Texte intégral
Réponse de Robert Hue, le 17 avril, à Nicolas Beytout (dont l'article est paru dans les "Echos des 6 et 7 avril) :
Monsieur le Directeur de la rédaction,
Merci de m'avoir interpellé dans votre "lettre ouverte sur les plans sociaux"(*).
Vous dîtes d'emblée que vous ne cherchez pas à défendre l'indéfendable : la brutalité, la soudaineté, l'aspect désincarné de la fermeture des magasins Marks et Spencer. Méthode d'un autre temps dites-vous. Et vous assurez, parlant également de Danone, qu'il est difficile et très ingrat d'essayer de plaider la raison face à l'immense émotion.
Il est vrai que j'ai été bouleversé à Calais, comme dans le 9ème arrondissement de Paris. Ce n'est pas rien d'entendre une déléguée syndicale dire : "je travaille depuis 18 ans chez Marks et Spencer. J'ai donné tout ce que j'ai pu. Il y a deux mots que je voudrais prononcer : les salariés ont le droit à la dignité et au respect." Mais il n'y a pas chez moi que l'émotion qu'il y a chez vous. La raison, que vous réclamez, n'est pas absente dans les questions que je pose au nom du Parti communiste.
D'abord une observation. Il est clair que désormais le patronat ne pourra plus considérer les travailleurs comme une variable de l'économie. On les prend, on en use, on les jette. Plus ou moins poliment. A la Danone ou à la Marks et Spencer. A la française ou à l'anglaise.
Sachez que le droit de vie et de mort des actionnaires sur le travail et sur l'entreprise a pris un sérieux coup de vieux. Les salariés comme la population ne reconnaissent pas, ou plus, les critères de choix des actionnaires comme bons pour eux-mêmes, ni pour la société. Si cela se confirme, c'est un changement d'état d'esprit majeur, une atteinte à la légitimité du capital et une demande de démocratie à l'entreprise irrépressible.
Les femmes et hommes au travail, de toute qualification, ont de plus en plus un sens aigu de leur bon droit. Ils savent que leur travail crée des richesses et des profits. Ils savent que le capital, au-delà des aléas locaux ou périodiques, se porte bien. Ils se pensent assez intelligents et expérimentés pour juger de ce qui est bien comme de ce qui est mal. Ils voient bien que ceux qui décident ne sont plus des chefs d'entreprises relativement proches et connaissant leur affaire, mais des groupements financiers qui n'y connaissent rien. Et d'ailleurs s'en fichent. Sauf s'agissant de leur argent. Seul compte le taux de profit. Ce n'est pas du libéralisme, c'est du capitalisme à l'état pur, exacerbé par la financiarisation et la mondialisation.
Quel choc : Marks et Spencer vous met à la porte et les actions montent de 6 %. C'était déjà vrai pour Michelin et ailleurs.
Et puis le sentiment populaire est du côté de ceux qui luttent. Une forme de nouvelle solidarité - faut-il dire de classe ? - semble se nouer. On est passé, mine de rien, de ce qu'on a appelé les grèves par procuration - en 1995 - à des formes plus actives de soutien. Par exemple le boycott.
Le patronat et les groupes financiers devraient sérieusement réfléchir, eux qui tiennent tant à leur image, au coût inouï d'une politique sociale détestable.
Nouvelle donne aussi, le rapport entre les luttes et la politique. L'embarras manifeste du Parti socialiste et les hésitations de Lionel Jospin, tout comme la vigueur de l'intervention du Parti communiste sont perçus par nos concitoyens.
La politique, la vraie, porteuse d'espoir et aidant à agir et penser pointe, peut-être, son nez.
En ce qui le concerne, le Parti communiste - qui a entendu les messages que les électeurs et les abstentionnistes de gauche viennent de lui adresser - se considère en devoir d'initiative et de mobilisation vis-à-vis de ces salariés.
Pas seul évidemment. Il y a les syndicats, d'autres formations politiques. Il y a la sympathie populaire. Mais chacun parle pour lui. Le Parti communiste souhaite être parmi les plus dévoués, les plus rigoureux, les plus fraternels, des soutiens à tous ceux qui veulent que la vie soit plus juste. Parmi les plus respectueux aussi de la liberté de penser de chacun.
Naturellement, un parti politique c'est aussi un projet de société, un projet politique, une organisation. Nous y travaillons d'arrache pied avec toutes celles et ceux qui veulent inventer un avenir de liberté, d'égalité et de fraternité. Un autre monde. Mais à quoi bon si ce n'est d'abord pour être solidaires et actifs dans des cas comme ceux là. Je pourrais parler encore de d'AOM-Air Liberté, de la SFP, d'Aventis, de Valéo, de bien d'autres encore.
Permettez-moi à ce moment de ma lettre de contester - vous dîtes vous y attendre - certaines de vos appréciations.
Tout ne vient pas, écrivez-vous, de la tyrannie de la Bourse et des actionnaires mais de celle du client. Celui-ci toujours plus exigeant réclame toujours moins cher, toujours plus fiable... L'entreprise doit en tenir compte, etc... Donc, si je perds mon travail comme producteur c'est de ma faute comme consommateur. Permettez. Que le système actuel soit une course effrénée et incessante, un monde d'anarchie où chacun doit tuer l'autre ! Exact. Il est vrai que le salarié coûte moins cher quand ce qu'il achète est meilleur marché. C'est aussi comme cela qu'on a poussé à un productivisme effrayant dans l'agriculture et dans d'autres domaines.
