Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement, à "France 2" le 16 juillet 2014, sur la condamnation pour propos racistes d'une ex-candidate du Front national aux élections municipales, sur la réforme territoriale, et sur l'abattage des loups.

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Média : France 2

Texte intégral

GILLES BORNSTEIN
La jeune femme qui avait comparé Christiane TAUBIRA à une guenon a été condamnée hier à neuf mois de prison ferme et cinq ans d'inéligibilité. Le FN, lui, a écopé de trente mille euros d'amende et parle de condamnation révoltante. Votre réaction ?
STEPHANE LE FOLL
Ce qui est révoltant, c'est ce qui a été dit par cette candidate du Front National. Comparer Christiane TAUBIRA à une guenon, vous l'avez rappelé, c'est parfaitement inadmissible et c'est condamnable. Je ne porte pas de jugement sur le jugement, je condamne ce qui est un acte de racisme. Il faut condamner le racisme comme l'antisémitisme, mais ça c'est un combat de tous les jours. Ce n'est pas un jugement, c'est tous les jours qu'il faut répéter qu'on ne peut pas accepter ça. Je me souviens d'ailleurs que dans le cadre du Coupe du Monde, les équipes ont lu un message parce que souvent sur les stades de foot, on entend ça aussi avec les bananes. C'est parfaitement inadmissible ! Je n'ai pas de jugement à porter sur le jugement qui a été décidé par le tribunal, je dis simplement une chose : je condamne de la manière la plus claire et la plus ferme ce qu'étaient les propos de cette dame.
GILLES BORNSTEIN
Est-ce qu'on combat le racisme avec des condamnations pour l'exemple ?
STEPHANE LE FOLL
Non, on le combat toujours. Il n'y a pas simplement l'exemple mais il doit aussi y avoir l'exemple. On le combat tous les jours sur chaque sujet. C'est ce que j'évoquais tout à l'heure avec le racisme, ce sur quoi porte-là le jugement. C'est aussi l'antisémitisme, on a vu ce qui se passait avec un conflit qu'on ne peut pas importer en France. On doit respecter la laïcité et on doit trouver les voies de la paix mais en France, on a une responsabilité en particulier quand nous sommes aujourd'hui au gouvernement. C'est de rappeler cette lutte continue contre le racisme et l'antisémitisme.
GILLES BORNSTEIN
Les députés socialistes se sont mis d'accord hier pour une nouvelle carte des régions. Il y en aurait treize. Un point fait débat : la fusion entre le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie qualifiée par Martine AUBRY d'« aberration économique ». Que dit et que dira le gouvernement ?
STEPHANE LE FOLL
Sur ce sujet-là, il y a eu une proposition du gouvernement. Une carte a été proposée par le président de la République. Les députés l'ont modifiée et il y aura un vote. Le Parlement joue donc pleinement son rôle. Dans un débat dont on a dit dix fois que tout ça avait été dessiné trop vite, on voit bien qu'il y a une discussion, que rien n'est facile, rien n'est facile sur ce sujet. Ce qui a été décidé en Commission ou lors d'un débat hier au Parlement devra être voté. C'est le Parlement qui a fait cette proposition.
GILLES BORNSTEIN
Mais le gouvernement n'est pas contre la fusion Nord-Pas-de-Calais-Picardie ?
STEPHANE LE FOLL
On a fait une proposition, elle a été mise sur la table et il y a eu discussion au Parlement. Cela a d'ailleurs conduit à des modifications sur Picardie et Nord-Pas-de-Calais et sur Champagne-Ardenne avec Lorraine et Alsace, aussi sur Limousin, Poitou-Charentes et Aquitaine.
GILLES BORNSTEIN
Vous, vous êtes élu des Pays-de-la-Loire. Est-ce que vous seriez favorable à une fusion de votre région avec le Centre qui se retrouve maintenant un peu seul ?
STEPHANE LE FOLL
Non. J'ai toujours été favorable à une fusion entre Pays-de-la-Loire et Bretagne.
GILLES BORNSTEIN
Oui, mais vous avez perdu.
STEPHANE LE FOLL
Je l'accepte. J'ai bien vu qu'il y avait discussion, une carte avait été proposée mais le débat en est là aujourd'hui.
GILLES BORNSTEIN
Vous ne voulez pas du Centre ?
STEPHANE LE FOLL
