Déclaration de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, sur la mise en place de la nouvelle politique agricole commune (PAC) et sur le budget de la politique agricole, au Sénat le 6 novembre 2013.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Audition du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, M. Stéphane Le Foll, devant la Commission des affaires économiques du Sénat, le 6 novembre 2013

Texte intégral

Quelques mots sur le contexte pour commencer : c'est celui de la mise en place d'une nouvelle Politique agricole commune (PAC), qui sera complète au premier janvier 2015.
Dans le débat budgétaire européen, qui n'est jamais facile vous le savez, la France a obtenu un volume d'aides qui passera de 9,3 à 9,1 milliards d'euros, soit une baisse de 2 % - à comparer avec la baisse de 7 % que subit l'Allemagne et le recul de 4 %, en moyenne, des pays de l'ancienne Europe des 15. Dans le détail, ce budget comprend 7,7 milliards d'euros par an au titre du premier pilier, contre 8 milliards d'euros actuellement, et 1,4 milliards d'euros, au lieu de 1,1 milliards en moyenne sur la période 2007-2013, au titre du deuxième pilier. Il est important de comprendre qu'une partie de ce que la France a obtenu dans le débat budgétaire figure dans le deuxième pilier de la PAC.
Sur la PAC elle-même, nous en sommes au stade des arbitrages essentiels dans la perspective de sa mise en oeuvre en 2015, en particulier sur le premier pilier. Des changements majeurs vont avoir lieu avec le passage d'un système d'aide à l'hectare basé sur les droits à paiement unique (DPU) à un système fondé sur les droits de paiement de base (DPB). Le choix de l'Europe est de faire converger les aides à l'hectare vers une moyenne européenne pour aboutir à une aide à l'hectare uniforme quels que soient les pays et les régions. Dans un pays comme la France, où, actuellement, les aides varient de 400 à 500 euros à l'hectare à 150 euros en fonction de la région, le choix a été fait d'une convergence partielle des aides, car il est évident que ce mouvement implique des effets de transferts entre ceux qui ont des DPU élevés et ceux qui ont des DPU faibles. Il faut donc assurer une transition et c'est ce que permet une convergence à 70 %.
Le deuxième point en discussion au niveau européen est celui du couplage des aides. Je me suis battu pour refuser le principe du découplage total. J'ai fait en sorte non seulement qu'on maintienne un certain niveau de couplage, mais même que ce niveau soit supérieur aux 10 % initialement proposés par la commission européenne. On a réussi à atteindre dans les négociations 12 %, puis 13 % de taux de couplage - auxquels s'ajoutent deux points de couplage sur les protéines fourragères, enjeu important, car cela renvoie à la question de l'indépendance de la France et de l'Europe par rapport aux protéines fourragères importées, notamment le soja d'Amérique latine.
Le débat est en cours avec les organisations professionnelles sur l'utilisation de ce couplage. Rien que pour maintenir les primes qui étaient déjà couplées - prime à la vache allaitante, prime ovine, prime caprine, prime au lait de montagne ... - il faut mobiliser un taux de couplage de 10,6 %. Il reste donc des marges de manoeuvre sur un peu moins de trois points. Nous devons consacrer une partie de cette marge à la prime à la vache allaitante, car la part nationale de la prime, financée sur des crédits de l'État, était dérogatoire par rapport aux règles européennes. Or, les règles de la PAC ne permettront plus ce cofinancement. La commission européenne, en contrepartie de la hausse du taux de couplage, a demandé son intégration dans l'enveloppe des aides couplées. Ce choix permettra à la fois une économie budgétaire au niveau national mais aussi une sécurisation du dispositif qui entre désormais dans un cadre normalisé. Avec tout cela, on atteint 12 % des aides. Il reste donc encore 1 % à affecter. C'est sur ce point que portent actuellement les discussions. Il y a une partie de cette aide qui doit aller vers le lait et une autre sur un certain nombre de productions végétales.
Concernant les 2 % relatifs aux protéines fourragères, il y a également un débat pour savoir si ces aides doivent aller uniquement à des protéines fourragères liées directement à l'élevage ou si une partie doit être utilisée pour développer des filières liées à des protéines végétales. L'arbitrage n'est pas encore rendu.
