Déclaration de M. Alain Juppé, Premier ministre, sur le bilan de la session parlementaire, notamment les mesures pour l'emploi et le débat sur le projet de loi constitutionnelle au Sénat le 27 juillet 1995.

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Circonstance : Discours de fin de session, Sénat le 27 juillet 1995

Texte intégral

M. Alain Juppé, Premier ministre. Monsieur le président, c'est avec un grand plaisir que, accompagné par deux membres du Gouvernement, je suis venu assister, sinon à la dernière séance de cette session, du moins à celle au cours de laquelle vous avez tenu à tirer les conclusions des mois de travail qui viennent de s'écouler.
Comme vous l'avez dit vous-même, monsieur le président, cette période a été un peu perturbée. Conformément à la tradition républicaine, les assemblées n'ont pas siégé pendant la campagne pour l'élection présidentielle et elles ont peu siégé pendant celle des élections municipales.
Mais depuis, en particulier depuis la déclaration de politique générale du Gouvernement, que votre Haute Assemblée a bien voulu approuver à une très grande majorité, nous avons mis, vous avez mis, les bouchées doubles, puisque vous avez examiné treize textes de loi, dont douze devraient être adoptés définitivement.
Certains de ces textes étaient déjà dans les « tuyaux », si je puis dire. Mais vous comprendrez que le Gouvernement souligne tout particulièrement l'importance de ceux qu'ils a déposés sur le bureau des assemblées, je veux parler du projet de loi portant amnistie, du projet de loi instituant le contrat initiative-emploi, du projet de loi relatif à des mesures d'urgence pour l'emploi et la sécurité sociale, de la proposition de loi relevant le taux normal de la TVA de 18,60 p. 100 à 20,60 p. 100 à compter du 1er août, du projet de loi de finances rectificative pour 1995, dont vous allez poursuivre l'examen tout à l'heure, et, enfin, bien sûr, du projet de loi constitutionnelle, que l'Assemblée nationale examine aujourd'hui en deuxième lecture et que le Sénat devrait étudier demain après-midi. J'espère que ces deuxièmes lectures permettront de tenir, lundi prochain à Versailles, le Congrès qui mettra un point final à cette réforme importante.
Dans ce travail législatif, et conformément aux engagements du Président de la République, j'ai évidemment placé en première ligne tout ce lui a trait à la « bataille pour l'emploi », pour reprendre 1'expression que j'ai déjà utilisée.
Je ne reviendrai pas sur le dispositif d'urgence que nous vous avons proposé. Cependant, il me paraît utile de bien souligner son caractère global, car on le réduit parfois à une ou deux mesures.
Ce dispositif comporte des mesures importantes pour essayer de résorber le chômage de longue durée, en tout cas pour le faire reculer. Il comprend également des dispositions très significatives en faveur des PME-PMI et des toutes petites entreprises : il s'agit non seulement de l'allégement des charges, mais aussi de l'accès au crédit et de la simplification des formalités administratives. Le dispositif se met en place.
Ce matin, 'j'étais dans une antenne de l'URSSAF à Amiens, où j ai vu fonctionner le nouveau système de déclaration unique d'embauche qui se substituera aux onze déclarations préexistantes.
Tout cela fait également partie du plan que nous avons lancé, comme en font partie les mesures très ambitieuses en matière de logement que contient le collectif budgétaire, qu'il s'agisse des logements d'urgence ou d'insertion, des compléments de financement pour les prêts locatifs aidés, du programme supplémentaire pour les logements intermédiaires ou encore des mesures destinées à faciliter l'investissement locatif.
Par conséquent, c'est un dispositif ambitieux qui se met en place.
Ce travail a été mené à bien grâce à la volonté et au travail remarquable accompli par le Parlement, notamment par la Haute Assemblée. Je voudrais ici, monsieur le président, exprimer la gratitude du Gouvernement à l'ensemble des groupes du Sénat. On comprendra que ces remerciements aillent tout particulièrement aux groupes de la majorité, qui ont fait preuve, à l'égard des textes du Gouvernement, d'un très grand esprit de collaboration et qui ont tenu, chaque fois que c'était possible, à les améliorer.
C'est bien dans cet état d'esprit que j'ai moi-même dit à plusieurs reprises que les ministres ne devaient pas mettre un point d'honneur à figer dans le marbre les textes qu'ils élaboraient et qu'il leur fallait admettre que ces derniers étaient perfectibles.
MM. Emmanuel Hemel et René Régnault. Très bien !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Ce n'est pas la première fois que je le dis, et je suis heureux de le répéter ici aujourd'hui ! Les textes de loi sont perfectibles et, grâce au Sénat, ils ont été améliorés, ce dont je me réjouis.
