Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur les principales mesures contenues dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour l'adaptation de la société au vieillissement, à Angers le 12 février 2014.

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Circonstance : Déplacement à Angers et visite de l'espace territorial Bien Vieillir Robert Robin, Angers (Maine-et-Loire) le 12 février 2014

Texte intégral

Mesdames les Ministres, Chère Marisol, Chère Michèle,
Madame la Ministre, Chère Paulette,
Monsieur le représentant de l'ADF, Patrick Kanner,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Président du conseil régional
Monsieur le Président du conseil général,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les présidents et directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Dans quelques jours, le projet de loi d'orientation et de programmation pour l'adaptation de la société au vieillissement sera transmis au conseil économique, social et environnemental (CESE).
C'est un engagement fort du quinquennat que je suis venu présenter aujourd'hui, et Angers était toute choisie pour le faire.
Car vous avez su intégrer, Monsieur le maire, avec tous les partenaires ici rassemblés au sein de l'espace Bien Vieillir Robert-Robin, mais aussi via la présence à Angers du Centich, le centre d'expertise national des technologies de l'information et de la communication pour l'autonomie, porté notamment par la Mutualité française dont je salue le Président, le sujet de l'avancée en âge. Aussi bien dans la politique de l'urbanisme, des transports que de l'habitat et plus largement dans votre conception de la Cité.
L'adaptation de la société au vieillissement, c'est finalement cela : « permettre à chacun de vivre sa vieillesse dans un logement adapté, entouré des technologies lui permettant de faciliter sa vie au quotidien, dans un quartier où il continue à entretenir des liens sociaux forts, dans une ville accessible ». C'est bien le message principal du rapport de Luc Broussy, que je viens de citer, ainsi que ceux du Dr Aquino et de la députée Martine Pinville. Ils sont ici présents et je les remercie à nouveau.
Vous qui vivez ici, vous appréciez tous les jours, je pense, la disponibilité des services que l'espace offre, mais aussi la proximité des commerces, du tramway, ainsi que la vie de quartier. C'est l'exemple même de ce que nous voulons favoriser à l'avenir.
C'est un projet global de société, qui mobilise tous les aspects de la vie de la Nation. Et cela seul justifie pleinement le choix d'une loi d'orientation et de programmation, dans le cadre d'un projet global pour les années à venir.
Avec une première partie qui trouvera sa traduction dès 2015 : c'est tout ce qui relève de la prévention, de l'adaptation et du domicile, car c'est là que sont les premières attentes et les besoins urgents. Et puis une deuxième partie - ce qui relève de l'établissement -, qui demande plus de travail, car plus complexe, et qui trouvera sa traduction dans la deuxième partie du quinquennat.
Je tiens à remercier ici tous ceux qui se sont mobilisés et qui ont participé à l'élaboration de cette loi. Je l'avais lancée le 29 novembre dernier, et depuis lors, ce sont plus de 80 réunions qui ont eu lieu, rassemblant plus de 500 participants !
Peu de projets de loi font l'objet d'une telle mobilisation, et je remercie chaleureusement Michèle Delaunay, qui a piloté cette concertation, ainsi que Marisol Touraine qui s'y est, elle aussi, beaucoup impliquée en plus de tous les dossiers dont elle a la charge en ce moment.
Merci également à l'assemblée des départements de France, représentée par le président du conseil général du Nord, Patrick Kanner. Je salue votre esprit de responsabilité, mais aussi votre souci constant de faire prévaloir l'exigence de proximité, car c'est au plus du terrain que l'on peut accompagner les besoins des familles.
Merci aux partenaires sociaux, qui n'ont pas hésité à s'engager, en particulier sur le volet prévention de la perte d'autonomie, dont ils sont des acteurs de premier plan au titre de l'action sociale des caisses de retraite.
Et merci enfin à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), représentée ici par sa présidente, Paulette Guinchard, qui sera confirmée par la loi dans son rôle de maison commune, rassemblant autour d'une même table tous les acteurs de l'autonomie.
Plus que jamais, l'adaptation de la société au vieillissement constitue un enjeu de démocratie et de citoyenneté. C'est d'ailleurs tout le sens du volet gouvernance de cette loi, qui propose notamment de créer un Haut conseil de l'âge, qui me sera directement rattaché, pour signifier l'engagement de l'ensemble du Gouvernement et la mobilisation de toutes les politiques publiques.
