Déclaration de M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, sur la transition de l'industrie vers l'éco-conception et l'éco-production dans le cadre d'une économie "circulaire" de recyclage, à Paris le 14 janvier 2014.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Présentation de l’avis "Transitions vers une industrie économe en matières premières" au Conseil économique, social et environnemental (CESE) le 14 janvier 2014

Texte intégral

M. le Président. La parole est à M. Philippe Martin, ministre de l'Écologie, du développement durable et de l'énergie.
M. le Ministre. Monsieur le Président, Cher Jean-Paul Delevoye, Monsieur le rapporteur, Monsieur le Président de section, Mesdames et Messieurs les conseillers, merci de me donner à l'instant la parole, car s'il m'est possible de rater la séance de questions au gouvernement qui se tient en ce moment même, il me sera plus difficile d'arriver en retard à la conférence de presse du Président de la République.
Je vous remercie une fois encore de votre invitation, qui me permet de venir une nouvelle fois partager avec vous, au nom du gouvernement, la présentation d'un projet d'avis du Conseil économique, social et environnemental, en l'occurrence celui concernant la transition de notre industrie vers une sobriété en matières premières.
J'ai souhaité être présent pour soutenir l'implication du Conseil économique, social et environnemental dans la transition écologique et saluer une fois encore, Monsieur le Président, son rôle dans le dialogue environnemental, rôle indispensable au moment où l'on s'interroge sur la capacité de notre pays à sortir de la crise économique, sociale et écologique et à retrouver le chemin de la création d'emplois.
D'ailleurs, vous le savez, le Conseil économique, social et environnemental est membre à part entière du Conseil national de la transition écologique ; le Président du Conseil économique, social et environnemental y est chaque fois représenté et consulté.
Le projet d'avis soumis à votre approbation traite d'une problématique qui allie redressement industriel et réussite de la transition écologique. Cette problématique est celle de l'économie circulaire. En 2009, l'économie mondiale a consommé 68 milliards de tonnes de ressources naturelles, soit une augmentation de 100 % par rapport à la même consommation en 1970.
Pour les besoins de son économie, la France, à elle seule, mobilise chaque année 1 milliard de tonnes de matières premières, alors que le taux d'utilisation de matières premières de recyclage dans l'économie productive française est resté - ou reste aujourd'hui - encore trop limité. Il est, par exemple, de 40 % dans le secteur de l'acier.
En effet, nos déchets sont une part de nos ressources de demain dès lors que l'on sait les transformer en nouvelles matières premières ou, à défaut, en énergies nouvelles, bien sûr dans des conditions environnementales et sanitaires satisfaisantes.
Parmi les 355 millions de tonnes de déchets que la France produit chaque année, une quantité importante de matières et d'énergie est encore largement perdue. Prenons l'exemple des déchets du bâtiment et des travaux publics. Ils représentent un peu plus de 73 % du total de nos déchets et ne sont recyclés qu'à hauteur de 60 % alors qu'en France, dans le même temps, les matériaux de construction constituent près de 40 % des besoins en matières.
Récemment, j'ai visité la carrière Durance Granulats, à Gardanne, qui fait partie du réseau Granulats Plus et dont l'objectif est de valoriser 100 % des ressources des matériaux de carrières ainsi que des déblais des chantiers de bâtiments et de travaux publics. Durance Granulats recycle l'équivalent de la consommation annuelle de plus de 20 000 habitants, permettant ainsi d'économiser des ressources naturelles, d'éviter le recours à des centres de stockage de déchets et de limiter l'impact du trafic routier.
De forts potentiels de recyclage existent dans un secteur qui se trouve à l'interface de la planification des déchets inertes et de la planification des ressources minérales.
Un autre exemple : la filière REP de gestion des déchets de meubles, qui vient d'entrer dans sa phase opérationnelle en 2013, représente elle aussi un fort potentiel de développement économique et de création d'emplois locaux non délocalisables. Ainsi, nous avons déjà assisté à la création de plusieurs PME spécialisées dans le recyclage des matelas.
Nous sommes en présence d'enjeux économiques et environnementaux considérables, auxquels la transition vers l'économie circulaire peut répondre. Comme votre rapporteur, je veux réaffirmer que la transition écologique et énergétique est une stratégie de compétitivité et d'innovation pour notre pays. La compétitivité de demain pour l'économie française, c'est largement la capacité de nos entreprises - grands groupes, TPE et PME - à s'inscrire dans le développement des nouvelles filières et projets industriels qui vont construire davantage encore la croissance et l'emploi de demain.
Songeons que les 12 000 entreprises des éco-industries sont en croissance depuis dix ans, avec une balance commerciale excédentaire de 3 milliards d'euros en 2012. La compétitivité de nos industries, c'est la capacité pour nos entreprises à dégager les marges de productivité, à optimiser les modes de production et à adapter les produits à la demande mondiale. L'éco-conception des produits permettra la transformation et la modernisation de notre industrie et l'économie en matières premières, comme la sobriété et l'efficacité énergétique permettront aux entreprises de concilier la performance économique avec la performance environnementale.
