Interview de M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, à Europe 1 le 9 mai 2014, sur le contexte international des commémorations du Débarquement, l'élection européenne et la préparation de la réforme territoriale.

Prononcé le

Média : Europe 1

Texte intégral

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bienvenue Jean-Marie LE GUEN et bonjour.
JEAN-MARIE LE GUEN
Bonjour Jean-Pierre ELKABBACH.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vladimir POUTINE est en train de célébrer la Journée de l'Europe et la participation de l'URSS, ou de la Russie, à la fin de la guerre, à la chute d'Hitler, sur la Place Rouge. Vladimir POUTINE sera à Paris le 5 juin au soir pour un dîner tête-à-tête avec François HOLLANDE, le 6 en Normandie pour commémorer le Débarquement. Alors il paraît que maintenant il est le bienvenu en France ?
JEAN-MARIE LE GUEN
L'Histoire ça existe, personne ne peut oublier ce qui s'est passé pendant la Seconde Guerre mondiale, les drames qu'ont connu les peuples russes et le combat contre le nazisme, et en même temps l'actualité commande l'action diplomatique, et je vois que, aujourd'hui François HOLLANDE sait manier ces deux éléments. Il est engagé dans une action diplomatique, parce que nous avons beaucoup de choses à discuter avec la Russie pour la sécurité et la paix en Europe, et en même temps nous savons aussi tenir compte de l'Histoire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc on redécouvre POUTINE. Les Américains, en tout cas, font la gueule. Est-ce qu'on est sûr que monsieur OBAMA viendra aux commémorations du Débarquement maintenant qu'il y a POUTINE ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je le crois. Je n'imagine pas que les Etats-Unis puissent s'abstraire aussi de cette période historique à laquelle ils ont énormément contribué.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Evidemment.
JEAN-MARIE LE GUEN
Et nous avons voté au Parlement, cette semaine, une résolution, avec le Congrès américain, pour nous rappeler de cette collaboration entre les alliés, contre le nazisme.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ce n'est peut-être pas arrivé à Washington parce que l'Administration OBAMA veut empêcher la France de vendre à Moscou deux navires Mistral qui sont construits à Saint-Nazaire. Alors, où est l'indépendance et la liberté de la France, qui commande ?
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est la France qui fait sa propre politique, et de ce point de vue nous n'avons pas de leçon à recevoir de la part, y compris des Etats-Unis. Je crois d'ailleurs, pour l'essentiel, que c'est une forme de diversion, une certaine forme d'incapacité des Etats-Unis, véritablement, de réussir ce qu'ils avaient appelé – monsieur OBAMA avait appelé ça le « reset », c'est-à-dire la réorganisation de ses relations diplomatiques avec la Russie. Visiblement ça patine, il a du mal à se faire entendre, je ne crois pas que ce soit une bonne politique que d'essayer de mettre ses propres difficultés sur le dos de ses alliés.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Parce qu'ils n'arrivent pas à avoir la domination comme autrefois, ou la « prédomination », comme hyper puissance sur le monde, ils nous empêchent de vendre aux Russes ce que les Russes ont déjà payé, c'est ça ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Voilà, par exemple, et puis on se souvient de toute la séquence, y compris ce qui s'est passé avec la Syrie, la manière dont les Etats-Unis, au dernier moment, finalement, ont donné l'impression de ne pas poursuivre les engagements qui étaient les leurs.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ils ont écouté POUTINE.
JEAN-MARIE LE GUEN
Tout ça, ça a été des signaux qui n'étaient pas positifs, Laurent FABIUS l'a rappelé à l'Assemblée nationale.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Angela MERKEL reçoit François HOLLANDE chez elle, dans son fief d'Allemagne de l'Est aujourd'hui. C'est l'Allemagne forte, rayonnante, puissante, qui reçoit la France empêtrée dans des déficits et des dettes, la France affaiblie ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, vous le savez Jean-Pierre ELKABBACH, ce sera d'abord la France et l'Allemagne qui vont parler pour l'Europe, la sécurité, on va reparler évidemment de l'Ukraine, de la relation avec la Russie, ce sont des problèmes fondamentaux, et d'un certain point de vue, quand on parle de l'Europe il ne faut pas oublier les fondamentaux, la paix et la sécurité, le fait que nous ayons…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça ne passe pas ça, la paix et la sécurité, ce n'est pas avec ça que vous ferez voter les Français le 25 mai, Monsieur LE GUEN.
JEAN-MARIE LE GUEN
Eh bien je le regrette Jean-Pierre ELKABBACH, parce que ces questions… la transition énergétique, si demain un certain nombre de pays européens, qui sont nos voisins, avec qui nous travaillons économiquement, n'ont plus de gaz pour se chauffer, ou pour faire tourner leurs usines, vous croyez que ça ne nous concerne pas ? Ces questions-là elles existent aujourd'hui, dans le monde d'aujourd'hui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Si on ferme Fessenheim, et tant de réacteurs nucléaires. Regardez, l'Allemagne paye à peu près 23 milliards par an, ça va coûter aux ménages et aux entreprises, la politique énergétique de l'Allemagne a échoué. Attention.