Au total, pourtant, il faut croire que la productivité du travail et l'exploitation ont beaucoup grandi pour que des profits si faramineux se déversent chez les détenteurs de capitaux. Constatons d'ailleurs que ceux qui paient les pots cassés, ce sont toujours les mêmes. Salariés mal payés, précaires ou privés d'emploi, qui sont aussi ces consommateurs que vous accusez de "tyrannie".
Vous y ajoutez qu'il reste une question : comment faire pour rendre tout cela supportable à ceux qui le subissent ? Là vous admettez que j'ai raison : l'entreprise riche doit payer.
Bon, c'est toujours cela. Mais on peut faire mieux au coeur des questions. Je souhaite à ce propos vous dire dans quel sens vont mes réflexions.
La première est de ne pas permettre qu'on considère ceux qui travaillent comme taillables et corvéables à merci. Ils ont des droits. Et mon sentiment est que l'heure est à leur en donner de nouveaux, d'information, de contrôle, de choix, jusque dans les conseils d'administration. L'usine "elle est à nous" a crié une ouvrière en larmes chez Danone. Il faut convenir qu'il y a une bonne part de vérité en cela.
L'entreprise est une chose très importante. Les salariés ne sont pas si sots qu'ils ne sachent qu'elle doit bouger, répondre à des besoins qui évoluent, investir, intégrer des nouvelles techniques pour abaisser ses coûts. Mais certainement pas en surexploitant le travail, en précarisant les femmes, les hommes, les jeunes et en les jetant dehors - "comme des kleenex" -entend-on. Ni non plus en prenant le chemin qui a définitivement échoué de l'économie administrée.
J'ajoute : une loi a été votée à mon initiative le 4 janvier dernier sur "le contrôle des fonds publics". Cette loi de la République peut s'appliquer à Marks et Spencer, à Danone et à d'autres. Tout dépend désormais de la publication des décrets d'application, donc du Gouvernement. C'est urgent.
Par ailleurs, les Parlementaires communistes défendront un amendement à la loi de modernisation économique et sociale qui donnerait au ministre du Travail, le pouvoir de suspendre par arrêté un plan de licenciements collectif. Un tel moratoire vise à une obligation de réexamen et de recherche de solutions favorables à l'activité et à l'emploi. Avec toutes les cartes sur la table, au grand jour. Chiche ?
Nous réclamons aussi, une loi simple qui interdise tout licenciement économique collectif aux entreprises qui font des bénéfices et soumette toute réorganisation à une pratique contractuelle avec les salariés. Dois-je vous rappeler que selon une enquête publiée la semaine dernière, 89 % de Français partagent ce point de vue ?
Enfin, nous agissons pour la création au sein de la commission européenne des affaires sociales d'une instance permanente chargée du suivi des stratégies des grands groupes en Europe.
Permettez-moi de conclure sur une idée : décidément, quand le monde du travail et les citoyens s'en mêlent, les licencieurs boursiers ont du souci à se faire !
Je vous prie de croire, Monsieur le Directeur de la rédaction, en l'expression de mes sentiments distingués.
(source http://www.pcf.fr, le 20 avril 2001)
Déclaration à Calais le 21 avril :
Cher(e)s ami(e)s,
Cher(e)s camarades
Je veux vous le dire d'emblée: nous pouvons être fiers, très fiers, de ce que nous venons de réussir, tous ensemble, aujourd'hui, à Calais.
C'est la plus puissante manifestation anti-licenciements organisée depuis le début de cette nouvelle déferlante de plans sociaux des multinationales françaises et étrangères.
Vous pouvez le constater, amis et camarades de " LU ": vous n'êtes pas seuls! Et je l'affirme, j'en suis sûr, au nom de toutes et tous, rassemblés ici: nous ferons tout pour obliger la direction du groupe Danone à reculer!
Oui, vraiment, j'en sui sûr: Calais le 21 avril 2001, ce n'est qu'un début!
Oui, j'en suis sûr, notre manifestation va contribuer à faire grandir, à renforcer le soutien populaire qui entoure votre lutte.
Des millions de Françaises et de Français sont indignés par la brutalité, l'inhumanité des décisions qui vous frappent.
Ils sont écurés, révoltés par l'attitude de la poignée d'actionnaires obsédés de leurs dividendes, de l'argent, des profits, que leur procure votre travail et qui, pour en accumuler toujours plus, n'hésitent pas à briser la vie de dizaines de milliers d'entre vous.
Cette émotion, cette colère sont légitimes. Car enfin il faudrait à présent, pour être " moderne ", accepter sans broncher, en courbant la tête, les diktats que prétendent imposer quelques boursicoteurs à toute la société?
Il aurait fallu accepter hier Michelin, aujourd'hui Danone et Marks et Spencer, et demain Philips, Moulinex, Aventis, AOM-Air Liberté et tant d'autres.
Eh bien nous n'acceptons pas ce véritable " jeu de massacre ". Ceux qui spéculent à la bourse ne savent rien de votre vie, de vos difficultés; ils se désintéressent de l'activité économique réelle; ils se moquent éperdument de votre travail.
C'est même pire: pour eux le salarié, c'est l'ennemi! C'est par la pression sur les salaires, par la casse des emplois, par l'explosion de la précarité, qu'ils cherchent à accroître toujours plus leurs profits financiers.
