Déclaration de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur les enseignements de l'épizootie de fièvre aphteuse et de la crise de la vache folle et sur la nécessité d'une restructuration du dispositif d'amélioration génétique de l'élevage en France, Paris le 3 juillet 2001.

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Circonstance : Assemblée générale de France UPRA Sélection à Paris le 3 juillet 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de votre accueil. J'ai tenu à participer personnellement à votre assemblée générale, car je sais que vos actions en matière de sélection animale sont étroitement liées aux orientations de l'élevage français. Comme vous le savez, je suis soucieux de favoriser une agriculture à taille humaine, respectueuse de l'environnement et répondant le mieux possible aux attentes de la société. Je souhaite vous dire ici aujourd'hui que vos actions doivent s'inscrire dans cette évolution, et même si possible l'anticiper puisqu'elles donnent leurs effets après quelques " générations animales ". C'est un enjeu exaltant pour vous et en même temps une tâche redoutable.
Je constate d'ailleurs que la situation des races françaises, telle qu'elle apparaît aujourd'hui, reflète au fond celle de notre agriculture. Des races productives, spécialisées et très performantes, assurent l'essentiel de notre succès commercial sur le marché international de la génétique. Elles cohabitent avec des races rustiques, patiemment sélectionnées aux cours des siècles par des éleveurs opiniâtres, exploitant des zones difficiles où l'élevage d'animaux rustiques est l'une des rares, voire la seule activité agricole praticable.
Nous disposons ainsi aujourd'hui d'une diversité raciale notable en comparaison d'autres pays. Cette biodiversité s'est modelée au cours du temps, à partir de la diversité de nos régions naturelles et de leur richesse. Aujourd'hui, elle est une des composantes de notre patrimoine national. Elle doit être conservée à plusieurs titres : elle préserve les capacités d'adaptation de notre élevage, elle permet de combiner la production de produits de grande consommation compétitifs sur le marché mondial et des produits diversifiés spécifiques à un terroir, elle est donc un facteur d'aménagement du territoire J'oublie sûrement certains des atouts que présente une diversité des races génétiques, mais ceux que j'évoque me paraissent d'ores et déjà suffisants. Ils justifient pleinement que les actions en faveur des races animales soient poursuivies et soutenues, avec à la fois des démarches de conservation sur pied et de cryoconservation, dans le cadre de la cryobanque nationale.
Je vais maintenant tenter de répondre aux principaux points abordés par le Président CHAUVEL dans son rapport moral. Je reviendrai ensuite sur l'avenir de la génétique animale, pour vous indiquer quelques premiers enseignements que je tire de l'étude prospective conduite sous la coordination de M.VALIN.
Je ne répondrai sûrement pas à toutes vos questions, très variées mais vous savez que la porte du ministère vous est ouverte pour discuter avec vous des sujets qui vous préoccupent.
Sur le volet sanitaire, tout d'abord. Depuis le 23 juin, la France a retrouvé son statut de pays "indemne de fièvre aphteuse sans vaccination", conformément aux dispositions du code de l'Office International des Épizooties, dont les normes servent de référence à l'Organisation mondiale du commerce. Ce succès est la concrétisation de l'efficacité de notre organisation et de l'engagement de tous et en particulier tous ceux que je veux remercier pour les efforts effectués afin de sortir de cette crise. Il doit permettre la levée rapide des récents obstacles à nos exportations de reproducteurs liés à l'épisode de fièvre aphteuse en France.
Au-delà de cette évolution favorable, nous devrons cependant nous interroger sur nos moyens de lutte contre la fièvre aphteuse ; l'abattage de nombreux animaux est-il nécessaire ? Devons-nous vacciner ? Ces questions ne doivent pas être des tabous et nous devons les examiner de façon sereine, avec à la fois les Etats membres de l'UE et les pays tiers qui sont nos partenaires. Nous ne pourrons revoir l'approche, celle que nous avons pratiqué cette année, en faisant abstraction des échanges d'animaux et de produits animaux avec les autres pays.
Je sais qu'au-delà des images télévisées de charniers et de bûchers qui ont heurté nos concitoyens mais également nombre d'entre vous et moi même aussi, les abattages de troupeau peuvent avoir des conséquences lourdes lorsqu'ils concernent une race menacée. A cet égard, la vaccination contre une maladie animale particulière ne doit pas être perçue comme une sécurité totale. D'autres maladies animales peuvent aussi entraîner des mesures d'abattage. La cryoconservation du patrimoine génétique des races menacées me paraît donc primordiale pour éviter que des accidents sanitaires affaiblissent trop les possibilités de maintien de ces races.
