Conférence de presse de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, et interview à France Info, sur l'ordre du jour du Conseil Affaires générales, le Proche-Orient et la mise en oeuvre des recommandations de la Commission Mitchell, l'aide européenne à la République fédérale de Yougoslavie, la condamnation du colonialisme et la situation dans l'Afrique des Grands Lacs et dans le sous-continent indien, Bruxelles le 16 juillet 2001.

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Circonstance : Réunion du Conseil Affaires générales à Bruxelles le 16 juillet 2001

Média : France Info

Texte intégral

Conférence de presse du 16 juillet :
Je suis très heureux que la présidence belge ait repris nos deux suggestions en mettant à l'ordre du jour du CAG le point sur les autres Conseils. Ceci me paraît quelque chose de très important, parfaitement conforme à la vocation et au rôle du CAG. Je pense même que nous aurions dû le faire auparavant. C'est un point d'information, mais il est indispensable pour avoir une vue d'ensemble.
Au déjeuner, nous avons parlé assez longtemps du Proche-Orient. Nous nous sommes mis d'accord sur une déclaration, ce qui est très bien, vous l'aurez d'ailleurs dans peu de temps.
Cette déclaration est intéressante car elle insiste sur l'urgence de la mise en oeuvre des recommandations de la Commission Mitchell, elle s'adresse de manière forte aux deux parties.
Nous soutenons complètement la présidence belge qui nous paraît à la fois très ambitieuse et très réaliste dans sa façon d'être ambitieuse. Nous travaillerons avec eux tout au long de cette présidence et il est certain que les choses vont bien se passer.
Q - (Sur le débat public)
R - Non, nous n'attendons pas de solutions miracles, nous faisons ce débat au début de cette présidence, je crois que cela correspond à un souci louable. La question du déficit démocratique, s'il y en a un, n'est pas évidente à traiter.
Q - (Sur le Proche-Orient)
R - Oui, dans notre déclaration, il y a la formule sur les observateurs impartiaux. Nous pouvons donc dire, et j'ai annoncé - il y a quelques jours - qu'après avoir bien examiné la question, cela nous paraissait indispensable, qu'il y ait, à un moment ou à un autre, dans le processus, pour rassurer les uns et les autres, des observateurs impartiaux et cette idée apparaît pour la première fois dans un Conseil européen.
Q - (Sur visas Macédoine)
R - Non, je ne pense pas. Nous n'en avons pas encore discuté. Je ne pense pas que nous l'adoptions sous cette forme. C'est une possibilité que nous souhaitons avoir sous la main, nous avons donc pris quelques dispositions pour que ce soit facile à mettre en oeuvre, mais nous sommes tout de même pour le moment dans un dialogue. Nous devons avoir cet élément à notre disposition, mais ce n'est pas quelque chose qu'il est opportun de décider aujourd'hui, dans le contexte où nous sommes. C'est pour renforcer nos capacités. Cela dit, nous allons en débattre.
Q - (Sur la Turquie)
R - Oui, il y a eu un petit échange sur la Turquie et la défense européenne. Le sentiment général est que la Turquie ne devrait pas tenter de ralentir la mise en oeuvre de la politique européenne de défense. Elle devrait employer des moyens plus européens pour défendre ses positions.
Q - Sur le Proche-Orient. Avez-vous besoin de l'accord d'Israël pour l'envoi d'observateurs ?
R - C'est une évidence, nous ne pouvons pas envoyer d'observateurs à un endroit où ils vont être rejetés. Cela suppose forcément qu'il y ait un accord sur le processus d'observation, mieux encore, sur la reprise d'une discussion politique. Il faut que les observateurs puissent travailler. Ce n'est pas repris dans le texte mais c'est une évidence.
Q - (Sur l'aide à la République fédérale de Yougoslavie)
R - Nous devons en parler tout à l'heure. Je comprends, dans la situation où se trouve la Yougoslavie, qu'elle réagisse assez vivement. Qu'elle ait le sentiment que la communauté internationale, au lieu de l'aider, impose une sorte de contrainte. Ces injonctions ne sont pas très concrètes, ils ont une réaction un peu vive. Mais compte tenu des règles financières internationales, pour que la Yougoslavie puisse à nouveau travailler, il nous faut commencer par les aider à payer leur dette. Quand ils s'indignent qu'une partie de la somme prévue pour la Yougoslavie soit utilisée pour payer les dettes, c'est une façon de remettre la Yougoslavie en situation d'être aidée.
Q - L'Union européenne a condamné le colonialisme. Est-ce une révolution ?