C'est pourquoi, je le dis avec gravité, il faut choisir entre l'intérêt général - celui des salariés, des bassins d'emplois, des entreprises - et l'obéissance aux intérêts égoïstes de la bourse, des marchés financiers, des actionnaires.
Et, je dois le dire, il faut de ce point de vue, une attitude plus claire, plus résolue, plus combative du gouvernement de la gauche plurielle.
Devant les ravages dont le capitalisme mondialisé est responsable, on ne peut pas se contenter de demi-mesures, de solutions " mi-chèvre - mi-chou ". Je ne le cache pas: les récentes déclarations du Premier ministre sont notoirement insuffisantes et, disons-le, ne répondent pas à cette exigence de résistance à la déferlante néolibérale. Et si on ne résiste pas, on cède, on accepte, on se contente d'accompagner, pour la rendre un peu moins douloureuse, l'hécatombe des emplois. Se contenter de renchérir les licenciements n'est-ce pas au fond accorder aux patrons un " droit à licencier ", comme certains veulent instituer un " droit à polluer ". Or, ce que les Françaises et les Français attendent du gouvernement ce n'est pas une " prime pour vie saccagée ", ou un passeport pour une fin de vie précaire: c'est qu'il ait le courage politique de s'en prendre aux puissants qui sont cause de leurs difficultés, de leurs malheurs.
Le pouvoir politique, s'il veut regagner toute la confiance du mouvement social et populaire, doit avoir le courage de dire " NON " aux licenciements boursiers; le courage de dire " NON " à la logique du marché de l'argent-roi.
Plus que jamais je maintiens qu'il faut agir vigoureusement, tout de suite, dans trois directions.
· Oui, il est nécessaire et possible d'interdire les licenciements collectifs dans les entreprises qui réalisent des profits substantiels ou distribuent de juteux dividendes. Il faut casser cette spirale infernale, où sans cesse l'argent va à l'argent, alors que c'est vers l'investissement utile, les salaires, la formation qu'il faudrait l'orienter.
· Oui, il est possible de décider que, désormais, les plans sociaux seront suspendus, pour permettre que s'engage avec tous les partenaires concernés - salariés et patrons; pouvoirs publics et élus locaux -l'étude de toutes les solutions susceptibles de préserver, et de développer le cas échéant, l'activité et l'emploi.
· Oui, il faut en finir avec le véritable détournement d'argent public dont se rendent coupables de nombreuses grandes entreprises. Elles perçoivent aides et subventions sans aucun contrôle, et n'en continuent pas moins de licencier tout en affichant, souvent, des profits records.
J'ai fait voter une loi instituant ce contrôle. Pour la rendre effective, le gouvernement doit en publier les décrets d'application. Quatre mois se sont déjà écoulés depuis son vote. Ce n'est pas tolérable. Alors, je le dis solennellement devant vous, la responsabilité du Premier ministre est engagée: je lui demande de faire publier ces décrets sans plus attendre.
Car en effet l'application de cette loi permettrait le contrôle de l'argent public et des cadeaux fiscaux dont bénéficient les groupes multinationaux. Et à ceux qui licencient, nous pourrions dire alors: " remboursez l'argent public! "
Cher(e) ami(e)s et camarades,
Nous le sentons bien: de tout le pays monte une contestation grandissante de cet ordre capitaliste qui veut plier toute la société aux exigences impitoyables des profits financiers.
Je l'ai dit tout à l'heure: la manifestation du 21 avril à Calais n'est qu'un début.
D'ici, devant vous, je lance un appel.
Un appel à résister à l'inhumanité de la logique du marché et de l'argent; à la logique des " briseurs de vie ".
Un appel à intervenir, partout, dans toutes les entreprises pour y conquérir des droits nouveaux en faveur des salariés.
Un appel à l'action, à la multiplication des initiatives pour imposer d'autres choix que ceux, brutaux et régressifs, du MEDEF et M. Seillière.
Un appel à s'opposer aux privatisations qui transfèrent les services publics vers les multinationales.
Un appel au rassemblement et à l'action de toutes celles et tous ceux - ils sont des millions dans notre pays et en Europe - qui se reconnaissent dans la manifestation d'aujourd'hui.
Tous ensemble, dans la diversité et le respect de nos sensibilités, de nos engagements, nous sommes capables de faire entendre ces exigences.
Nous avons commencé de le faire aujourd'hui.
Voilà pourquoi cette grande journée de mobilisation peut devenir, j'en ai la conviction, une journée fondatrice pour l'avenir.
Oui vraiment, ce magnifique rassemblement de Calais est bien celui des luttes et de l'espoir. Je suis sûr que vous souhaitez qu'il se prolonge. Il va se prolonger!
Nous en prenons l'engagement!
Se prolonger pour obtenir des réponses concrètes aux exigences de ceux qui luttent.
Se prolonger en faveur d'une autre logique, d'un autre monde que celui où le fric et le marché écrasent la société.
C'est avec cette volonté offensive que je m'adresserai dans les prochains jours aux forces sociales, politiques et associatives, pour une nouvelle initiative dans ce sens - pourquoi pas à Paris dans les prochaines semaines? - et dont nous pourrions décider ensemble du contenu et de la forme, dans le respect des choix de chacune et de chacun.
