Texte intégral
Monsieur le Président
Monsieur le Secrétaire Général
Chers (es) collègues
C'est aujourd'hui notre dernière réunion ministérielle dans ce siècle. Le moment est symbolique, même si l'on sait que les grandes tendances économiques ou politiques, n'épousent pas toujours précisément les ruptures affichées dans les calendriers. C'est ainsi que les dernières années au lieu de clore un moment de notre histoire économique, paraissent anticiper le prochain millénaire. Des évolutions fortes ont vu le jour et dessinent le futur de nos économies et de nos sociétés. Plutôt qu'à un bilan, elles nous invitent à nous projeter dans l'avenir.
Je pense naturellement à l'apparition d'une nouvelle dynamique de croissance non-inflationniste, aux Etats-Unis bien sûr en premier lieu, mais il y en a également de nombreux signes dans d'autres pays comme la France. Je vois aussi le retour de secousses et d'une instabilité financière, mis en évidence par les crises successives des pays émergents. La nouvelle croissance appelle donc de nouvelles régulations multilatérales.
I - Une nouvelle croissance dans les pays développés.
L'Europe a aujourd'hui, je le crois, les moyens d'un cycle de croissance long, comme elle n'en a pas connu depuis plus de vingt ans, mais comme les Etats-Unis viennent de nous en montrer la possibilité.
Je sais que je vais ainsi au delà de la prudence qui sied habituellement à un responsable politique, surtout lorsqu'il est en charge de l'économie. Mais la dynamique maintenue de l'économie américaine, la contribution des nouvelles technologies à la croissance française en 1998 nourrissent ma confiance. Les " certitudes " - le doute il faudrait dire,- des plus sceptiques commencent d'ailleurs à être ébranlées ( le professeur Blinder à propos des chiffres de progression de la productivité américaine : " donnez-moi encore deux trimestres comme les deux derniers et je deviendrai peut-être croyant ").
Ces nouveaux facteurs de croissance se situent à la rencontre des politiques structurelles et des politiques macro-économiques, de leur interaction pour parler comme l'OCDE. C'est pourquoi notre organisation est certainement le lieu par excellence où nous devons les comprendre. La nouvelle croissance repose à mes yeux, sur deux piliers : une révolution structurelle appuyée sur les technologies de l'information, une réinvention de la politique macro économique par le " policy mix " monnaie - budget.
1) La nouvelle dynamique économique en action est d'abord la conséquence d'un formidable mouvement de progrès technique et d'innovation. L'innovation est restée longtemps la " belle inconnue " de la théorie de la croissance, le progrès technique apparaissant au mieux comme un résidu dans les premiers modèles de croissance. Ils se sont ensuite affinés avec les réflexions sur la croissance endogène. Mais peu importe au fond, si la théorie peine à coller à la réalité. Cette réalité, nous la percevons tous aujourd'hui, dans la vie des entreprises, dans notre vie quotidienne, dans la croissance de nos économies. Nous avons aujourd'hui autour des nouvelles technologies de l'information et de la communication, une dynamique d'équipement et d'investissement chez les ménages et les entreprises, porteuse d'externalités et de progrès pour l'ensemble de l'économie. Elle tire la demande, elle améliore les capacités productives. Elle peut permettre une hausse durable du rythme de croissance soutenable.
Cette entrée dans la société de l'information, dans l'économie numérisée, s'est effectuée à des rythmes différents selon nos pays. Elle est très progressive : dans mon pays, une entreprise sur 4 seulement est connectée à internet. Mon objectif est d'arriver à une entreprise sur deux d'ici la fin 2000. Mais cette conversion, encore hésitante, est déjà à l'origine de 0,5 % de la croissance française en 1998. Elle s'accélère : 4 millions d'internautes fin 1998, 5,6 millions, fin avril, soit plus de 10 % de la population de plus de 15 ans. J'espère 10 millions fin 2000. Cela montre le potentiel de croissance par le seul équipement des ménages et des entreprises.
