Texte intégral
M. JUPPE.- Monsieur le maire de Beaumont, mes premiers mots seront pour vous remercier de nous accueillir dans votre ville, il y fait chaud, dans les corps
et dans les coeurs. Et si je vous remercie très chaleureusement, c'est parce que Beaumont évoque en moi des souvenirs d'il y a quelques années et je crois,
Monsieur le Président, que la première réunion publique que j'ai eu l'honneur de faire à vos côtés, en tant que représentant de ma formation politique, était
précisément à Beaumont, et je vous remercie d'être ce soir, à nouveau, à nos côtés pour nous aider dans cette campagne importante pour la France.
J'ai écouté, comme je le fais toujours, avec beaucoup d'attention et d'intérêt, vos propos. J'en ai retenu beaucoup d'idées précises, fortes, concrètes, pour
ce que nous avons à faire, demain, en France et, aussi, en Auvergne. Et le maire de Bordeaux peut vous assurer de sa totale complicité, si je puis dire, en
espérant que nous serons parfois complémentaires plus que concurrents, c'est le cas de la A89.
J'avais été un peu inquiété un jour, lorsque vous m'aviez dit : "cette autoroute dont le terminus sera Bordeaux", mais j'ai vu que, depuis, vous voyez dans
Bordeaux, au contraire, une porte ouverte pour donner à Clermont un double débouché avec l'autre autoroute, celle qui vous conduira vers la Méditerranée,
vers l'Océan. Et peut-être avons-nous au total, quand on y réfléchit, plus de points communs entre Auvergnats et Gascons. Cela pourrait être, d'une certaine
manière, l'autoroute d'Astérix et de d'Artagnan. Quel programme !
Je salue aussi, et je remercie de leur présence, tous les élus de votre région, les présidents de Conseils Généraux, les sénateurs et évidemment, bien sûr,
les candidats à cette élection législative venus du Puy-de-Dôme, de l'Allier, du Cantal ou de la Haute-Loire, et je les assure de mon soutien et de ma
solidarité sans faille, comme ils m'ont témoigné, durant ces deux années, un soutien loyal et efficace dans le travail parlementaire.
Enfin, je voudrais saluer les ministres de mon Gouvernement qui sont venus en auvergnats ou en voisins.
Jacques Barrot, d'abord, bien sûr, au Travail et aux Affaires sociales. Et quand je me mettais à refaire dans ma tête la liste des grandes réformes qu'il a
portées sur ses épaules, j'en étais impressionné : la réforme de l'assurance-maladie, la réforme de l'apprentissage, la Conférence sur l'emploi des jeunes,
il y a quelques mois, la conférence sur la politique familiale, il y a quelques mois encore, oui, mon cher Jacques, ton travail dans ce ministère, ô combien
sensible et ô combien difficile, mérite d'être salué et reconnu pour sa qualité et son efficacité.
J'hésite, là aussi, Monsieur le Président, à suivre votre exemple !
Je voudrais saluer aussi Jean-Pierre Raffarin. Ne prenez pas ce que je vais dire en mauvaise part parce que c'est sérieux, mais je ne peux pas mettre les
pieds dans une boulangerie sans qu'on me dise : "Ah ! Raffarin, heureusement qu'on l'a eu pour sauver le bon pain à la française". Mais au-delà de ce métier,
ô combien respectable et précieux pour le maintien de nos traditions et la bonne santé de notre économie, Jean-Pierre Raffarin a aussi conduit une action en
profondeur en faveur de l'ensemble des PME et des PMI de notre pays.
C'était le plan PME dévoilé à Bordeaux, au mois de novembre 1995, qui était un peu le plan Raffarin, et dont les représentants syndicaux nous disaient ou les
professionnels nous disaient, il y a quelques mois à peine, qu'il avait été mis en oeuvre à 95 %, en moins d'un an et demi. Ceci mérite aussi d'être salué
dans ce climat de scepticisme qui fait souvent dire aux Français que les engagements électoraux ne sont jamais tenus. Dans ce cas comme dans d'autres, ils
ont été tenus.
"Comme dans d'autres", disais-je, parce que je voudrais aussi saluer Pierre-André Périssol. J'étais, il y a quelques heures à Moulins où nous avaient rejoint
les présidents d'un grand nombre d'organisations professionnelles du secteur du logement et du secteur du bâtiment, et nous avons pu faire devant eux le
bilan de toutes les réformes qui ont été accomplies sous l'impulsion de Pierre-André Périssol depuis deux ans. Le prêt à taux zéro - nous fêtions le
200.000ème bénéficiaire d'un prêt à taux zéro, un jeune couple d'une trentaine d'années, avec une petite fille, qui accédait à la propriété grâce au prêt à
taux zéro - mais aussi l'amortissement locatif, la réforme de l'aide personnalisée au logement, et ainsi de suite !... Oui, Pierre-André Périssol a été,
comme Jean-Pierre Raffarin et Jacques Barrot, un grand ministre réformateur. Je dis "a été" parce qu'il y a des élections, mais, après, la réforme continue.
Je voudrais, mes chers amis, vous parler, ce soir, de nos projets pour la France et pour les Français. C'est difficile ! Comme le disait tout à l'heure le
Président Giscard d'Estaing, "dans toute campagne électorale, on fait toujours plus de place aux querelles de personnes ou aux petites phrases partisanes",
c'est la meilleure façon d'être repris, le lendemain matin, sur les radios ou dans les télévisions. Et il est vrai que cette campagne, peut-être parce
qu'elle est très courte, a donné, de ce point-de-vue, un exemple pas très satisfaisant au cours des quinze premiers jours. Il faut maintenant que nous nous
efforcions de parler des vrais problèmes et des solutions qui vous sont proposées de part et d'autre.
C'est ce que nous allons faire, avec une détermination renouvelée dans les quelques jours qui nous séparent du 25 mai et du 1er juin, pour vous aider à
répondre, en votre âme et conscience, à la question suivante, qui est la question centrale de cette élection législative : quel sera le destin de la France
et l'avenir des Français selon que notre pays choisira une majorité RPR-UDF ou une majorité PS-PC ?. C'est à cela qu'il faut maintenant activement réfléchir.
Les vrais problèmes, d'abord. Si nous avions un reproche à nous faire collectivement, c'est sans doute de ne pas avoir suffisamment expliqué aux Français,
depuis 1993, dans quel état nous avons trouvé la France à cette époque.
Pour bien comprendre ce qui s'est passé depuis 4 ans, il faut se rappeler quel a été le point de départ. Nous ne sommes pas arrivés comme ça sur un champ
entièrement dégagé. La situation, vous vous la rappelez, une crise sans précédent de nos finances publiques - vous l'expliquiez fort bien, Monsieur le
Président, il y a quelques jours à la télévision, en montrant la progression de la courbe de la dette et des déficits -. Et il ne faut pas être un
spécialiste éminent de finances publiques ou d'économétrie pour se rendre compte que le montant de la dette d'aujourd'hui, ce n'est que l'addition des
déficits d'hier. C'est le bon sens ! et c'est la vérité.
Nous étions aussi en 1993, là aussi, on l'a oublié, en état de récession économique. C'est la première fois, depuis 20 ou 30 ans, peut-être même plus
longtemps, que l'économie française n'était pas en croissance. Elle était, comme disent les spécialistes, en croissance négative, en récession.
Nous terminions la période 1988-1993 avec 700.000 chômeurs de plus, comme la législature 1981-1986, à chaque fois, 700.000 chômeurs de plus. Les désastres
dans les entreprises publiques commençaient juste à se révéler au grand jour : le Crédit Lyonnais, mais aussi le Crédit Foncier, le Comptoir des
Entrepreneurs, le Groupe des Assurances Nationales, des dizaines et des dizaines de milliards de francs.