Merci, cher(e)s ami(e)s et camarades de votre présence aujourd'hui
Merci et à très bientôt, car d'autres rendez-vous de lutte nous attendent.
(Source http://www.pcf.fr, le 27 avril 2001)
Lettre de M. Robert Hue, le 24 avril 2001, aux partis de gauche, syndicats, associations :
Madame, Monsieur, cher-e ami-e,
L'actualité de ces dernières semaines fait une très large place aux nombreuses annonces de plans sociaux dans de grandes entreprises multinationales.
Le cas de Danone est le plus commenté, avec les très lourdes menaces qui pèsent sur les sites de Calais, Ris-Orangis, et Château-Thierry. Il est beaucoup question, également de Marks et Spencer, AOM-Air Littoral-Air Liberté, Philips France, Moulinex-Brandt, Aventis, Valéo, Dunlop, André, Péchiney, DIM Au total, pour ne s'en tenir qu'à ces entreprises, ce sont près de 20 000 emplois qui risquent de disparaître dans une toute prochaine période.
Et il y a malheureusement tout lieu de penser que la liste n'est pas close des groupes multinationaux qui envisagent des mesures du même type, en France et en Europe.
L'opinion publique est profondément choquée par cette cascade de licenciements collectifs. D'autant plus qu'ils sont prononcés alors que, bien souvent, les entreprises concernées affichent des résultats financiers très positifs en dépit desquels de plus en plus, leurs actionnaires exercent une véritable " dictature " pour obtenir des taux de rentabilité encore plus élevés, au détriment de l'activité économique réelle, de l'emploi, de l'avenir des bassins d'activités.
Au-delà des effets immédiats, et dramatiques, de ces licenciements ; au-delà, aussi, de l'indispensable solidarité que nous devons à celles et ceux qui en sont victimes, il me semble que nous sommes entrés dans une nouvelle phase caractérisée par une véritable fuite en avant libérale, quelles qu'en soient les conséquences économiques et sociales.
Nombre de leurs dirigeants, et beaucoup de " théoriciens " du libéralisme veulent convaincre qu'il n'est pas d'autres voies possibles pour affronter les conséquences de la mondialisation, que d'exercer des pressions toujours plus fortes sur les salaires et sur l'emploi.
Pour notre part nous récusons fondamentalement cette vision des prétendues exigences de l'économie moderne. Et je sais que d'autres - l'actualité de ces derniers mois en témoigne - expriment des appréciations sinon identiques, à tout le moins convergentes.
Beaucoup - organisations diverses aussi bien que citoyennes et citoyens - s'inquiètent notamment des conséquences d'une telle vision sur l'organisation de la société.
Ma conviction est que ces inquiétudes, et l'aspiration à une autre logique qui les accompagnent, sont des phénomènes nouveaux, et encourageants pour toutes celles, tous ceux, qui refusent cette perspective régressive d'une société pliée aux exigences de la bourse et des marchés financiers.
Depuis Calais, où était organisée le samedi 21 avril, une puissante manifestation de soutien aux salariés de chez " LU ", j'ai avancé une proposition, que je veux vous confirmer par ce courrier. Elle est la suivante : dans les conditions où nous sommes, et face aux dangers qui se profilent, il est de notre responsabilité de favoriser l'expression d'exigences nouvelles, d'alternatives neuves aux conséquences du capitalisme mondialisé, à commencer par celles, très concrètes et très immédiates, que j'évoquais plus avant.
Je crois que les conditions sont réunies pour nous permettre de débattre ensemble de ces questions, avec la volonté de dégager les moyens d'une initiative commune. Cette proposition s'adresse aux forces politiques, syndicales, sociales, associations qui pourraient s'engager dans ce sens.
Pour ma part, vous le savez sans doute, je pense qu'elle pourrait prendre la forme d'un rassemblement à Paris, dans les semaines à venir, fin mai ou début juin.
Mais qu'il s'agisse de la forme, du contenu et de la date de cette initiative c'est naturellement ensemble, si nous sommes d'accord sur son principe, qu'il nous faudra travailler, dans un souci de co-élaboration, de bout en bout respectueux de la sensibilité de chacune de nos organisations.
J'ai le sentiment que le temps presse car les plans de licenciement se succèdent à un rythme accéléré. C'est pourquoi je vous propose que nous nous réunissions rapidement afin de discuter des modalités de cette proposition.
Dans les dix jours qui viennent, Sylvie Jan, responsable au sein de notre collège exécutif des relations avec les associations et syndicats prendra contact avec vous pour recueillir votre avis sur notre proposition et, je le souhaite, pour convenir d'un très prochain rendez-vous consacré à l'annoncer publiquement et à débuter sa préparation.
J'ai la conviction, vous l'aurez compris, que la situation actuelle est une puissante incitation à la recherche d'une riposte la plus large et la plus déterminée possible de notre part.
Nous sommes très résolus, au Parti communiste, à agir dans ce sens ; à contribuer, de toutes nos forces, à la construction de ce mouvement. Et nous sommes complètement disponibles pour le faire avec le plus grand nombre possible de citoyens, de salariés, d'organisations, tant il est vrai que toutes et tous sont directement concernés.
J'espère vivement que nous pourrons nous retrouver prochainement pour envisager concrètement les suites à donner à cette proposition. Dans cette attente, je vous prie de croire, à l'assurance de mes sentiments les plus cordiaux.
