Déclaration de Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, Paris le 2 décembre 2013.

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Circonstance : Remise du rapport RSE (responsabilité sociale et environnementale) par le PCN (Point de contact national) pour la mise en oeuvre des principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales, Paris le 2 décembre 2013

Texte intégral

Monsieur le Président du PCN,
Mesdames et Messieurs les membres du PCN,
Mesdames et Messieurs,
Le drame du Rana Plaza a soulevé tristesse et indignation.
Cet événement qui a coûté la vie à 1133 personnes et brisé celle de milliers d'autres m'a renforcée dans l'idée que le commerce avait des responsabilités sociales et environnementales et qu'il devait les assumer.
J'ai dit : « indignation », car l'effondrement de l'immeuble de Rana Plaza est survenu dans un contexte extrêmement dangereux pour les travailleurs de l'industrie bangladeshi, comme l'ont tragiquement démontré les accidents de Spectrum en 2005, de Tazreen fin 2012, ou encore, tout récemment, les victimes de l'usine d'Aswad Mills.
Sans parler des circonstances de l'accident de Rana Plaza lui-même, qu'il appartient aux autorités du Bangladesh d'éclairer parfaitement, mais où l'on devine que l'appât du gain a dû primer sur la sécurité et la vie de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, puisqu'une « crèche » était installée dans le bâtiment.
Vendredi dernier, nous avons appris qu'un nouvel incendie, volontaire cette fois-ci, avait ravagé une usine de textile à Gazipur, sans heureusement faire de victimes semble-t-il.
Les circonstances de cet événement ne sont pas totalement éclaircies. Il montre en tout cas à quel point l'industrie du textile revêt une dimension sociale mais aussi politique, en particulier dans la période de crise que traverse actuellement le Bangladesh.
Plus que jamais, chacun doit donc désormais mesurer la responsabilité qui est la sienne, tant dans l'élaboration des normes, que dans la chaîne de production mais aussi de consommation.
Il appartient aux décideurs, qu'ils soient politiques, entrepreneurs ou acteurs de la société civile, de dépasser cette tristesse et cette indignation pour la transformer en détermination à faire durablement changer les choses.
C'était le sens de ma saisine du point de contact national le 17 mai dernier. Et c'est pourquoi je retiens les conclusions formulées par VIGEO, l'agence de notation à laquelle j'avais demandé un rapport avant même la tragédie du Rana Plaza.
Ce rapport recommande des études d'impact en amont des négociations des accords de libre-échange, l'élargissement des critères qui font l'objet d'une évaluation ainsi qu'une plus grande association des partenaires sociaux, de la société civile et des acteurs locaux dans ces études.
Dès le 12 septembre 2012, j'ai présenté à la commission européenne les conditions dans lesquelles la France approuverait les accords commerciaux internationaux. Parmi celles-ci, il y a l'inscription de la RSE dans ces accords.
Par ailleurs, la France a très tôt fait deux demandes. J'ai demandé au commissaire européen des études d'impact préalables au mandat que les Etats membres donnent à la commission pour négocier des accords de libre-échange.
Avec mon collègue Pierre Moscovici, nous avons aussi rappelé à la Banque Mondiale la nécessité d'inscrire dans les appels d'offre qu'elle lance ces critères de RSE.
Je défendrai ces principes lors du deuxième Forum mondial de l'OCDE sur la conduite responsable des entreprises, qui se tiendra en juin prochain. Il y aura un avant et un après Rana Plaza.
A ce titre, je salue aussi l'action conjointe des entreprises et de la société civile. Il faut considérer la signature par plus d'une centaine d'entreprises internationales de « l'Accord sur la sécurité des bâtiments et la prévention de incendies dans les usines textiles au Bangladesh » comme une étape importante dans l'instauration du respect des plus hautes exigences sociales et environnementales dans le commerce international. J'invite toutes les entreprises qui ne l'auraient pas encore fait à le signer.
Je félicite le PCN pour le bon travail qu'il a accompli afin de préparer ce rapport.
60 personnes ont été auditionnées ces 6 derniers mois, impliquant toutes les parties prenantes, pour aboutir à des recommandations en phase avec les réalités et les exigences du commerce mondial en matière de normes sociales et environnementales.
Le rapport définit pour la première fois les mesures de vigilance à mettre en oeuvre par les entreprises de la filière textile dans tous les pays concernés. Il s'agit-là d'un véritable guide pour le secteur textile qui sera utile pour tous les PCN et les entreprises multinationales, au-delà du cas français.