Oh là là, je ne suis pas du tout comme ceux qui rejettent comme ça des régions. C'est vrai qu'aujourd'hui, depuis que je suis élu des Pays-de-la-Loire, un département de la Sarthe, je vois qu'on se tourne vers l'Ouest. Je suis d'origine Bretonne, mais on se tourne vers l'Ouest. Quand le TGV arrive de Paris, il y a deux branches : l'une qui va vers Nantes, une qui va vers Rennes. On est tourné avec les universités, avec la santé, vers l'Ouest et c'est ce grand Ouest qu'il faut qu'on soit capable de construire. Voilà, c'est une position et la carte n'est pas encore adoptée ; je poursuivrai dont le débat après.
GILLES BORNSTEIN
Peut-être avez-vous ce sujet sur le loup. On va voir les images d'une attaque de loup dans les Alpes-Maritimes hier. Le gouvernement est-il prêt à favoriser plus facilement l'abattage des loups ?
STEPHANE LE FOLL
En tous cas, la loi agricole et forestière est discutée à l'Assemblée nationale. On a renforcé un certain nombre de règles sur l'abattage des loups qu'on a recalé dans le cadre de la convention de Berne et de la directive Habitat européenne. Il faut qu'on permette aux éleveurs de mieux se protéger et en même temps, on est dans une convention de Berne qui protège aussi le loup.
GILLES BORNSTEIN
Plus d'abattage ou pas ?
STEPHANE LE FOLL
Plus d'abattage. On a aujourd'hui à peu près sept loups qui ont dû être abattus sur une possibilité qui avait été définie avec Delphine BATHO dans un Plan loup de vingt-quatre par an. On est loin d'avoir tiré le nombre de loups que nous avons dans la concertation accepté de pouvoir tirer.
GILLES BORNSTEIN
Tout cela est extrêmement rigide.
STEPHANE LE FOLL
Tout cela est extrêmement rigide et c'est pour ça qu'il faut de la souplesse sur le terrain. C'est pour ça aussi que dans la loi d'avenir, on a mis en place des systèmes où les éleveurs peuvent réagir de manière rapide et assurer des prélèvements rapidement. Il n'y a rien de pire que d'attendre pour pouvoir ensuite prélever un loup qui n'est peut-être même pas celui qui aurait fautif.
GILLES BORNSTEIN
« Prélever », ça veut dire abattre.
STEPHANE LE FOLL
Abattre. Il faut qu'on donne les moyens aux éleveurs de se défendre. Ça, c'est clair.
GILLES BORNSTEIN
Revenons sur l'intervention du président de la République. Il a évoqué une réforme du mode de scrutin sans en dire plus. Est-ce qu'il faut s'attendre à l'instauration d'une dose de proportionnelle avant les législatives ?
STEPHANE LE FOLL
Le débat sera ouvert. Ce que j'en sais, c'est que dans les propositions qui avaient été faites par le Parti socialiste et qui ne datent pas d'aujourd'hui, il y avait une dose de proportionnelle qui avait été proposée. A partir de cette piste-là, le président de la République a ouvert cette hypothèse. Après, les décisions seront à prendre mais je n'ai pas d'éléments précis à donner sur ce sujet.
GILLES BORNSTEIN
Concernant le droit de vote des étrangers, à quoi ça sert de relancer une réforme dont on ne sait qu'elle ne pourra pas aboutir ? « Ça ne sert qu'à faire monter le Front National » a dit ici-même Bruno LE MAIRE hier. Qu'est-ce que vous lui répondez ?
STEPHANE LE FOLL
Il a même été jusqu'à dire que c'était le dernier clou de cercueil de la nation. Je répondrai à Bruno LE MAIRE que dans ce débat sur la citoyenneté, je suis parfaitement opposé à cette ligne avec une idée très simple. Si on veut favoriser la citoyenneté, si on veut que justement des étrangers qui vivent dans le pays depuis longtemps finissent par prendre la nationalité française, il faut aussi que cette citoyenneté puisse s'exercer. Ce droit de vote est un moyen d'aller vers la citoyenneté, plus de citoyenneté. Moi, sur le fond, je pense que d'ouvrir ce débat est aussi un moyen d'aller jusqu'au bout pour voir qui va permettre à la société française à la fois de s'unifier et d'accroître les bases de la citoyenneté.
GILLES BORNSTEIN
Merci Stéphane LE FOLL.
STEPHANE LE FOLL
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 juillet 2014