L'affaiblissement international de la France était considérable. Il y a un mot qui est sorti complètement des mémoires, sans doute, et du langage, mais que
nos amis agriculteurs - il y en a peut-être dans cette salle - n'ont pas oublié, c'était le nom d'un lieu à New-York ou à Washington ?... à Washington, je
crois ! cela s'appelait "Blair House". On a complètement oublié qu'avant l'alternance de 1993, nous avions tout cédé devant les exigences américaines. Moi,
je n'ai pas oublié parce que, quand j'ai été nommé ministre des Affaires étrangères, la première mission qui m'a été confiée par le Premier ministre de
l'époque, Edouard Balladur, a été précisément de défaire "Blair House" et de défendre les intérêts de la France, et nous l'avons obtenu parce que nous nous
sommes battus.
Enfin, notre pays était dans un état de crise morale et politique qui explique la déroute électorale de nos adversaires. Voilà d'où nous partions et ce
n'était pas l'ancien temps, ce n'était pas jadis, c'était naguère, il y a à peine quatre ans.
C'est la raison pour laquelle il nous a fallu, de 1993 à 1997, avec vous, avec tous les Français, faire de considérables efforts pour remonter la pente. Et,
bien sûr, l'élection présidentielle de 1995, en mettant un terme à cette période toujours ambiguë et fausse qui est une période de cohabitation, nous a
permis de passer à la vitesse supérieure, et des progrès considérables ont été acquis.
Certains considèrent qu'il ne faut pas trop parler de ce qui a été fait pendant ces quatre années. J'en dis un mot très bref parce que je crois que nous
avons des raisons de fierté, je ne parle pas du Gouvernement, je parle de nous tous et des Français.
Nous avons obtenu le retour à la croissance. La question qui se pose aujourd'hui est de savoir si nous finirons, cette année, avec 2,8, 2,9 ou 3, alors qu'on
vient de moins 1 ? Et j'adhère pleinement à ce que disant tout à l'heure le Président Giscard d'Estaing, c'est l'objectif que nous devons continuer à nous
fixer pour les années suivantes. Nous avons ramené la croissance.
Nous avons stabilisé le chômage. C'est le sixième mois consécutif que le chômage des jeunes baisse, et il y a aujourd'hui, cher Jacques Barrot, j'espère que
nous avons les mêmes chiffres, j'en suis sûr ! il y a, aujourd'hui, 100.000 chômeurs de moins, de jeunes chômeurs de moins qu'en 1993. Ce n'est pas
extraordinaire, mais c'est un premier pas et c'est un changement de direction.
La gestion des finances de la France est à nouveau prise au sérieux sur la scène internationale, et cela se matérialise par une réalité très tangible, les
taux d'intérêt. Les taux d'intérêt ont chuté spectaculairement. Ils sont arrivés au niveau le plus bas que nous ayons jamais connu dans notre pays, pourquoi
? Ce n'est pas le Gouvernement qui les décide, c'est la confiance internationale qui s'exprime vis-à-vis d'un pays quand il est bien géré. Et on estime que
la France, depuis maintenant quatre ans, est bien gérée. Ce qui explique cette baisse des taux qui profite à ceux qui veulent acheter un logement, à ceux qui
veulent acheter des usines, à ceux qui veulent investir dans leur entreprise.
Nous avons aussi, au cours de ces quatre années, fait beaucoup d'efforts en matière de sécurité. Je veux, en particulier, rendre hommage à l'action de Jean-
Louis Debré qui, en faisant des réformes en profondeur dans la Police, a fait baisser de 10 % la criminalité, la délinquance dans notre pays.
Nous nous sommes également doté de nouvelles lois pour combattre ce fléau qu'est le travail clandestin, et également l'immigration illégale. On a beaucoup
critiqué ces lois en disant qu'elles étaient trop sévères. Elles sont passées au crible du Conseil constitutionnel qui, s'agissant des grands principes de la
République et des droits de l'homme, ne fait pas de cadeau, et elles ont été validées à quelques détails près, parce que ce sont de bonnes lois. Qu'y
substituerait-on si le Parti Socialiste et le Parti Communiste gagnaient les élections ? Point d'interrogation. Et il se passerait ce qui s'est passé après
1989, lorsqu'ils avaient déjà abrogé les lois Pasqua-Pandraud, c'est-à-dire, forcément, une reprise de l'immigration illégale et du travail clandestin, avec
le cortège de souffrance et de difficultés que cela implique pour les travailleurs clandestins, eux-mêmes, et pour les immigrés illégaux.
Enfin, nous avons engagé toute une série de réformes de fond : l'assurance-maladie, le service militaire, l'enseignement supérieur, les aides au logement,
les fonds d'épargne-retraite, qui constituent des progrès pour la vie quotidienne des Françaises et des Français. On n'en voit pas encore tout à fait tous
les fruits, mais les Français ont du bon sens. Et je le constatais, une fois encore, en lisant récemment un sondage publié dans un grand journal du matin où
on demandait, d'abord, aux Françaises et aux Français, ce qu'ils pensaient de ces réformes, et leur jugement était étonnamment positif : à plus de 55 %, tous
considéraient qu'elles allaient dans le bon sens et qu'elles étaient utiles.
Et, ensuite, on leur demandait : mais quand vont-elles donner leur plein effet ? Est-ce que c'est tout de suite ? Est-ce que c'est dans un an ou deux ? Est-
ce que c'est dans cinq ans ? Et plus de 50 % des gens disaient : "il faut attendre encore un an ou deux pour que cela donne des résultats", et c'est bien
évident ! Il ne suffit pas de faire un texte, il ne suffit pas de voter une loi, il faut ensuite qu'elle entre dans les faits, qu'elle change les
comportements, et c'est la raison pour laquelle je suis convaincu que si nous poursuivons dans la direction que nous avons engagée, tout ce travail sera
profitable pour les Françaises et pour les Français.
Cela dit, le temps d'un nouvel élan est venu, et c'est la raison pour laquelle le Président de la République a pris la décision de dissoudre l'Assemblée
Nationale, comme la Constitution lui en donne parfaitement le droit. Vous avez tous bien compris pourquoi ? Nous étions entrés, qu'on le veuille ou non, dans
une période pré-électorale, déjà ! Tout le monde avait déjà en tête mars 1998. Et qu'en résultait-il ? Eh bien, de l'attentisme, les investisseurs
n'investissaient pas en disant : "On verra plus tard quand le ciel politique et électoral sera dégagé'', les décisions économiques étaient retardées et nous
risquions, à un moment où la croissance revient, de bloquer ce mouvement. Pour donner le nouvel élan, il fallait lever cette hypothèque électorale et
permettre aux Françaises et aux Français de s'exprimer.
La deuxième raison de la décision du Président de la République, c'est qu'il a, sur son agenda, des rendez-vous européens de première importance. Et, tout de
suite, aux mois de mai et de juin, avec ses partenaires de l'Union européenne, au mois de juillet, au sein de l'Alliance atlantique, où l'on va prendre des
décisions capitales, on va faire entrer, peut-être, dans l'Alliance, la Pologne, la Hongrie, conclure une charte ou un accord avec la Russie, et puis à la
fin de l'année, il y aura l'Union économique et monétaire. Et vous comprenez bien que, pour aborder ces échéances extrêmement importantes, il vaut mieux que
le Président de la République soit, comment dire, porté par le suffrage populaire et par la légitimité de l'élection plutôt que d'être dans une période pré-
électorale. C'est la deuxième raison de la dissolution.
D'où l'appel du Président à ce qu'il a appelé "un élan partagé". Et c'est de cela que je voudrais vous parler maintenant.