Parmi ces recommandations, j'aimerais insister tout particulièrement sur trois points : la traçabilité, la transparence et le partage de la responsabilité.
La traçabilité d'abord. L'entreprise doit être informée des risques liés à ses activités à l'international. Il faut que les multinationales soient en mesure de cartographier leur chaîne d'approvisionnement et d'en identifier les acteurs et les risques en amont de la signature de tout contrat, au début de la relation commerciale et à échéances régulières.
La transparence ensuite, à travers des audits améliorés et plus indépendants, portant sur la sécurité, l'environnement, mais aussi la rémunération et la démocratie sociale à laquelle ont accès les travailleurs de la chaîne de production. Là encore, il est interdit de fermer les yeux sur les manquements manifestes des fournisseurs.
La question du juste partage de la responsabilité enfin, qui est absolument essentielle. Le rapport nous donne des pistes allant dans le sens d'un partage plus grand de la responsabilité.
Ainsi, l'entreprise doit inciter son fournisseur à respecter les Principes directeurs, notamment à travers la relation contractuelle.
Dans un tel cadre, le fournisseur a l'obligation de respecter les Principes directeurs, mais le donneur d'ordres doit quant à lui s'assurer que le fournisseur a effectivement cette capacité, et qu'il la met en oeuvre, éventuellement avec son aide, tout manquement avéré devant conduire à réparation de la part de l'ensemble des parties prenantes.
Tout ceci est bien détaillé dans le rapport et je vous y renvoie.
Ces recommandations tirent toute leur force de notre capacité collective à les diffuser, à les appliquer, et à les faire appliquer.
C'est pourquoi j'ai demandé à ce que le rapport soit transmis dans les plus brefs délais aux 46 pays ayant adhéré aux principes directeurs de l'OCDE mais aussi à la Commission européenne et évidemment à la plate-forme RSE réunie à l'initiative et sous la présidence du Premier Ministre Jean-Marc Ayrault.
Ce rapport sera l'objet d'une présentation à l'OCDE et aux autres PCN le 5 décembre prochain, et je compte sur chacun d'entre vous, entreprises, fédérations professionnelles, organisations syndicales, ONG, pour lui donner toute la publicité possible, y compris à travers les critiques que vous pourriez lui adresser. Cela fait progresser le débat.
Je me réjouis également de la nomination d'une secrétaire générale au point de Contact National, Maylis Souque, que certains d'entre vous connaissent bien. Elle sera désormais entièrement disponible pour renforcer la capacité d'action de ce véritable médiateur du commerce international qu'est le PCN. Je lui souhaite plein succès dans la tâche, noble, mais difficile, qui sera désormais la sienne.
Je souhaite également que nous puissions engager un dialogue pour renforcer les moyens et la visibilité du PCN afin d'aider le commerce extérieur français et européen à assumer pleinement sa tâche, qui est aussi d'améliorer les normes sociales et environnementales internationales.
Je pense, en effet, que, dans l'économie mondialisée qui est la nôtre, le commerce doit assumer sa responsabilité en recherchant les meilleures normes et les meilleures pratiques.
C'est d'autant plus vrai que les exigences des citoyens en matière de traçabilité et de conditions de travail dans la chaîne de production connaissent un essor sans précédent. De plus en plus, nos concitoyens veulent consommer de façon responsable.
Et c'est pourquoi la France soutient l'initiative de l'International organization for standardization (iso) qui a pour fin de définir une norme internationale achat responsable et qui pourra à terme permettre de certifier les entreprises et d'informer les consommateurs en matière d'achat responsable.
Nous encouragerons tous ceux qui prôneront une consommation responsable, afin que les entreprises qui appliquent le plus rigoureusement les principes directeurs de l'OCDE dans leurs relations d'affaire puissent bénéficier d'un gain de compétitivité dans un marché mondial où s'imposera bientôt, chez nos concitoyens, le sentiment d'être pleinement et entièrement responsables de ce qu'ils consomment.
C'est alors que le commerce international, où triompheront ceux qui sauront le mieux s'adapter aux exigences de consommateurs devenus entièrement conscients de leur responsabilité, assumera pleinement son rôle régulateur dans l'économie mondiale.
Ainsi, je forme le voeu que chacun d'entre nous, acteurs publics, entreprises, fédérations professionnelles, membres de la société civile et citoyens, ait à coeur de travailler collectivement à l'amélioration des conditions de travail à l'échelle mondiale.
Source http://www.finances.gouv.fr, le 4 décembre 2013