(source http://www.pcf.fr, le 2 mai 2001)
Monsieur le Directeur de la rédaction,
Merci de m'avoir interpellé dans votre "lettre ouverte sur les plans sociaux"(*).
Vous dîtes d'emblée que vous ne cherchez pas à défendre l'indéfendable : la brutalité, la soudaineté, l'aspect désincarné de la fermeture des magasins Marks et Spencer. Méthode d'un autre temps dites-vous. Et vous assurez, parlant également de Danone, qu'il est difficile et très ingrat d'essayer de plaider la raison face à l'immense émotion.
Il est vrai que j'ai été bouleversé à Calais, comme dans le 9ème arrondissement de Paris. Ce n'est pas rien d'entendre une déléguée syndicale dire : "je travaille depuis 18 ans chez Marks et Spencer. J'ai donné tout ce que j'ai pu. Il y a deux mots que je voudrais prononcer : les salariés ont le droit à la dignité et au respect." Mais il n'y a pas chez moi que l'émotion qu'il y a chez vous. La raison, que vous réclamez, n'est pas absente dans les questions que je pose au nom du Parti communiste.
D'abord une observation. Il est clair que désormais le patronat ne pourra plus considérer les travailleurs comme une variable de l'économie. On les prend, on en use, on les jette. Plus ou moins poliment. A la Danone ou à la Marks et Spencer. A la française ou à l'anglaise.
Sachez que le droit de vie et de mort des actionnaires sur le travail et sur l'entreprise a pris un sérieux coup de vieux. Les salariés comme la population ne reconnaissent pas, ou plus, les critères de choix des actionnaires comme bons pour eux-mêmes, ni pour la société. Si cela se confirme, c'est un changement d'état d'esprit majeur, une atteinte à la légitimité du capital et une demande de démocratie à l'entreprise irrépressible.
Les femmes et hommes au travail, de toute qualification, ont de plus en plus un sens aigu de leur bon droit. Ils savent que leur travail crée des richesses et des profits. Ils savent que le capital, au-delà des aléas locaux ou périodiques, se porte bien. Ils se pensent assez intelligents et expérimentés pour juger de ce qui est bien comme de ce qui est mal. Ils voient bien que ceux qui décident ne sont plus des chefs d'entreprises relativement proches et connaissant leur affaire, mais des groupements financiers qui n'y connaissent rien. Et d'ailleurs s'en fichent. Sauf s'agissant de leur argent. Seul compte le taux de profit. Ce n'est pas du libéralisme, c'est du capitalisme à l'état pur, exacerbé par la financiarisation et la mondialisation.
Quel choc : Marks et Spencer vous met à la porte et les actions montent de 6 %. C'était déjà vrai pour Michelin et ailleurs.
Et puis le sentiment populaire est du côté de ceux qui luttent. Une forme de nouvelle solidarité - faut-il dire de classe ? - semble se nouer. On est passé, mine de rien, de ce qu'on a appelé les grèves par procuration - en 1995 - à des formes plus actives de soutien. Par exemple le boycott.
Le patronat et les groupes financiers devraient sérieusement réfléchir, eux qui tiennent tant à leur image, au coût inouï d'une politique sociale détestable.
Nouvelle donne aussi, le rapport entre les luttes et la politique. L'embarras manifeste du Parti socialiste et les hésitations de Lionel Jospin, tout comme la vigueur de l'intervention du Parti communiste sont perçus par nos concitoyens.
La politique, la vraie, porteuse d'espoir et aidant à agir et penser pointe, peut-être, son nez.
En ce qui le concerne, le Parti communiste - qui a entendu les messages que les électeurs et les abstentionnistes de gauche viennent de lui adresser - se considère en devoir d'initiative et de mobilisation vis-à-vis de ces salariés.
Pas seul évidemment. Il y a les syndicats, d'autres formations politiques. Il y a la sympathie populaire. Mais chacun parle pour lui. Le Parti communiste souhaite être parmi les plus dévoués, les plus rigoureux, les plus fraternels, des soutiens à tous ceux qui veulent que la vie soit plus juste. Parmi les plus respectueux aussi de la liberté de penser de chacun.
Naturellement, un parti politique c'est aussi un projet de société, un projet politique, une organisation. Nous y travaillons d'arrache pied avec toutes celles et ceux qui veulent inventer un avenir de liberté, d'égalité et de fraternité. Un autre monde. Mais à quoi bon si ce n'est d'abord pour être solidaires et actifs dans des cas comme ceux là. Je pourrais parler encore de d'AOM-Air Liberté, de la SFP, d'Aventis, de Valéo, de bien d'autres encore.
Permettez-moi à ce moment de ma lettre de contester - vous dîtes vous y attendre - certaines de vos appréciations.
Tout ne vient pas, écrivez-vous, de la tyrannie de la Bourse et des actionnaires mais de celle du client. Celui-ci toujours plus exigeant réclame toujours moins cher, toujours plus fiable... L'entreprise doit en tenir compte, etc... Donc, si je perds mon travail comme producteur c'est de ma faute comme consommateur. Permettez. Que le système actuel soit une course effrénée et incessante, un monde d'anarchie où chacun doit tuer l'autre ! Exact. Il est vrai que le salarié coûte moins cher quand ce qu'il achète est meilleur marché. C'est aussi comme cela qu'on a poussé à un productivisme effrayant dans l'agriculture et dans d'autres domaines.
