Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les Préfets,
Je suis très heureux d'être aujourd'hui devant vous et remercie Daniel Vaillant, dont je connais les convictions européennes, de m'avoir convié à votre réunion.
J'ai pu apprécier, depuis 1997, votre contribution à notre politique européenne, qu'il s'agisse de la mise en oeuvre des fonds structurels, des campagnes de communication, ou de la constitution du réseau de relais d'information sur l'Europe, les GUIDEurope, dont j'ai lancé la mise en place dans les départements.
Je n'oublie pas aussi votre implication active à l'occasion de la Présidence française de l'Union européenne, l'année dernière, avec les temps forts qu'ont représenté les Conseils européens de Biarritz et de Nice.
Aujourd'hui, je souhaite concentrer mes propos sur le grand débat public sur l'avenir de l'Europe, ouvert à Nice. C'est, comme vous le savez, l'exercice qui nous mobilise tous, et vient effectivement de s'engager à Nantes, le 2 juillet, puis à Clermont-Ferrand, le lendemain, avec des forums auxquels j'ai eu le plaisir de participer.
J'ai avant tout le souci, ce matin, de préciser, avec vous, de manière aussi concrète que possible, comment assurer le succès de cet exercice. Je ne reviendrai donc que très brièvement sur ses tenants et aboutissants que vous connaissez.
Pour résumer ma pensée, je dirai que nous nous situons à un stade extrêmement exigeant de la construction européenne. Une étape a été franchie avec la conclusion du Traité de Nice qui porte les réformes préalables nécessaires à l'élargissement. Le mouvement vers l'Europe élargie à 20, 27, peut-être 30, est irréversible. Il est de notre intérêt profond, pas uniquement pour satisfaire à un devoir historique. Mais cette perspective pose avec une acuité sans précédent une question récurrente depuis le début de la construction européenne : saurons-nous gérer la course de vitesse entre l'élargissement de l'Union et son approfondissement, comme nous l'avons fait jusqu'à présent, à peu près avec succès ? Cette évolution s'accompagne d'une série d'interrogations sur le sens du projet européen, et d'une tendance relative à la désaffection d'une partie de l'opinion face à l'Europe, comme l'a montré le taux extrêmement élevé d'abstention lors du référendum irlandais. Il traduit une indifférence à l'Europe, plus préoccupante qu'une opposition, sans doute plus circonscrite.
Sans être dramatisé, ce signal doit être pris très au sérieux, même si la situation est quelque peu paradoxale, tant la construction européenne progresse actuellement, comme l'illustrent de manière emblématique l'arrivée de l'euro, la plus spectaculaire, mais aussi les avancées en matière de défense et de politique étrangère, moins connues du grand public. Je mentionnerai aussi la Charte des droits fondamentaux, adoptée à Nice, qui réaffirme le socle des valeurs de l'Europe et constitue sans doute la première partie de sa future Constitution.
C'est dans ce contexte que nous devons répondre à une très forte demande de sens. Que voulons-nous faire ensemble ? Dans quelle direction ? Avec quel degré d'intégration ? Telles sont les questions majeures, en filigrane derrière les thèmes de travail mentionnés dans la déclaration sur l'avenir de l'Europe annexée au Traité de Nice.
Ainsi, vous le voyez, nous ne devons pas ménager nos efforts pour favoriser chez nous le débat sur l'avenir de l'Europe, parce que c'est un débat sur notre avenir.
Le Président de la République et le Premier ministre m'ont confié la responsabilité d'animer cet exercice. Ils envisagent aussi, l'un et l'autre, de participer à un forum régional à l'automne. Sans revenir ici sur le dispositif d'ensemble, que vous avez tous en tête, je souhaite évidemment me concentrer sur ces forums. Daniel Vaillant et moi vous avons demandé de les organiser d'ici à la fin octobre. Ces manifestations constituent, en quelque sorte, l'ossature de notre démarche, inspirée par le souci de la proximité. Vous êtes donc au centre du dispositif.
Comme je le souhaitais, des contacts ont été, dès la fin avril, établis avec mon cabinet et vous avez réfléchi ensemble un mode opératoire pour cet exercice qui n'est pas simple. Mes collaborateurs sont en relation étroite avec les correspondants que vous avez désignés dans vos préfectures.
