabilité : nous devons tous être des acteurs et des ambassadeurs de l’Europe dans les territoires, les promoteurs d’une Europe concrète et accessible à nos citoyens.
Nous devons tous nous mobiliser pour y parvenir ! C’est l’avenir de l’Europe qui en dépend !
Vous pouvez compter sur moi, sur l’ensemble du Gouvernement, et nous espérons pouvoir compter sur vous, pour une Europe de la croissance et de l’emploi, apportant des réponses concrètes au coeur des territoires !
Je vous remercie.
Source http://www.adcf.org, le 15 octobre 2013