Déclaration de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, sur la loi de finances rectificative de la sécurité sociale et le Pacte de responsabilité, Paris le 30 juin 2014.

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Circonstance : Présentation du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 le 30 juin 2014

Texte intégral


Monsieur le président, monsieur le ministre des finances, monsieur le secrétaire d'État chargé du budget, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs, la discussion que nous engageons aujourd'hui est assez exceptionnelle dans la mesure où c'est la deuxième fois seulement depuis qu'existent les lois de financement de la Sécurité sociale qu'est présenté un projet de loi rectificative.
Ces conditions exceptionnelles me conduisent donc à saluer plus particulièrement et plus que de coutume encore le travail accompli, dans un calendrier chargé, par la commission des affaires sociales, et je tiens en particulier à remercier sa présidente pour son rôle dans le déroulement des travaux ainsi que son rapporteur. J'aurai l'occasion de revenir sur plusieurs éléments qui ont fait l'objet de discussions.
Au-delà de cet aspect formel, ce texte, et cela n'a échappé à personne, revêt une importance particulière, bien qu'il soit assez court, ce qui est inhabituel pour un texte concernant la Sécurité sociale, puisqu'il ne comporte que seize articles. De façon étroitement imbriquée avec le projet de loi finances rectificative que vous avez examiné la semaine dernière, il constitue la première mise en œuvre de la mobilisation sans précédent en faveur de l'emploi que représente le pacte de responsabilité et de solidarité.
Cette priorité à l'emploi, à la croissance, qui passe par le fait de redonner de la compétitivité à notre économie et qui a été fixée par le Président de la République le 14 janvier dernier, dans le prolongement des choix précédents, se traduit par des allégements de cotisations sociales pour les employeurs et les travailleurs indépendants mais aussi les salariés, et par une première étape vers la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés.
Concernant les allégements en faveur des entreprises, ne figurent dans le projet qui vous est présenté que ceux qui sont prévus pour l'année 2015. Le respect des engagements pris par les entreprises dans le cadre du pacte nous permettra de franchir l'année prochaine une nouvelle étape pour renforcer davantage encore la compétitivité de notre économie.
J'entends les interpellations, je lis les appels, et je dis à ceux qui lancent des cris d'alarme qu'il est temps que, collectivement, nous nous retroussions les manches pour faire de ce pacte de responsabilité une réalité pour les Français, pour l'emploi et pour la compétitivité de notre économie. À force de tirer les sonnettes d'alarme, on risque d'empêcher les trains d'arriver. Il n'y a pas aujourd'hui matière à aller plus vite, à négocier le rythme de mise en place du pacte, encore moins à le remettre en cause.
Les mesures de baisse de cotisations des entreprises généreront évidemment des pertes de recettes pour la Sécurité sociale. Je veux ici à nouveau rassurer les parlementaires qui ont interrogé le Gouvernement sur ce sujet : elles seront compensées dans leur intégralité. Nous définirons dans les lois financières pour 2015 les vecteurs qui garantiront l'équilibre. Cela n'a pu être fait dans le cadre des lois rectificatives pour des raisons juridiques, la loi organique relative aux lois de finances ne permettant pas d'y des dispositions qui n'auront un effet qu'à partir de 2015.
L'équilibre du régime social des indépendants, directement concerné par la suppression de la C3S, sera assuré de façon pérenne. Les branches maladie et vieillesse de base du régime social des indépendants, qui reçoivent aujourd'hui la C3S, seront en effet adossées financièrement aux branches maladie et vieillesse du régime général, qui en assureront l'équilibre.
Ce dispositif de solidarité financière est celui qui prévaut depuis cinquante ans pour le régime des salariés agricoles. C'est aussi celui qui existe depuis 2009 pour le régime maladie des exploitants agricoles. Ces précédents montrent que le financement pérenne du régime est garanti et que ni sa gestion autonome, ni le niveau des cotisations et prestations ne seront remis en cause.
M. Michel Issindou. Très bien !
Mme Marisol Touraine, ministre. Ce dispositif sera évidemment neutre pour le régime général grâce à la compensation prévue dans le cadre des lois financières.
À côté de la mise en place du pacte de responsabilité, à travers en particulier la baisse des cotisations pour les entreprises, le projet de loi accélère les efforts d'économies dans lesquels s'est engagé notre pays.
Pour la branche de l'assurance maladie, ce texte tire les conséquences de la sous-exécution de l'ONDAM de 2013 en revoyant l'ONDAM de 2014 et en ramenant l'objectif des dépenses à 178,3 milliards d'euros. Cette mesure ne remet pas en cause le taux de progression de 2,4 % voté en loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014.
