Interview de M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'Etat aux transports, à la mer et à la pêche, à RTL le 10 juin 2014, sur les objectifs de la réforme ferroviaire.

Prononcé le

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

LAURENT BAZIN
Jean-Michel APHATIE vous recevez ce matin Frédéric CUVILLIER, le secrétaire d'Etat chargé des Transports.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Frédéric CUVILLIER.
FREDERIC CUVILLIER
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Une nouvelle grève de la SNCF démarre ce soir 19h00, on a l'habitude, les grévistes contestent votre projet de réunion de la SNCF et de RESEAU FERRE DE FRANCE, avant d'aller sur le fond, ça justifie vraiment une grève ?
FREDERIC CUVILLIER
En tout cas il y a un enjeu…
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, est-ce que ça justifie une grève ?
FREDERIC CUVILLIER
Chacun prend ses responsabilités, ils assument, à la question est-ce que je regrette cette grève, oui, parce que ça fait plus d'un an…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce n'était pas la question…
FREDERIC CUVILLIER
Mais ça fait plus d'un an et demi que je travaille et que je négocie avec toutes les organisations syndicales pour sauver le ferroviaire parce que la question est là…
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est vrai, à ce point ?
FREDERIC CUVILLIER
Oui parce que nous sommes à des niveaux de dettes…
JEAN-MICHEL APHATIE
40 milliards.
FREDERIC CUVILLIER
Plus de 40 milliards et que si rien n'est fait en 2025 nous serons à 80 milliards de dettes du ferroviaire…
JEAN-MICHEL APHATIE
Elle augmente d'un milliard et demi par an ?
FREDERIC CUVILLIER
Plus d'un milliard et demi, près de 3 milliards si on intègre l'endettement des quatre lignes LGV qui ont été mises en place, donc, la question elle est une question de fond.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le rail est danger en France d'après vous ?
FREDERIC CUVILLIER
Il est en danger par des orientations qui ont été prises et qui ont simplement mis tous les moyens sur quatre grandes lignes LGV ce qui fait que la rénovation du réseau existant pose problème et dans le même temps il faut plus d'efficacité. Et l'efficacité c'est de l'organisation et préparer le système ferroviaire français à un environnement qui va évoluer.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors on va en parler de l'environnement, c'est très technique évidemment, vous voulez réunir la SNCF et RESEAU FERRE DE FRANCE qui sont aujourd'hui séparés, ça va vraiment changer quelque chose ?
FREDERIC CUVILLIER
C'est indispensable, il faut d'abord que ceux qui s'occupent des infrastructures, qui gèrent les quais, qui gèrent les voix, travaillent avec ceux qui les utilisent, c'est très simple. Aujourd'hui ce n'est pas le cas. Aujourd'hui vous avez RFF 1.500 personnes sur 150.000 ; vous avez SNCF infra, vous avez la DGF, vous avez un certain nombre… la DCF pardon, un certain nombre d'acteurs éclatés qui ne se parlent pas parce qu'en 97 on a considéré dans une vision très libérale qu'il fallait assurer une séparation stricte, étanche pour permettre à des nouveaux entrants d'utiliser les réseaux.
JEAN-MICHEL APHATIE
Je souris parce que la conception libérale c'est un ministre communiste, Jean-Claude GAYSSOT et un Premier ministre socialiste Lionel JOSPIN qui a fait la réforme…
FREDERIC CUVILLIER
En 97 vous regarderez bien les positions…
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est eux qui ont fait la réforme.
FREDERIC CUVILLIER
…et notamment de mes prédécesseurs…
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est eux qui ont fait la réforme, JOPSIN – GAYSSOT.
FREDERIC CUVILLIER
…et aujourd'hui…
JEAN-MICHEL APHATIE
Des libéraux !
FREDERIC CUVILLIER
Non, non, non, vous le savez très bien. Notre organisation elle doit être celle qui anticipe la mise en concurrence et qui prépare un pôle public ferroviaire où l'Etat est stratège parce qu'il a complètement disparu l'Etat. L'Etat doit donner les grandes lignes de l'organisation du transport, en général, mais du transport ferroviaire en particulier, or les régions, l'Etat, sont aujourd'hui des acteurs qui n'ont pas le droit de citer. Donc il faut réorganiser, mettre les gestionnaires d'infrastructure d'un côté qui travaillent avec les utilisateurs et que ceux-là soient dans un pôle public ferroviaire qui puisse optimiser et donner des perspectives d'avenir.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc c'est votre projet de réforme, réunification SNCF RESEAU FERRE DE FRANCE, c'est le Parlement qui en discute la semaine prochaine et c'est à cela que s'opposent certains syndicats notamment la CGT et SUD RAIL qui font la grève ce soir. Vous parliez de l'environnement, c'est la libéralisation du rail pour les voyageurs, 2019 pour les TGV, 2022 pour les TER, tout le monde dit que nous sommes très loin d'être prêts, qu'il pourrait même y avoir sur les voyageurs ce qui s'est produit sur le fret, c'est-à-dire un vrai problème pour la SNCF qui pourrait perdre beaucoup de parts de marchés, il faudra faire des économies, il faudra diminuer le nombre d'agents par exemple à la SNCF, Frédéric CUVILLIER, pour être à la hauteur de la situation ?