L'exercice est lancé et bien lancé. Comme je le disais, j'étais à Nantes et à Clermont au début de cette semaine. Ces deux premières manifestations ont été parfaitement réussies. Je tiens vraiment à en féliciter les organisateurs - les préfets Blangy et Cultiaux - qui se sont bien impliqués personnellement, et tous leurs collègues, parfaitement mobilisés dans la préparation des forums à venir, à commencer par celui de Châlons-en Champagne, lundi prochain.
Un certain nombre d'enseignements opérationnels peuvent être tirés de la première phase que nous venons de vivre.
1) la gestion du calendrier. Nous entrons dans une phase extrêmement active, avec une période utile très courte, compte tenu de l'interruption des vacances scolaires et universitaires, sans même parler de la contrainte que représentent les élections sénatoriales qui impose une période de réserve jusqu'au 23 septembre dans beaucoup de régions. Les forums se succéderont ensuite sur une période extrêmement courte, jusqu'à la toute fin octobre, peut-être début novembre.
La question est de savoir comment éviter, autant que possible, télescopages et concurrence, notamment lorsqu'il s'agit d'inviter des personnalités françaises ou étrangères. J'ai remarqué une certaine coordination spontanée entre vous. Mais si vous le jugez utile, mon cabinet pourrait vous diffuser, à tous, régulièrement un calendrier prévisionnel des forums, à moins que le ministère de l'Intérieur ne s'en charge.
2) Le rôle des préfets : j'ai entendu, ici ou là, des réactions, notamment dans la presse, à la suite du choix du gouvernement de vous confier un rôle central dans cet exercice. Ce choix a pu être perçu comme le signe d'une volonté de contrôler le débat ou de délivrer des messages d'en haut. Nous nous attachons évidemment à corriger cette perception fausse, en soulignant combien votre implication, gage de rigueur et d'efficacité dans l'organisation, est, d'abord et surtout, une garantie du pluralisme, de la neutralité. Vous êtes en effet la seule autorité capable de réunir l'ensemble des partenaires locaux. Il ne faut pas hésiter à le rappeler. Mais je suis persuadé, après avoir été à Nantes et Clermont-Ferrand, que les quelques critiques entendues vont s'estomper à mesure du déroulement des forums.
3) L'organisation du débat. Je suis très attaché à ce qu'aucun cadre préétabli ne soit fixé. Il n'y a pas un schéma unique d'organisation du débat. L'expérience des forums de Nantes et de Clermont-Ferrand a conforté mon intuition : chacun de ces forums était différent, et reflétait la personnalité régionale. C'est là toute la richesse de l'exercice, à valoriser, et ce qui le distingue de campagnes de communication précédentes. Ce n'est pas une campagne de communication, c'est un débat citoyen.
S'il ne doit pas y avoir de figures imposées, un certain nombre de suggestions communes s'imposent d'elles même :
- je pense, d'abord, à l'intérêt d'organiser, en amont du forum, un travail préparatoire sous forme de réunions thématiques, de consultations sur Internet, associant l'ensemble des départements de la région, et dont la substance est ensuite rapportée en plénière lors du forum régional. Tel ou tel partenaire local peut également apporter une contribution sur un thème précis ou prendre toute initiative utile, par exemple un colloque de son propre chef.
- se pose aussi la question, centrale, des modalités d'association de la société civile. L'approche, je le répète, doit être aussi ouverte que possible. Il est impératif d'essayer d'impliquer des acteurs au-delà des cercles habituels, et de ce point de vue, les premières expériences étaient stimulantes. Vous devez veiller également à ce que le débat ne soit pas préempté ou monopolisé par les professionnels de la chose européenne ou dominé par des interventions préétablies. Beaucoup dépend évidemment de l'alchimie singulière que vous êtes, vous seuls, capables de provoquer entre les élus, nationaux, locaux, européens, et les acteurs de la société civile pour favoriser un véritable dialogue et non une juxtaposition de monologues. Le mélange me parait intéressant.