Au total, pourtant, il faut croire que la productivité du travail et l'exploitation ont beaucoup grandi pour que des profits si faramineux se déversent chez les détenteurs de capitaux. Constatons d'ailleurs que ceux qui paient les pots cassés, ce sont toujours les mêmes. Salariés mal payés, précaires ou privés d'emploi, qui sont aussi ces consommateurs que vous accusez de "tyrannie".
Vous y ajoutez qu'il reste une question : comment faire pour rendre tout cela supportable à ceux qui le subissent ? Là vous admettez que j'ai raison : l'entreprise riche doit payer.
Bon, c'est toujours cela. Mais on peut faire mieux au coeur des questions. Je souhaite à ce propos vous dire dans quel sens vont mes réflexions.
La première est de ne pas permettre qu'on considère ceux qui travaillent comme taillables et corvéables à merci. Ils ont des droits. Et mon sentiment est que l'heure est à leur en donner de nouveaux, d'information, de contrôle, de choix, jusque dans les conseils d'administration. L'usine "elle est à nous" a crié une ouvrière en larmes chez Danone. Il faut convenir qu'il y a une bonne part de vérité en cela.
L'entreprise est une chose très importante. Les salariés ne sont pas si sots qu'ils ne sachent qu'elle doit bouger, répondre à des besoins qui évoluent, investir, intégrer des nouvelles techniques pour abaisser ses coûts. Mais certainement pas en surexploitant le travail, en précarisant les femmes, les hommes, les jeunes et en les jetant dehors - "comme des kleenex" -entend-on. Ni non plus en prenant le chemin qui a définitivement échoué de l'économie administrée.
J'ajoute : une loi a été votée à mon initiative le 4 janvier dernier sur "le contrôle des fonds publics". Cette loi de la République peut s'appliquer à Marks et Spencer, à Danone et à d'autres. Tout dépend désormais de la publication des décrets d'application, donc du Gouvernement. C'est urgent.
Par ailleurs, les Parlementaires communistes défendront un amendement à la loi de modernisation économique et sociale qui donnerait au ministre du Travail, le pouvoir de suspendre par arrêté un plan de licenciements collectif. Un tel moratoire vise à une obligation de réexamen et de recherche de solutions favorables à l'activité et à l'emploi. Avec toutes les cartes sur la table, au grand jour. Chiche ?
Nous réclamons aussi, une loi simple qui interdise tout licenciement économique collectif aux entreprises qui font des bénéfices et soumette toute réorganisation à une pratique contractuelle avec les salariés. Dois-je vous rappeler que selon une enquête publiée la semaine dernière, 89 % de Français partagent ce point de vue ?
Enfin, nous agissons pour la création au sein de la commission européenne des affaires sociales d'une instance permanente chargée du suivi des stratégies des grands groupes en Europe.
Permettez-moi de conclure sur une idée : décidément, quand le monde du travail et les citoyens s'en mêlent, les licencieurs boursiers ont du souci à se faire !
Je vous prie de croire, Monsieur le Directeur de la rédaction, en l'expression de mes sentiments distingués.
(source http://www.pcf.fr, le 20 avril 2001)
Déclaration à Calais le 21 avril :
Cher(e)s ami(e)s,
Cher(e)s camarades
Je veux vous le dire d'emblée: nous pouvons être fiers, très fiers, de ce que nous venons de réussir, tous ensemble, aujourd'hui, à Calais.
C'est la plus puissante manifestation anti-licenciements organisée depuis le début de cette nouvelle déferlante de plans sociaux des multinationales françaises et étrangères.
Vous pouvez le constater, amis et camarades de " LU ": vous n'êtes pas seuls! Et je l'affirme, j'en suis sûr, au nom de toutes et tous, rassemblés ici: nous ferons tout pour obliger la direction du groupe Danone à reculer!
Oui, vraiment, j'en sui sûr: Calais le 21 avril 2001, ce n'est qu'un début!
Oui, j'en suis sûr, notre manifestation va contribuer à faire grandir, à renforcer le soutien populaire qui entoure votre lutte.
Des millions de Françaises et de Français sont indignés par la brutalité, l'inhumanité des décisions qui vous frappent.
Ils sont écurés, révoltés par l'attitude de la poignée d'actionnaires obsédés de leurs dividendes, de l'argent, des profits, que leur procure votre travail et qui, pour en accumuler toujours plus, n'hésitent pas à briser la vie de dizaines de milliers d'entre vous.
Cette émotion, cette colère sont légitimes. Car enfin il faudrait à présent, pour être " moderne ", accepter sans broncher, en courbant la tête, les diktats que prétendent imposer quelques boursicoteurs à toute la société?
Il aurait fallu accepter hier Michelin, aujourd'hui Danone et Marks et Spencer, et demain Philips, Moulinex, Aventis, AOM-Air Liberté et tant d'autres.
Eh bien nous n'acceptons pas ce véritable " jeu de massacre ". Ceux qui spéculent à la bourse ne savent rien de votre vie, de vos difficultés; ils se désintéressent de l'activité économique réelle; ils se moquent éperdument de votre travail.
C'est même pire: pour eux le salarié, c'est l'ennemi! C'est par la pression sur les salaires, par la casse des emplois, par l'explosion de la précarité, qu'ils cherchent à accroître toujours plus leurs profits financiers.
