Interview de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, à France Info le 13 mars 2014, sur l'affaire de la mise sur écoutes de Nicolas Sarkozy par la justice et l'ouverture des concertations sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations dans la fonction publique.

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Média : France Info

Texte intégral

JEAN LEYMARIE
Bonjour, Marylise LEBRANCHU.
MARYLISE LEBRANCHU
Bonjour.
JEAN LEYMARIE
Christiane TAUBIRA savait que Nicolas SARKOZY était sur écoute, elle a affirmé le contraire, elle a donc menti, est-ce qu'elle peut rester ministre de la Justice ?
MARYLISE LEBRANCHU
Alors, quand vous dites ça, c'est tout au plus une maladresse, je l'entendais tout à l'heure, je voudrais qu'on revienne au fond des choses quand même. Il y a eu une loi votée en 2013, en janvier il y a une circulaire, il n'y a pas de dysfonctionnement du tout de la part de l'appareil d'Etat et en particulier de la ministre de la Justice et, moi, je crois qu'on est en train de tomber dans un panneau quand même. Parce qu'il s'agit de quoi ? Il s'agit effectivement d'affaires qui durent depuis longtemps et, comme vous le savez et comme tout le monde le sait, les gardes des Sceaux reçoivent des pièces pour les tenir au courant des affaires qui peuvent troubler l'ordre public. Mais c'est quoi ce qui se passe en ce moment ? C'est que vous avez une droite qui est en grande difficulté et qui est en train de retourner les choses, parce qu'en fait le problème c'est : affaire TAPIE, affaire TAKEDINE, affaire COPE, affaire BUISSON, etc.., pas de comptes de campagne qui soient validés, donc tout ça est effectivement très, très lourd et on a une droite qui essaie de renvoyer toutes ces affaires-là sur une garde des Sceaux qui aurait du dire ou pas dire, la garde des Sceaux elle n'a rien à dire et je pense que les affaires sont d'un côté et que si on s'amusait – permettez-moi le mot « amusait » étant entre guillemets – à lire toutes les pièces, il faudrait quelqu'un à plein temps compte tenu du nombre des affaires. Donc, je crois qu'il faut arrêter, il faut retrouver les choses et les mettre dans le bon ordre, il y a beaucoup d'affaires, la justice fait son travail, on prévient – vous savez ces petites notes – au cas où il y ait des troubles à l'ordre public, c'est tout. Donc, je pense que les Français doivent savoir où on en est exactement et ne pas rentrer dans un jeu de pièce de théâtre ou d'écran de fumée.
JEAN LEYMARIE
Vous voulez entrer dans les choses dans l'ordre, alors on va les prendre dans l'ordre. Christiane TAUBIRA a affirmé qu'elle avait appris l'affaire en lisant la presse, ça c'est faux, on le sait maintenant ?
MARYLISE LEBRANCHU
Non ! Mais, attendez, moi je ne vais pas rentrer dans ce jeu-là, il en est hors de question. Parce que ce que je vous dis c'est que, compte…
JEAN LEYMARIE
Nous parlons de choses précises-là ?
MARYLISE LEBRANCHU
Oui ! Mais nous parlons, justement, de choses précises. Est-ce que quelqu'un se rend compte du nombre d'affaires qu'il peut y avoir qui concernent Nicolas SARKOZY et l'UMP ? Est-ce que quelqu'un peut me dire combien de notes sont envoyées chaque jour sur ces affaires, qui naturellement font maintenant malheureusement…
JEAN LEYMARIE
Que voulez-vous dire, qu'elle n'a pas vu passer ces notes ?