"Elan partagé", et je crois que ces deux mots résument bien ce qu'il nous faut faire aujourd'hui pour construire la société française de l'an 2000. Et je
dirais à mon tour : "une société d'initiative et de partage".
Initiative parce que, comme l'ont si bien dit les orateurs qui m'ont précédé, si nous voulons créer des richesses et des emplois dans notre pays, il le faut
! il faut renouer avec une croissance forte. Il n'y a pas de fatalité de la croissance faible ou de la croissance zéro, comme on nous le racontait il y a
quelques années, il faut une croissance forte, créatrice de richesses et d'emplois. Nous n'y parviendrons que par la liberté, par l'esprit d'entreprise, des
Françaises et des Français qui veulent entreprendre et qui veulent créer, et il faut le leur permettre en libérant précisément les forces vives.
Mais en même temps nous ne sommes pas dans un monde anglo-saxon, je ne veux jeter la pierre à personne, nous croyons, nous, à une certaine façon d'organiser
les relations sociales autour de l'idée de partage, c'est-à-dire de solidarité, de fraternité, mais aussi de participation et de proximité.
Voilà ce que nous voulons peu à peu construire ensemble. Et les deux ensemble, non pas "l'initiative" pour les uns et le "partage" pour les autres, mais se
nourrissant l'un et l'autre, et pour toutes les Françaises et pour tous les Français.
Concrètement, "initiative et partage" sont les deux idées qui inspirent nos propositions dans les domaines fondamentaux de l'action politique des prochaines
années. J'en citerai trois :
- L'emploi, bien sûr. Tout commence par l'emploi. Et nous devons en faire, j'ai dit un jour, "notre obsession", en tout cas, notre priorité absolue, à
commencer par l'emploi des jeunes. J'ai déjà fait des propositions dans ce sens, j'y reviendrai plus longuement dans quelques jours à Lille.
- Deuxième domaine fondamental de réformes et d'actions, l'organisation des pouvoirs, la manière de gouverner. Je vais y revenir dans un instant.
- Et troisième domaine fondamental, la cohésion sociale. La cohésion sociale, c'est-à-dire non seulement le projet de loi de cohésion sociale que nous avons
élaboré avec beaucoup de soin et beaucoup de coeur en travaillant, très précisément, avec toutes les associations qui se penchent sur ces problèmes
d'exclusion et de précarité.
Petite parenthèse d'ailleurs à ce sujet, je n'étais pas surpris parce qu'on s'attend à ce genre de chose, pas amusé non plus parce que le sujet est grave,
alors, je ne trouve pas le mot qui convient, de voir l'évolution des socialistes et des communistes sur ce texte. Quand nous l'avons préparé et déposé, cela
a été évidemment des criailleries, des critiques en tous sens : "il n'y a rien dans ce texte, il n'y a pas de moyens", et ils se sont immédiatement engagés
dans une bataille d'obstruction, comme on dit à l'Assemblée Nationale, pour empêcher sa discussion, avec quatre heures de discours sur la question préalable
de la part d'un député communiste ou socialiste. Et puis l'Assemblée Nationale a été dissoute et on a été conduits à interrompre la discussion de ce texte.
Alors, quelle n'a pas été ma stupéfaction de voir, cette fois-ci, des concerts de lamentations en disant : "Mais c'est catastrophique ! voilà un texte
fondamental, et la dissolution démontre que la majorité n'est pas généreuse et fraternelle parce qu'elle en a interrompu la discussion".
Eh bien, notre première décision, lorsque la majorité RPR-UDF sera, à nouveau, au travail à l'Assemblée Nationale, sera de reprendre la discussion de ce
texte qui pose des principes fondamentaux en matière de logement, de santé, de sécurité et de droits civiques.
La cohésion sociale, c'est aussi une politique familiale dont nous avons tracé les grands axes pour permettre une meilleure conciliation entre la vie de
famille et la vie de travail. C'est aussi ce que j'ai appelé "l'école de la deuxième chance" pour qu'au-delà du nécessaire effort que nous avons à faire dans
la formation initiale, nous sachions aussi donner, par la formation professionnelle, par la lutte contre l'illettrisme, par l'utilisation des nouvelles
technologies de l'information et de la communication, à chacun, dans le cours de sa vie, une deuxième chance de progresser, d'accéder à ce qui a été
longtemps un moteur dans notre organisation sociale, c'est-à-dire la promotion individuelle.
Et je voudrais aujourd'hui revenir sur l'organisation des pouvoirs et la manière de gouverner. Une grande question qui a surgi dans le débat politique, à
l'occasion de ces élections : est-ce qu'il faut plus d'Etat ou est-ce qu'il faut moins d'Etat ? Et on vous dit : "certains préconisent le recul de l'Etat",
ce sont des hyper-libéraux, "d'autres veulent plus d'Etat", ce sont des dirigistes. Je crois que cette façon de poser la question est aujourd'hui un peu
dépassée et, en ce qui me concerne, je ne me situe pas dans cette dialectique-là : "Plus d'Etat ou moins d'Etat". Pour nous, l'Etat doit jouer son rôle, tout
son rôle, mais rien que son rôle. Et surtout nous devons répondre, mieux que nous ne l'avons fait jusqu'à présent, à l'aspiration de nos concitoyens qui
veulent que les décisions qui les concernent soient prises près d'eux et avec eux.
Alors, à partir de ces idées générales, il nous faut déboucher sur des propositions concrètes, et je m'efforce de le faire dans cette campagne. Dans une
société complexe qui a perdu beaucoup de ses repères traditionnels, l'Etat doit d'abord assumer pleinement ses fonctions d'autorité et garantir le respect
effectif des règles sans lesquelles il n'y a plus de vie en commun possible.
Quelques exemples : la sécurité, je l'ai dit. La criminalité a baissé de 10 % depuis deux ans, parce qu'on y a mis les moyens et parce qu'on a exprimé une
volonté politique forte. L'immigration illégale et le travail clandestin sont mieux contrôlés. Nous préparons un deuxième programme triennal de lutte contre
la drogue, et que nous pourrons lancer tout de suite, si vous nous faites confiance. Enfin, la réforme en profondeur de la Justice pour la rendre, à la fois,
plus rapide et plus accessible et, en même temps, plus indépendante, sera engagée d'ici la fin de l'année 1997.
Tout cela, pour renforcer l'Etat là où il doit être fort et là où personne d'autre que lui ne peut faire son travail. Ce qu'on appelle parfois, dans un
langage un peu compliqué, les fonctions régaliennes de l'Etat. Mais dans d'autres domaines, l'Etat doit pousser plus loin sa propre réforme et les
changements nécessaires poursuivront deux buts complémentaires :
D'abord, moins de technocratie, moins de bureaucratie en haut et plus de services sur le terrain au contact des Françaises et des Français.
Cela signifie concrètement que le nombre, mais aussi les structures des ministères devront être allégés. Il faudra diminuer les effectifs des ministères,
mais mettre davantage de fonctionnaires sur le terrain, dans les quartiers difficiles, en milieu rural.
Les services régionaux et départementaux, locaux de l'Etat, devront être étoffés. De nouveaux pouvoirs leur seront attribués. Des enveloppes globales de
crédits seront mises à leur disposition pour mieux adapter l'action publique aux réalités. Le rôle de coordination et d'impulsion des préfets doit être
accru, et le moratoire de la suppression des services publics locaux doit évidemment être maintenu.
