Déclaration de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, sur le financement du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) et les évolutions à venir du cadre législatif dans lequel s'inscrivent les activités privées de sécurité, à Saint-Denis le 23 mai 2014.

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Circonstance : Deuxièmes rencontres nationales des commissions interrégionales d'agrément et de contrôle (CIAC) du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) le 23 mai 2014

Texte intégral

Messieurs les préfets,
Messieurs les présidents,
Messieurs les directeurs,
Mesdames, Messieurs,
La sécurité constitue un droit fondamental pour nos concitoyens.
Si l'Etat demeure l'acteur principal de la sécurité globale, le temps où la sécurité privée était vécue comme une intrusion dans le domaine régalien est révolu. Aux côtés des services de l'État, police et gendarmerie nationales, mais aussi des polices municipales, les acteurs de la sécurité privée sont aujourd'hui présents dans de nombreux domaines de la vie quotidienne de nos compatriotes. La demande de sécurité a en effet très fortement augmenté, sans que l'État ait nécessairement vocation à assurer l'intégralité de la réponse à ce besoin.
Plus personne aujourd'hui ne s'étonne de la présence d'agents de sécurité privée pour assurer l'inspection et le filtrage des voyageurs et des bagages dans les aéroports. De même les entreprises privées de sécurité se voient confier la surveillance de commerces et domiciles, sur place ou à distance. Les fonds et les valeurs sont transportés par des entreprises spécialisées. Les missions de protection physique des personnes et les activités de recherches privées sont également assurées par des agents appartenant à ce secteur d'activité.
Face à la diversification de la demande de sécurité, l'Etat n'a pas vocation à s'occuper de tout. Pour autant, il ne peut se désintéresser de rien. Il lui incombe de veiller à donner aux activités privées de sécurité un cadre qui garantisse tout à la fois la qualité des prestations et le respect des règles qu'impose le pacte républicain. Il doit en outre organiser à cette fin, dans les domaines où cela est utile, les conditions d'une coopération active et confiante entre tous les acteurs afin d'assurer une coproduction nécessaire de la sécurité.
À cet égard, la création du Conseil national des activités privées de sécurité, début 2012, avait précisément pour objet de professionnaliser et de moraliser ce secteur, c'est-à-dire de rétablir les conditions de la confiance. Après une période de forte croissance de ses activités, il importait en effet de mettre fin au comportement d'une minorité d'acteurs peu qualifiés et non respectueux des règles, de nature à mettre en péril la qualité de service attendue par nos concitoyens, mais aussi la pérennité d'un modèle économique particulièrement sensible à la concurrence déloyale.
En venant devant vous, je souhaite d'abord saluer le chemin parcouru par ce jeune établissement public, qui au bout de deux années seulement, a déjà contribué à un changement significatif de la physionomie du secteur.
Pour relever ce défi, le CNAPS s'est bien entendu appuyé sur les compétences des 214 agents qui l'ont progressivement rejoint- venant de la fonction publique d'État et des collectivités locales, mais aussi, pour une majorité d'entre eux, du secteur privé - et dont 170 sont affectés dans les 7 délégations territoriales métropolitaines et les 4 délégations d'outre-mer. Je veux leur rendre hommage, pour leur engagement, et pour l'importance et la qualité du travail accompli et des résultats obtenus en peu de temps.
L'originalité, et l'un des facteurs essentiels de la réussite du CNAPS, c'est aussi de rassembler dans chacune de ses instances décisionnelles - le Collège, la Commission nationale et les commissions interrégionales d'agrément et de contrôle - des représentants de l'État et des magistrats d'une part, des personnes issues de la profession d'autre part. Sans même compter les suppléants, vous êtes ainsi, Mesdames et Messieurs, environ 150 à assurer, sur l'ensemble du territoire national, la police administrative et la discipline de la profession.
En deux ans, les commissions se sont prononcées sur environ 180 000 demandes d'autorisation d'exercer ou de cartes professionnelles qui, à l'heure où nous parlons, et grâce à un effort de rationalisation des processus d'instruction mis en place par le CNAPS, sont, pour les trois quarts d'entre elles, délivrées dans un délai n'excédant pas quelques jours, dès lors que le demandeur n'est pas connu des services de police.
