Interview de Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'Etat au numérique, dans "Le Journal du Dimanche" le 18 mai 2014, sur le contentieux de Google avec des entreprises du numérique.

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Média : Le Journal du Dimanche

Texte intégral

Q - En quoi la nouvelle plainte de 400 acteurs et le soutien politique qu'elle recueille constituent-ils un tournant ?
R - Le contentieux avec Google remonte à 2010 et s'est enlisé. Il démontre que les règles européennes de concurrence et la manière de les appliquer ne sont pas adaptées à un secteur comme les industries du numérique. Pour elles, tout va très vite, le temps est une arme. On comprend que l'absence d'action, la passivité, les pénalise. Il faut pourtant protéger notre marché et nos industriels des comportements anticoncurrentiels. L'intervention politique aide à cette prise de conscience. Après l'appel des industriels, d'une ampleur sans précédent comme celui de jeudi à Paris, il fallait un appel politique, qui est un appel à plus d'Europe.
Q - Cette intervention a lieu justement à quelques jours des élections européennes...
R - Cela fait dix ans que la Commission européenne prône le laisser-faire au nom du principe de la libre concurrence et qu'elle ne réagit pas pour aider nos industries et nos écosystèmes à croître et innover. Cela explique en partie l'absence de grands champions européens dans l'Internet. Nous avons pourtant les bases technologiques, des nids de compétences et un bassin de 500 millions de consommateurs. Je trouve normal que les citoyens réclament à l'Europe de mettre en place les mécanismes de transparence et de neutralité des plateformes qu'ils jugent nécessaires. En parallèle, notre stratégie doit aussi être offensive, pour rester attractif et créer un environnement favorable à l'éclosion d'écosystèmes alternatifs.
Q - N'y a-t-il aucun accord possible avec Google ?
R - En tous cas, l'accord amiable que vient de proposer Joaquín Almunia ne peut pas satisfaire les Européens car il est a minima. Les contentieux continuent même à s'accumuler. Google ne change pas ses pratiques. Quand le moteur de recherche affiche ses résultats, il favorise les fournisseurs de contenus qui ont passé un accord de publicité avec lui. Il utilise aussi des algorithmes qui donnent des priorités de référencement à ses propres services, sans aucune transparence. Nous avons la responsabilité d'aider les industriels qui réalisent de lourds investissements pour apporter Internet par les tuyaux, comme dans les télécoms, ou les petites et moyennes entreprises innovantes qui n'ont pas le retour commercial en matière de chiffre d'affaires, face aux mastodontes numériques.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 mai 2014