Au-delà de ce travail législatif, je voudrais également faire état des différentes circonstances au cours desquelles le Sénat a pu contrôler l'action du Gouvernement : à cet égard, je pense en particulier aux séances de questions, aux résolutions qui ont été adoptées au titre de l'article 88-4 de la Constitution et à tout ce que nous avons eu l'occasion de dire sur la situation en ex-Yougoslavie. Sur ce dernier point, monsieur le président, je voudrais, comme vous-même, avoir une pensée pour nos Casques bleus ainsi que pour les familles de ceux qui, au cours des derniers jours, sont encore tombés au service de la paix, au service du droit international.
Parmi toutes les réformes, celle de la révision constitutionnelle a fait couler beaucoup d'encre journalistique ! Cette réforme importante, annoncée au cours de la campagne électorale par M. Jacques Chirac, alors candidat à la Présidence de la République, et donc sanctionnée par les Français, constitue un progrès pour la démocratie, tant par l'élargissement du champ d application du référendum que par l'institution d'une session unique qui permettra au Parlement de mieux accomplir son travail de contrôle sur l'action gouvernementale.
J'ai beaucoup lu, au cours des derniers jours, que cette révision constitutionnelle donnait lieu à conflit, que nous étions dans une impasse et que nous ne nous en sortirions pas.
Nous verrons bien demain et lundi prochain ! Sans anticiper, je crois pouvoir dire que nous avons aujourd'hui de bonnes raisons de penser que, là encore, un accord est en vue. Nous le devons à la sagesse du Sénat, mais aussi à votre action personnelle, monsieur le président. En effet, tout au long de cette session extraordinaire, vous avez su montrer la bonne direction, intervenir avec la sagesse qui vous caractérise et avec une très grande efficacité. Je tiens à vous en remercier.
Le Gouvernement va bien sûr poursuivre sa tache au fil des prochaines semaines, en assurant d'abord la permanence de l'autorité de l'Etat. Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes aujourd'hui confrontés à une situation difficile à la suite de l'attentat qui a endeuillé tant de familles. Je voudrais moi aussi avoir une pensée pour ces dernières, ainsi que pour les blessés qui souffrent au moment même où nous parlons.
Face à cette situation, nous avons d'abord mis en place très rapidement un système d'indemnisation aussi efficace que possible - j'y veillerai d'ailleurs personnellement. Nous avons également pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir la répétition de tels drames, qui constituent ce qu'il peut y avoir de plus lâche et de plus odieux en
termes de violence.
Puis, au-delà de cette permanence de l'autorité de l'Etat, le Gouvernement va préparer la rentrée parlementaire. J'ai bien noté votre conseil, monsieur le président : pas d'inflation législative. Nous n'en ferons donc pas ! Il faudra néanmoins que je trouve un point d'équilibre. En effet, il est parfois arrivé à M. le ministre des relations avec le Parlement - ce fut notamment le cas pendant les premiers jours de juillet - d'appeler mon attention sur le mécontentement du Parlement en raison de l'absence de textes à examiner. Il faudra donc que je concilie ce refus de l'inflation législative et la nécessité de donner au Parlement, notamment à la Haute Assemblée, du grain à moudre ! (Sourires.)
M. Paul Loridant. Il faut planifier !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Nous aurons, de ce point de vue, beaucoup de réformes importantes à examiner dès le début du mois d'octobre. Je pense, en particulier, à la mise en oeuvre de deux d'entre elles, à savoir celle qui concerne les personnes âgées dépendantes – vous serez saisis d'un texte instituant la « prestation autonomie » - et celle qui touche à la réforme de l'accession à la propriété, qui marquera, je crois, un moment important dans l'action réformatrice du Gouvernement et de sa majorité.
Tels sont les propos que je voulais tenir à la Haute Assemblée, en remerciant de nouveau cette dernière pour l'esprit dans lequel elle a travaillé avec le Gouvernement.
Permettez-moi, monsieur le président, de m'associer aux remerciements que vous avez adressés, en tant que président du Sénat, au personnel de la Haute Assemblée, qui a permis que les débats se déroulent de manière satisfaisante, parfois jusqu'aux petites heures du matin, si M. le ministre des relations avec le Parlement m'a bien informé du déroulement des séances.
J'associerai également mes voeux aux vôtres, monsieur le président, pour tous les sénateurs qui vont entrer en campagne électorale. Je souhaite le succès aux uns et aux autres (Remerciements sur les travées socialistes et communistes...) dans les limites du convenable, naturellement ! C'est un peu - vous le comprendrez bien - une formule de courtoisie et de politesse ! (Rires.)
Je remercie donc de nouveau les uns et les autres, en souhaitant que, dès la rentrée prochaine, continue à régner entre le Sénat et le Gouvernement ce climat naturellement sans concessions, mais marqué par la compréhension et la recherche de l'intérêt général, qui a caractérisé ces dernières semaines. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDE. - M. Loridant applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.Source http://www.senat.fr, le 15 juillet 2014