Sur le front de l'ESB, comme je l'ai déjà dit là plusieurs reprises ces derniers jours, la protection du consommateur est mon souci prioritaire et guide ma conduite dans la prise de décision. Le dernier avis rendu par l'AFSSA sur l'abattage total du troupeau après un cas d'ESB n'est pas aussi simple que certains doivent le dire ou l'écrire. Je sais que vous êtes nombreux à attendre un assouplissement de la règle d'abattage total. Toutefois, mais je crois qu'il faut procéder dans un premier temps à un examen approfondi des différentes options possibles et de leur faisabilité, en concertation avec les autres ministres concernés (vous savez que nous travaillons à 3), mais aussi les professionnels et, bien entendu, les consommateurs. Car la décision du gouvernement ne saurait, en tout état de cause, se traduire par une diminution du niveau de protection de la santé publique. Elle doit à mon avis être simple, compréhensible par tous et facile à contrôler sur le terrain.
Pour la filière ovine, les schémas collectifs de sélection peuvent être un puissant outil de lutte contre la tremblante. Je me félicite des travaux qui ont déjà été conduits pour faire un état des lieux de la situation du cheptel ovin français, et j'ai noté que la CNAG (Commission nationale d'amélioration génétique) s'est récemment penchée sur des propositions d'action visant à sélectionner des animaux résistants. J'ai demandé à mes services d'examiner rapidement, en concertation avec les professionnels concernés, les modalités de mise en uvre de ces actions.
Concernant le financement public des UPRa, vous évoquez, Monsieur le Président, un désengagement de l'Etat. Ce n'est pas ma vision des choses.
L'avis de la CNAG sur le financement des UPRa, inspiré du rapport " DEMANGE-BONNEMAIRE " remis à mon prédécesseur en 1998, a été appliqué et il assure un bon équilibre. Il permet de simplifier et de clarifier la répartition entre le financement de base, pour les missions réglementaires des UPRa, et le financement d'actions innovantes, comme les projets de déploiement à l'international ou l'accompagnement de projets de restructuration générant, en retour, des économies de fonctionnement.
En revanche, vous comprendrez que le ministère de l'agriculture et de la pêche n'a pas vocation à financer le fonctionnement des fédérations professionnelles. La recherche de l'équilibre financier de votre fédération se trouve sans doute ailleurs que dans une dotation annuelle du ministère, sans que cela exclue un appui pour conduire tel ou tel projet jugé particulièrement intéressant pour l'avenir.
Dans le cas des UPRa bovines, j'ajoute que l'augmentation des subventions du ministère de l'agriculture et de la pêche en 2000, complétée par les financements du Fonds national de l'élevage (FNE), permet de rattraper, voire de dépasser dans certains cas le niveau des aides attribué en 1996. Cette évolution, dans un contexte budgétaire difficile, constitue une marque de reconnaissance pour les missions que vous conduisez et contribue à une réorientation significative des aides vers les plus petites UPRa, notamment celles des races allaitantes.
La mise en oeuvre du système d'information génétique, ne devrait pas changer les bases de répartition des aides publiques aux UPRa. L'objectif de ce système est de permettre à chaque organisme de pouvoir accéder rapidement à l'ensemble des informations nécessaires à la réalisation de ses missions et d'apporter ainsi le meilleur service aux éleveurs. Les grandes orientations de ce système, de même que les modalités du financement (mutualisé) ont été définies très tôt ; il n'y a pas lieu de les remettre en question et les engagements pris par chacun devront être respectés.
J'en arrive, maintenant, à un sujet qui vous préoccupe aujourd'hui et qui concerne la place et le rôle des UPRa dans l'organisation de la sélection animale pour les années à venir. Pour ce faire, je m'appuierai sur le rapport "prospective", qui vous a été présenté ce matin je crois par Monsieur VALIN.
Je profite de l'occasion pour remercier l'ensemble des personnes qui ont contribué à cette étude et les féliciter pour la qualité de leur travail qui nous est très utile.
De la présentation qui vient de vous être faite, mais aussi du rapport de la mission de Messieurs DEMANGE-BONNEMAIRE sur l'évaluation de la génétique animale, je retiens d'abord que le bilan de la loi sur l'élevage est largement positif, mais qu'il y a des facteurs d'évolution à ne pas négliger, qui font de la restructuration du dispositif d'amélioration génétique un passage obligé pour une sélection tournée vers les nouveaux enjeux de l'élevage.