Dans cette réforme de l'Etat, je crois aussi qu'il faudra s'attaquer à la réforme de la formation des hauts fonctionnaires, à l'ENA qui a eu ses mérites en
son temps et qui a été un puissant instrument de démocratisation. Je le dis modestement, excusez-moi de cette défense personnelle, s'il n'y avait pas eu
l'ENA, je n'aurais jamais été inspecteur des finances. Donc, à l'ENA qui a joué son rôle, devra être substituée un véritable cycle de formation, avec
diversification réelle du recrutement, modification en profondeur de la pédagogie, nouvelle organisation des sorties pour favoriser l'apprentissage du
terrain.
Le deuxième mouvement de réforme doit porter, et je sais qu'en Auvergne, Monsieur le Président, vous y êtes particulièrement attentif, sur un nouveau partage
des compétences et des moyens entre l'Etat et les collectivités locales. Et une nouvelle vague de décentralisation, après celle du début des années 1980, est
maintenant indispensable.
D'abord, au profit des régions qui pourront recevoir pleine compétence, par exemple, en matière de formation professionnelle. Et c'est vrai que ce n'est pas
très cohérent de leur donner un morceau de la formation professionnelle et pas la totalité de cette responsabilité. Mais aussi un rôle accru, par exemple,
dans le domaine de la promotion touristique, de la défense du patrimoine culturel ou du développement économique des PME et des PMI.
Effort de décentralisation aussi au profit des départements : la gestion des actions en faveur des handicapés ou de l'aide personnalisé au logement ou du RMI
peut se faire plus efficacement au niveau départemental que dans les services de l'Etat.
Sur tous ces points, une concertation approfondie et préalable avec les élus sera évidemment nécessaire. Il n'est pas question d'imposer, il faudra
concerter. Des expérimentations seront proposées le plus souvent possible. Je crois même qu'il faudra créer un véritable droit à l'expérimentation car c'est
difficile, aujourd'hui. Souvent, quand on veut tenter quelque chose, quelque part, pour voir si ça marche, on se fait censurer par le Conseil d'Etat ou le
Conseil constitutionnel qui disent : "Ah ! mais l'égalité des citoyens devant la loi", et ça nous bloque. Il faudra favoriser ces expériences pour voir,
ensuite, comment les généraliser et, bien sûr, définir avec précision les moyens correspondants.
Ce nouveau partage des responsabilités impliquera un renforcement des exécutifs locaux, et y concourront deux réformes importantes qu'il faudra faire tout de
suite :
D'abord, la réforme du scrutin régional que nous n'avons pas pu faire pour des raisons de coordination entre nos formations politiques et que, à mon avis, il
faut maintenant réaliser avant les prochaines élections régionales, parce que si le peuple s'exprime là-dessus, on peut le faire avant les élections.
Et nous proposons de transposer, parce que je crois qu'il faut être simple pour pouvoir être compris par les électrices et les électeurs, dans le cadre de la
circonscription régionale, un scrutin semblable au scrutin municipal qui a fait sa preuve, c'est-à-dire l'instauration d'une prime majoritaire qui permet une
majorité de gouvernement et, en même temps, l'expression des minorités.
La deuxième réforme qui concourra à ce renforcement des exécutifs locaux, ce sera la réforme des cumuls qui devra limiter à une seule le nombre des fonctions
exécutives autorisées.
Gouverner autrement, c'est à coup sûr renouveler les équipes, mais c'est surtout changer et moderniser les comportements et les méthodes. Dans une société
d'initiative et de partage, la décision doit être prise au bon niveau, c'est-à-dire le plus souvent possible au plus près de ceux qu'elle concerne et en
concertation avec eux. En somme, gouverner autrement, c'est remplacer la bureaucratie et le dirigisme par la proximité et par la participation qui sont des
valeurs auxquelles nous sommes attachés.
Voilà, mes chers amis, ce que je voulais vous dire peut-être un peu sérieusement sur un sujet sérieux. Mais on ne peut pas nous demander, à la fois, de
parler sérieusement des sujets sérieux et puis vouloir multiplier les effets de manche à la tribune, même si je me suis en manches de chemise.
J'ai donc essayé d'aller au fond des choses et de faire, sur ces questions, des propositions concrètes qui nourriront l'action du futur gouvernement dès les
premières semaines de son installation.
Pour conclure, je voudrais revenir à quelques réflexions politiques :
Depuis le début de cette campagne, nous avons vécu, comme cela arrive souvent, plusieurs phases, dont le démarrage, un peu en fanfare. Je me voyais mal
lancer la campagne sans enthousiasme ! j'en avais, j'essayais de le communiquer aux autres. Et cela ne s'est pas si mal passé.
Puis, après, on vous a dit qu'il y avait eu un petit fléchissement et que les socialistes regagnaient du terrain grâce à la présentation de leur projet.
C'est assez normal ! Tout nouveau, tout beau ! Le problème, c'est qu'au bout de 15 jours, ce n'était plus nouveau et ce n'était plus tout beau. Et ce
programme PS-PC a perdu, avec beaucoup de rapidité, beaucoup de sa crédibilité. Il est apparu, en moins de quinze jours, d'abord, très passéiste. Un exemple
: privatiser ou nationaliser ? Comme on ne sait pas quoi décider, on revient au "ni-ni".
C'est d'ailleurs, un peu, une tendance naturelle de Monsieur Jospin. Je l'écoutais l'autre jour sur une chaîne de télévision, je crois que c'était CANAL +
avec Karl Zéro, et on lui demandait sa position sur les drogues douces, et il la définissait de façon très équilibrée, en disant : "il ne faut ni pénaliser,
ni légaliser". Alors, là, c'est pareil, il ne faut ni privatiser, ni nationaliser. Ce n'est pas une politique. Il y a des cas où il faut, évidemment,
privatiser parce que les entreprises du secteur concurrentiel ne sont pas bien gérées par la puissance publique. On en a fait tellement d'expériences et
tellement d'exemples. Il y en a d'autres où, bien sûr, il faut maintenir une notion de service public qui n'est pas forcément, d'ailleurs, une gestion
publique.
Ce programme, il est aussi bourré de contradictions sur l'Europe. Vous imaginez un gouvernement avec un ministre des Affaires étrangères socialiste et un
secrétaire d'Etat aux Affaires européennes communiste, par exemple ? Qu'est-ce qu'ils iraient raconter à Strasbourg ou à Bruxelles ? La France serait
bloquée, bien entendu. Il est flou et mal préparé.
Il y a quatre jours ou cinq, je ne sais plus, Monsieur Jospin avait déclaré qu'il fallait supprimer les fonds d'épargne retraite que nous avons institués
récemment et qui sont une grande réforme, permettant à ceux qui le souhaitent de mieux préparer leur retraite. Et puis il y a trois jours, il proposait de
les limiter. Supprimer-limiter, on ne sait pas très bien !... Et je pourrais donner quelques exemples.
Enfin, il est vraiment tellement vide qu'il en devient inquiétant sur des sujets essentiels, j'ai parlé tout à l'heure de l'immigration. Alors, nous faisons
notre travail quand nous disons cela. Ce n'est pas de la critique systématique. Je crois que notre travail de responsables politiques, votre tâche à vous
d'électrices et d'électeurs engagés - si vous êtes là, c'est que vous êtes engagés -, c'est d'ouvrir les yeux des Françaises et des Français sur la réalité
de ce programme qui est, soit un retour au passé, soit une fuite dans le vague et le flou.
De notre côté, nous sommes unis et déterminés autour de Jacques Chirac. Si nous voulons conduire efficacement la préparation de la France à l'an 2000 et bien
défendre nos intérêts en Europe, il faut harmonie et confiance entre le Président, le Gouvernement et la majorité parlementaire. Tout le monde peut le
comprendre ! Or, nous avons à défendre nos intérêts en Europe, vigoureusement. Je suis européen, mais, pour moi, être européen, cela ne signifie pas qu'on
accepte sans rien dire toutes les injonctions ou toutes les suggestions qui nous viennent de la Commission ou des autorités de Bruxelles. Il y a des cas où
il faut discuter, où il faut refuser, parce que nos intérêts sont en cause.