Les choix budgétaires européens ont évidemment un impact sur le budget national. La prime nationale à la vache allaitante passe en effet sur le budget européen. Le budget français peut ainsi afficher une baisse de 3,2 % des crédits sans pour autant que cela soit synonyme de remise en cause des aides que perçoivent aujourd'hui les agriculteurs, en particulier sur l'élevage.
Le dernier point que je souhaite aborder concernant la politique européenne concerne les paiements redistributifs. L'idée du dispositif est de majorer les aides à l'hectare sur les 52 premiers hectares. Cela correspond au choix de garder une agriculture s'appuyant sur des chefs d'exploitation - par opposition à l'exemple picard de l'exploitation des mille vaches, qui correspond à une agriculture aux mains d'investisseurs. Quand ces investisseurs, pour cause de rentabilité insuffisante, retireront leurs fonds, on se retrouvera sans agriculture et sans agriculteurs. Au contraire, avec des aides majorées aux 52 premiers hectares, on crée un lien entre aides à l'hectare et emploi ; on pérennise des emplois agricoles d'exploitants. Par exemple, dans le cas d'un GAEC à trois, la majoration des aides sur les 52 premiers hectares incite à conserver trois exploitants sur une exploitation de 156 hectares réalisant pas loin d'un million de litres de lait. Il est vrai que ce dispositif crée un effet redistributif. En moyenne, cela fait perdre des primes au-delà de 200 hectares. Mais c'est un choix stratégique majeur pour l'avenir de l'agriculture pour les raisons que j'ai indiquées. Le président de la République dans son discours de Cournon a d'ailleurs souligné que 20 % des fonds du premier pilier seraient mobilisés sur ces paiements redistributifs -soit 1,5 milliards d'euros. Cela se fera progressivement.
Sur le deuxième pilier, nous avons négocié des avancées qui seront mises en oeuvre dès la phase de transition en 2014. Les taux de cofinancement ont été augmentés. La part du financement européen dans les aides du deuxième pilier va passer de 50 % à 70 ou 80 %. La hausse du budget européen sur le deuxième pilier permettra cette augmentation des taux sans remise en cause des dispositifs existants.
L'incidence budgétaire est importante au niveau national, car une partie des dépenses nationales est transférée au niveau européen. Avec des dépenses moindres, nous maintiendrons donc les aides existantes, notamment l'indemnité compensatrice de handicap (ICHN), que nous allons même revaloriser de 15 %, les mesures agro-environnementales (MAE) et la politique d'installation pour les jeunes. De la sorte, on concilie sérieux budgétaire et pérennisation de ces grandes politiques dont les agriculteurs ont besoin.
Via la convergence des aides, via le verdissement, via le deuxième pilier, nous assurons un transfert d'un milliard d'euros vers l'élevage !
Un mot sur le verdissement - les fameux 30 % - que je viens d'évoquer incidemment. Le choix a été fait d'un verdissement proportionnel - plutôt que forfaitaire - par exploitation, ce qui permet de garantir pour chaque exploitation le maintien d'une proportion entre aides versées antérieurement et aide versée après la réforme. Nous devons mettre en place trois mesures dans le cadre du verdissement : la diversification des cultures - nous travaillons en particulier pour adapter cette obligation aux cas de monoculture du maïs - le maintien des prairies permanentes, qui sera évalué à l'échelle d'une région et non pas à l'échelle d'une exploitation, et les surfaces d'intérêt écologique (SIE) avec la définition de critères permettant d'atteindre l'objectif par exploitation de 5 % de SIE. Sur ce dernier point, je prendrais l'exemple de la production de chanvre, qui ne consomme pas d'azote et très peu de fongicides. Il est intéressant d'en développer la production à la fois pour des raisons écologiques mais aussi économiques, puisque le chanvre constitue un matériau isolant excellent autour duquel une filière peut se constituer.
J'en viens maintenant de manière plus détaillée au budget de l'agriculture. On reste sur les grandes priorités qui étaient déjà celles de l'année dernière.
- Tout d'abord, la compétitivité de l'agriculture reste un objectif servi par deux mesures fortes maintenues en 2014 : l'exonération de charges sociales pour les travailleurs occasionnels (TODE) et le crédit impôt compétitivité emploi (CICE). Cela représente 1,3 milliards d'euros d'effort sur la compétitivité de l'agriculture et de l'agro-alimentaire.