C'est pourquoi, je le dis avec gravité, il faut choisir entre l'intérêt général - celui des salariés, des bassins d'emplois, des entreprises - et l'obéissance aux intérêts égoïstes de la bourse, des marchés financiers, des actionnaires.
Et, je dois le dire, il faut de ce point de vue, une attitude plus claire, plus résolue, plus combative du gouvernement de la gauche plurielle.
Devant les ravages dont le capitalisme mondialisé est responsable, on ne peut pas se contenter de demi-mesures, de solutions " mi-chèvre - mi-chou ". Je ne le cache pas: les récentes déclarations du Premier ministre sont notoirement insuffisantes et, disons-le, ne répondent pas à cette exigence de résistance à la déferlante néolibérale. Et si on ne résiste pas, on cède, on accepte, on se contente d'accompagner, pour la rendre un peu moins douloureuse, l'hécatombe des emplois. Se contenter de renchérir les licenciements n'est-ce pas au fond accorder aux patrons un " droit à licencier ", comme certains veulent instituer un " droit à polluer ". Or, ce que les Françaises et les Français attendent du gouvernement ce n'est pas une " prime pour vie saccagée ", ou un passeport pour une fin de vie précaire: c'est qu'il ait le courage politique de s'en prendre aux puissants qui sont cause de leurs difficultés, de leurs malheurs.
Le pouvoir politique, s'il veut regagner toute la confiance du mouvement social et populaire, doit avoir le courage de dire " NON " aux licenciements boursiers; le courage de dire " NON " à la logique du marché de l'argent-roi.
Plus que jamais je maintiens qu'il faut agir vigoureusement, tout de suite, dans trois directions.
· Oui, il est nécessaire et possible d'interdire les licenciements collectifs dans les entreprises qui réalisent des profits substantiels ou distribuent de juteux dividendes. Il faut casser cette spirale infernale, où sans cesse l'argent va à l'argent, alors que c'est vers l'investissement utile, les salaires, la formation qu'il faudrait l'orienter.
· Oui, il est possible de décider que, désormais, les plans sociaux seront suspendus, pour permettre que s'engage avec tous les partenaires concernés - salariés et patrons; pouvoirs publics et élus locaux -l'étude de toutes les solutions susceptibles de préserver, et de développer le cas échéant, l'activité et l'emploi.
· Oui, il faut en finir avec le véritable détournement d'argent public dont se rendent coupables de nombreuses grandes entreprises. Elles perçoivent aides et subventions sans aucun contrôle, et n'en continuent pas moins de licencier tout en affichant, souvent, des profits records.
J'ai fait voter une loi instituant ce contrôle. Pour la rendre effective, le gouvernement doit en publier les décrets d'application. Quatre mois se sont déjà écoulés depuis son vote. Ce n'est pas tolérable. Alors, je le dis solennellement devant vous, la responsabilité du Premier ministre est engagée: je lui demande de faire publier ces décrets sans plus attendre.
Car en effet l'application de cette loi permettrait le contrôle de l'argent public et des cadeaux fiscaux dont bénéficient les groupes multinationaux. Et à ceux qui licencient, nous pourrions dire alors: " remboursez l'argent public! "
Cher(e) ami(e)s et camarades,
Nous le sentons bien: de tout le pays monte une contestation grandissante de cet ordre capitaliste qui veut plier toute la société aux exigences impitoyables des profits financiers.
Je l'ai dit tout à l'heure: la manifestation du 21 avril à Calais n'est qu'un début.
D'ici, devant vous, je lance un appel.
Un appel à résister à l'inhumanité de la logique du marché et de l'argent; à la logique des " briseurs de vie ".
Un appel à intervenir, partout, dans toutes les entreprises pour y conquérir des droits nouveaux en faveur des salariés.
Un appel à l'action, à la multiplication des initiatives pour imposer d'autres choix que ceux, brutaux et régressifs, du MEDEF et M. Seillière.
Un appel à s'opposer aux privatisations qui transfèrent les services publics vers les multinationales.
Un appel au rassemblement et à l'action de toutes celles et tous ceux - ils sont des millions dans notre pays et en Europe - qui se reconnaissent dans la manifestation d'aujourd'hui.
Tous ensemble, dans la diversité et le respect de nos sensibilités, de nos engagements, nous sommes capables de faire entendre ces exigences.
Nous avons commencé de le faire aujourd'hui.
Voilà pourquoi cette grande journée de mobilisation peut devenir, j'en ai la conviction, une journée fondatrice pour l'avenir.
Oui vraiment, ce magnifique rassemblement de Calais est bien celui des luttes et de l'espoir. Je suis sûr que vous souhaitez qu'il se prolonge. Il va se prolonger!
Nous en prenons l'engagement!
Se prolonger pour obtenir des réponses concrètes aux exigences de ceux qui luttent.
Se prolonger en faveur d'une autre logique, d'un autre monde que celui où le fric et le marché écrasent la société.
C'est avec cette volonté offensive que je m'adresserai dans les prochains jours aux forces sociales, politiques et associatives, pour une nouvelle initiative dans ce sens - pourquoi pas à Paris dans les prochaines semaines? - et dont nous pourrions décider ensemble du contenu et de la forme, dans le respect des choix de chacune et de chacun.
Merci, cher(e)s ami(e)s et camarades de votre présence aujourd'hui
Merci et à très bientôt, car d'autres rendez-vous de lutte nous attendent.