Par ailleurs, le Gouvernement présentera un amendement afin de redéfinir le cadre des recommandations temporaires d'utilisation, conformément à l'évolution de la jurisprudence européenne, permettant, par exemple, d'utiliser l'Avastin à la place du Lucentis.
M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Très bonne initiative !
Mme Marisol Touraine, ministre. Je sais que vous êtes nombreux à vous être engagés pour que cela soit possible, à commencer par votre rapporteur, M. Bapt. Nous allons résolument oeuvrer pour que le cadre juridique permettant une telle évolution soit totalement sécurisé.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Très bien !
Mme Marisol Touraine, ministre. Ce texte, par ailleurs, propose de ne pas revaloriser pendant un an les retraites et l'allocation de logement familiale.
Je veux rappeler solennellement que, conformément aux engagements du Premier ministre, les petites retraites ne seront pas touchées par cette absence de revalorisation. Ainsi, la retraite de base des personnes dont le total des pensions mensuelles ne dépasse pas 1 200 euros sera bien revalorisée. Cela signifie que près de la moitié des retraités ne seront pas concernés par la mesure de gel.
La partie complémentaire de la retraite de certains ne sera pas, c'est vrai, revalorisée, mais je rappelle que la revalorisation que nous proposons ne porte que sur la retraite de base. Il n'a jamais été question d'agir sur la part complémentaire des retraites, soit directement, soit indirectement en sur-revalorisant la retraite de base. Je rappelle que l'absence de revalorisation des retraites complémentaires AGIRC-ARRCO a été décidée par les partenaires sociaux il y a plus d'un an. Chercher à la compenser constituerait une ingérence inédite dans la gestion paritaire des retraites complémentaires.
Je ne sous-estime pas l'effort que peut représenter cette mesure pour certains retraités, même si cet effort est limité à quelques euros par mois une pension globale supérieure à 1 200 euros par mois. Mais le Gouvernement a aussi pris des mesures fortes en faveur du pouvoir d'achat des retraités, comme la double revalorisation en 2014 du minimum vieillesse, désormais appelé l'ASPA, la revalorisation de 50 euros de l'aide à la complémentaire santé pour les personnes âgées de plus de soixante ans ou encore le plan de revalorisation des petites retraites agricoles résultant de la réforme des retraites.
Ainsi, si nous demandons des efforts ponctuels à certains retraités, ceux qui ont les pensions les plus élevées, nous engageons des efforts en direction des retraités modestes.
J'en viens à l'allocation de logement familiale. Des amendements ont été déposés pour maintenir sa revalorisation, alors que le texte déposé par le Gouvernement prévoit de la reporter d'un an. Ces amendements ont été adoptés en commission. Ils faisaient suite à des échanges nourris entre le Gouvernement et la majorité, notamment le groupe socialiste et le groupe radical républicain démocrate et progressiste, particulièrement mobilisé sur ce point. Le Gouvernement se prononcera sur cette disposition de façon cohérente avec le débat qui s'est tenu sur les autres prestations logement au cours de l'examen du projet de loi de finances rectificative.
Les efforts qui sont demandés le sont au service d'un objectif qui, je crois, nous rassemble tous : la pérennité de notre modèle social et le financement de nouveaux droits.
Nous assurons la pérennité de notre modèle social en poursuivant le rétablissement de l'équilibre de la Sécurité sociale que nous avons engagé depuis deux ans. Pour l'année 2013, pour la première fois, la Cour des comptes a certifié l'intégralité des branches du régime général, et le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse a atteint son plus bas niveau depuis le début de la crise, soit 15,4 milliards d'euros, mieux que prévu en loi initiale pour 2014. Au total, entre 2011 et 2013, le déficit du régime général a diminué de près de 30 %.
M. Michel Issindou. Un bel effort !
Mme Marisol Touraine, ministre. Je veux insister sur ce point, car nous entendons trop souvent l'opposition expliquer que nous n'engageons pas les efforts nécessaires d'assainissement des comptes sociaux. Comme si elle avait des leçons à nous donner !
Le résultat que nous atteignons est directement le fruit d'une volonté politique. En 2010, alors que la croissance atteignait 1,6 %, le déficit des comptes sociaux avait progressé de 4,5 milliards d'euros, pour atteindre 28 milliards.
M. Michel Issindou. C'est énorme !
Mme Marisol Touraine, ministre. En 2013, avec une croissance d'à peine 0,1 %, nous avons réduit ce déficit de 2 milliards, ce qui est le résultat des réformes structurelles que nous avons engagées. D'un côté, donc, c'est le laisser-faire, ou plutôt le laisser-déraper. De l'autre, c'est l'engagement de réformes structurelles qui nous permettent d'aborder l'avenir avec confiance.