- Ensuite, la priorité à l'agro-écologie, avec la mise en place de nouvelles MAE, est affirmée. Je viendrai présenter les nouveaux systèmes de MAE quand vous le souhaiterez. Aujourd'hui, les MAE consistent à fournir une aide économique pour mener des actions exemplaires sur le plan environnemental à l'échelle de l'exploitation. Le postulat des MAE est que répondre à des contraintes environnementales fortes génère un surcoût pour l'agriculteur qu'il faut compenser. L'agro-écologie propose une nouvelle approche consistant à considérer au contraire que l'écologie et l'environnement peuvent être les éléments d'un système économiquement plus efficace. Les MAE «système» qui se mettent en place doivent permettre de maintenir la production en baissant les coûts. Nous visons donc une écologie mobilisatrice et pas simplement normative ou fiscale. L'agro-écologie, avec l'enseignement agricole et la recherche sont des enjeux prioritaires.
- Je ne m'attarde pas sur le plan ambition bio et toutes les mesures qui concernent l'apiculture, avec la mise en place toute récente du comité de pilotage stratégique de l'apiculture présidé par le sénateur Alain Fauconnier.
- J'évoquerai l'enjeu de l'installation des jeunes : avec 300 millions d'euros d'aides de toute nature, nous maintenant la priorité à l'installation. Je veux, à terme, parvenir à 8 à 10 000 installations par an. Les chiffres de 2012 font état de 12 000 installations dont 6 000 bénéficiant d'aides à l'installation. Avec les jeunes agriculteurs, nous avons élaboré une charte et tenu des assises de l'installation. Les règles ont été modifiées. La notion de surface minimale d'installation cède la place à celle d'activité minimale d'assujettissement (AMA) -cette notion d'assujettissement renvoyant à l'affiliation à la MSA. Au lieu de considérer seulement la surface des exploitations, on va désormais analyser l'activité agricole et le revenu qui s'en dégage. L'installation doit en effet être liée à la capacité de l'exploitant qui s'installe à dégager un revenu.
- Dans le budget 2014, comme dans la loi d'avenir, un volet est consacré à la forêt. Avec le conseil supérieur de la forêt, nous avons fait un choix stratégique sur la forêt : celui de l'intégration dans une filière économique. Un fonds stratégique de la forêt et du bois est mis en place, ainsi qu'un système d'orientation de l'épargne, le compte d'investissements forestiers et d'assurance (CIFA), qui va permettre que les avantages fiscaux alloués aux propriétaires lorsque le bois est sur pied puissent être transférés sur un compte quand le bois est coupé. Il s'agit ainsi d'inciter les propriétaires privés à passer d'une logique patrimoniale à une logique de production économique. Ce compte spécial est une innovation importante pour activer cette production aujourd'hui déficitaire de 6 milliards d'euros dans la balance commerciale. J'évoquerai également le plan d'investissement pour les scieries. Des discussions sont en cours avec le ministère de l'environnement pour permettre aux scieries d'avoir accès au prix de rachat garantis et de produire de l'énergie par cogénération. Tout cela participe d'une même ambition : faire de la forêt une filière économique à part entière dans le respect des objectifs environnementaux de biodiversité et de développement touristique.
- Concernant l'enseignement agricole, je reste sur la ligne définie l'an dernier. Cet enseignement va participer au projet de produire autrement. Nous créerons 150 postes supplémentaires. J'ai pu voir, dans mes déplacements à l'étranger, que notre enseignement agricole est observé et participe au rayonnement de la France. De nombreux pays souhaitent signer avec la France des conventions de partenariat sur ce thème.
- Enfin, sur les questions sanitaires, la vigilance doit rester de mise, notamment après l'affaire de la viande de cheval. Je souhaite donc maintenir le nombre de postes des services vétérinaires pour assurer le contrôle de la qualité des produits et la sécurité sanitaire.
Je terminerai en soulignant qu'à travers ce budget et la loi d'avenir se manifeste une même ambition, que l'agriculture et l'agroalimentaire prennent toute leur place dans le redressement productif du pays. Nous devons garantir la pérennisation des activités, que ce soit dans le domaine de la volaille ou encore de la méthanisation. Cette dernière est un enjeu essentiel en Bretagne, dans le Pays-de-la-Loire et partout en France. Nous ne sommes pas capables de valoriser le gaz produit par la matière organique. Nous avons un retard énorme à rattraper. L'Allemagne compte 7 000 méthaniseurs, la France, seulement 80. Il faut être plus volontariste !