L'impact de ces nouvelles technologies va toutefois bien au delà d'une nouvelle vague de consommation de masse ou de l'apparition d'une nouvelle forme de distribution, le commerce électronique. Ce qui est en jeu, c'est une réorganisation de la production et du travail, et l'émergence d'une nouvelle économie, fondé sur un réseau de communication capillarisé, à faible coût d'utilisation, et sans frontière - nous retrouvons ici le processus de mondialisation, également à l'uvre dans la transformation de nos sociétés.
Renforcement du pouvoir des acheteurs (la comparaison des offres est instantanée et globale), encouragement de la concurrence avec possibilité d'entrée facilitée pour les nouveaux compétiteurs, notamment dans les services (forte contestabilité des marchés), accélération des échanges qui est source de productivité (réduction des temps de réponse aux clients, production sur mesure, élimination des stocks) : nous sommes au coeur d'un mouvement de destruction créatrice, où au final l'effet de création de richesses et de croissance doit l'emporter. Le potentiel de croissance s'élève, le risque d'inflation diminue.
2) Nous avons un nouveau carburant pour la croissance, un moteur plus performant et plus puissant. Pour rester dans le registre automobile, je dirais qu'il faut en conséquence des pilotes plus avisés et plus sûrs dans leurs interventions. Cela renvoie à la réinvention des politiques macro-économiques.
Pour parler simplement, la question à laquelle nous devons répondre est de savoir si nous devons adopter le dosage politique budgétaire laxiste/politique monétaire restrictive pratiqué par le tandem Reagan-Volcker ou le dosage inverse, qui a été choisi par le tandem Clinton-Greenspan ? Nous devons bien évidemment ne pas perdre de vue les différences de situations, mais je suis cependant convaincu que le dosage de politiques le mieux adapté à l'Europe d'aujourd'hui est beaucoup plus proche de la seconde que de la première de ces expériences.
La réponse à la question est en effet très nette : dans les circonstances actuelles, la responsabilité de maintenir des conditions favorables à une croissance sans inflation doit incomber à la politique monétaire, tandis que, dans tous les pays où des ajustements budgétaires sont encore en cours, la politique budgétaire doit conserver comme objectif la réduction du déficit public.
C'est précisément parce que nous avons pensé que des situations de ce type pourraient se produire que, juste après la formation du gouvernement de Lionel Jospin, nous avons insisté sur la nécessité d'une coordination des politiques économiques en Europe et que nous avons proposé la création de l'Euro-11. La situation à laquelle nous sommes aujourd'hui confrontés nous rappelle avec insistance combien nous avons besoin d'institutions de coordination efficaces entre les 11 gouvernements de la zone euro, ainsi qu'entre eux et la BCE. C'est seulement si nous créons un climat de dialogue, et de confiance mutuelle dans la capacité des partenaires à assumer leurs engagements, que la zone euro sera en mesure de définir et de mettre en uvre des politique appropriées dans le contexte actuel. Je suis profondément convaincu que nous sommes capables de relever ce défi.
Je veux souligner un deuxième point. Si le potentiel de croissance s'est accru, cela n'exclut pas les fluctuations. Le cycle n'est certainement pas mort. J'ai parlé de l'apparition d'une croissance durablement non inflationniste aux Etats-Unis, il faut pourtant rester prudent, comme l'a rappelé la publication la semaine dernière des mauvais chiffres d'inflation pour le mois d'avril aux Etats Unis. Les responsables de la politique économique gardent leur fonction: veiller à ce que la croissance économique conserve un rythme soutenable .
II - De nouvelles régulations.
a) Les inégalités
Comme toutes les mutations associées à l'acquisition de connaissances et à la capacité à participer aux changements, celles-ci, spontanément, sont sources d'insécurité - et donc paradoxalement peuvent renforcer la tentation du repli ou de l'immobilisme. Elles créent également de l'inégalité, entre pays, entre régions, entre secteurs, au sein de nos sociétés. Si ces tendances ne sont pas corrigées, la cohésion sociale dans nos pays est mise en cause, et certaines régions du monde, déjà à l'écart, sont un peu plus marginalisées.