Pendant la même période - et j'en viens ici à la principale novation apportée par la création du CNAPS - les agents de l'établissement ont réalisé plus de 3350 opérations de contrôle, qui ont permis de vérifier la situation de 2200 entreprises ou établissements exerçant des activités privées de sécurité.
Cette action de contrôle n'est pas passée inaperçue, d'autant qu'elle a été suivie avec un décalage de quelques mois, de l'application des sanctions qu'appelaient les manquements constatés.
Certaines entreprises ont pu s'en étonner, et même s'en émouvoir parfois, ce qui a conduit les organisations professionnelles et le CNAPS à élaborer conjointement une charte du contrôle explicitant le cadre légal du contrôle ainsi que les droits et obligations de chacune des parties. La fermeté n'exclut pas en effet la pédagogie, bien au contraire, puisqu'il s'agit au fond, comme je l'ai indiqué, de professionnaliser le secteur. J'observe d'ailleurs que le CNAPS a pu en constater les effets, car une part non négligeable de la croissance importante de l'activité constatée en 2013 résulte de demandes de régularisation de situations administratives non conformes, qui duraient parfois depuis plusieurs années.
Je sais également la charge croissante que représente votre engagement au sein des commissions interrégionales et de la Commission nationale d'agrément et de contrôle, à la mesure de la montée en puissance de l'activité de l'établissement.
Des mesures seront prochainement prises, par décret, pour mieux répartir la charge et atténuer son impact. Elles vous seront présentées dans quelques instants. Je souhaite aussi que les retours d'expérience échangés au cours de la matinée et les outils qui vous ont été fournis à cette occasion vous soient utiles pour la poursuite de votre mission. Vous l'avez compris, je souhaite qu'ensemble, pouvoirs publics et professions de sécurité, nous ancrions dans la durée l'action entreprise au cours des trente derniers mois.
Je souhaite maintenant aborder avec vous les principaux sujets qui nous attendent.
Je commencerai par évoquer la question du financement du CNAPS, dont les ressources sont constituées, comme vous le savez, d'une subvention pour charges de service public versée par l'Etat.
Chacun d'entre vous sait aussi que la création de l'établissement s'est accompagnée d'une contribution fiscale de 0,5% sur le chiffre d'affaires des entreprises privées de sécurité (à laquelle s'ajoute, pour être complet, une contribution de 0,7% de la masse salariale des services internes de sécurité des entreprises).
Instruit notamment par le Président du CNAPS, Alain Bauer, l'ancien ministre du budget que je suis n'ignore pas que le produit de la « taxe CNAPS » s'est révélé plus important que ce qui avait été initialement prévu. L'écart entre la recette de la contribution et les besoins de financement du CNAPS est en effet de l'ordre de 10 M d'euros pour l'exercice 2013.
A la moralisation du secteur s'est donc agrégée une forme de vertu fiscale de la part des entreprises... On ne peut sans doute que s'en féliciter lorsqu'on sait que la profession a souhaité cette imposition et ne propose en aucun cas sa suppression.
La question se pose néanmoins du niveau de la taxe et de l'emploi de ce qui peut être considéré comme un excédent, lequel représente environ 0,2% du chiffre d'affaires de la profession. Le Collège du CNAPS, après avoir consulté le ministre de l'Intérieur et le ministre du Budget, s'est prononcé sur ce point dans une délibération adoptée le 16 décembre dernier.
Rejoignant la proposition exprimée par M. Claude Tarlet, le Collège a proposé en premier lieu une baisse de 0,1 point du taux de la contribution fiscale, qui serait ainsi ramené à 0,4%, diminuant d'autant la charge des entreprises.
Je soutiens cette proposition et souhaite qu'elle puisse prendre effet dans une prochaine loi de finances. J'en ai fait part au secrétaire d'Etat en charge du Budget à qui revient la décision. Cet ajustement du taux pourrait sembler aller de soi ; mais, dans le contexte actuel des finances publiques, renoncer partiellement à une recette fiscale constitue pour l'Etat un effort.