(Interventions des parlementaires)
Le défrichement a aujourd'hui pour contrepartie une obligation de reboisement. Les préfets pourront demain proposer de remplacer cette obligation par le paiement d'une taxe de défrichement, qui alimentera le fonds stratégique de la forêt et du bois. Le sujet est sensible dans certains départements comme celui des Landes. L'objectif n'est pas d'affaiblir l'obligation de reboiser en permettant d'y échapper en payant, mais de pérenniser la forêt à travers un fonds stratégique. À terme, nous pouvons espérer qu'une partie du fonds carbone vienne abonder le fonds stratégique, car la forêt est un puits de carbone. En instaurant le fonds stratégique, nous créons le réceptacle possible du fonds carbone, à condition de convaincre Bercy.
Les crédits Agridiff ont été dimensionnés de manière raisonnable. Concernant le PMBE, les enveloppes ont été reconduites, en prenant en compte l'évolution de la clef de répartition entre crédits européens et crédits nationaux. Concernant le fonds de modernisation de l'élevage annoncé par le président de la République, une discussion délicate est actuellement menée avec les professionnels pour envisager une alimentation de ce fonds à partir des moyens du premier pilier de la PAC. Ce fonds s'adresserait à l'ensemble des productions : porcine, avicole et même bovine. Les régions seraient appelées à cofinancer les actions menées par ce fonds. Cette initiative permettra par exemple de développer les économies d'énergie des bâtiments. Chaque région doit pouvoir adapter son programme. Le Sud-Ouest pourrait par exemple vouloir soutenir la filière foie gras. Le principe d'une grande réunion entre le ministère et les régions a été décidé avec le président de l'Association des régions de France, Alain Rousset. Elle se tiendra au printemps 2014, avec pour objectif de définir une grande politique d'investissement et d'innovation en matière agricole.
Les crédits d'intervention ont été maintenus à hauteur de 97 millions d'euros pour FranceAgrimer, grâce au surplus de recettes du CASDAR. FranceAgrimer sera amené à développer des dispositifs en lien avec le projet d'agro-écologie, qui relève pleinement des missions du CASDAR.
Il y a compatibilité entre le budget européen dont nous disposons et nos objectifs de maintenir le même niveau global de soutien budgétaire sur l'ensemble des dispositifs existants, comme par exemple l'ICHN. En 2013, nous avons 1,3 milliard sur le deuxime pilier, ce qui constitue le maximum sur l'ensemble de la période de programmation. Nous aurons 1,4 milliard en 2014.
La TVA sur les engrais ne pèsera au final que sur les jardiniers amateurs et non sur les professionnels qui peuvent récupérer la TVA qu'ils versent sur celle qu'ils encaissent.
La gestion des risques est essentielle : on a maintenu le dispositif du fonds de calamités agricoles, qui relève d'une logique de solidarité, mais il faut aussi une meilleure mutualisation des risques à travers l'assurance. Les organisations professionnelles agricoles semblent d'accord avec le basculement du premier vers le deuxième pilier de la PAC des moyens destinés au soutien aux assurances. L'enjeu est fort car se préserver contre les risques est essentiel pour la pérennité des exploitations, dans un contexte où le réchauffement climatique renforce l'intensité et la fréquence de survenue des aléas. Mais pour que le système fonctionne, il faut des produits d'assurance disponibles et attractifs. Ils le seront si nous élargissons l'assiette. Le coût de l'assurance baissera alors. Comment inciter les agriculteurs à souscrire une assurance ? L'assurance obligatoire pose des problèmes juridiques. On pourrait envisager de demander aux agriculteurs qui n'ont pas de DPA à souscrire une assurance. Mais nous ne pouvons aller vers la généralisation de l'assurance que s'il existe un dispositif de réassurance puissant, qui peut être privée ou publique. Il faut encore en discuter avec Bercy. Je me suis rendu dans l'entre-deux-mers suite aux problèmes de grêle de l'été sur le vignoble bordelais. Le risque grêle dispose de produits d'assurances depuis longtemps. Le coût de l'assurance n'est pas plus élevé que le coût d'un seul traitement fongicide. Il n'est pas possible de prendre le risque de perdre en une nuit le travail d'une année.