Un seul exemple, tout à fait d'actualité, sur la viande nourrie aux hormones. Il paraît que l'Organisation Mondiale du Commerce a décidé que la
réglementation que nous avions instituée n'était pas conforme aux règles du libre-échange. Eh bien ! qu'est-ce que vous voulez ! moi, je dirais qu'il faut
continuer à mettre, au moins sur nos produits français, "bonne viande française élevée sans hormones", ce qui permettra au consommateur de faire le vrai
choix par rapport aux autres viandes.
Voilà un exemple où il ne faut pas faire comme à "Blair House", où il faut savoir dire "non", où il faut savoir défendre ses intérêts. Cela ne veut pas dire
qu'on est anti-européen, parce qu'on finit par gagner et par faire gagner l'Europe quand on fait cela. Et vous vous rendez bien compte que, pour faire cela,
il faut un Président de la République qui puisse s'appuyer sur un Gouvernement et une majorité cohérente et décidée. C'est cela aussi l'un des enjeux des
élections.
Nous sommes unis autour de Jacques Chirac pour conduire cette politique et nous sommes aussi unis sur nos valeurs.
Depuis que je fais de la politique, il y a une chose qui me navre un petit peu, c'est que certains prétendent voir le monopole des valeurs et que d'autres
sont considérés comme défendant uniquement des intérêts. Vous voyez à qui je pense quand je dis "certains" et "d'autres" ? Hein ! Eh bien, nous aussi, nous
avons nos valeurs. Nos valeurs, ce sont d'abord les valeurs de la République : Liberté, Egalité, Fraternité, Laïcité. Ce ne sont pas des mots creux, ce sont
des mots très concrets qui débouchent sur des actions très concrètes.
J'installais, ce matin, le Haut Conseil de l'Intégration je fais une petite parenthèse qui est présidé désormais par Simone Veil, et nous parlions de
cette conception française de l'intégration et de la laïcité, qui fait que nous n'acceptons pas que notre pays soit la juxtaposition de communautés fermées
les unes aux autres ou ghettoïsées les unes par rapport aux autres. Nous voulons que chaque citoyen accepte les valeurs de la République et s'engage à les respecter et à les partager.
et dans les coeurs. Et si je vous remercie très chaleureusement, c'est parce que Beaumont évoque en moi des souvenirs d'il y a quelques années et je crois,
Monsieur le Président, que la première réunion publique que j'ai eu l'honneur de faire à vos côtés, en tant que représentant de ma formation politique, était
précisément à Beaumont, et je vous remercie d'être ce soir, à nouveau, à nos côtés pour nous aider dans cette campagne importante pour la France.
J'ai écouté, comme je le fais toujours, avec beaucoup d'attention et d'intérêt, vos propos. J'en ai retenu beaucoup d'idées précises, fortes, concrètes, pour
ce que nous avons à faire, demain, en France et, aussi, en Auvergne. Et le maire de Bordeaux peut vous assurer de sa totale complicité, si je puis dire, en
espérant que nous serons parfois complémentaires plus que concurrents, c'est le cas de la A89.
J'avais été un peu inquiété un jour, lorsque vous m'aviez dit : "cette autoroute dont le terminus sera Bordeaux", mais j'ai vu que, depuis, vous voyez dans
Bordeaux, au contraire, une porte ouverte pour donner à Clermont un double débouché avec l'autre autoroute, celle qui vous conduira vers la Méditerranée,
vers l'Océan. Et peut-être avons-nous au total, quand on y réfléchit, plus de points communs entre Auvergnats et Gascons. Cela pourrait être, d'une certaine
manière, l'autoroute d'Astérix et de d'Artagnan. Quel programme !
Je salue aussi, et je remercie de leur présence, tous les élus de votre région, les présidents de Conseils Généraux, les sénateurs et évidemment, bien sûr,
les candidats à cette élection législative venus du Puy-de-Dôme, de l'Allier, du Cantal ou de la Haute-Loire, et je les assure de mon soutien et de ma
solidarité sans faille, comme ils m'ont témoigné, durant ces deux années, un soutien loyal et efficace dans le travail parlementaire.
Enfin, je voudrais saluer les ministres de mon Gouvernement qui sont venus en auvergnats ou en voisins.
Jacques Barrot, d'abord, bien sûr, au Travail et aux Affaires sociales. Et quand je me mettais à refaire dans ma tête la liste des grandes réformes qu'il a
portées sur ses épaules, j'en étais impressionné : la réforme de l'assurance-maladie, la réforme de l'apprentissage, la Conférence sur l'emploi des jeunes,
il y a quelques mois, la conférence sur la politique familiale, il y a quelques mois encore, oui, mon cher Jacques, ton travail dans ce ministère, ô combien
sensible et ô combien difficile, mérite d'être salué et reconnu pour sa qualité et son efficacité.
J'hésite, là aussi, Monsieur le Président, à suivre votre exemple !
Je voudrais saluer aussi Jean-Pierre Raffarin. Ne prenez pas ce que je vais dire en mauvaise part parce que c'est sérieux, mais je ne peux pas mettre les
pieds dans une boulangerie sans qu'on me dise : "Ah ! Raffarin, heureusement qu'on l'a eu pour sauver le bon pain à la française". Mais au-delà de ce métier,
ô combien respectable et précieux pour le maintien de nos traditions et la bonne santé de notre économie, Jean-Pierre Raffarin a aussi conduit une action en
profondeur en faveur de l'ensemble des PME et des PMI de notre pays.
C'était le plan PME dévoilé à Bordeaux, au mois de novembre 1995, qui était un peu le plan Raffarin, et dont les représentants syndicaux nous disaient ou les
professionnels nous disaient, il y a quelques mois à peine, qu'il avait été mis en oeuvre à 95 %, en moins d'un an et demi. Ceci mérite aussi d'être salué
dans ce climat de scepticisme qui fait souvent dire aux Français que les engagements électoraux ne sont jamais tenus. Dans ce cas comme dans d'autres, ils
ont été tenus.
"Comme dans d'autres", disais-je, parce que je voudrais aussi saluer Pierre-André Périssol. J'étais, il y a quelques heures à Moulins où nous avaient rejoint
les présidents d'un grand nombre d'organisations professionnelles du secteur du logement et du secteur du bâtiment, et nous avons pu faire devant eux le
bilan de toutes les réformes qui ont été accomplies sous l'impulsion de Pierre-André Périssol depuis deux ans. Le prêt à taux zéro - nous fêtions le
200.000ème bénéficiaire d'un prêt à taux zéro, un jeune couple d'une trentaine d'années, avec une petite fille, qui accédait à la propriété grâce au prêt à
taux zéro - mais aussi l'amortissement locatif, la réforme de l'aide personnalisée au logement, et ainsi de suite !... Oui, Pierre-André Périssol a été,
comme Jean-Pierre Raffarin et Jacques Barrot, un grand ministre réformateur. Je dis "a été" parce qu'il y a des élections, mais, après, la réforme continue.
Je voudrais, mes chers amis, vous parler, ce soir, de nos projets pour la France et pour les Français. C'est difficile ! Comme le disait tout à l'heure le
Président Giscard d'Estaing, "dans toute campagne électorale, on fait toujours plus de place aux querelles de personnes ou aux petites phrases partisanes",
c'est la meilleure façon d'être repris, le lendemain matin, sur les radios ou dans les télévisions. Et il est vrai que cette campagne, peut-être parce
qu'elle est très courte, a donné, de ce point-de-vue, un exemple pas très satisfaisant au cours des quinze premiers jours. Il faut maintenant que nous nous
efforcions de parler des vrais problèmes et des solutions qui vous sont proposées de part et d'autre.