C'est pourquoi, avec la seconde génération de programmes des investissements d'avenir, notamment le programme « usine sobre », le gouvernement entend soutenir les financements apportés par le marché pour accélérer la transition de l'industrie vers l'éco-conception et l'éco-production. C'est tout l'enjeu du passage progressif de notre économie d'une logique linéaire à une logique circulaire, d'une gestion des déchets à une gestion des ressources.
Les collectivités jouent déjà un rôle essentiel dans la planification et l'organisation territoriale des flux de déchets. Leur collecte et leur orientation vers les différents modes de traitement et l'économie circulaire ne peuvent se concevoir que comme un projet de territoire.
L'économie circulaire, qui repose sur le principe de proximité, doit permettre que les activités de prolongation de la durée de vie des produits et de la gestion des déchets soient au plus près de leurs lieux de production afin de limiter le transport et développer un tissu d'emploi local. Ce principe ne doit pas, par émiettement, s'opposer à la recherche de débouchés économiquement pérennes, ni à l'innovation ou au maintien d'une réelle compétence professionnelle dans ces métiers, parfois de très haute technicité comme, par exemple, pour les déchets dangereux.
La Conférence environnementale de septembre 2013, ici même, a été une étape essentielle de notre réflexion collective sur l'économie circulaire. Elle nous a permis de donner à cette question la place qu'elle mérite dans notre politique de développement économique et environnemental.
Le 16 décembre dernier, comme j'en avais pris l'engagement, j'ai organisé ici même avec l'ensemble des parties prenantes une conférence de mise en oeuvre de l'économie circulaire. Elle nous a permis de préciser la feuille de route et de nous assurer que celle-ci pourra être déclinée de façon opérationnelle et concrète dans les meilleurs délais. D'ores et déjà, plusieurs actions ou engagements ont fait consensus, par exemple un engagement des secteurs industriels, le Conseil national de l'industrie ayant été chargé de déterminer les actions les plus pertinentes à mettre en oeuvre selon les spécificités de chaque secteur industriel.
Je reste convaincu que les entreprises pionnières y gagneront plus que de la reconnaissance. Elles bénéficieront de leur propre innovation et de celle des autres entreprises. Les sujets relatifs à la durée de vie des produits, à l'incorporation de matières recyclées sont, certes, techniques et complexes, cependant le consommateur est prêt à donner du poids à de tels critères dans ses choix de consommation.
Autre engagement concernant les stratégies régionales d'économie circulaire : dès 2014, en liaison avec l'Association des régions de France et l'ADEME, une étude va être lancée pour proposer aux régions qui le souhaitent un cadre et une méthodologie communs. Les retours d'expérience des régions pionnières nourriront cette réflexion qui permettra à au moins quatre d'entre elles de formaliser leur démarche avant la fin 2014.
Le gouvernement a choisi de faire de l'économie circulaire un élément important de la construction des prochains contrats de plan État/région. Il s'est engagé à ouvrir une réflexion sur la gestion des ressources stratégiques françaises, un groupe de travail proposera des pistes pour structurer une stratégie française, nationale, afin d'être force de proposition dans les débats européens qui s'annoncent pour l'été 2014.
Je suis heureux que le CESE et singulièrement le rapport et le projet d'avis, présentés par M. Legrain, que je salue, nous proposent aujourd'hui des éléments de mobilisation des industriels qui soient complémentaires de ceux de la feuille de route de la Conférence environnementale de 2013. J'apprécie, Monsieur le rapporteur, la qualité de votre travail qui nous livre un projet d'avis convaincu et cohérent permettant de mieux guider la réflexion et l'action de l'ensemble des acteurs économiques et de l'État pour les années qui viennent. Il fait aussi l'écho à un travail récent du Comité économique et social européen sur l'obsolescence programmée.
Le projet d'avis élaboré par la section des activités économiques, sous la conduite de M. Legrain, sera un point d'appui important dans la conversion de notre industrie vers l'économie circulaire. Je serai très attentif aux réactions des formations du CESE sur ce projet d'avis, dont les propositions recouvrent largement la feuille de route du gouvernement sur l'économie circulaire.
Si je suis obligé de m'éloigner pour respecter les délais de route qui me séparent de l'Élysée, mes conseillers me rapporteront vos commentaires.
Mesdames et Messieurs, Monsieur le Président, Monsieur le rapporteur, merci au Conseil économique, social et environnemental pour cette nouvelle contribution à la transition écologique, que le Président de la République m'a demandé de porter dans l'intérêt de la France.
Puisqu'il n'est pas trop tard pour le faire ici, je vous souhaite à toutes et à tous une très bonne année 2014 !
(Applaudissements)
M. le Président. Je vous remercie, Monsieur le ministre.
Source http://www.lecese.fr, le 28 janvier 2014