Je rappelle que la fin des restitutions est programmée par l'Union européenne depuis 2005. Michel Barnier l'avait clairement indiqué. Or, il ne s'est rien passé. Les industriels n'ont absolument pas anticipé la fin des restitutions. Comment un industriel peut-il dire : «Monsieur le Ministre, la crise est de votre faute, vous devez rétablir les restitutions» ? En 2012, les restitutions aux exportations pour tous les secteurs qui en bénéficiaient ont été abandonnées. J'ai demandé au niveau européen leur maintien pour le secteur de la volaille, pour les deux entreprises bretonnes qui en bénéficiaient, Doux et Tilly-Sabco, dont la première était en difficultés économiques graves. On a tenu un an de plus que ce que demandait la commission européenne. Rien n'a été fait entre-temps par les industriels. On peut certes s'interroger sur la pertinence de conserver des marchés au Moyen-Orient. Mais si nous n'exportons pas des poulets, ce sont les brésiliens qui le feront. Or, certains clients, les Saoudiens en particulier, tiennent à préserver une part de leur approvisionnement par la France et en particulier par l'entreprise Doux. À nous de construire un pôle export qui permette l'approvisionnement du Moyen-Orient, tout en offrant à la filière volaille française la possibilité de se redresser. Mais on ne peut pas construire une filière export uniquement sur des subventions publiques.
On a débloqué 15 millions d'aide d'urgence pour la Bretagne. D'autres crédits peuvent encore l'être. Au-delà de l'urgence, il faut lancer des investissements. La Bretagne sera une région d'expérimentation du plan énergie méthanisation autonome azote (EMAA). Ce plan permet de transformer l'azote organique en fertilisant, qui doit se substituer à l'azote minéral. La Bretagne a trop d'azote organique et importe de l'azote minéral. La loi d'avenir de l'agriculture permettra de mettre en place une approche de l'azote total : chaque région choisira si elle rentre dans le dispositif. Chacun devra déclarer les achats d'azote minéral et on substituera de l'azote organique à de l'azote minéral. Si ce projet fonctionne bien, en 10 ans, nous nous débarrasserons du problème des algues vertes.
L'ONF bénéficie d'une rallonge budgétaire de 30 millions d'euros en 2014 pour passer un cap difficile. Les prix du bois progressent peu mais les volumes traités par l'ONF ont augmenté. La situation s'améliore puisqu'on ne s'interroge plus sur la disparition de l'ONF, comme il y a dix-huit mois. Se pose la question des métiers de l'ONF. Il faut conserver la capacité d'expertise de l'ONF avec ses ingénieurs mais aussi son rôle de gestion des forêts publiques avec ses ouvriers.
Concernant les biocarburants, je poursuis deux objectifs clairs : mettre fin en trois ans au dispositif de défiscalisation, trop couteux, et stabiliser à 7 % le niveau d'incorporation obligatoire. La France est le premier pays qui a défini un tel seuil. Nous n'avons pas souhaité diminuer davantage comme le proposait la commission européenne. Ce choix doit permettre de maintenir l'outil industriel et de conserver une filière française performante. Arrêtons de faire croire que les agro-carburants vont remplacer le pétrole. Les agro-carburants sont utiles mais ne peuvent pas encore se substituer aux énergies fossiles.
Je me permets de revenir sur la question de la mise en oeuvre de la directive européenne sur le détachement des travailleurs pour saluer le travail effectué par mon collègue du Gouvernement Michel Sapin, qui a bloqué à Luxembourg un projet de compromis non satisfaisant. La mise en oeuvre de la directive sur le détachement donne lieu à des abus. Elle était faite pour des travailleurs qui partent travailler dans un autre pays de l'Union européenne pour une durée limitée. Or certains l'utilisent pour de l'emploi pérenne. L'Allemagne s'est rapprochée de la position de la France. La Pologne et la Grande-Bretagne y sont opposées et vont toujours dans le sens de la déréglementation.