C'est ce que nous allons faire, avec une détermination renouvelée dans les quelques jours qui nous séparent du 25 mai et du 1er juin, pour vous aider à
répondre, en votre âme et conscience, à la question suivante, qui est la question centrale de cette élection législative : quel sera le destin de la France
et l'avenir des Français selon que notre pays choisira une majorité RPR-UDF ou une majorité PS-PC ?. C'est à cela qu'il faut maintenant activement réfléchir.
Les vrais problèmes, d'abord. Si nous avions un reproche à nous faire collectivement, c'est sans doute de ne pas avoir suffisamment expliqué aux Français,
depuis 1993, dans quel état nous avons trouvé la France à cette époque.
Pour bien comprendre ce qui s'est passé depuis 4 ans, il faut se rappeler quel a été le point de départ. Nous ne sommes pas arrivés comme ça sur un champ
entièrement dégagé. La situation, vous vous la rappelez, une crise sans précédent de nos finances publiques - vous l'expliquiez fort bien, Monsieur le
Président, il y a quelques jours à la télévision, en montrant la progression de la courbe de la dette et des déficits -. Et il ne faut pas être un
spécialiste éminent de finances publiques ou d'économétrie pour se rendre compte que le montant de la dette d'aujourd'hui, ce n'est que l'addition des
déficits d'hier. C'est le bon sens ! et c'est la vérité.
Nous étions aussi en 1993, là aussi, on l'a oublié, en état de récession économique. C'est la première fois, depuis 20 ou 30 ans, peut-être même plus
longtemps, que l'économie française n'était pas en croissance. Elle était, comme disent les spécialistes, en croissance négative, en récession.
Nous terminions la période 1988-1993 avec 700.000 chômeurs de plus, comme la législature 1981-1986, à chaque fois, 700.000 chômeurs de plus. Les désastres
dans les entreprises publiques commençaient juste à se révéler au grand jour : le Crédit Lyonnais, mais aussi le Crédit Foncier, le Comptoir des
Entrepreneurs, le Groupe des Assurances Nationales, des dizaines et des dizaines de milliards de francs.
L'affaiblissement international de la France était considérable. Il y a un mot qui est sorti complètement des mémoires, sans doute, et du langage, mais que
nos amis agriculteurs - il y en a peut-être dans cette salle - n'ont pas oublié, c'était le nom d'un lieu à New-York ou à Washington ?... à Washington, je
crois ! cela s'appelait "Blair House". On a complètement oublié qu'avant l'alternance de 1993, nous avions tout cédé devant les exigences américaines. Moi,
je n'ai pas oublié parce que, quand j'ai été nommé ministre des Affaires étrangères, la première mission qui m'a été confiée par le Premier ministre de
l'époque, Edouard Balladur, a été précisément de défaire "Blair House" et de défendre les intérêts de la France, et nous l'avons obtenu parce que nous nous
sommes battus.
Enfin, notre pays était dans un état de crise morale et politique qui explique la déroute électorale de nos adversaires. Voilà d'où nous partions et ce
n'était pas l'ancien temps, ce n'était pas jadis, c'était naguère, il y a à peine quatre ans.
C'est la raison pour laquelle il nous a fallu, de 1993 à 1997, avec vous, avec tous les Français, faire de considérables efforts pour remonter la pente. Et,
bien sûr, l'élection présidentielle de 1995, en mettant un terme à cette période toujours ambiguë et fausse qui est une période de cohabitation, nous a
permis de passer à la vitesse supérieure, et des progrès considérables ont été acquis.
Certains considèrent qu'il ne faut pas trop parler de ce qui a été fait pendant ces quatre années. J'en dis un mot très bref parce que je crois que nous
avons des raisons de fierté, je ne parle pas du Gouvernement, je parle de nous tous et des Français.
Nous avons obtenu le retour à la croissance. La question qui se pose aujourd'hui est de savoir si nous finirons, cette année, avec 2,8, 2,9 ou 3, alors qu'on
vient de moins 1 ? Et j'adhère pleinement à ce que disant tout à l'heure le Président Giscard d'Estaing, c'est l'objectif que nous devons continuer à nous
fixer pour les années suivantes. Nous avons ramené la croissance.
Nous avons stabilisé le chômage. C'est le sixième mois consécutif que le chômage des jeunes baisse, et il y a aujourd'hui, cher Jacques Barrot, j'espère que
nous avons les mêmes chiffres, j'en suis sûr ! il y a, aujourd'hui, 100.000 chômeurs de moins, de jeunes chômeurs de moins qu'en 1993. Ce n'est pas
extraordinaire, mais c'est un premier pas et c'est un changement de direction.
La gestion des finances de la France est à nouveau prise au sérieux sur la scène internationale, et cela se matérialise par une réalité très tangible, les
taux d'intérêt. Les taux d'intérêt ont chuté spectaculairement. Ils sont arrivés au niveau le plus bas que nous ayons jamais connu dans notre pays, pourquoi
? Ce n'est pas le Gouvernement qui les décide, c'est la confiance internationale qui s'exprime vis-à-vis d'un pays quand il est bien géré. Et on estime que
la France, depuis maintenant quatre ans, est bien gérée. Ce qui explique cette baisse des taux qui profite à ceux qui veulent acheter un logement, à ceux qui
veulent acheter des usines, à ceux qui veulent investir dans leur entreprise.
Nous avons aussi, au cours de ces quatre années, fait beaucoup d'efforts en matière de sécurité. Je veux, en particulier, rendre hommage à l'action de Jean-
Louis Debré qui, en faisant des réformes en profondeur dans la Police, a fait baisser de 10 % la criminalité, la délinquance dans notre pays.
Nous nous sommes également doté de nouvelles lois pour combattre ce fléau qu'est le travail clandestin, et également l'immigration illégale. On a beaucoup
critiqué ces lois en disant qu'elles étaient trop sévères. Elles sont passées au crible du Conseil constitutionnel qui, s'agissant des grands principes de la
République et des droits de l'homme, ne fait pas de cadeau, et elles ont été validées à quelques détails près, parce que ce sont de bonnes lois. Qu'y
substituerait-on si le Parti Socialiste et le Parti Communiste gagnaient les élections ? Point d'interrogation. Et il se passerait ce qui s'est passé après
1989, lorsqu'ils avaient déjà abrogé les lois Pasqua-Pandraud, c'est-à-dire, forcément, une reprise de l'immigration illégale et du travail clandestin, avec
le cortège de souffrance et de difficultés que cela implique pour les travailleurs clandestins, eux-mêmes, et pour les immigrés illégaux.
Enfin, nous avons engagé toute une série de réformes de fond : l'assurance-maladie, le service militaire, l'enseignement supérieur, les aides au logement,
les fonds d'épargne-retraite, qui constituent des progrès pour la vie quotidienne des Françaises et des Français. On n'en voit pas encore tout à fait tous
les fruits, mais les Français ont du bon sens. Et je le constatais, une fois encore, en lisant récemment un sondage publié dans un grand journal du matin où
on demandait, d'abord, aux Françaises et aux Français, ce qu'ils pensaient de ces réformes, et leur jugement était étonnamment positif : à plus de 55 %, tous
considéraient qu'elles allaient dans le bon sens et qu'elles étaient utiles.