Dans un cas comme dans l'autre, les conditions à long terme de la réussite sont menacées. Dans le domaine international, le refus de cette marginalisation est à l'origine des initiatives qui ont été prises sur l'annulation de la dette des pays les plus pauvres. De même, l'intégration du monde en développement dans l'économie mondiale doit être l'une des priorités du prochain cycle de négociations commerciales qui s'ouvrira à la fin de l'année à Seattle.
b)L'instabilité financière internationale
Dans un environnement en mutation, et où les régulations traditionnelles ont été relâchées ou dépassées, l'instabilité se développe. Les possibilités de déstabilisation, les effets de contagion sur les marchés, le risque de sur réaction aux erreurs de politique économique sont accrus. Ils appellent une architecture financière internationale consolidée et de nouvelles instances de régulation légitimes. Nous y travaillons depuis la crise des pays émergents.
Je suis en effet profondément convaincu que le processus d'évaluation et de réforme de l'architecture monétaire et financière internationale enclenché depuis quelques mois doit être poursuivi et mené à son terme. Nous ne pouvons nous satisfaire d'un système dans lequel, sous l'effet de circonstances fortuites, le prix que les pays doivent payer pour les erreurs de politique économique est tantôt négligeable, tantôt colossal, et où des marchés financiers d'une extrême sophistication s'avèrent incapables d'égaler les performances du système financier du XIXème siècle, qui pendant des décennies a été en mesure de transférer des montants importants d'épargne des pays dans lesquels elle était surabondante vers les pays avides d'investissements.
La récurrence de crises dont le coût retombe fréquemment sur les fractions les plus pauvres de la population ne se traduit pas seulement par une perte économique et sociale très importante. Elle sape également la confiance des peuples dans les bénéfices à attendre de la mondialisation et le soutien qu'ils peuvent lui apporter. Notre objectif ne peut pas être de tourner le dos à la mondialisation, mais plutôt d'en faire un moteur de la croissance et du développement. Pour dire les choses plus simplement, nous voulons plus d'échanges de biens et de capitaux, pas moins. Il est clairement nécessaire de maîtriser les afflux de capitaux soudains et déstabilisateurs, mais les pays ont tous au même titre intérêt à trouver les moyens permettant que des flux financiers importants se dirigent vers les pays émergents et les pays en développement. Il convient de ne pas l'oublier au moment de concevoir de nouvelles orientations et procédures.
Pour toutes ces raisons, il nous faut maintenant définir et mettre en uvre les réformes nécessaires pour renforcer les relations financières et monétaires internationales et les rendre plus favorables à la croissance et au développement. La tournure prise par les discussions intervenues au cours des derniers mois me donne à penser du degré de consensus est maintenant plus élevé qu'il ne l'a été pendant très longtemps.
Personne ne conteste plus sérieusement la nécessité d'exiger une plus grande transparence de la part des institutions engagées dans les transactions financières internationales et d'imposer des obligations en matière de communication des informations financières. Personne ne remet en question le fait qu'il y a d'importantes conditions préalables à la libéralisation des marchés des capitaux dans les pays émergents, et que même lorsque ces conditions sont réunies, il est fortement recommandé d'observer une grande vigilance et d'adopter une approche graduelle. Personne ne met plus en question la nécessité d'un FMI fort, reposant sur une assise politique légitime et responsable, et disposant des moyens suffisants pour faire face à de soudaines vagues de sorties des capitaux atteignant un grand nombre de pays. Personne ne conteste la nécessité d'associer le secteur privé à la résolution des crises, afin de limiter le risque de renflouement des investisseurs imprudents à l'aide des fonds publics. Nous avons accompli des premiers pas importants (facilité préventive du FMI). Il faut que ce consensus débouche sur encore plus de résultats.
Chers collègues, les indices d'une nouvelles croissance sont présents et confirmés. Il y a avec eux de nouvelles exigences pour les décideurs de politique économique. Il nous reste beaucoup de travail pour comprendre les ressorts de cette croissance et l'ampleur des défis qui lui sont associés. Le Secrétariat de l'OCDE va nous y aider au cours de l'année qui vient.
