Texte intégral
Qu'attendez-vous de cette conférence intergouvernementale, et de la convention de Nice ?
J'attends beaucoup de la présidence française de l'union européenne, car avec cette nouvelle conférence intergouvernementale (CIG), nous avons un rendez-vous historique. Il s'agit de donner, enfin, le coup d'envoi de la grande Europe de tous les Européens, un rêve rendu possible par la chute du mur de Berlin. L'enjeu politique, c'est la réunification de l'Europe. Et cela implique de penser autrement l'Europe, par rapport au projet intégrationniste qui était celui des " pères fondateurs ". L'ambition de la conférence intergouvernementale ne doit pas se borner à gérer les deux " reliquats " d'Amsterdam. Nous entrons dans un nouveau monde, il y a une nouvelle dimension à donner à l'Europe. Il faut donc repenser profondément nos institutions.
Quelles doivent être, selon vous, les frontières de la nouvelle Europe ?
Il y a une sorte de frontière du " bon sens ", qui exclut la Turquie, la Russie ou le Maghreb, même si nous devons avoir avec ces pays une politique d'association forte. S'interroger sur les frontières de l'Europe, c'est s'interroger sur ce qui, au-delà de l'économie, uni et réunit les peuples européens. De ce point de vue, je conteste totalement la décision prise à Helsinki d'élargir l'Europe à la Turquie. Ni par sa géographie, ni par son histoire, ni par sa culture, la Turquie n'appartient à l'Europe. Au surplus, c'est une décision que le gouvernement français a prise sans aucune consultation, sans débat préalable et sans mandat.
Dans la perspective d'une Europe à 27 ou 30 membres, quelles réformes institutionnelles proposez-vous ?
La grande Europe ne rentrera pas dans les institutions de la petite europe. Et il serait absurde de vouloir intégrer tous les peuples européens en un ensemble unique et construire un super Etat. Il faut donc revoir les institutions européennes et leur fonctionnement. Il faudrait aussi avoir le courage de limiter le nombre de commissaires européens au nombre de fonctions, c'est-à-dire une douzaine. Ce serait une erreur que de construire une " commission mexicaine " de 30 membres et plus pour faire plaisir à tout le monde. Et en tout cas, le plus mauvais choix serait de maintenir le statu quo actuel, une commission à 20 membres. Il faut, de même, revoir le fonctionnement du Conseil et prendre garde à la généralisation des votes à la majorité qualifiée. En effet, la loi de la majorité, fut-elle qualifiée, n'est acceptable que dans un ensemble homogène. Dans un ensemble aussi hétérogène que la grande Europe, 51% ne peuvent prétendre dicter leur loi aux 49% restant. Imaginez qu'une majorité de pays décide l'arrêt programmé de l'industrie nucléaire. La France devrait-elle se ranger à une telle décision ? C'est pourquoi il est nécessaire de prévoir une majorité super qualifiée de l'ordre des deux tiers, comme l'a proposé Valéry Giscard D'Estaing et de délimiter beaucoup plus précisément les pouvoir de l'Europe ; de donner application au principe de subsidiarité pour donner à l'Europe toute sa place, mais rien que sa place.
Quelle forme de " constitution européenne " proposez-vous ?
Il y a maintenant 10 ans que les libéraux ont jeté les bases de ce que pourrait être une vraie constitution européenne adaptée à la grande Europe. Il s'agirait de reprendre les traités existants, de les clarifier en une quarantaine d'articles principaux, intégrant la convention européenne des droits de l'homme, de mieux délimiter les pouvoirs, mieux définir les modes de décision et donner une vraie garantie constitutionnelle au principe de subsidiarité en offrant des voies de recours devant une Cour de Justice ayant vocation à devenir une vraie Cour Constitutionnelle Européenne.
La présidence tournante de l'Europe est-elle compatible avec l'élargissement de l'union ?
Construire la grande Europe, renforcer l'Europe politique, c'est aussi renforcer le rôle du Conseil européen et stabiliser sa présidence. Maintenir la présidence tournante actuelle signifierait, dans une Europe à 25 ou 30, que la France n'exercerait la présidence que tous les deux septennats ou tous les trois quinquennats. C'est aussi une question qu'il faudra régler à Nice.