R - Cela a-t-il un sens de condamner des choses qui ont eu lieu il y a longtemps ? Cela ne change rien.
Q - Mais lorsque les conséquences durent aujourd'hui ?
R - Cela fait l'objet d'une discussion assez délicate car il ne faut pas confondre les regrets que l'on peut exprimer concernant certains faits historiques et ce qui se passe aujourd'hui. En même temps, la plupart des participants veulent que l'on soit constructif par rapport aux relations que peuvent avoir les différents pays et continents aujourd'hui. Le texte que vous avez représente un point d'équilibre, un bon point d'équilibre.
Q - Qu'en est-il de l'Afrique des Grands lacs ?
R - Je crois que c'est très simple. La présidence belge, compte tenu de ses liens avec cette partie de l'Afrique, veut consacrer du temps et de l'énergie à cette affaire de l'Afrique des Grands lacs. Louis Michel y est allé souvent, j'irai moi-même dans la seconde moitié du mois d'août, je souhaite beaucoup travailler étroitement avec eux. L'idée est simple, concernant cette situation qui est bloquée, où des efforts sont faits sur le papier mais dont la mise en oeuvre se heurte à des difficultés permanentes constantes. Les pays européens les plus convaincus se groupent pour entraîner toute l'Europe à faire pression sur chacun des protagonistes pour réussir à mettre en oeuvre cet accord. C'est cela l'initiative, c'est simplement un surcroît d'énergie et d'engagement, on le soutient et on l'approuve.
Q - L'Ouganda pose-t-il un problème particulier ?
R - Non, ce n'est pas un pays en particulier, beaucoup de pays ne posent pas de problèmes du tout. C'est le fait que chacun est prêt à appliquer ses obligations de retrait, d'arrêt de certaines pratiques sur le territoire de la République démocratique du Congo. Chacun est prêt à le faire si l'autre est prêt à en faire autant. Il y a une énorme suspicion sur le début de la mise en oeuvre du mécanisme.
Ensuite, s'ajoute le fait que les relations se dégradent dans certains des pays présents en République démocratique du Congo. Il s'agit de faire de son mieux. Nous avons une présidence belge qui prend cela très au sérieux, qui "va mettre le paquet" - pardonnez-moi l'expression. Nous trouvons cela très bien et nous soutenons.
Q - (Sur le sous-continent indien)
R - Non. Mais c'est très important pour tout le continent, je souhaite beaucoup que ce sommet marque un vrai tournant dans les relations entre l'Inde et le Pakistan et permette d'abord de normaliser les relations trilatérales, peut-être d'aborder la question du Cachemire autrement et ce serait une très bonne chose si l'ensemble de cette région du monde pouvait en bénéficier. Je dis cela en mon nom, nous n'en avons pas parlé. Avec l'ordre du jour que nous avions, nous ne pouvions pas parler de tous les sujets, même s'ils sont très importants.
Q - Que va faire l'Europe ?
R - Non, ils ne nous ont rien demandé, on ne va pas se mêler de tout.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 juillet 2001)
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Entretien avec "France-Info" le 16 juillet :
Q - La France parle plus fort au Proche-Orient ?
R - La France, mais aussi chacun des autres. Je pense que les Quinze font ressentir leur sens des responsabilités, en s'exprimant, dans ce moment très grave au Proche-Orient, où il y a de la tension, l'antagonisme, l'inquiétude, la peur, et où il n'y a aucune perspective politique. Nous disons donc très simplement qu'il faut démarrer sans retard et sans prétexte dilatoire la mise en oeuvre des conclusions de la Commission Mitchell. Cela c'est surtout pour les Israéliens.
Il faut que les Palestiniens fassent encore plus d'efforts contre la violence, le terrorisme. Par ailleurs, nous demandons instamment aux Américains de ne surtout pas se désengager. Nous sommes, bien sûr, prêts à travailler avec tous les protagonistes de la région, avec les Américains, avec le Secrétaire général des Nations unies. Il fallait que nous le disions avec force aujourd'hui, dans ce moment un peu vide et donc inquiétant.
Q - Envisagez-vous l'envoi d'observateurs internationaux ?
R - La déclaration évoque l'utilité pour les deux parties, pour sécuriser les deux parties d'observateurs impartiaux.
Q - Comment cela ?
R - L'Union européenne estime qu'il serait utile pour les deux parties, pour les Israéliens comme pour les Palestiniens, qu'il y ait des observateurs impartiaux, dans le cadre d'un mécanisme de surveillance pour passer de la situation de retenue et d'accalmie à un vrai processus de discussions politiques.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 juillet 2001)