(source http ://www.finances.gouv.fr, le 01 juin 1999)
Monsieur le Secrétaire Général
Chers (es) collègues
C'est aujourd'hui notre dernière réunion ministérielle dans ce siècle. Le moment est symbolique, même si l'on sait que les grandes tendances économiques ou politiques, n'épousent pas toujours précisément les ruptures affichées dans les calendriers. C'est ainsi que les dernières années au lieu de clore un moment de notre histoire économique, paraissent anticiper le prochain millénaire. Des évolutions fortes ont vu le jour et dessinent le futur de nos économies et de nos sociétés. Plutôt qu'à un bilan, elles nous invitent à nous projeter dans l'avenir.
Je pense naturellement à l'apparition d'une nouvelle dynamique de croissance non-inflationniste, aux Etats-Unis bien sûr en premier lieu, mais il y en a également de nombreux signes dans d'autres pays comme la France. Je vois aussi le retour de secousses et d'une instabilité financière, mis en évidence par les crises successives des pays émergents. La nouvelle croissance appelle donc de nouvelles régulations multilatérales.
I - Une nouvelle croissance dans les pays développés.
L'Europe a aujourd'hui, je le crois, les moyens d'un cycle de croissance long, comme elle n'en a pas connu depuis plus de vingt ans, mais comme les Etats-Unis viennent de nous en montrer la possibilité.
Je sais que je vais ainsi au delà de la prudence qui sied habituellement à un responsable politique, surtout lorsqu'il est en charge de l'économie. Mais la dynamique maintenue de l'économie américaine, la contribution des nouvelles technologies à la croissance française en 1998 nourrissent ma confiance. Les " certitudes " - le doute il faudrait dire,- des plus sceptiques commencent d'ailleurs à être ébranlées ( le professeur Blinder à propos des chiffres de progression de la productivité américaine : " donnez-moi encore deux trimestres comme les deux derniers et je deviendrai peut-être croyant ").
Ces nouveaux facteurs de croissance se situent à la rencontre des politiques structurelles et des politiques macro-économiques, de leur interaction pour parler comme l'OCDE. C'est pourquoi notre organisation est certainement le lieu par excellence où nous devons les comprendre. La nouvelle croissance repose à mes yeux, sur deux piliers : une révolution structurelle appuyée sur les technologies de l'information, une réinvention de la politique macro économique par le " policy mix " monnaie - budget.
1) La nouvelle dynamique économique en action est d'abord la conséquence d'un formidable mouvement de progrès technique et d'innovation. L'innovation est restée longtemps la " belle inconnue " de la théorie de la croissance, le progrès technique apparaissant au mieux comme un résidu dans les premiers modèles de croissance. Ils se sont ensuite affinés avec les réflexions sur la croissance endogène. Mais peu importe au fond, si la théorie peine à coller à la réalité. Cette réalité, nous la percevons tous aujourd'hui, dans la vie des entreprises, dans notre vie quotidienne, dans la croissance de nos économies. Nous avons aujourd'hui autour des nouvelles technologies de l'information et de la communication, une dynamique d'équipement et d'investissement chez les ménages et les entreprises, porteuse d'externalités et de progrès pour l'ensemble de l'économie. Elle tire la demande, elle améliore les capacités productives. Elle peut permettre une hausse durable du rythme de croissance soutenable.
Cette entrée dans la société de l'information, dans l'économie numérisée, s'est effectuée à des rythmes différents selon nos pays. Elle est très progressive : dans mon pays, une entreprise sur 4 seulement est connectée à internet. Mon objectif est d'arriver à une entreprise sur deux d'ici la fin 2000. Mais cette conversion, encore hésitante, est déjà à l'origine de 0,5 % de la croissance française en 1998. Elle s'accélère : 4 millions d'internautes fin 1998, 5,6 millions, fin avril, soit plus de 10 % de la population de plus de 15 ans. J'espère 10 millions fin 2000. Cela montre le potentiel de croissance par le seul équipement des ménages et des entreprises.