Et, ensuite, on leur demandait : mais quand vont-elles donner leur plein effet ? Est-ce que c'est tout de suite ? Est-ce que c'est dans un an ou deux ? Est-
ce que c'est dans cinq ans ? Et plus de 50 % des gens disaient : "il faut attendre encore un an ou deux pour que cela donne des résultats", et c'est bien
évident ! Il ne suffit pas de faire un texte, il ne suffit pas de voter une loi, il faut ensuite qu'elle entre dans les faits, qu'elle change les
comportements, et c'est la raison pour laquelle je suis convaincu que si nous poursuivons dans la direction que nous avons engagée, tout ce travail sera
profitable pour les Françaises et pour les Français.
Cela dit, le temps d'un nouvel élan est venu, et c'est la raison pour laquelle le Président de la République a pris la décision de dissoudre l'Assemblée
Nationale, comme la Constitution lui en donne parfaitement le droit. Vous avez tous bien compris pourquoi ? Nous étions entrés, qu'on le veuille ou non, dans
une période pré-électorale, déjà ! Tout le monde avait déjà en tête mars 1998. Et qu'en résultait-il ? Eh bien, de l'attentisme, les investisseurs
n'investissaient pas en disant : "On verra plus tard quand le ciel politique et électoral sera dégagé'', les décisions économiques étaient retardées et nous
risquions, à un moment où la croissance revient, de bloquer ce mouvement. Pour donner le nouvel élan, il fallait lever cette hypothèque électorale et
permettre aux Françaises et aux Français de s'exprimer.
La deuxième raison de la décision du Président de la République, c'est qu'il a, sur son agenda, des rendez-vous européens de première importance. Et, tout de
suite, aux mois de mai et de juin, avec ses partenaires de l'Union européenne, au mois de juillet, au sein de l'Alliance atlantique, où l'on va prendre des
décisions capitales, on va faire entrer, peut-être, dans l'Alliance, la Pologne, la Hongrie, conclure une charte ou un accord avec la Russie, et puis à la
fin de l'année, il y aura l'Union économique et monétaire. Et vous comprenez bien que, pour aborder ces échéances extrêmement importantes, il vaut mieux que
le Président de la République soit, comment dire, porté par le suffrage populaire et par la légitimité de l'élection plutôt que d'être dans une période pré-
électorale. C'est la deuxième raison de la dissolution.
D'où l'appel du Président à ce qu'il a appelé "un élan partagé". Et c'est de cela que je voudrais vous parler maintenant.
"Elan partagé", et je crois que ces deux mots résument bien ce qu'il nous faut faire aujourd'hui pour construire la société française de l'an 2000. Et je
dirais à mon tour : "une société d'initiative et de partage".
Initiative parce que, comme l'ont si bien dit les orateurs qui m'ont précédé, si nous voulons créer des richesses et des emplois dans notre pays, il le faut
! il faut renouer avec une croissance forte. Il n'y a pas de fatalité de la croissance faible ou de la croissance zéro, comme on nous le racontait il y a
quelques années, il faut une croissance forte, créatrice de richesses et d'emplois. Nous n'y parviendrons que par la liberté, par l'esprit d'entreprise, des
Françaises et des Français qui veulent entreprendre et qui veulent créer, et il faut le leur permettre en libérant précisément les forces vives.
Mais en même temps nous ne sommes pas dans un monde anglo-saxon, je ne veux jeter la pierre à personne, nous croyons, nous, à une certaine façon d'organiser
les relations sociales autour de l'idée de partage, c'est-à-dire de solidarité, de fraternité, mais aussi de participation et de proximité.
Voilà ce que nous voulons peu à peu construire ensemble. Et les deux ensemble, non pas "l'initiative" pour les uns et le "partage" pour les autres, mais se
nourrissant l'un et l'autre, et pour toutes les Françaises et pour tous les Français.
Concrètement, "initiative et partage" sont les deux idées qui inspirent nos propositions dans les domaines fondamentaux de l'action politique des prochaines
années. J'en citerai trois :
- L'emploi, bien sûr. Tout commence par l'emploi. Et nous devons en faire, j'ai dit un jour, "notre obsession", en tout cas, notre priorité absolue, à
commencer par l'emploi des jeunes. J'ai déjà fait des propositions dans ce sens, j'y reviendrai plus longuement dans quelques jours à Lille.
- Deuxième domaine fondamental de réformes et d'actions, l'organisation des pouvoirs, la manière de gouverner. Je vais y revenir dans un instant.
- Et troisième domaine fondamental, la cohésion sociale. La cohésion sociale, c'est-à-dire non seulement le projet de loi de cohésion sociale que nous avons
élaboré avec beaucoup de soin et beaucoup de coeur en travaillant, très précisément, avec toutes les associations qui se penchent sur ces problèmes
d'exclusion et de précarité.
Petite parenthèse d'ailleurs à ce sujet, je n'étais pas surpris parce qu'on s'attend à ce genre de chose, pas amusé non plus parce que le sujet est grave,
alors, je ne trouve pas le mot qui convient, de voir l'évolution des socialistes et des communistes sur ce texte. Quand nous l'avons préparé et déposé, cela
a été évidemment des criailleries, des critiques en tous sens : "il n'y a rien dans ce texte, il n'y a pas de moyens", et ils se sont immédiatement engagés
dans une bataille d'obstruction, comme on dit à l'Assemblée Nationale, pour empêcher sa discussion, avec quatre heures de discours sur la question préalable
de la part d'un député communiste ou socialiste. Et puis l'Assemblée Nationale a été dissoute et on a été conduits à interrompre la discussion de ce texte.
Alors, quelle n'a pas été ma stupéfaction de voir, cette fois-ci, des concerts de lamentations en disant : "Mais c'est catastrophique ! voilà un texte
fondamental, et la dissolution démontre que la majorité n'est pas généreuse et fraternelle parce qu'elle en a interrompu la discussion".
Eh bien, notre première décision, lorsque la majorité RPR-UDF sera, à nouveau, au travail à l'Assemblée Nationale, sera de reprendre la discussion de ce
texte qui pose des principes fondamentaux en matière de logement, de santé, de sécurité et de droits civiques.
La cohésion sociale, c'est aussi une politique familiale dont nous avons tracé les grands axes pour permettre une meilleure conciliation entre la vie de
famille et la vie de travail. C'est aussi ce que j'ai appelé "l'école de la deuxième chance" pour qu'au-delà du nécessaire effort que nous avons à faire dans
la formation initiale, nous sachions aussi donner, par la formation professionnelle, par la lutte contre l'illettrisme, par l'utilisation des nouvelles
technologies de l'information et de la communication, à chacun, dans le cours de sa vie, une deuxième chance de progresser, d'accéder à ce qui a été
longtemps un moteur dans notre organisation sociale, c'est-à-dire la promotion individuelle.
Et je voudrais aujourd'hui revenir sur l'organisation des pouvoirs et la manière de gouverner. Une grande question qui a surgi dans le débat politique, à
l'occasion de ces élections : est-ce qu'il faut plus d'Etat ou est-ce qu'il faut moins d'Etat ? Et on vous dit : "certains préconisent le recul de l'Etat",
ce sont des hyper-libéraux, "d'autres veulent plus d'Etat", ce sont des dirigistes. Je crois que cette façon de poser la question est aujourd'hui un peu
dépassée et, en ce qui me concerne, je ne me situe pas dans cette dialectique-là : "Plus d'Etat ou moins d'Etat". Pour nous, l'Etat doit jouer son rôle, tout
son rôle, mais rien que son rôle. Et surtout nous devons répondre, mieux que nous ne l'avons fait jusqu'à présent, à l'aspiration de nos concitoyens qui
veulent que les décisions qui les concernent soient prises près d'eux et avec eux.