(source http://www.demlib.com, le 11 mai 2000)
J'attends beaucoup de la présidence française de l'union européenne, car avec cette nouvelle conférence intergouvernementale (CIG), nous avons un rendez-vous historique. Il s'agit de donner, enfin, le coup d'envoi de la grande Europe de tous les Européens, un rêve rendu possible par la chute du mur de Berlin. L'enjeu politique, c'est la réunification de l'Europe. Et cela implique de penser autrement l'Europe, par rapport au projet intégrationniste qui était celui des " pères fondateurs ". L'ambition de la conférence intergouvernementale ne doit pas se borner à gérer les deux " reliquats " d'Amsterdam. Nous entrons dans un nouveau monde, il y a une nouvelle dimension à donner à l'Europe. Il faut donc repenser profondément nos institutions.
Quelles doivent être, selon vous, les frontières de la nouvelle Europe ?
Il y a une sorte de frontière du " bon sens ", qui exclut la Turquie, la Russie ou le Maghreb, même si nous devons avoir avec ces pays une politique d'association forte. S'interroger sur les frontières de l'Europe, c'est s'interroger sur ce qui, au-delà de l'économie, uni et réunit les peuples européens. De ce point de vue, je conteste totalement la décision prise à Helsinki d'élargir l'Europe à la Turquie. Ni par sa géographie, ni par son histoire, ni par sa culture, la Turquie n'appartient à l'Europe. Au surplus, c'est une décision que le gouvernement français a prise sans aucune consultation, sans débat préalable et sans mandat.
Dans la perspective d'une Europe à 27 ou 30 membres, quelles réformes institutionnelles proposez-vous ?
La grande Europe ne rentrera pas dans les institutions de la petite europe. Et il serait absurde de vouloir intégrer tous les peuples européens en un ensemble unique et construire un super Etat. Il faut donc revoir les institutions européennes et leur fonctionnement. Il faudrait aussi avoir le courage de limiter le nombre de commissaires européens au nombre de fonctions, c'est-à-dire une douzaine. Ce serait une erreur que de construire une " commission mexicaine " de 30 membres et plus pour faire plaisir à tout le monde. Et en tout cas, le plus mauvais choix serait de maintenir le statu quo actuel, une commission à 20 membres. Il faut, de même, revoir le fonctionnement du Conseil et prendre garde à la généralisation des votes à la majorité qualifiée. En effet, la loi de la majorité, fut-elle qualifiée, n'est acceptable que dans un ensemble homogène. Dans un ensemble aussi hétérogène que la grande Europe, 51% ne peuvent prétendre dicter leur loi aux 49% restant. Imaginez qu'une majorité de pays décide l'arrêt programmé de l'industrie nucléaire. La France devrait-elle se ranger à une telle décision ? C'est pourquoi il est nécessaire de prévoir une majorité super qualifiée de l'ordre des deux tiers, comme l'a proposé Valéry Giscard D'Estaing et de délimiter beaucoup plus précisément les pouvoir de l'Europe ; de donner application au principe de subsidiarité pour donner à l'Europe toute sa place, mais rien que sa place.
Quelle forme de " constitution européenne " proposez-vous ?
Il y a maintenant 10 ans que les libéraux ont jeté les bases de ce que pourrait être une vraie constitution européenne adaptée à la grande Europe. Il s'agirait de reprendre les traités existants, de les clarifier en une quarantaine d'articles principaux, intégrant la convention européenne des droits de l'homme, de mieux délimiter les pouvoirs, mieux définir les modes de décision et donner une vraie garantie constitutionnelle au principe de subsidiarité en offrant des voies de recours devant une Cour de Justice ayant vocation à devenir une vraie Cour Constitutionnelle Européenne.
La présidence tournante de l'Europe est-elle compatible avec l'élargissement de l'union ?
Construire la grande Europe, renforcer l'Europe politique, c'est aussi renforcer le rôle du Conseil européen et stabiliser sa présidence. Maintenir la présidence tournante actuelle signifierait, dans une Europe à 25 ou 30, que la France n'exercerait la présidence que tous les deux septennats ou tous les trois quinquennats. C'est aussi une question qu'il faudra régler à Nice.
(source http://www.demlib.com, le 11 mai 2000)