L'impact de ces nouvelles technologies va toutefois bien au delà d'une nouvelle vague de consommation de masse ou de l'apparition d'une nouvelle forme de distribution, le commerce électronique. Ce qui est en jeu, c'est une réorganisation de la production et du travail, et l'émergence d'une nouvelle économie, fondé sur un réseau de communication capillarisé, à faible coût d'utilisation, et sans frontière - nous retrouvons ici le processus de mondialisation, également à l'uvre dans la transformation de nos sociétés.
Renforcement du pouvoir des acheteurs (la comparaison des offres est instantanée et globale), encouragement de la concurrence avec possibilité d'entrée facilitée pour les nouveaux compétiteurs, notamment dans les services (forte contestabilité des marchés), accélération des échanges qui est source de productivité (réduction des temps de réponse aux clients, production sur mesure, élimination des stocks) : nous sommes au coeur d'un mouvement de destruction créatrice, où au final l'effet de création de richesses et de croissance doit l'emporter. Le potentiel de croissance s'élève, le risque d'inflation diminue.
2) Nous avons un nouveau carburant pour la croissance, un moteur plus performant et plus puissant. Pour rester dans le registre automobile, je dirais qu'il faut en conséquence des pilotes plus avisés et plus sûrs dans leurs interventions. Cela renvoie à la réinvention des politiques macro-économiques.
Pour parler simplement, la question à laquelle nous devons répondre est de savoir si nous devons adopter le dosage politique budgétaire laxiste/politique monétaire restrictive pratiqué par le tandem Reagan-Volcker ou le dosage inverse, qui a été choisi par le tandem Clinton-Greenspan ? Nous devons bien évidemment ne pas perdre de vue les différences de situations, mais je suis cependant convaincu que le dosage de politiques le mieux adapté à l'Europe d'aujourd'hui est beaucoup plus proche de la seconde que de la première de ces expériences.
La réponse à la question est en effet très nette : dans les circonstances actuelles, la responsabilité de maintenir des conditions favorables à une croissance sans inflation doit incomber à la politique monétaire, tandis que, dans tous les pays où des ajustements budgétaires sont encore en cours, la politique budgétaire doit conserver comme objectif la réduction du déficit public.
C'est précisément parce que nous avons pensé que des situations de ce type pourraient se produire que, juste après la formation du gouvernement de Lionel Jospin, nous avons insisté sur la nécessité d'une coordination des politiques économiques en Europe et que nous avons proposé la création de l'Euro-11. La situation à laquelle nous sommes aujourd'hui confrontés nous rappelle avec insistance combien nous avons besoin d'institutions de coordination efficaces entre les 11 gouvernements de la zone euro, ainsi qu'entre eux et la BCE. C'est seulement si nous créons un climat de dialogue, et de confiance mutuelle dans la capacité des partenaires à assumer leurs engagements, que la zone euro sera en mesure de définir et de mettre en uvre des politique appropriées dans le contexte actuel. Je suis profondément convaincu que nous sommes capables de relever ce défi.
Je veux souligner un deuxième point. Si le potentiel de croissance s'est accru, cela n'exclut pas les fluctuations. Le cycle n'est certainement pas mort. J'ai parlé de l'apparition d'une croissance durablement non inflationniste aux Etats-Unis, il faut pourtant rester prudent, comme l'a rappelé la publication la semaine dernière des mauvais chiffres d'inflation pour le mois d'avril aux Etats Unis. Les responsables de la politique économique gardent leur fonction: veiller à ce que la croissance économique conserve un rythme soutenable .
II - De nouvelles régulations.
a) Les inégalités
Comme toutes les mutations associées à l'acquisition de connaissances et à la capacité à participer aux changements, celles-ci, spontanément, sont sources d'insécurité - et donc paradoxalement peuvent renforcer la tentation du repli ou de l'immobilisme. Elles créent également de l'inégalité, entre pays, entre régions, entre secteurs, au sein de nos sociétés. Si ces tendances ne sont pas corrigées, la cohésion sociale dans nos pays est mise en cause, et certaines régions du monde, déjà à l'écart, sont un peu plus marginalisées.
