Interview de M. Alain Vidalies, ministre des relations avec le Parlement, à France Info le 24 octobre 2013, sur l'adoption par les députés de l'uniformisation à 15,5% du taux de prélèvements sociaux pour certains produits d'épargne, la situation dans la majorité et le projet de réforme du droit d'asile,

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Circonstance : Examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2014, à l'Assemblée nationale le 24 octobre 2013

Texte intégral

JEAN LEYMARIE
Les députés ont voté hier soir une mesure qui concerne beaucoup de Français, l’épargne va être davantage taxée, on parle là d’une partie des Plans d’Epargne en Action, des Plans d’Epargne Logement, les prélèvements sociaux vont être alignés sur un même taux : 15,5%. Pourquoi attaquez-vous l’épargne des Français aujourd’hui ?
ALAIN VIDALIES
On n’attaque pas l’épargne des Français, c’est une harmonisation des taux, chacun doit bien comprendre de quoi il s’agit. Si vous avez une épargne et que vous ne la liquidez pas, vous ne payez rien - c’est comme le régime des plus-values, c’est au moment où vous vendez que vous payez effectivement non pas un impôt mais une contribution pour la Sécurité Sociale – ça existe déjà. Aujourd’hui, jusqu’à hier soir, vous payiez en fonction du taux au moment où cette épargne a été constituée, c'est-à-dire que si c’était en 1998 on vous applique le taux du prélèvement social de 98 et puis, ensuite, on calcule comme ça en fonction du taux existant au moment de l’année des intérêts, donc là seule chose, c’était un peu compliqué, vous le comprenez bien - d’ailleurs a s’entend difficilement – là c’est une harmonisation au fond…
JEAN LEYMARIE
Par le haut !
ALAIN VIDALIES
C’est une harmonisation par le haut mais au moment… on ne paie qu’au moment où se fait la liquidation et donc c’est bien logique d’appliquer le même taux et de ne pas faire la rétroactivité, ça parait assez cohérent. En tous les cas ça a un objectif, là, c’est intervenu dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité Sociale et il parait assez naturel que l’ensemble des revenus supporte le même taux pour le financement de la Sécurité Sociale.
JEAN LEYMARIE
Mais vous nous confirmez qu’on parle là de tous les revenus de ces produits d’épargne depuis 97, donc une mesure rétroactive ?
ALAIN VIDALIES
C’est une mesure sur le niveau des taux ! Aujourd’hui vous payez déjà, ce n’est pas quelque chose de nouveau ou de rétroactif, la seule chose qui change c’est qu’au lieu de calculer le taux en fonction de celui qui existait année par année – même si c’est aujourd’hui – on ne va pas calculer quel était le taux en 97, quel était le taux en 99, quel était le taux en… donc, il y aura qu’un seul taux, c’est celui d’aujourd’hui, après tout c’est aussi une mesure de simplification mais aussi c’est une mesure…
JEAN LEYMARIE
Vers le haut hein, simplification plus chère hein ?
ALAIN VIDALIES
C’est une mesure de simplification vers le haut mais il y a une forme, me semble-t-il, de justice de ce point de vue-là.
JEAN LEYMARIE
Alain VIDALIES, qu’on comprenne bien – et je pense à tous ceux qui nous écoutent, qui sont propriétaires de ces produits – y aura-t-il un rattrapage, est-ce qu'on va leur demander de verser des sommes supplémentaires pour les revenus engrangés depuis 97…
ALAIN VIDALIES
Non ! Mais…
JEAN LEYMARIE
Ou pas ?
ALAIN VIDALIES
On ne leur demande rien, vous ne faites pas une déclaration de revenus sur ces revenus-là si vous ne les avez pas encaissés, c’est au moment de la liquidation - c’est comme le régime des plus-values – et donc, au moment de la liquidation d’un PEA ou d’un retrait d’argent, eh bien vous paierez effectivement un prélèvement social qui existe déjà aujourd’hui mais avec un taux unique alors que jusqu’à présent il y avait un taux qui était différent selon les années passées.
JEAN LEYMARIE
Ça, c’était hier soir à l’Assemblée nationale. Au Sénat vous étiez également bien occupés puisque la commission des Affaires sociales a rejeté votre réforme des retraites, avez-vous encore Alain VIDALIES la majorité au Sénat ?