- je mentionnerai aussi la participation de personnalités extérieures . Leur présence est indispensable pour apporter un témoignage, jeter un il différent sur un débat franco-français - mais portant sur l'Europe ! - et montrer à nos partenaires combien nous sommes mobilisés. Les participations à Nantes du ministre des Affaires étrangères de Hongrie, des ambassadeurs de Grande-Bretagne et de la République tchèque, puis à Clermont-Ferrand de l'ambassadeur du Portugal, ont été précieuses et très appréciées. Mon cabinet se tient à votre disposition pour recueillir vos propositions, inviter des représentants des Etats-membres ou des pays candidats, ainsi que des commissaires européens ou des députés au Parlement européen - en veillant, comme nous l'avons demandé, à ce que les dates de forum soient compatibles avec le calendrier des sessions parlementaires à Strasbourg. La présence de ces représentants des institutions européennes est précieuse pour assurer une certaine pédagogie et incarner mieux une Europe considérée à juste titre comme trop distante. Je rappelle d'ailleurs que l'organisation de cette opération bénéficie du soutien de l'Union européenne dans le cadre de nos actions communes d'information.
Par ailleurs, il faut systématiquement prévoir la présence de membres du groupe de personnalités désignés par le Président de la République et le Premier ministre, présidé par Guy Braibant, selon des modalités libres, à mettre au point au cas par cas entre eux et vous.
- n'hésitez pas à rendre le déroulement de vos forums le plus vivant possible grâce à des présentations originales, du type animations, films,....et à utiliser extensivement l'identité visuelle "ensemble, dessinons l'Europe" que nous avons mise à votre disposition.
- enfin, je souhaite insister sur le rôle de la presse audiovisuelle et écrite, nationale et régionale, notamment dans le cadre de partenariats avec France3 et la presse quotidienne régionale. Cette préoccupation doit être intégrée à tous les stades de la démarche. Il s'agit qu'elle rende compte des manifestations organisées, mais aussi qu'elle serve d'espace au débat. Là aussi mon cabinet est à votre disposition mais des relations de travail entre nous sont déjà bien établies.
4) Internet mérite une attention particulière. Tout en étant conscient qu'il ne permet de toucher qu'une frange encore limitée de nos concitoyens, il constitue un formidable outil. Comme vous le savez, nous avons ouvert deux espaces dédiés à cette opérations sur les sites de ministère des Affaires étrangères et sur celui de Sources d'Europe, le centre d'information que nous cogérons avec la Commission. Ces deux espaces sont conçus de manière complémentaire et reliés entre eux. Sur le premier, figurent les positions officielles et le programme des forums régionaux, sur le second, prend place le débat interactif à partir du document de questionnement établi par le groupe de personnalités, et des informations sur les manifestations recensées dans les régions . Des liens sont établis avec les sites de vos préfectures. Je vous invite à en faire une utilisation efficace et vivante.
5) L'approche politique du débat. Je suis frappé, après les expériences de Nantes et de Clermont-Ferrand, par la tonalité d'ensemble positive, notamment sur l'élargissement. Certes, beaucoup d'attentes, de critiques, et souvent justifiées, notamment face à une Europe au fonctionnement pas toujours compréhensible. Mais pas de points de vue, finalement, remettant en cause la raison d'être de l'aventure européenne.
D'une manière générale, il me semble que deux gros écueils doivent être évités :
- d'un côté, celui de focaliser la réflexion sur les questions institutionnelles, c'est-à-dire le "contenant"; les enjeux institutionnels sont importants mais sont indissociables du choix du projet européen, c'est-à-dire du contenu. Telle est l'orientation heureusement retenue dans les deux premiers forums. La réflexion s'est concentrée sur des enjeux concrets, la mobilité, la recherche, la protection de l'environnement, sans se perdre dans une discussion "théologique" sur les institutions. Les concepts de fédération, de fédération d'Etat-nation n'étaient pas au premier plan dans les discussions que j'ai suivies.
- autre écueil à éviter, celui de simplifier à l'extrême les termes du débat et le fonctionnement de l'Europe, au risque de céder à la tentation de la démagogie. On ne rendra pas les institutions de l'Union plus simples par un coup de baguette magique. Il est vrai que la communauté d'origine, au fur et à mesure de sa croissance, est devenue de plus en plus complexe, et que nos concitoyens s'y perdent aujourd'hui. Mais il faut prendre en compte l'originalité de l'expérience communautaire.