JEAN-MARIE LE GUEN
Je crois que nous n'avons pas l'intention de copier la politique énergétique de l'Allemagne, et nous aurons ce débat dès la rentrée prochaine, le débat sur la transition énergétique va être mené par Ségolène ROYAL, nous aurons un très beau et très grand débat à l'Assemblée nationale, avec des décisions qui…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La chancelière et le président pourraient évoquer l'avenir d'ALSTOM. Au passage, le patron du groupe ALSTOM, Patrick KRON, n'est pas du voyage, il n'est pas consulté. Mais est-ce que c'est « SIEMENS oder nicht SIEMENS », « SIEMENS or not SIEMENS », avec ALSTOM ?
JEAN-MARIE LE GUEN
L'option SIEMENS est évidemment sur la table, il y a une discussion, le gouvernement français est attentif à toutes les propositions. Pour quoi faire, Jean-Pierre ELKABBACH ? Tout simplement pour maintenir des emplois et des centres de décisions en France sur des filières stratégiques, l'énergie, les transports collectifs.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, d'accord, mais qu'est-ce qu'on choisit ? Ce discours, on le connaît.
JEAN-MARIE LE GUEN
Eh bien nous allons entendre ce que les uns et les autres nous proposent. Comprenons bien que nous avons aussi, nous, l'intention de défendre la part des intérêts français le plus haut possible, et donc il est normal qu'il y ait un dialogue compétitif, comme l'on dit.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce qu'on peut éviter GENERAL ELECTRIC et SIEMENS ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je ne crois pas qu'on puisse éviter qu'ALSTOM s'allie avec un groupe parce que stratégiquement nous en avons besoin.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous n'avez pas trouvé un chinois ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dans le journal LE MONDE le président de la République s'en prend à ceux qui veulent déchirer les traités, sortir de l'euro et de l'Europe, ça serait sortir de l'Histoire, qui ne veulent plus acheter, donc ne pourraient plus vendre. Sans le nommer le président HOLLANDE vise sans doute l'extrême gauche, Jean-Luc MELENCHON, mais surtout Marine LE PEN.
JEAN-MARIE LE GUEN
Bien sûr. Est-ce qu'on imagine que la France puisse être, donner l'image d'une représentation à travers des gens qui sont à la fois des extrémistes et qui n'ont aucune perspective européenne, ils n'ont même pas d'ailleurs, potentiellement, de candidat à la présidence, c'est-à-dire c'est une impasse, c'est un vote négatif, c'est un vote d'impuissance. C'est un vote peut-être, par certains aspects, de colère, mais de colère qui se trompe, parce que ce qu'il faut faire c'est changer la politique en Europe, et pour cela il y a un débat entre la gauche et la droite, nous avons notre candidat, monsieur Martin SCHULZ, qui est le bon candidat pour faire repartir l'Europe.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous allez faire rêver les Français avec Martin SCHULZ comme avec monsieur JUNCKER, qui sont là depuis des années, et puis Valéry GISCARD d'ESTAING, qui était là hier, rappelait l'article 17 paragraphe 7, que j'ai relu, du traité de Lisbonne : le Conseil européen propose un candidat dans la mouvance des résultats, et le Parlement approuve ou non. Les partis ne décident pas. On va revenir à l'Europe des partis maintenant ?
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est la première fois que les électeurs vont décider, Jean-Pierre ELKABBACH. Selon ce que nous voterons, nous aurons la politique. Cela fait maintenant 10 ans que les conservateurs dominent l'Europe, et une grande partie de ce que les Français reprochent à l'Europe, son absence de dynamique, c'est parce que c'est une politique conservatrice qui domine l'Europe, et la Commission européenne. Si l'on peut changer la Commission européenne, si on peut changer l'orientation politique du Parlement, alors on aura des politiques qui viendront créer de l'emploi et de la richesse, en France, aussi.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dans quelques jours le président de la République, sans le Premier ministre, va consulter les chefs de partis sur la réforme prochaine de la carte de France. Vous voulez tous accélérer. Pourquoi cette urgence, pourquoi cette précipitation ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Parce qu'il faut faire des économies.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pourquoi ? Combien d'économies ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Entre 12 et 15 milliards d'euros, c'est possible.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Par an ? Non, au total.
JEAN-MARIE LE GUEN
Au total, bien évidemment. Non, par an, par an ! Dans le fonctionnement à terme, pas demain bien sûr. Mais lorsque la réforme aura été mise en oeuvre, c'est possible d'avancer dans cette direction mais surtout avoir des politiques publiques plus efficaces.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Des UMP et des centristes vous réclament un référendum. Une fois pour toutes, la réponse est ?
JEAN-MARIE LE GUEN
La réponse est non. La réponse est non ! Le référendum, c'est souvent répondre à une question qui n'est pas posée, donc nous ne le ferons pas. C'est surtout la mobilisation des immobilistes. Nous ne le voulons pas.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est la réponse de Manuel VALLS Premier ministre et du président de la République vous dites ici ce matin.