Le bilan est donc largement positif (de la loi sur l'élevage)
La loi sur l'élevage de 1966 a fortement contribué à accroître la compétitivité du cheptel français et à améliorer la qualité et l'offre en produits animaux, pour les rendre mieux adaptés aux exigences des consommateurs.
Ces évolutions ont été raisonnées dans un souci permanent de maintien de la biodiversité, tout en assurant l'adaptabilité du cheptel aux évolutions du contexte global de production, en particulier dans le sens de la valorisation des territoires et de l'identité apportée à certains produits du terroir.
Quoi qu'en disent ses détracteurs, la loi sur l'élevage a permis à la France de jouer un rôle important et croissant sur le marché international de la génétique. Le cadre général de cette loi doit être préservé et je me suis déjà personnellement engagé à le défendre.
Mais en même temps des facteurs d'évolution apparaissent, qu'il ne faut pas négliger
L'apparition de nouveaux enjeux pour la génétique animale, tels que la sécurité alimentaire, la lutte contre les épizooties, le développement des filières de qualité, la compétition internationale sur les marchés de reproducteurs, ainsi que l'évolution rapide des biotechnologies, doivent nous amener à réorienter ce secteur, comme plus globalement l'ensemble du monde de l'élevage. Comme en 1966, l'État et la profession doivent définir, en concertation, les objectifs partagés pour les prochaines décennies.
Enfin, ce bilan fait apparaître que la restructuration du dispositif d'amélioration génétique est un passage obligé pour une sélection tournée vers les nouveaux enjeux de l'élevage.
Il est fort probable que vous ayez, avec les futures générations d'éleveurs, des adhérents ou des interlocuteurs plus qualifiés encore et demandeurs d'un service de meilleure qualité au moindre coût. Cette exigence ne pourra être satisfaite sans que l'organisation générale du dispositif d'amélioration génétique ne soit revisitée, pour l'adapter aux nouvelles réalités de nos élevages. En outre la compétitivité de vos produits génétiques sur le marché international est un atout majeur pour amortir les coûts très lourds des schémas de sélection génétique et la préserver passera notamment par des économies d'échelle.
Une réorganisation du système d'amélioration génétique paraît donc nécessaire pour mieux répondre demain aux enjeux de la sélection animale. Une telle démarche doit être conduite de façon concertée entre l'ensemble des partenaires et elle devra préserver le large éventail de races animales dont notre agriculture dispose aujourd'hui.
Un autre enjeu sera de savoir utiliser, à bon escient et dans le respect des exigences des consommateurs, les nouvelles technologies de la génétique et de la reproduction, pour les intégrer dans le fonctionnement des schémas de sélection.
Pour répondre à ces défis, vous devrez engager, avec vos partenaires du dispositif d'amélioration génétique, un programme de rénovation qui ne pourra aboutir que s'il est entrepris dans un esprit de confiance réciproque et de collaboration sans réserve.
La solidarité entre les races, mais aussi entre les structures, sera nécessaire pour répartir les coûts en fonction des moyens de chacun, afin que vous puissiez, tous, bénéficier des fruits du progrès qui peuvent découler de futures innovations technologiques.
Mon intention n'est pas que le ministère de l'agriculture et de la pêche se substitue aux acteurs du dispositif, vous en êtes un maillon essentiel, et c'est à vous de définir ce que devra être la génétique animale de demain. Mon intention est de favoriser un dialogue permanent et consensuel entre les acteurs - tous les acteurs professionnels et institutionnels, dans leur pluralité, ainsi que les représentants de ce qu'on appelle la société " civile " (les consommateurs notamment). A cet égard, je serai très attentif au débat qui va être amorcé au sein de la CNAG et à l'avis qui me sera rendu sur les pistes de réflexions proposées dans ce rapport "prospectif". Je souhaite également que les partenaires du développement de la génétique s'attachent, pour mener à bien leurs travaux, à entendre des acteurs représentatifs de l'ensemble de la société qui pourraient contribuer à l'enrichissement de la réflexion.
Je compte sur vous, mesdames et messieurs les représentants des races françaises, pour être les moteurs de la réflexion à engager sur l'organisation de la sélection animale, permettant d'une part de garantir aux éleveurs les meilleurs services au moindre coût et, au-delà, conforter le rayonnement de la génétique française au plan international, et d'autre part de préserver la diversité de nos races animales. Je sais que je peux compter sur l'objectivité de votre analyse et sur votre capacité à représenter l'ensemble de vos mandants en faisant place à la diversité des opinions.
Je veux vous assurer aujourd'hui que je serais à votre écoute et à vos cotés pour que vous jouiez ce rôle moteur.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 5 juillet 2001)