Les mesures que nous vous présentons aujourd'hui nous permettront d'amplifier en 2014 et au-delà le redressement des comptes de la Sécurité sociale, condition nécessaire pour améliorer les droits de nos concitoyens.
Le déficit du régime général devrait, pour la première fois depuis 2008, passer sous la barre des 10 milliards d'euros en 2014, et le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse devrait de nouveau cette année diminuer de plus de 2 milliards par rapport à 2013.
C'est ce redressement qui permet de rétablir la confiance dans la protection sociale et de financer de nouvelles conquêtes et de nouveaux droits. C'est en cela qu'il s'agit d'une politique progressiste et, je n'ai pas peur du mot, d'une politique de gauche.
Nous redressons les comptes sociaux sans remettre en cause la qualité et le niveau de la protection sociale des Français. Nous renforçons même leurs droits, avec, pour les femmes, le renforcement du droit à l'interruption volontaire de grossesse ; avec, pour les familles modestes ou monoparentales, la revalorisation de l'allocation de rentrée scolaire, du complément familial et de l'allocation de soutien familial ; nous permettons à celles et ceux qui ont commencé à travailler jeunes ou ont eu un métier pénible de partir plus tôt en retraite ; nous avons engagé l'extension de la couverture maladie universelle complémentaire et de l'aide à la complémentaire santé, qui permettront à plusieurs centaines de milliers de nos concitoyens, environ 750 000 à terme, de bénéficier d'une complémentaire gratuite ou aidée.
À cet égard, mesdames et messieurs les députés, je veux rappeler qu'il y a quinze ans, jour pour jour, votre assemblée adoptait définitivement la loi créant la CMU. Je veux rendre hommage à cette conquête et plus généralement à l'action de ce gouvernement de gauche qui avait ramené la Sécurité sociale à l'équilibre et mis en place de nouveaux droits.
M. Michel Issindou. C'était le bon temps !
Mme Marisol Touraine, ministre. Nous pouvons être fiers de revendiquer cet héritage. Nous le poursuivrons avec la mise en place du tiers payant. Nous le poursuivons d'ores et déjà en mettant en œuvre la généralisation de l'accès à une complémentaire santé de qualité.
L'automne dernier, vous avez adopté deux réformes importantes contribuant à cet objectif : la redéfinition des contrats responsables et la sélection des contrats éligibles à l'aide à la complémentaire santé. Nous avons présenté ce matin l'ensemble des projets de décrets qui mettront en œuvre cette réforme, et qui sont le fruit d'une longue concertation.
L'aboutissement de ce travail conduit le Gouvernement à présenter deux amendements au présent projet de loi, qui complètent la réforme que vous avez adoptée l'an dernier. Le premier permet de valoriser le dispositif de maîtrise des dépassements d'honoraires qui a été institué, en permettant une meilleure prise en charge pour les médecins qui se sont engagés à la modération et ont signé un contrat d'accès aux soins. Le second amendement, présenté par le rapporteur, étend le bénéfice de l'aide à la complémentaire santé aux contrats collectifs à adhésion facultative et adapte l'entrée en vigueur de la nouvelle procédure de sélection des contrats, afin de donner aux bénéficiaires de l'aide le temps nécessaire pour changer de contrat et bénéficier de contrats améliorés.
Avec ces amendements et ces décrets, nous aurons franchi des étapes décisives dans une réforme qui va améliorer l'accès aux soins, au cœur de notre stratégie de santé.
Mesdames et messieurs les députés, je veux terminer en insistant sur ce point. Le rétablissement des comptes est ce qui nous permet d'améliorer les droits sociaux de nos concitoyens. Nous sommes engagés dans une politique résolue et ferme d'assainissement de la situation financière de notre pays et de soutien à l'économie, à la croissance et à la compétitivité.
M. Michel Issindou. C'est plus nécessaire que jamais !
Mme Marisol Touraine, ministre. Le cap est fixé et doit être tenu. La meilleure façon d'arriver à bon port n'est pas de faire des embardées, mais de s'en tenir résolument au chemin qui a été adopté avec comme objectif de prendre des mesures qui bénéficient à l'ensemble de nos concitoyens.
Mesdames et messieurs les députés, c'est un texte de responsabilité, économique, sociale, politique, qui est aujourd'hui en discussion dans votre assemblée. À nous de définir ensemble le chemin que nous voulons pour notre pays et nos concitoyens. À nous de faire en sorte que la question de l'emploi trouve des réponses appropriées. À nous d'apporter aux Français le visage d'un pays rassemblé, pour faire en sorte que tous ensemble nous puissions gagner la bataille de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 9 juillet 2014