Q - (Sur la prime herbagère agroenvironnementale (PHAE)
R - En effet, la PHAE sera fusionnée avec l'ICHN dans les zones où cette ICHN existe. Dans les autres zones, la PHAE sera transformée en MAE, mais avec des critères simplifiés car le dispositif actuel est trop compliqué.
(Interventions des parlementaires)
R - J'ai souvent entendu que ce que nous avons négocié au niveau européen conduirait à «renationaliser» la politique agricole. Avec la convergence des aides et le découplage total, c'est la première fois que l'on va aussi loin dans l'harmonisation de la politique agricole. Nous avons discuté de capacités d'adaptation en raison de cette harmonisation forte.
Sur le budget, il est en effet important d'avoir les chiffres en tête : en 2013, la France touchait 8 milliards d'euros sur le premier pilier, contre 7,7 milliards d'euros par an sur la période 2014-2020. Sur le deuxième pilier, la France touchait 1,3 milliard d'euros en 2013 et touchera 1,4 milliard d'euros par an sur la période 2014-2020. Le budget total annuel passe donc de 9,3 à 9,1 milliards d'euros.
Pourquoi avoir choisi d'appliquer la transparence pour la majoration des premiers hectares pour les seuls GAEC ? Car c'est la seule forme juridique dans laquelle chaque part est bien celle d'un chef d'exploitation. Les EARL comportent parfois des porteurs de capitaux. Pour autant, les EARL peuvent basculer en GAEC. Pourquoi avoir choisi les 52 premiers hectares ? Car les aides de la PAC sont des aides à l'hectare. Lier les aides au nombre d'actifs aurait conduit d'abord à un transfert énorme de fonds de la PAC vers les pays qui comptent beaucoup d'agriculteurs, au détriment de la France.
La compétitivité est un enjeu majeur : le budget y consacre 1,3 milliard d'euros, auxquels on peut ajouter le CICE. Cet enjeu porte sur les capacités à investir. On évoque ainsi les bâtiments d'élevage : moins je consomme d'énergie, plus la productivité du travail est importante. La modernisation des bâtiments, c'est un enjeu de bien-être animal, de bien-être pour les salariés mais aussi de compétitivité. Cela vaut aussi pour l'industrie agroalimentaire : beaucoup d'entreprises investissent insuffisamment depuis une dizaine d'années et le CICE est une réponse à cette situation.
Je suis favorable au couplage sur le lait. La question est celle du niveau de couplage. Le ministère travaille également sur la question du couplage pour les végétaux.
Sur la viticulture, il faut travailler globalement sur la question de l'assurance. L'État sera là en soutien mais chaque région doit également se mobiliser.
S'agissant des nouvelles MAE, je rappelle que personne n'avait imaginé au niveau européen que faire de l'environnement, en économisant des énergies fossiles, des fongicides... cela coûte moins cher. Jusqu'à présent, il était donc impossible d'aider les producteurs qui souhaitent baisser leurs coûts de production. Nous avons créé des «MAE système» qui s'appliqueront bien entendu aux zones intermédiaires.
Les PPRDF sont maintenus pour 2014. Les dispositifs actuels seront conçus à l'échelon régional et le fonds stratégique de la forêt et du bois les financera, avec d'autres outils tels que le FEADER.
Sur la valeur ajoutée, je suis d'accord avec Joël Labbé : il existe des besoins stratégiques filière par filière. Nous avons un potentiel important à l'export, par exemple sur la viande bovine en Russie : ce pays n'a pas de production et souhaite importer des vaches françaises. Nous en exportons 900 alors que les Russes en ont besoin de 70 000. Si nous savons nous organiser, nous pouvons exploiter ce potentiel. Sur la méthanisation, il faut en effet tenir compte des enseignements de l'exemple allemand.
Sur les centres équestres, je me suis battu pour refuser le basculement de la TVA, estimant que les centres équestres devaient être considérés comme des centres de loisir. Le gouvernement n'a pas eu gain de cause devant les instances européennes. Il convient désormais de faire en sorte, avec le ministre du budget, que la recette supplémentaire puisse être utilisée pour aider les centres équestres.
Q - (Sur la filière pruneaux)
R - La limitation des pertes que nous avons mise en place ne suffit pas pour plusieurs productions. J'ai donc bien conscience des problématiques propres à la filière pruneau.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 novembre 2013