JEAN-MARIE LE GUEN
Très clairement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bon ! Si vous voulez la réforme et la réussite de cette réforme, quel est le calendrier Hollande-Valls ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Nous ferons un débat devant le Sénat, et vous savez que c'est le Sénat qui doit se saisir en premier de cette question s'agissant des collectivités territoriales, avant l'été. Nous aurons une discussion au Parlement avant la fin de l'année. C'est donc dans l'année qui vient que cette réforme sera votée.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
En une année, vous pensez ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Absolument. Nous voulons sa mise en oeuvre très rapide, c'est pourquoi d'ailleurs nous avons repoussé la perspective électorale à 2016, de façon à ce que les élections de 2016 s'adaptent à la nouvelle donne territoriale.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que le projet est déjà tout ficelé. C'est à prendre ou à laisser.
JEAN-MARIE LE GUEN
Pas du tout. Absolument pas ! Les principes sont très clairs, c'est-à-dire la réforme, aller vite, aller loin, ne pas hésiter, s'adapter au terrain, avoir la capacité de répondre par exemple aux questions aussi bien des métropoles que de la ruralité. Nous le faisons dans un esprit très ouvert. D'ailleurs, moi j'ai beaucoup consulté et on voit au Sénat, à l'Assemblée, des gens de gauche, des gens de droite qui veulent que ça bouge. Nous allons donc essayer de fédérer ces mouvements pour une France plus efficace.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Si vous n'y arrivez pas, vous renoncez au projet ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Nous ne renoncerons pas. Nous avons une majorité au Parlement qui est décidée à avancer et à faire des réformes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous présidez 61 départements sur 102, Jean-Marie LE GUEN. Vous réclamez quoi ? Comme les sectes sur la plage, un hara-kiri collectif ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, il ne s'agit pas d'hara-kiri collectif. Il s'agit de la volonté de faire primer l'intérêt général et la réforme. Je crois que ce qui est la marque du gouvernement de Manuel VALLS, c'est la volonté d'aller vite et fort en termes de réforme. Notre pays a trop tardé et il faut maintenant accélérer.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez entendu le reproche ? Pour éviter la fessée prévisible de 2015, vous retardez d'un an pour avoir une raclée plus grande en 2016.
JEAN-MARIE LE GUEN
Si vous avez cette lecture électorale effectivement, je ne crois pas que ce soit l'objet. L'objet, c'est de réformer notre pays et nous allons l'entraîner. Il y a une majorité de Français qui souhaite cette réforme juste.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez 21 présidents de région socialistes ; en 2015, il n'y en a pas beaucoup qui reviendraient ou qui survivraient.
JEAN-MARIE LE GUEN
Nous ne faisons une vision de comptables et encore moins au plan électoral. Ce qui est déterminant, c'est notre capacité à entraîner la majorité des Français qui cherchent une réforme juste pour ce pays. Nous serons, de ce point de vue, vainqueurs politiquement parce que nous aurons mené la réforme.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et pour les prochains débats Jean-Marie LE GUEN, par exemple le budget, est-ce que les 41 vont devenir 100 ? Est-ce qu'ils vont rester irréductibles ? Vous allez les séduire, vous avez du su-sucre ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je crois qu'en tenant un discours de vérité et un discours de volonté, nous allons rassembler très largement les socialistes. Je crois que nous serons majoritaires très largement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Qu'est-ce que ça veut dire « volonté générale », « détermination » ?
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est simplement que je crois que la politique qui a été décidée et mise en oeuvre est aujourd'hui, et chaque parlementaire le ressent, largement majoritaire dans la population. Elle est soutenue dans la population et chacun, même s'il y a une volonté d'ouverture et de débat sur les textes, ce qui est bien normal, il y a aussi pour les socialistes la nécessité d'être rassemblés. C'est comme ça qu'ils seront crédibles.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous leur donnez un peu de fleurs et de miel et pas seulement la manière forte.
JEAN-MARIE LE GUEN
Un discours de vérité, un discours de respect, du travail en commun. C'est la nouvelle forme d'ailleurs de travail de Manuel VALLS avec l'Assemblée nationale.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Aujourd'hui journée de l'Europe, demain journée contre l'esclavage. Il faut célébrer et lutter contre toutes les traites négrières qui ont lieu sur sept siècles, les traites négrières et l'esclavage de l'Afrique, de l'islam, de l'occident, et ça c'est intéressant. Qu'on ne se concentre pas surtout sur ce qui s'est passé simplement avec les Occidentaux et sept siècles d'esclavage.
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est sûr. L'esclavage comme le racisme sont partagés par beaucoup trop de cultures et pas simplement la culture occidentale.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci d'être venu.
THOMAS SOTTO
Merci Jean-Marie LE GUEN d'être venu ce matin face à Jean-Pierre ELKABBACH. Dimanche c'est Xavier BERTRAND, candidat probable à la primaire UMP s'il y en a une en 2016, qui sera votre invité, Jean-Pierre, pour Le Grand Rendez-vous Europe1-Le Monde-I-Télé.Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 mai 2014