Ce projet de loi propose également de créer au plan local des conseils départementaux pour la citoyenneté et l'autonomie, qui auront pour vocation d'améliorer la coordination entre les acteurs et de renforcer la participation des personnes âgées et en situation de handicap. Car cette loi, elle se fait aussi au bénéfice des personnes handicapées car, à mes yeux, l'exigence d'une accessibilité universelle et d'une société solidaire doit être la même pour tous.
Professionnels, représentants des familles et des âgés eux-mêmes, partenaires sociaux, collectivités locales, institutions… C'est de votre diversité de points de vue qu'est né ce projet de loi et le débat que vous avez conduit a permis d'avancer sur de nombreux sujets.
Car contrairement au gouvernement précédent, nous n'avons pas fléchi devant l'ampleur de l'enjeu.
Nous avons fait des choix clairs et, pour la première fois depuis longtemps, nous avons fixé un cap.
Nous ne nous sommes restreints à un débat sur la perte d'autonomie, nous y avons intégré l'ensemble des enjeux liés à l'avancée en âge : l'adaptation nécessaire de l'habitat, de l'urbanisme, des transports, la place des âgés dans la vie associative, les questions autour de l'exercice de la citoyenneté, de l'accès au sport, à la culture, ou encore l'essor de la silver économie.
C'était un pari risqué compte tenu de la diversité des acteurs et des enjeux. Et pourtant le résultat est là !
Nous avons réaffirmé les principes de solidarité qui étaient au fondement de la loi de 2001 sur l'APA : ces principes républicains que sont l'universalité de la prise en charge et l'égalité de traitement de tous les citoyens sur le territoire.
D'emblée, nous avons écarté sans ambigüité un recul de la solidarité et le transfert sur les assurances privées, qui resteront facultatives et subsidiaires.
J'insiste sur ce point car c'est un acte politique fort dans une période de contrainte financière : dès l'année 2015 des 650 millions d'euros de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA) au profit exclusif de la politique de l'âge.
Et puis enfin, nous avons mis l'accent sur trois priorités qui n'avaient pas été assez prises en compte jusqu'à aujourd'hui :
Première priorité, la prévention de la perte d'autonomie :
Nous sommes en retard en matière de prévention, et ce retard est d'autant plus préjudiciable que nous avons la responsabilité d'anticiper le vieillissement et pas de le subir.
La prévention de la perte d'autonomie doit se faire tout au long de la vie. Les mesures prises dans le cadre de la réforme des retraites, sur la prévention de la pénibilité au travail, y contribuent bien sûr. Tout comme la stratégie nationale de santé et la future loi de santé qui permettront d'avancer encore dans l'accompagnement des personnes âgées et l'organisation de leurs parcours de soins.
Et puis il y a un point sur lequel je tiens à insister : c'est celui des aménagements du domicile, avec tous les petits équipements du quotidien, de la barre d'appui à la téléassistance qui facilitent la vie chez soi. Le LENA (logement évolutif pour une nouvelle autonomie), que j'ai visité tout à l'heure, en est un excellent exemple.
Ce projet de loi permettra d'améliorer l'accès aux aides techniques, à ces équipements du logement, et aux actions collectives de prévention.
Nous avons construit à cet effet avec les départements un dispositif innovant et souple, à travers la création d'une conférence des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie. Près de 140 millions seront consacrés à ce volet prévention, par des moyens délégués à ces conférences.
Toutes les énergies locales auront vocation à se fédérer autour d'objectifs communs qui permettront de mieux solvabiliser l'accès aux aides techniques et aux actions collectives de prévention, en ciblant prioritairement les ménages les plus modestes, et sans attendre qu'ils soient en perte d'autonomie. Nous ne sommes pas tous égaux devant le risque de perte d'autonomie, mais nous pouvons agir de façon ciblée pour lutter contre les injustices qui frappent certains plus que d'autres.