FREDERIC CUVILLIER
J'en reviens à cet environnement auquel vous faites référence. C'est vrai que le contre exemple c'est le fret et la vision libérale qui n'est pas celle de GAYSSOT et de JOSPIN mais bien de la droite lorsqu'elle l'a libéralisée était la non-préparation du service public qui a amené à l'effondrement du fret ferroviaire et notamment celui de la SNCF et je ne veux pas voir ce reproduire les erreurs du passé, d'avoir l'absence de préparation du service public. Or moi quand je discute en Europe on me disait, la réforme elle ne sera pas euro compatible etc, nous avons fait bouger les lignes en Europe, là où le commissaire européen souhaitait la séparation stricte entre les différents acteurs, nous nous avons fait valoir notre vision du service public à la française…
JEAN-MICHEL APHATIE
Et il faudra faire des économies pour faire face à la concurrence, il faudra diminuer le nombre d'agents à la SNCF par exemple ou quel type d'économie il faudra faire ?
FREDERIC CUVILLIER
Certains souhaitaient qu'on anticipe la mise en concurrence, il ne faut absolument pas tant qu'il n'y a pas de robustesse du service public, anticiper quoi que ce soit. Il y a des dates, elles ne sont pas encore posables d'ailleurs pour certaines d'entre elles et nous avons cette discussion au niveau européen. Et d'un autre côté nous avons ce problème qui, concurrence ou pas, est un problème récurrent parce que la dette qui peut s'élever jusqu'à 80 milliards, moi je ne veux pas être un ministre qui passe à son voisin ou à son successeur sans essayer d'améliorer…
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc il faudra faire des économies.
FREDERIC CUVILLIER
Or depuis des années et des années on se passe la dette, milliard en milliard, pensant que d'autres pourront en assumer les responsabilités. Eh bien je pense que c'est un mauvais message pour la France, parce que ce n'est pas comme ça que l'on peut donner à la fois crédibilité en l'avenir et puis que l'on prépare la France et dans le domaine des transports, le transport de demain.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc on retiendra que le rail est en danger et qu'il faut faire des choses pour éviter une catastrophe en France.
FREDERIC CUVILLIER
C'est ce que je fais.
JEAN-MICHEL APHATIE
Dans ce contexte un rapport a été remis à la justice, Le Parisien le dévoile, sur la catastrophe de Brétigny, 12 juillet dernier, déraillement du Paris – Limoges, sept morts, une trentaine de blessés, le rapport a ceci d'accablant qu'il montre que voilà, beaucoup de boulons, beaucoup de vis, beaucoup d'écrous manquaient et que la maintenance était très déficitaire. Comment avez-vous reçu ce rapport Frédéric CUVILLIER ?
FREDERIC CUVILLIER
Que la maintenance soit déficitaire…
JEAN-MICHEL APHATIE
On le savait.
FREDERIC CUVILLIER
…on le sait malheureusement, quand je dis que les efforts pour la modernisation des lignes secondaires, des réseaux TER, TET, de tous les réseaux qui finalement assurent le maillage de la France, c'est indispensable de réorienter l'investissement ferroviaire sur cette nécessité du quotidien. Pour ce qui est du document, c'est une pièce qui est une pièce de l'enquête dont je n'ai pas connaissance…
JEAN-MICHEL APHATIE
Elle est dans les journaux ce matin.
FREDERIC CUVILLIER
Oui mais je n'ai pas à la commenter puisqu'elle fait partie de nombreuses autres pièces et qu'il y a par ailleurs une enquête que j'avais diligentée du bureau enquête administrative, du BEA qui devait, qui doit normalement en 2015 être rendue.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce qui fait un peu froid dans le dos c'est qu'on se dit, si c'était comme ça à Brétigny c'est peut-être comme ça ailleurs et on se demande si le rail est aujourd'hui, a aujourd'hui un niveau de sécurité suffisant en France.
FREDERIC CUVILLIER
Il faut tout de même faire attention parce que le lien de causalité…
JEAN-MICHEL APHATIE
Il y a un niveau de sécurité suffisant en France ?
FREDERIC CUVILLIER
…n'est pas établit, il y a un constat, est-ce que c'est ce qui est à l'origine ? Ce n'est pas à nous de le dire, donc tout est fait pour la sécurité et notamment le plan de renouvellement du réseau de 2,5 milliards de RFF, c'est justement pour remettre à niveau la sécurité ferroviaire.
JEAN-MICHEL APHATIE
Frédéric CUVILLIER, secrétaire d'Etat des Transports qui ne vont pas bien était l'invité de RTL ce matin, bonne journée.
LAURENT BAZIN
Merci Frédéric CUVILLIER. Bonne journée à vous.
FREDERIC CUVILLIER
Merci.
LAURENT BAZIN
Merci Jean-Michel à demain.
JEAN-MICHEL APHATIE
A demain Laurent.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 juin 2014