MARYLISE LEBRANCHU
Malheureusement, si je peux me permettre, font maintenant malheureusement partie de notre paysage. Et moi je souhaiterais qu'on ne tombe pas et je ne tomberai pas – parce qu'effectivement je suis ancienne élue locale, je suis ancienne garde des Sceaux, j'ai été plusieurs fois ministres - et je refuse de tomber dans un piège qui serait de dire, tout d'un coup : « l'affaire serait une affaire TAUBIRA », non, c'est une affaire SARKOZY, c'est une affaire COPE, c'est une affaire TAKEDINE, c'est une affaire BUISSON, etc., etc., qu'ils s'occupent de leurs affaires, que la justice fasse son travail et, surtout, qu'on devienne pas des espèces de metteurs en scène de l'accessoire de la justice qui serait tout ce qui est trouble à l'ordre public…
JEAN LEYMARIE
Nous parlons aussi du travail des juges, Marylise LEBRANCHU.
MARYLISE LEBRANCHU
Qu'on ne devienne pas cela et qu'on…
JEAN LEYMARIE
Mais là, très précisément
MARYLISE LEBRANCHU
Eh bien justement…
JEAN LEYMARIE
Pourquoi est-ce que Christiane TAUBIRA n'a pas simplement dit la vérité ?
MARYLISE LEBRANCHU
Parce qu'elle n'a rien à dire. Elle n'a…
JEAN LEYMARIE
Mais elle est venue à la radio, elle est venue dans le studio de France Info, elle est venue sur le plateau de TF1…
MARYLISE LEBRANCHU
Elle s'est expliquée depuis. Imaginez ! Vous avez une crise en Ukraine, vous avez la Crimée…
JEAN LEYMARIE
Dont nous parlons beaucoup !
MARYLISE LEBRANCHU
Vous avez aussi des Elections Municipales, vous avez tout ça et vous voulez savoir à quelle heure est-ce qu'elle lit les notes, le matin est-ce qu'elle les regarde et même est-ce qu'elle les ouvre ? Parce que, quand vous avez un gros tampon « affaire SARKOZY », « affaire SARKOZY », « affaire SARKOZY », « affaire COPE », « affaire BUISSON », je pense que même à la limite vous faites des tas, il n'y a même plus des troubles à l'ordre public, malheureusement, parce que c'est une mise en scène permanente. Et moi ce que je reproche à la droite…
JEAN LEYMARIE
Attendez ! Et vous pensez sérieusement que la ministre de la Justice n'a pas regardé cette pile qui était sur son bureau ?
MARYLISE LEBRANCHU
Non ! Quand elle dit… Je n'en sais rien et je ne veux pas le savoir ! Parce que je crois dans la justice de mon pays, parce que je crois à l'indépendance, parce que je veux que le président de la République en soit garant – ce qu'il est – et parce que tout ça est fortement bien organisé, mais qu'on arrête, qu'on regarde les textes, qu'on regarde le droit, qu'on regarde la loi, il n'y a eu aucun dysfonctionnement du côté de l'appareil d'Etat et en particulier du côté du Ministère de la Justice et qu'on revienne aux réalités. La justice fait son travail, ce n'est sans doute pas facile parce c'est un ancien président de la République, on ne sait pas s'il y a une affaire, on ne sait pas ce qu'il y a derrière et, nous, il ne faut pas qu'on rentre dedans parce que la justice c'est quand même un bien précieux de la démocratie française et à force de se dire qu'au fond on va aller donner des pièces à l'un, à l'autre, moi ce que je voudrais c'est qu'on retrouve la raison et en ce moment je trouve qu'on déraisonne.
JEAN LEYMARIE
Est-ce que le gouvernement a bien agi et bien communiqué dans cette affaire, avec des versions contradictoires je le rappelle…
MARYLISE LEBRANCHU
Alors, je reprends…
JEAN LEYMARIE
Du Premier ministre, du ministre de l'Intérieur de la garde des Sceaux ?
MARYLISE LEBRANCHU
Je reprends le mot, je reprends le mot de votre collègue, alors elle dit : « peut-être une maladresse » et alors, et alors ? Bon ! J'ai entendu ce matin votre journaliste qui disait : « erreur de com. » et alors ? Qu'est-ce qui est important dans la République française ? C'est que la gauche, depuis des années, veut que la justice soit indépendante : Elisabeth GUIGOU avait fait voter un texte pour le Conseil Supérieur de la Magistrature pour qu'aucune nomination ne dépende du ministère, donc du pouvoir politique, la droite à l'époque l'a refusé ; on le propose à nouveau parce qu'on est majoritaire de rendre la justice indépendante, d'avoir un Conseil de la Magistrature qui soit totalement indépendant du pouvoir politique, qu'on ne nomme pas les magistrats peut-être en fonction de ce qui peut être une tentation humaine, indépendance parfaite. Qui refuse aujourd'hui ? Les parlementaires de droite ! Alors que les parlementaires de droite et que la droite se posent les questions de savoir pourquoi elle ne veut pas que la justice soit indépendante et, nous, nous faisons comme si sa loi avait été votée, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'entrée dans les affaires individuelles par un garde des Sceaux, c'est quand même quelque chose qui devrait être reposant pour les citoyens Français parce que ça leur garantit leur justice et donc leur démocratie.
JEAN LEYMARIE
Marylise LEBRANCHU, je veux aussi qu'on garde un moment pour parler de ce qui vous occupe beaucoup, la fonction publique, votre ministère et ces négociations que vous engagez avec les syndicats, notamment sur les salaires, sur le traitement. Le point d'indice est gelé depuis 4 ans, quand allez-vous l'augmenter ?
MARYLISE LEBRANCHU
Alors, si… J'adore votre entrée ! Mais j'ai ouvert effectivement des négociations hier avec les fonctionnaires…
JEAN LEYMARIE
Qui vont durer, voilà, qui vont durer plusieurs mois.
MARYLISE LEBRANCHU
Ils disent que le gel c'est long, je leur réponds aussi parfois que le gel c'est l'augmentation au pourcentage - c'est-à-dire que plus vous avez de salaire et plus vous aurez d'augmentation - et que, moi, je souhaite qu'on fasse 2 choses : qu'on attende effectivement que la conjoncture, que les recettes de l'Etat, que les arbitrages des dépenses publiques nous permettent éventuellement à un moment du mandat d'augmenter le point d'indice peut-être, je n'ai aucun arbitrage…
JEAN LEYMARIE
Peut-être !
MARYLISE LEBRANCHU
Je n'ai aucun arbitrage à l'heure où je vous parle. Mais rien n'est ouvert…
JEAN LEYMARIE
Quand la décision sera-t-elle prise, madame la ministre ?
MARYLISE LEBRANCHU
Alors elle peut être ouverte cette année au moment de la fin de l'année ou de l'été, au moment des arbitrages – pardonnez-moi – à l‘été, elle peut être ouvert plus tard, je ne peux pas vous dire parce que je suis sérieuse et que j'attends effectivement tous les arbitrages d'équilibre de la dépense publique. Mais dans le même temps ce que l'on veut faire c'est… vous savez, moi je suis au fond la ministre des services publics, des services à la personne, de la naissance jusqu'à la fin de vie, les enfants, l'école, tous ces gens qui font que notre vie est plus facile peut-être - et sans aucun doute en France qu'ailleurs – ont besoin d'avoir des carrières mieux établies, avec des traitements plus équilibrés sur l'ensemble de la carrière, des parcours mieux écrits, des validations d'acquis, des formations tout au long de la vie pour avoir une mobilité choisie et non pas imposée, etc., c'est tout ça que nous allons faire. Pourquoi ? Parce que nous croyons, le président de la République et le Premier ministre aussi, profondément, que le service public permet la cohésion de la société avec des fonctionnaires.
JEAN LEYMARIE
Les négociations commencent et donc, pour l'instant, pas de décision et même pas de date encore sur ce fameux point d'indice…
MARYLISE LEBRANCHU
Non !
JEAN LEYMARIE
On aura l'occasion d'en reparler. Merci Marylise LEBRANCHU…
MARYLISE LEBRANCHU
C'est moi ! Merci et bonne journée.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Merci beaucoup, l'interview bien sûr est en ligne comme tous les jours et en vidéo sur franceinfo.fr
source : Service d'information du Gouvernement, le 13 mars 2014