Au-delà de la prévention, la deuxième priorité est plus largement l'adaptation de la société tout entière au vieillissement :
Il y a en effet urgence à ce que la question de l'âge s'impose dans toutes les politiques publiques, en particulier celles du logement, de l'urbanisme et des transports… Les villes, et plus largement les territoires, doivent être incités à prendre en compte l'augmentation du nombre de personnes âgées dans leur développement. Il faut favoriser en France l'innovation technologique, la production d'équipements domotiques, pour répondre aux besoins des âgés et encourager la structuration d'une filière industrielle.
Un plan national d'adaptation va être lancé : 80 000 logements d'ici 2017. Il sera notamment porté par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).
Nous allons aussi soutenir le logement intermédiaire, entre le domicile et l'établissement, et donner un nouveau souffle aux foyers logements, rebaptisés Résidences Autonomie, grâce à la création d'un forfait autonomie destiné à améliorer la prévention dans ces lieux de vie.
Les villes, les territoires doivent s'adapter eux-aussi.
Cela suppose de mobiliser ainsi les outils d'urbanisme en inscrivant la prise en compte des besoins des personnes âgées dans les programmes locaux de l'habitat (PLH) et les plans de déplacement urbain (PDU).
Nous allons également continuer à investir dans ce relais de croissance et d'emploi que représente la "silver économie" et pour laquelle la région Pays-de-la-Loire est en pointe et s'inscrira naturellement parmi les futures "silver régions" que Michèle Delaunay et Arnaud Montebourg sont en train de lancer. Le développement de cette filière industrielle est un gisement d'emplois considérable pour nos territoires et notre pays.
Le transfert des développements de la recherche sera également soutenu par des investissements dans les gérontopôles, comme celui que préside le professeur Berrut, que je salue.
Cette loi permettra enfin de ré-affirmer les droits et libertés des âgés, notamment leur liberté d'aller et venir et le nécessaire respect de leur consentement à leur entrée en établissement. Nous ne voulons plus que les personnes âgées soient vues ou traitées comme des personnes faibles ou vulnérables.
Enfin, troisième priorité : l'accompagnement des personnes âgées en perte d'autonomie avec la priorité donnée au maintien à domicile :
Près de 1,2 millions de personnes bénéficient de l'APA, dont 60% vivent à leur domicile. L'APA permet d'accompagner les plus dépendants, mais aussi, et c'est essentiel, de préserver l'autonomie des âgés en situation de fragilité.
Pourtant, cette prestation, qui a constitué un immense progrès, - et Paulette Guinchard ici présente s'est battue pour cela - connaît aujourd'hui des limites : un plan d'aide sur quatre est saturé, c'est-à-dire ne permet pas d'apporter à la personne toute l'aide dont elle a besoin. Pour les plus dépendants, ce sont près de la moitié des plans d'aide qui sont à leur plafond. Par ailleurs, de nombreux bénéficiaires, parmi les plus modestes et les plus dépendants, y renoncent en partie pour des raisons financières. Il est temps de fonder un acte II de l'APA à domicile qui garantisse une APA plus généreuse et plus accessible :
- plus généreuse, grâce à l'augmentation des montants d'aides pouvant être alloués pour faire face aux besoins d'aide à domicile.
Pour une personne en perte lourde d'autonomie, l'augmentation des plafonds d'aide pourrait aller jusqu'à augmenter de près d'une heure par jour l'aide à domicile. Pour les bénéficiaires de l'APA les plus autonomes, l'augmentation des plafonds pourra permettre d'augmenter d'une heure par semaine l'aide à domicile.
- Mais une APA plus accessible aussi, grâce à la diminution du reste à charge qui pèse aujourd'hui sur les familles. C'est la condition pour éviter que certains renoncent à l'aide pour des raisons financières, en particulier pour les plus modestes et les classes moyennes. A ce titre, tous les bénéficiaires du minimum vieillesse (l'allocation de solidarité aux personnes âgées - ASPA), à savoir les toutes petites retraites, n'auront plus rien à payer et pourront donc accéder à l'aide sans réserve. Les autres verront, dans des proportions dépendant du niveau de leur plan d'aide et de leurs revenus, la part qui leur reste à payer baisser.
Cette réforme est donc une vraie mesure de justice sociale, et elle est emblématique de mon engagement en faveur d'un nouveau modèle français.