ALAIN VIDALIES
Non ! On ne l’a pas et on ne l’a jamais eue, donc c’est le problème, je n’arrive pas à comprendre combien de fois il faudra que je rappelle la situation qui est claire au Sénat : il y a une majorité de gauche avec le Groupe Communiste mais le Groupe Communiste n’appartient pas à la majorité gouvernementale et donc, quand le Groupe Communiste au Sénat ne vote pas un texte – et ce n’est quand même pas une surprise sur les retraites – eh bien l’addition des voix de droite + des voix communistes fait que le texte est rejeté, ça s’est toujours passé comme ça depuis 2 ans au Sénat et ça continue, et donc ce n’est absolument pas pour nous une surprise.
JEAN LEYMARIE
Tout est normal, pour vous ?
ALAIN VIDALIES
Eh bien tout est normal, je dirais que ce n’est pas la situation que je souhaite. Si le Groupe Communiste votait la réforme des retraites, j’en serais le plus heureux, mais c’est la même réalité qu’à l’Assemblée nationale et donc il n’y a pas de majorité pour soutenir ce texte en l’état au Sénat.
JEAN LEYMARIE
Les tensions à gauche sont de plus en plus fortes – et pas seulement avec les Communistes au Sénat – combien de temps est-ce que ça peut durer ?
ALAIN VIDALIES
Eh bien je crois que quand on est engagé dans un gouvernement où tout le monde est représenté, je parle ici des Ecologistes, des Radicaux et des Socialistes, il y a un contrat de gouvernement et ce contrat, d’ailleurs, il a trouvé un bon moment - lors du vote du budget - parce qu’évidemment on ne parle que des trains qui arrivent en retard, mais l’acte essentiel d’un Parlement, l’acte essentiel politique de cette semaine, c’est quoi ? C’est le vote du budget qui engage la France, qui marque une politique, il n’a pas manqué une voix – sauf 2 abstentions – sur l’ensemble des élus de la majorité gouvernementale et, ça, c’est un point extrêmement positif. Et il ne faut pas que ce rendez-vous, ce rassemblement, il ait lieu simplement sur ces textes importants, il peut y avoir débat – c’est normal – mais je pense que…
JEAN LEYMARIE
Mais, Alain VIDALIES, on n’en est plus – et vous le savez mieux que personne – on n’en est plus à : il peut y avoir débat, il y a débat tous les jours sur la place publique, et divisions, et tensions, et invectives ?
ALAIN VIDALIES
Mais la réponse c’est qu’il peut y avoir débat tant que la décision n’est pas prise - et c’est ce qui a été dit au sein du Groupe Socialiste - mais c’est un message qui s’adresse à tout le monde à l’intérieur de la majorité, le contrat de gouvernance, les règles qui doivent s’appliquer entre nous elles sont claires : le débat avant la décision il est naturel, une fois que la décision est prise il faut qu’il y ait une solidarité, parce que chacun a bien compris ce qui se passe on n’entend que les voix divergentes et non pas celles qui soutiennent la politique du gouvernement. Pour les Français, l’essentiel aujourd’hui ce n’est pas d‘écouter tous les jours les voix divergentes, c’est bien d’être avec ceux qui soutiennent la politique du gouvernement.
JEAN LEYMARIE
Mais les élus, ceux que vous côtoyez tous les jours, ils se posent beaucoup de questions, je pense à ce sénateur des Yvelines Philippe ESNOL qui vient de quitter le Groupe Socialiste et qui a des mots très durs : le PS, dit-il, est maintenant un parti d’apparatchiks, incapable de se faire élire localement et qui s’autorise à donner à tout le monde des leçons de morale. Ça vient de chez vous, ça ?
ALAIN VIDALIES
Oui ! Mais c’est je crois l’exemple type de ce qui m’amène à regimber de temps en temps sur la nature de l’information. Est-ce que c’est important ? Voilà un élu qui a un problème sur la question du cumul des mandats, qui ne l’accepte pas sur des histoires locales et qui utilise des mots immédiatement très forts… d’ailleurs il serait parti en disant : Eh bien voilà j’en ai marre, je m’en vais, personne n’aurait repris ça, alors il a utilisé des mots qui échappent au vocabulaire habituel dans le langage politique pour être sûr d’être repris dans des dépêches - manifestement il a réussi – franchement, ça ne va pas changer la face du monde.