(Source http://www.pcf.fr, le 27 avril 2001)
Lettre de M. Robert Hue, le 24 avril 2001, aux partis de gauche, syndicats, associations :
Madame, Monsieur, cher-e ami-e,
L'actualité de ces dernières semaines fait une très large place aux nombreuses annonces de plans sociaux dans de grandes entreprises multinationales.
Le cas de Danone est le plus commenté, avec les très lourdes menaces qui pèsent sur les sites de Calais, Ris-Orangis, et Château-Thierry. Il est beaucoup question, également de Marks et Spencer, AOM-Air Littoral-Air Liberté, Philips France, Moulinex-Brandt, Aventis, Valéo, Dunlop, André, Péchiney, DIM Au total, pour ne s'en tenir qu'à ces entreprises, ce sont près de 20 000 emplois qui risquent de disparaître dans une toute prochaine période.
Et il y a malheureusement tout lieu de penser que la liste n'est pas close des groupes multinationaux qui envisagent des mesures du même type, en France et en Europe.
L'opinion publique est profondément choquée par cette cascade de licenciements collectifs. D'autant plus qu'ils sont prononcés alors que, bien souvent, les entreprises concernées affichent des résultats financiers très positifs en dépit desquels de plus en plus, leurs actionnaires exercent une véritable " dictature " pour obtenir des taux de rentabilité encore plus élevés, au détriment de l'activité économique réelle, de l'emploi, de l'avenir des bassins d'activités.
Au-delà des effets immédiats, et dramatiques, de ces licenciements ; au-delà, aussi, de l'indispensable solidarité que nous devons à celles et ceux qui en sont victimes, il me semble que nous sommes entrés dans une nouvelle phase caractérisée par une véritable fuite en avant libérale, quelles qu'en soient les conséquences économiques et sociales.
Nombre de leurs dirigeants, et beaucoup de " théoriciens " du libéralisme veulent convaincre qu'il n'est pas d'autres voies possibles pour affronter les conséquences de la mondialisation, que d'exercer des pressions toujours plus fortes sur les salaires et sur l'emploi.
Pour notre part nous récusons fondamentalement cette vision des prétendues exigences de l'économie moderne. Et je sais que d'autres - l'actualité de ces derniers mois en témoigne - expriment des appréciations sinon identiques, à tout le moins convergentes.
Beaucoup - organisations diverses aussi bien que citoyennes et citoyens - s'inquiètent notamment des conséquences d'une telle vision sur l'organisation de la société.
Ma conviction est que ces inquiétudes, et l'aspiration à une autre logique qui les accompagnent, sont des phénomènes nouveaux, et encourageants pour toutes celles, tous ceux, qui refusent cette perspective régressive d'une société pliée aux exigences de la bourse et des marchés financiers.
Depuis Calais, où était organisée le samedi 21 avril, une puissante manifestation de soutien aux salariés de chez " LU ", j'ai avancé une proposition, que je veux vous confirmer par ce courrier. Elle est la suivante : dans les conditions où nous sommes, et face aux dangers qui se profilent, il est de notre responsabilité de favoriser l'expression d'exigences nouvelles, d'alternatives neuves aux conséquences du capitalisme mondialisé, à commencer par celles, très concrètes et très immédiates, que j'évoquais plus avant.
Je crois que les conditions sont réunies pour nous permettre de débattre ensemble de ces questions, avec la volonté de dégager les moyens d'une initiative commune. Cette proposition s'adresse aux forces politiques, syndicales, sociales, associations qui pourraient s'engager dans ce sens.
Pour ma part, vous le savez sans doute, je pense qu'elle pourrait prendre la forme d'un rassemblement à Paris, dans les semaines à venir, fin mai ou début juin.
Mais qu'il s'agisse de la forme, du contenu et de la date de cette initiative c'est naturellement ensemble, si nous sommes d'accord sur son principe, qu'il nous faudra travailler, dans un souci de co-élaboration, de bout en bout respectueux de la sensibilité de chacune de nos organisations.
J'ai le sentiment que le temps presse car les plans de licenciement se succèdent à un rythme accéléré. C'est pourquoi je vous propose que nous nous réunissions rapidement afin de discuter des modalités de cette proposition.
Dans les dix jours qui viennent, Sylvie Jan, responsable au sein de notre collège exécutif des relations avec les associations et syndicats prendra contact avec vous pour recueillir votre avis sur notre proposition et, je le souhaite, pour convenir d'un très prochain rendez-vous consacré à l'annoncer publiquement et à débuter sa préparation.
J'ai la conviction, vous l'aurez compris, que la situation actuelle est une puissante incitation à la recherche d'une riposte la plus large et la plus déterminée possible de notre part.
Nous sommes très résolus, au Parti communiste, à agir dans ce sens ; à contribuer, de toutes nos forces, à la construction de ce mouvement. Et nous sommes complètement disponibles pour le faire avec le plus grand nombre possible de citoyens, de salariés, d'organisations, tant il est vrai que toutes et tous sont directement concernés.
J'espère vivement que nous pourrons nous retrouver prochainement pour envisager concrètement les suites à donner à cette proposition. Dans cette attente, je vous prie de croire, à l'assurance de mes sentiments les plus cordiaux.
(source http://www.pcf.fr, le 2 mai 2001)