Elle s'accompagnera par ailleurs de mesures de soutien à l'aide à domicile, notamment pour les plus bas salaires et par une meilleure prise en charge de leurs frais de déplacement, qui font partie intégrante de leur activité. Nous initions de fait un cercle vertueux : revaloriser le travail des professionnels, c'est aussi mieux aider les personnes âgées, qui sont souvent les meilleurs avocats de leurs aidants professionnels.
Au total, la réforme de l'APA, c'est plus d'heures, mieux d'heures et des heures moins coûteuses, pour le bénéfice des âgés et des professionnels. Ces sont ainsi 375 millions d'euros supplémentaires qui seront consacrés chaque année à l'APA à domicile.
Mais comment parler de maintien à domicile sans évoquer le rôle essentiel des aidants ? Je tiens à les saluer tout particulièrement. J'en ai rencontré tout à l'heure quelques-uns autour d'un atelier qui leur était dédié.
4,3 millions de personnes aident régulièrement au moins un de leurs proches âgé de 60 ans ou plus à domicile en raison d'une santé altérée ou d'un handicap. Mais parfois au prix de leur propre équilibre ou de leur santé. Nous devons aussi les aider.
La loi consacre ainsi une aide au répit, afin de permettre à l'aidant d'une personne très peu autonome de s'absenter quelques jours en garantissant que le relais sera pris auprès de l'aidé. D'un montant qui pourra aller jusqu'à 500 euros annuels au-delà du plafond de l'APA, cette aide permettra par exemple de financer sept jours de séjour dans un hébergement temporaire.
Près de 80 millions d'euros par an seront consacrés à ces deux dispositifs. En outre, la CNSA pourra intervenir désormais pour financer des actions de soutien et d'accompagnement.
Enfin, nous n'oublions pas les établissements pour lesquels nous voulons nous donner le temps de l'ambition, pour remettre à plat le système, engager le choc de simplification, limiter le reste à charge des résidents et des familles et inventer collectivement la maison de retraite de demain. Une maison de retraite plus ouverte sur la Cité, jouant un rôle structurant dans le parcours des personnes âgées et accessible à tous les Français.
Ce sera le deuxième temps de la mise en oeuvre de cette loi de programmation, que nous allons commencer à préparer dès maintenant. Le groupe de travail avec les départements et les fédérations d'établissement que j'avais annoncé en octobre dernier se mettra en place dès le mois de mars.
Nous avons donné la priorité dans le temps au soutien à domicile, mais dès à présent, la loi d'orientation fixe le cap et propose de premières mesures pour les établissements en matière de respect des droits, en matière de transparence des tarifs et inscrit clairement le cadre des travaux à conduire dans les prochains mois, avec pour perspective la deuxième partie du quinquennat.
Voilà, Mesdames et Messieurs les grandes lignes du projet de loi qui sera présenté en conseil des ministres au début du mois d'avril, pour une loi votée avant la fin de l'année.
L'objectif est que, dès 2015, les personnes âgées pourront ainsi bénéficier des mesures que nous proposons : cette date est importante à mes yeux, car nous avons la responsabilité d'agir tout de suite pour préparer notre pays à son avenir.
Il reste encore du travail devant nous, au niveau parlementaire bien sûr, mais aussi à tous les niveaux. Car, vous le savez, on ne peut pas attendre l'adoption d'un texte pour préparer sa mise en oeuvre.
Là aussi, il faut anticiper et là aussi nous aurons besoin de tous : pour faire vivre le débat dans le pays, pour le porter à la connaissance de nos concitoyens, pour faire connaître ces nouveaux droits afin que chacun puisse s'en saisir le moment venu.
Et puis surtout, nous aurons besoin de tous pour sensibiliser les Français à la nécessité de se mobiliser. C'est un défi majeur que le pays doit relever, et nous ne le relèverons pas seuls. C'est l'affaire de chaque famille, de chaque citoyen, pour lui-même, pour ses proches et pour la société tout entière.
C'est l'appel que je souhaite lancer aujourd'hui à travers vous, à tous ceux que vous représentez : mobilisons-nous, pour l'avenir du pays, pour une société plus solidaire et pour tous ceux qui ont besoin de nous et qui comptent sur nous !
Source http://www.gouvernement.fr, le 14 février 2014