Dans un cas comme dans l'autre, les conditions à long terme de la réussite sont menacées. Dans le domaine international, le refus de cette marginalisation est à l'origine des initiatives qui ont été prises sur l'annulation de la dette des pays les plus pauvres. De même, l'intégration du monde en développement dans l'économie mondiale doit être l'une des priorités du prochain cycle de négociations commerciales qui s'ouvrira à la fin de l'année à Seattle.
b)L'instabilité financière internationale
Dans un environnement en mutation, et où les régulations traditionnelles ont été relâchées ou dépassées, l'instabilité se développe. Les possibilités de déstabilisation, les effets de contagion sur les marchés, le risque de sur réaction aux erreurs de politique économique sont accrus. Ils appellent une architecture financière internationale consolidée et de nouvelles instances de régulation légitimes. Nous y travaillons depuis la crise des pays émergents.
Je suis en effet profondément convaincu que le processus d'évaluation et de réforme de l'architecture monétaire et financière internationale enclenché depuis quelques mois doit être poursuivi et mené à son terme. Nous ne pouvons nous satisfaire d'un système dans lequel, sous l'effet de circonstances fortuites, le prix que les pays doivent payer pour les erreurs de politique économique est tantôt négligeable, tantôt colossal, et où des marchés financiers d'une extrême sophistication s'avèrent incapables d'égaler les performances du système financier du XIXème siècle, qui pendant des décennies a été en mesure de transférer des montants importants d'épargne des pays dans lesquels elle était surabondante vers les pays avides d'investissements.
La récurrence de crises dont le coût retombe fréquemment sur les fractions les plus pauvres de la population ne se traduit pas seulement par une perte économique et sociale très importante. Elle sape également la confiance des peuples dans les bénéfices à attendre de la mondialisation et le soutien qu'ils peuvent lui apporter. Notre objectif ne peut pas être de tourner le dos à la mondialisation, mais plutôt d'en faire un moteur de la croissance et du développement. Pour dire les choses plus simplement, nous voulons plus d'échanges de biens et de capitaux, pas moins. Il est clairement nécessaire de maîtriser les afflux de capitaux soudains et déstabilisateurs, mais les pays ont tous au même titre intérêt à trouver les moyens permettant que des flux financiers importants se dirigent vers les pays émergents et les pays en développement. Il convient de ne pas l'oublier au moment de concevoir de nouvelles orientations et procédures.
Pour toutes ces raisons, il nous faut maintenant définir et mettre en uvre les réformes nécessaires pour renforcer les relations financières et monétaires internationales et les rendre plus favorables à la croissance et au développement. La tournure prise par les discussions intervenues au cours des derniers mois me donne à penser du degré de consensus est maintenant plus élevé qu'il ne l'a été pendant très longtemps.
Personne ne conteste plus sérieusement la nécessité d'exiger une plus grande transparence de la part des institutions engagées dans les transactions financières internationales et d'imposer des obligations en matière de communication des informations financières. Personne ne remet en question le fait qu'il y a d'importantes conditions préalables à la libéralisation des marchés des capitaux dans les pays émergents, et que même lorsque ces conditions sont réunies, il est fortement recommandé d'observer une grande vigilance et d'adopter une approche graduelle. Personne ne met plus en question la nécessité d'un FMI fort, reposant sur une assise politique légitime et responsable, et disposant des moyens suffisants pour faire face à de soudaines vagues de sorties des capitaux atteignant un grand nombre de pays. Personne ne conteste la nécessité d'associer le secteur privé à la résolution des crises, afin de limiter le risque de renflouement des investisseurs imprudents à l'aide des fonds publics. Nous avons accompli des premiers pas importants (facilité préventive du FMI). Il faut que ce consensus débouche sur encore plus de résultats.
Chers collègues, les indices d'une nouvelles croissance sont présents et confirmés. Il y a avec eux de nouvelles exigences pour les décideurs de politique économique. Il nous reste beaucoup de travail pour comprendre les ressorts de cette croissance et l'ampleur des défis qui lui sont associés. Le Secrétariat de l'OCDE va nous y aider au cours de l'année qui vient.
(source http ://www.finances.gouv.fr, le 01 juin 1999)