6) L'exploitation des résultats des débats. Il vous revient d'assurer un compte rendu de cet exercice, présentant son déroulement et les conclusions saillantes des travaux, accompagné d'une synthèse courte, qui sera diffusée sur Internet. Ces documents sont à adresser à mon cabinet. Ils seront ensuite intégrés dans une synthèse nationale que le groupe "débat sur l'avenir de l'Europe" devra réaliser dans la perspective du Conseil européen de Bruxelles-Laeken, les 14 et 15 décembre prochain.
Pour conclure, avant de répondre à vos questions, j'ai la conviction que l'enjeu est bien de contribuer à construire un espace démocratique européen. Car le débat actuel est inédit. Certes, nous devons garder à l'esprit les débats antérieurs, dont certains ont même été très vifs, notamment la CED et le Traité de Maastricht. Un tel oubli du passé reviendrait à disqualifier 50 ans d'efforts, comme si l'Europe s'était faite en catimini, complètement dans le dos des peuples. Ce serait dangereux et réducteur.
Mais jusqu'à présent, nos concitoyens ont été sollicités pour donner leur avis après les choix, soit à travers leurs représentants élus (c'est le Parlement qui se charge en général de ratifier les traités) soit directement par référendum quand les enjeux le justifiaient (par exemple sur l'adhésion de la Grande-Bretagne et sur le Traité de Maastricht). L'idée est aujourd'hui de les associer avant, pour qu'ils participent à l'élaboration du nouveau traité à négocier en 2004. La différence est de taille.
Nos forums sont importants et constituent des points de départ pour alimenter la réflexion chez nous qui va prendre de l'ampleur, j'en suis persuadé. Je sais pouvoir compter sur votre implication active dans cet exercice et serai heureux de vous retrouver sur place, à l'occasion de forums régionaux, autant que mon emploi du temps le permettra.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 juillet 2001)
Mesdames et Messieurs les Préfets,
Je suis très heureux d'être aujourd'hui devant vous et remercie Daniel Vaillant, dont je connais les convictions européennes, de m'avoir convié à votre réunion.
J'ai pu apprécier, depuis 1997, votre contribution à notre politique européenne, qu'il s'agisse de la mise en oeuvre des fonds structurels, des campagnes de communication, ou de la constitution du réseau de relais d'information sur l'Europe, les GUIDEurope, dont j'ai lancé la mise en place dans les départements.
Je n'oublie pas aussi votre implication active à l'occasion de la Présidence française de l'Union européenne, l'année dernière, avec les temps forts qu'ont représenté les Conseils européens de Biarritz et de Nice.
Aujourd'hui, je souhaite concentrer mes propos sur le grand débat public sur l'avenir de l'Europe, ouvert à Nice. C'est, comme vous le savez, l'exercice qui nous mobilise tous, et vient effectivement de s'engager à Nantes, le 2 juillet, puis à Clermont-Ferrand, le lendemain, avec des forums auxquels j'ai eu le plaisir de participer.
J'ai avant tout le souci, ce matin, de préciser, avec vous, de manière aussi concrète que possible, comment assurer le succès de cet exercice. Je ne reviendrai donc que très brièvement sur ses tenants et aboutissants que vous connaissez.
Pour résumer ma pensée, je dirai que nous nous situons à un stade extrêmement exigeant de la construction européenne. Une étape a été franchie avec la conclusion du Traité de Nice qui porte les réformes préalables nécessaires à l'élargissement. Le mouvement vers l'Europe élargie à 20, 27, peut-être 30, est irréversible. Il est de notre intérêt profond, pas uniquement pour satisfaire à un devoir historique. Mais cette perspective pose avec une acuité sans précédent une question récurrente depuis le début de la construction européenne : saurons-nous gérer la course de vitesse entre l'élargissement de l'Union et son approfondissement, comme nous l'avons fait jusqu'à présent, à peu près avec succès ? Cette évolution s'accompagne d'une série d'interrogations sur le sens du projet européen, et d'une tendance relative à la désaffection d'une partie de l'opinion face à l'Europe, comme l'a montré le taux extrêmement élevé d'abstention lors du référendum irlandais. Il traduit une indifférence à l'Europe, plus préoccupante qu'une opposition, sans doute plus circonscrite.