Alors, à partir de ces idées générales, il nous faut déboucher sur des propositions concrètes, et je m'efforce de le faire dans cette campagne. Dans une
société complexe qui a perdu beaucoup de ses repères traditionnels, l'Etat doit d'abord assumer pleinement ses fonctions d'autorité et garantir le respect
effectif des règles sans lesquelles il n'y a plus de vie en commun possible.
Quelques exemples : la sécurité, je l'ai dit. La criminalité a baissé de 10 % depuis deux ans, parce qu'on y a mis les moyens et parce qu'on a exprimé une
volonté politique forte. L'immigration illégale et le travail clandestin sont mieux contrôlés. Nous préparons un deuxième programme triennal de lutte contre
la drogue, et que nous pourrons lancer tout de suite, si vous nous faites confiance. Enfin, la réforme en profondeur de la Justice pour la rendre, à la fois,
plus rapide et plus accessible et, en même temps, plus indépendante, sera engagée d'ici la fin de l'année 1997.
Tout cela, pour renforcer l'Etat là où il doit être fort et là où personne d'autre que lui ne peut faire son travail. Ce qu'on appelle parfois, dans un
langage un peu compliqué, les fonctions régaliennes de l'Etat. Mais dans d'autres domaines, l'Etat doit pousser plus loin sa propre réforme et les
changements nécessaires poursuivront deux buts complémentaires :
D'abord, moins de technocratie, moins de bureaucratie en haut et plus de services sur le terrain au contact des Françaises et des Français.
Cela signifie concrètement que le nombre, mais aussi les structures des ministères devront être allégés. Il faudra diminuer les effectifs des ministères,
mais mettre davantage de fonctionnaires sur le terrain, dans les quartiers difficiles, en milieu rural.
Les services régionaux et départementaux, locaux de l'Etat, devront être étoffés. De nouveaux pouvoirs leur seront attribués. Des enveloppes globales de
crédits seront mises à leur disposition pour mieux adapter l'action publique aux réalités. Le rôle de coordination et d'impulsion des préfets doit être
accru, et le moratoire de la suppression des services publics locaux doit évidemment être maintenu.
Dans cette réforme de l'Etat, je crois aussi qu'il faudra s'attaquer à la réforme de la formation des hauts fonctionnaires, à l'ENA qui a eu ses mérites en
son temps et qui a été un puissant instrument de démocratisation. Je le dis modestement, excusez-moi de cette défense personnelle, s'il n'y avait pas eu
l'ENA, je n'aurais jamais été inspecteur des finances. Donc, à l'ENA qui a joué son rôle, devra être substituée un véritable cycle de formation, avec
diversification réelle du recrutement, modification en profondeur de la pédagogie, nouvelle organisation des sorties pour favoriser l'apprentissage du
terrain.
Le deuxième mouvement de réforme doit porter, et je sais qu'en Auvergne, Monsieur le Président, vous y êtes particulièrement attentif, sur un nouveau partage
des compétences et des moyens entre l'Etat et les collectivités locales. Et une nouvelle vague de décentralisation, après celle du début des années 1980, est
maintenant indispensable.
D'abord, au profit des régions qui pourront recevoir pleine compétence, par exemple, en matière de formation professionnelle. Et c'est vrai que ce n'est pas
très cohérent de leur donner un morceau de la formation professionnelle et pas la totalité de cette responsabilité. Mais aussi un rôle accru, par exemple,
dans le domaine de la promotion touristique, de la défense du patrimoine culturel ou du développement économique des PME et des PMI.
Effort de décentralisation aussi au profit des départements : la gestion des actions en faveur des handicapés ou de l'aide personnalisé au logement ou du RMI
peut se faire plus efficacement au niveau départemental que dans les services de l'Etat.
Sur tous ces points, une concertation approfondie et préalable avec les élus sera évidemment nécessaire. Il n'est pas question d'imposer, il faudra
concerter. Des expérimentations seront proposées le plus souvent possible. Je crois même qu'il faudra créer un véritable droit à l'expérimentation car c'est
difficile, aujourd'hui. Souvent, quand on veut tenter quelque chose, quelque part, pour voir si ça marche, on se fait censurer par le Conseil d'Etat ou le
Conseil constitutionnel qui disent : "Ah ! mais l'égalité des citoyens devant la loi", et ça nous bloque. Il faudra favoriser ces expériences pour voir,
ensuite, comment les généraliser et, bien sûr, définir avec précision les moyens correspondants.
Ce nouveau partage des responsabilités impliquera un renforcement des exécutifs locaux, et y concourront deux réformes importantes qu'il faudra faire tout de
suite :
D'abord, la réforme du scrutin régional que nous n'avons pas pu faire pour des raisons de coordination entre nos formations politiques et que, à mon avis, il
faut maintenant réaliser avant les prochaines élections régionales, parce que si le peuple s'exprime là-dessus, on peut le faire avant les élections.
Et nous proposons de transposer, parce que je crois qu'il faut être simple pour pouvoir être compris par les électrices et les électeurs, dans le cadre de la
circonscription régionale, un scrutin semblable au scrutin municipal qui a fait sa preuve, c'est-à-dire l'instauration d'une prime majoritaire qui permet une
majorité de gouvernement et, en même temps, l'expression des minorités.
La deuxième réforme qui concourra à ce renforcement des exécutifs locaux, ce sera la réforme des cumuls qui devra limiter à une seule le nombre des fonctions
exécutives autorisées.
Gouverner autrement, c'est à coup sûr renouveler les équipes, mais c'est surtout changer et moderniser les comportements et les méthodes. Dans une société
d'initiative et de partage, la décision doit être prise au bon niveau, c'est-à-dire le plus souvent possible au plus près de ceux qu'elle concerne et en
concertation avec eux. En somme, gouverner autrement, c'est remplacer la bureaucratie et le dirigisme par la proximité et par la participation qui sont des
valeurs auxquelles nous sommes attachés.
Voilà, mes chers amis, ce que je voulais vous dire peut-être un peu sérieusement sur un sujet sérieux. Mais on ne peut pas nous demander, à la fois, de
parler sérieusement des sujets sérieux et puis vouloir multiplier les effets de manche à la tribune, même si je me suis en manches de chemise.
J'ai donc essayé d'aller au fond des choses et de faire, sur ces questions, des propositions concrètes qui nourriront l'action du futur gouvernement dès les
premières semaines de son installation.
Pour conclure, je voudrais revenir à quelques réflexions politiques :
Depuis le début de cette campagne, nous avons vécu, comme cela arrive souvent, plusieurs phases, dont le démarrage, un peu en fanfare. Je me voyais mal
lancer la campagne sans enthousiasme ! j'en avais, j'essayais de le communiquer aux autres. Et cela ne s'est pas si mal passé.
Puis, après, on vous a dit qu'il y avait eu un petit fléchissement et que les socialistes regagnaient du terrain grâce à la présentation de leur projet.
C'est assez normal ! Tout nouveau, tout beau ! Le problème, c'est qu'au bout de 15 jours, ce n'était plus nouveau et ce n'était plus tout beau. Et ce
programme PS-PC a perdu, avec beaucoup de rapidité, beaucoup de sa crédibilité. Il est apparu, en moins de quinze jours, d'abord, très passéiste. Un exemple
: privatiser ou nationaliser ? Comme on ne sait pas quoi décider, on revient au "ni-ni".
C'est d'ailleurs, un peu, une tendance naturelle de Monsieur Jospin. Je l'écoutais l'autre jour sur une chaîne de télévision, je crois que c'était CANAL +
avec Karl Zéro, et on lui demandait sa position sur les drogues douces, et il la définissait de façon très équilibrée, en disant : "il ne faut ni pénaliser,
ni légaliser". Alors, là, c'est pareil, il ne faut ni privatiser, ni nationaliser. Ce n'est pas une politique. