Déclaration de M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, sur les grandes orientations du projet de loi relatif à la biodiversité, à Paris le 26 mars 2014.

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Circonstance : Présentaton en Conseil des ministres du projet de loi relatif à la biodiversité, à Paris le 26 mars 2014

Texte intégral

J'ai présenté ce matin, en Conseil des ministres, un projet de loi sur la biodiversité. Cela faisait 38 ans que notre Pays n'avait pas rénové sa législation sur la nature.
La biodiversité c'est un patrimoine génétique issu de 3,8 milliards d'années d'évolution : nous-mêmes et nos descendants pouvons y trouver des ressources infinies destinées à répondre à nos besoins : médicaments, aliments, biochimie. Nous pouvons même y puiser une inspiration « mécanique », comme l'illustre l'exemple célèbre du velcro qui s'accroche comme le fruit de la bardane à nos vêtements, ou bien encore notre espèce, qui interagit avec toutes les composantes de la biodiversité, bénéficie depuis longtemps et souvent sans même s'en rendre compte, d'innombrables services et ressources tirés du vivant : certains sont évidents comme la fertilité des sols ou la fourniture de bois, d'autres ont fait l'objet d'une prise de conscience plus tardive, comme la pollinisation ou la régulation du régime des eaux. Il faut également noter le rôle majeur de la biodiversité en matière d'innovation : c'est par biomimétisme, en s'inspirant des ailes des rapaces que les ingénieurs d'Airbus ont conçu les « winglets » de l'A380.
Or, il se trouve que cette biodiversité est aujourd'hui menacée du fait des activités humaines. Destruction et dégradation des habitats, pollution à répétition, surexploitation et introduction d'espèces exotiques envahissantes, le tout renforcé par les effets du changement climatique. 11 000 espèces sont menacées d'extinction, un mammifère sur quatre est également menacé. Certains évoquent même la « sixième extinction », tant le rythme de cette dégradation est rapide à l'échelle des temps géologiques.
Nous devions par conséquent agir pour corriger cette trajectoire inquiétante. C'est cette conviction qui a animé le gouvernement pour mettre en place une nouvelle démarche de concertation sur l'environnement, illustrée par les conférences environnementales annuelles.
La première, qui s'est tenue à l'automne 2012, a permis de définir un ensemble d'actions qui constituent le volet « biodiversité » de la première feuille de route de la transition écologique.
Le projet de loi adopté aujourd'hui en Conseil des ministres concrétise ces engagements. Il a été élaboré en s'appuyant sur l'organisation de débats régionaux et en associant les acteurs concernés à travers le comité de suivi de la stratégie nationale pour la biodiversité et les membres du conseil national de la transition écologique.
Ce projet fait évoluer les grands principes qui structurent la politique de conservation de la biodiversité :
- il introduit une vision plus dynamique des écosystèmes, en tenant compte de leur capacité d'évolution et en substitution d'une vision immobile des milieux naturels ;
- il reconnait plus clairement les interactions entre activités humaines et biodiversité, notamment à travers les services écosystémiques ;
- il renouvelle la gouvernance de la biodiversité au niveau national et régional, afin de garantir l'association de toutes les parties prenantes, tout en mobilisant l'expertise scientifique et technique pour éclairer les décisions publiques ;
- il transpose le protocole de Nagoya en introduisant un régime d'accès aux ressources génétiques et de partage des avantages découlant de leur utilisation, afin de lutter contre la biopiraterie, de garantir un partage des bénéfices tirés de l'exploitation économique des ressources génétiques et d'assurer la sécurité des transactions à l'export.
Ce texte, d'une certaine façon, affirme que la nature ne saurait être l'éternel bénévole de l'humanité, et que si nous voulons la préserver, la valoriser, elle doit être, en quelque sorte, payée de retour.
Le texte modernise également nos moyens de protection des espaces naturels et des espèces sauvages :
- en supprimant certains outils devenus obsolètes (inventaires départementaux du patrimoine naturel, orientations régionales de gestion de la faune sauvage et de ses habitats, dispositions relatives aux mares insalubres…) ;
- en créant des moyens de protéger réellement les milieux marins (contrôle des activités dans la zone économique exclusive, zones fonctionnelles halieutiques) ;
- en déployant de nouveaux outils gradués permettant des mesures pérennes de protection et de gestion de la biodiversité, en particulier en milieu agricole, sans nécessiter une acquisition (zones soumises à contraintes environnementales, contrats créant des obligations réelles, assolement en commun et aménagements fonciers environnementaux) ;
- en facilitant enfin l'action des parcs naturels régionaux et du conservatoire du littoral.
Ce projet de loi replace le paysage du quotidien au centre de la politique du paysage, dans le prolongement de la convention de Florence, et en concentrant l'action patrimoniale de l'État sur les sites classés.
Pour que tout ceci se concrétise sur le terrain, pour que ces objectifs soient atteints, pour que tous, collectivités, associations, entreprises se sentent concernés, le projet de loi dote la France d'un opérateur intégré, l'Agence française pour la biodiversité.
A la façon de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), l'agence viendra en appui des porteurs de projets en faveur de la biodiversité, regroupera, organisera et diffusera la connaissance en matière de biodiversité, et sensibilisera nos concitoyens et participera à la formation des acteurs. L'agence sera également appelée à intervenir en appui aux services de l'État en matière de suivi et de préparation des positions de la France dans les enceintes internationales et européennes, de gestion d'espaces naturels, et de police de l'eau et des milieux aquatiques. Elle apportera un soutien méthodologique et financier aux porteurs de projets de reconquête de la biodiversité.
Voilà, à grands traits, cette loi sur la biodiversité que j'aurais l'honneur de présenter au Parlement à la fin du mois de juin prochain.Http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 27 mars 2014