Sans être dramatisé, ce signal doit être pris très au sérieux, même si la situation est quelque peu paradoxale, tant la construction européenne progresse actuellement, comme l'illustrent de manière emblématique l'arrivée de l'euro, la plus spectaculaire, mais aussi les avancées en matière de défense et de politique étrangère, moins connues du grand public. Je mentionnerai aussi la Charte des droits fondamentaux, adoptée à Nice, qui réaffirme le socle des valeurs de l'Europe et constitue sans doute la première partie de sa future Constitution.
C'est dans ce contexte que nous devons répondre à une très forte demande de sens. Que voulons-nous faire ensemble ? Dans quelle direction ? Avec quel degré d'intégration ? Telles sont les questions majeures, en filigrane derrière les thèmes de travail mentionnés dans la déclaration sur l'avenir de l'Europe annexée au Traité de Nice.
Ainsi, vous le voyez, nous ne devons pas ménager nos efforts pour favoriser chez nous le débat sur l'avenir de l'Europe, parce que c'est un débat sur notre avenir.
Le Président de la République et le Premier ministre m'ont confié la responsabilité d'animer cet exercice. Ils envisagent aussi, l'un et l'autre, de participer à un forum régional à l'automne. Sans revenir ici sur le dispositif d'ensemble, que vous avez tous en tête, je souhaite évidemment me concentrer sur ces forums. Daniel Vaillant et moi vous avons demandé de les organiser d'ici à la fin octobre. Ces manifestations constituent, en quelque sorte, l'ossature de notre démarche, inspirée par le souci de la proximité. Vous êtes donc au centre du dispositif.
Comme je le souhaitais, des contacts ont été, dès la fin avril, établis avec mon cabinet et vous avez réfléchi ensemble un mode opératoire pour cet exercice qui n'est pas simple. Mes collaborateurs sont en relation étroite avec les correspondants que vous avez désignés dans vos préfectures.
L'exercice est lancé et bien lancé. Comme je le disais, j'étais à Nantes et à Clermont au début de cette semaine. Ces deux premières manifestations ont été parfaitement réussies. Je tiens vraiment à en féliciter les organisateurs - les préfets Blangy et Cultiaux - qui se sont bien impliqués personnellement, et tous leurs collègues, parfaitement mobilisés dans la préparation des forums à venir, à commencer par celui de Châlons-en Champagne, lundi prochain.
Un certain nombre d'enseignements opérationnels peuvent être tirés de la première phase que nous venons de vivre.
1) la gestion du calendrier. Nous entrons dans une phase extrêmement active, avec une période utile très courte, compte tenu de l'interruption des vacances scolaires et universitaires, sans même parler de la contrainte que représentent les élections sénatoriales qui impose une période de réserve jusqu'au 23 septembre dans beaucoup de régions. Les forums se succéderont ensuite sur une période extrêmement courte, jusqu'à la toute fin octobre, peut-être début novembre.
La question est de savoir comment éviter, autant que possible, télescopages et concurrence, notamment lorsqu'il s'agit d'inviter des personnalités françaises ou étrangères. J'ai remarqué une certaine coordination spontanée entre vous. Mais si vous le jugez utile, mon cabinet pourrait vous diffuser, à tous, régulièrement un calendrier prévisionnel des forums, à moins que le ministère de l'Intérieur ne s'en charge.
2) Le rôle des préfets : j'ai entendu, ici ou là, des réactions, notamment dans la presse, à la suite du choix du gouvernement de vous confier un rôle central dans cet exercice. Ce choix a pu être perçu comme le signe d'une volonté de contrôler le débat ou de délivrer des messages d'en haut. Nous nous attachons évidemment à corriger cette perception fausse, en soulignant combien votre implication, gage de rigueur et d'efficacité dans l'organisation, est, d'abord et surtout, une garantie du pluralisme, de la neutralité. Vous êtes en effet la seule autorité capable de réunir l'ensemble des partenaires locaux. Il ne faut pas hésiter à le rappeler. Mais je suis persuadé, après avoir été à Nantes et Clermont-Ferrand, que les quelques critiques entendues vont s'estomper à mesure du déroulement des forums.
3) L'organisation du débat. Je suis très attaché à ce qu'aucun cadre préétabli ne soit fixé. Il n'y a pas un schéma unique d'organisation du débat. L'expérience des forums de Nantes et de Clermont-Ferrand a conforté mon intuition : chacun de ces forums était différent, et reflétait la personnalité régionale. C'est là toute la richesse de l'exercice, à valoriser, et ce qui le distingue de campagnes de communication précédentes. Ce n'est pas une campagne de communication, c'est un débat citoyen.
S'il ne doit pas y avoir de figures imposées, un certain nombre de suggestions communes s'imposent d'elles même :
- je pense, d'abord, à l'intérêt d'organiser, en amont du forum, un travail préparatoire sous forme de réunions thématiques, de consultations sur Internet, associant l'ensemble des départements de la région, et dont la substance est ensuite rapportée en plénière lors du forum régional. Tel ou tel partenaire local peut également apporter une contribution sur un thème précis ou prendre toute initiative utile, par exemple un colloque de son propre chef.
- se pose aussi la question, centrale, des modalités d'association de la société civile. L'approche, je le répète, doit être aussi ouverte que possible. Il est impératif d'essayer d'impliquer des acteurs au-delà des cercles habituels, et de ce point de vue, les premières expériences étaient stimulantes. Vous devez veiller également à ce que le débat ne soit pas préempté ou monopolisé par les professionnels de la chose européenne ou dominé par des interventions préétablies. Beaucoup dépend évidemment de l'alchimie singulière que vous êtes, vous seuls, capables de provoquer entre les élus, nationaux, locaux, européens, et les acteurs de la société civile pour favoriser un véritable dialogue et non une juxtaposition de monologues. Le mélange me parait intéressant.
- je mentionnerai aussi la participation de personnalités extérieures . Leur présence est indispensable pour apporter un témoignage, jeter un il différent sur un débat franco-français - mais portant sur l'Europe ! - et montrer à nos partenaires combien nous sommes mobilisés. Les participations à Nantes du ministre des Affaires étrangères de Hongrie, des ambassadeurs de Grande-Bretagne et de la République tchèque, puis à Clermont-Ferrand de l'ambassadeur du Portugal, ont été précieuses et très appréciées. Mon cabinet se tient à votre disposition pour recueillir vos propositions, inviter des représentants des Etats-membres ou des pays candidats, ainsi que des commissaires européens ou des députés au Parlement européen - en veillant, comme nous l'avons demandé, à ce que les dates de forum soient compatibles avec le calendrier des sessions parlementaires à Strasbourg. La présence de ces représentants des institutions européennes est précieuse pour assurer une certaine pédagogie et incarner mieux une Europe considérée à juste titre comme trop distante. Je rappelle d'ailleurs que l'organisation de cette opération bénéficie du soutien de l'Union européenne dans le cadre de nos actions communes d'information.
Par ailleurs, il faut systématiquement prévoir la présence de membres du groupe de personnalités désignés par le Président de la République et le Premier ministre, présidé par Guy Braibant, selon des modalités libres, à mettre au point au cas par cas entre eux et vous.
- n'hésitez pas à rendre le déroulement de vos forums le plus vivant possible grâce à des présentations originales, du type animations, films,....et à utiliser extensivement l'identité visuelle "ensemble, dessinons l'Europe" que nous avons mise à votre disposition.
- enfin, je souhaite insister sur le rôle de la presse audiovisuelle et écrite, nationale et régionale, notamment dans le cadre de partenariats avec France3 et la presse quotidienne régionale. Cette préoccupation doit être intégrée à tous les stades de la démarche. Il s'agit qu'elle rende compte des manifestations organisées, mais aussi qu'elle serve d'espace au débat. Là aussi mon cabinet est à votre disposition mais des relations de travail entre nous sont déjà bien établies.
4) Internet mérite une attention particulière. Tout en étant conscient qu'il ne permet de toucher qu'une frange encore limitée de nos concitoyens, il constitue un formidable outil. Comme vous le savez, nous avons ouvert deux espaces dédiés à cette opérations sur les sites de ministère des Affaires étrangères et sur celui de Sources d'Europe, le centre d'information que nous cogérons avec la Commission. Ces deux espaces sont conçus de manière complémentaire et reliés entre eux. Sur le premier, figurent les positions officielles et le programme des forums régionaux, sur le second, prend place le débat interactif à partir du document de questionnement établi par le groupe de personnalités, et des informations sur les manifestations recensées dans les régions . Des liens sont établis avec les sites de vos préfectures. Je vous invite à en faire une utilisation efficace et vivante.
5) L'approche politique du débat. Je suis frappé, après les expériences de Nantes et de Clermont-Ferrand, par la tonalité d'ensemble positive, notamment sur l'élargissement. Certes, beaucoup d'attentes, de critiques, et souvent justifiées, notamment face à une Europe au fonctionnement pas toujours compréhensible. Mais pas de points de vue, finalement, remettant en cause la raison d'être de l'aventure européenne.
D'une manière générale, il me semble que deux gros écueils doivent être évités :
- d'un côté, celui de focaliser la réflexion sur les questions institutionnelles, c'est-à-dire le "contenant"; les enjeux institutionnels sont importants mais sont indissociables du choix du projet européen, c'est-à-dire du contenu. Telle est l'orientation heureusement retenue dans les deux premiers forums. La réflexion s'est concentrée sur des enjeux concrets, la mobilité, la recherche, la protection de l'environnement, sans se perdre dans une discussion "théologique" sur les institutions. Les concepts de fédération, de fédération d'Etat-nation n'étaient pas au premier plan dans les discussions que j'ai suivies.
- autre écueil à éviter, celui de simplifier à l'extrême les termes du débat et le fonctionnement de l'Europe, au risque de céder à la tentation de la démagogie. On ne rendra pas les institutions de l'Union plus simples par un coup de baguette magique. Il est vrai que la communauté d'origine, au fur et à mesure de sa croissance, est devenue de plus en plus complexe, et que nos concitoyens s'y perdent aujourd'hui. Mais il faut prendre en compte l'originalité de l'expérience communautaire.
6) L'exploitation des résultats des débats. Il vous revient d'assurer un compte rendu de cet exercice, présentant son déroulement et les conclusions saillantes des travaux, accompagné d'une synthèse courte, qui sera diffusée sur Internet. Ces documents sont à adresser à mon cabinet. Ils seront ensuite intégrés dans une synthèse nationale que le groupe "débat sur l'avenir de l'Europe" devra réaliser dans la perspective du Conseil européen de Bruxelles-Laeken, les 14 et 15 décembre prochain.
Pour conclure, avant de répondre à vos questions, j'ai la conviction que l'enjeu est bien de contribuer à construire un espace démocratique européen. Car le débat actuel est inédit. Certes, nous devons garder à l'esprit les débats antérieurs, dont certains ont même été très vifs, notamment la CED et le Traité de Maastricht. Un tel oubli du passé reviendrait à disqualifier 50 ans d'efforts, comme si l'Europe s'était faite en catimini, complètement dans le dos des peuples. Ce serait dangereux et réducteur.
Mais jusqu'à présent, nos concitoyens ont été sollicités pour donner leur avis après les choix, soit à travers leurs représentants élus (c'est le Parlement qui se charge en général de ratifier les traités) soit directement par référendum quand les enjeux le justifiaient (par exemple sur l'adhésion de la Grande-Bretagne et sur le Traité de Maastricht). L'idée est aujourd'hui de les associer avant, pour qu'ils participent à l'élaboration du nouveau traité à négocier en 2004. La différence est de taille.
Nos forums sont importants et constituent des points de départ pour alimenter la réflexion chez nous qui va prendre de l'ampleur, j'en suis persuadé. Je sais pouvoir compter sur votre implication active dans cet exercice et serai heureux de vous retrouver sur place, à l'occasion de forums régionaux, autant que mon emploi du temps le permettra.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 juillet 2001)