JEAN LEYMARIE
Un sujet attire beaucoup de tensions, un sujet peut-être plus que les autres, c’est la question de l’immigration, encore et toujours. Hier Manuel VALLS a confirmé la réforme du droit d’asile dans les prochains mois, qu’allez-vous changer là-dessus, que voulez-vous changer, le gouvernement ?
ALAIN VIDALIES
La procédure, pas le fond. Le droit d’asile c’est quelque chose de fondamentale, tout le monde peut le comprendre quelles que soient ses opinions politiques, c’est d’ailleurs un engagement international, c’est le fait que si aujourd’hui, demain, vous êtes persécuté dans votre pays, que vous ne pouvez plus y vivre, eh bien ailleurs on doit vous accueillir ; c’est aussi un engagement international, c’est un phénomène de civilisation très important. Donc, ce n’est pas le fond. Qu’est-ce qui se passe aujourd’hui ? Il y a des procédures qui sont, chacun le sait, qui sont beaucoup trop longues : vous arrivez en France, c’est pareil dans les autres pays, vous demandez le droit d’asile à un organisme qui s’appelle l’Ofpra, il donne oui ou non - 80% de non - vous avez un recours après devant la Commission nationale du droit d’asile, qui est une juridiction, et pendant ce temps-là vous restez en France en attendant ces décisions. Le délai entre le moment où vous faites la demande et le moment où vous avez épuisé ces procédures est beaucoup trop long et c’est ce délai qui pose problème, puisque pendant ce temps-là vous restez en France et donc on arrive - même si la décision est négative à la fin - à un autre problème, c’est qu’il faut expulser des gens qui en réalité, à cause de la procédure, sont l depuis 3 ans ou 4 ans et donc il faut absolument qu’on conserve le principe du droit d’asile mais qu’on aille beaucoup plus vite, c’est important pour la France mais c’est aussi important pour ces gens qui ne se voient pas comme ça refusés ce droit 3 ou 4 ans après, notamment – et c’est peut-être bien ce à quoi on a été confrontés – lorsque pendant ce temps-là les enfants ont été scolarisés.
JEAN LEYMARIE
Et on revient aussi à l’affaire Leonarda évidemment qui est dans toutes les têtes, est-ce que cette réforme du droit d‘asile sera adoptée au Parlement avant les prochaines élections, Alain VIDALIES ?
ALAIN VIDALIES
Avant les prochaines élections, je ne connais pas le calendrier exactement. Vous savez que Manuel VALLS a demandé un rapport parlementaire, bipartisan d’ailleurs, parlementaires de droite et parlementaires de gauche, il y aura des propositions, il est possible d’ailleurs que certaines entrent en vigueur assez rapidement parce qu’elles peuvent être du domaine réglementaire – ça veut dire qu’il n’y a pas besoin d’une loi mais simplement d’un….
JEAN LEYMARIE
Par exemple ?
ALAIN VIDALIES
Eh bien d’un décret. Tout ce qui concerne les procédures sur les délais peut être traité par décret, donc ça c’est le ministre de l‘Intérieur qui fera ces propositions-là, donc il peut y avoir une partie qui rentre en application immédiatement ; ensuite, s’il faut un texte de loi, très honnêtement le calendrier parlementaire fait qu’aujourd’hui s’il y a un texte il sera au mois de mai ou juin 2014 parce que c’est impossible de l’examiner maintenant, telle est la volonté du ministre de l’Intérieur.
JEAN LEYMARIE
Vous avez prononcé son nom, Manuel VALLS de plus en plus populaire, nouveau sondage HARRIS interactif pour LE FIGARO MAGAZINE et LCP, Manuel VALLS candidat préféré de l’ensemble des sondés devant François HOLLANDE, 33% pour Manuel VALLS, 9% pour François HOLLANDE. C’est votre candidat Manuel VALLS, l’homme qui va sauver la gauche ?
ALAIN VIDALIES
Eh bien, écoutez, pour l’instant je dois rappeler juste une chose c’est qu’il fait partie de la même équipe et que le gouvernement c’est une équipe et que nous n’accepterons pas évidemment le jeu de ceux qui veulent faire diversion dans l’équipe, l’équipe elle est soudée, Manuel VALLS il est dans l’équipe et il soutient la politique du Président de la République et rien ne le fera sortir, ni lui, ni moi, de cette situation.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 octobre 2013