Le Collège a également souhaité que l'excédent de recettes perçues en 2013 puisse contribuer à doter un Fonds de modernisation sociale des professions de sécurité privée. J'examinerai avec la plus grande attention vos propositions issues des travaux du groupe mené par M. Michel Ferrero, à ce sujet. Nous verrons ensuite à quel niveau il conviendrait de doter le fonds.
S'agissant enfin de la dotation pour charges de services publics versée au CNAPS, elle a été reconduite à 16,9M d'euros en 2014 et l'établissement a été - c'est une exception au ministère de l'Intérieur - exonéré de toute mesure de gel afin de tenir compte des besoins spécifiques liés à sa montée en puissance. Néanmoins le CNAPS ne peut être exempté de l'effort demandé à l'ensemble des administrations publiques dans le contexte budgétaire que vous connaissez. À cet égard, je sais l'attachement du directeur du CNAPS et de ses collaborateurs à une gestion rigoureuse et efficace des moyens qui leur sont confiés. Dans le cadre de la programmation triennale pour la période de 2015 à 2017, je veillerai à ce que le budget de l'Etablissement lui permette de préserver la qualité et les délais dans lesquels sont rendues ses décisions de police administrative. De même, le nombre et la profondeur des contrôles devront être maintenus au niveau nécessaire à la crédibilité désormais confortée de l'ensemble de la profession. Enfin, je serai attentif à ce que le CNAPS puisse développer sa capacité de conseil et d'assistance à la profession, conformément à la mission qui lui est confiée par la Loi.
Pour terminer, je souhaite vous indiquer les orientations que j'ai retenues concernant plus particulièrement le cadre législatif dans lequel s'inscrivent les activités privées de sécurité.
D'importants travaux, ont été conduits ces derniers mois afin de déterminer les évolutions possibles, utiles ou nécessaires du Livre VI du code de la sécurité intérieure consacré aux activités privées de sécurité. Cela n'a été rendu possible que par une large concertation, et je voudrais profiter de l'occasion qui m'est donnée ici pour saluer l'implication personnelle dans ce processus du préfet délégué à la sécurité privée, M. Blanchou, qui peut aujourd'hui prendre sa retraite sereinement, avec le sentiment du devoir accompli.
Le temps est désormais venu de traduire ces travaux dans un projet de Loi sur la sécurité, qui comprendra un titre spécifiquement consacré aux activités privées de sécurité. J'ai demandé au Directeur des libertés publiques et des affaires juridiques de rédiger ce projet, à partir des travaux menés précédemment.
En premier lieu, je souhaite que ce projet de loi mette l'accent sur la professionnalisation des activités privées de sécurité. Ainsi, les organismes de formation et leurs dirigeants devront désormais disposer d'une habilitation, voire d'une certification, afin de garantir la qualité des parcours de formation et des moyens mis en œuvre pour la dispenser. Les conditions dans lesquelles se déroulent les examens seront régulièrement vérifiées Il s'agit d'un complément essentiel à l'action de moralisation et de professionnalisation engagée depuis bientôt trois ans pour les entreprises de sécurité, qui doivent pouvoir compter sur des personnels compétents. Le CNAPS sera naturellement appelé à intervenir activement dans ce cadre.
Je souhaite également que la loi encourage désormais une plus grande coopération de la sécurité privée avec les forces de l'ordre. Il ne s'agit en aucun cas de confondre le rôle des unes et des autres, ni d'établir un lien de subordination entre la sécurité publique et la sécurité privée. Mais il convient d'organiser, en fonction des spécificités du terrain, des habitudes de travail qui rendent plus fluides l'échange d'informations et les modalités d'intervention.
Il conviendra enfin de profiter de cette loi pour ajuster le périmètre du livre VI du code de la sécurité intérieure et y intégrer un certain nombre d'activités dont le développement récent rend réellement nécessaire la prise en compte par la loi.
Mesdames Messieurs, vous le voyez l'avenir est riche pour notre coopération. Ensemble, chacun à nos postes respectifs, dans le souci constant de travailler en harmonie et en conformité avec nos valeurs, nous devons renforcer la coproduction de la sécurité au bénéfice de nos concitoyens. La sécurité est le problème de chacun d'entre nous, elle est donc une affaire commune et je vous enjoins à poursuivre votre action.
Je vous remercie.
Source http://www.unafos.org, le 2 juin 2014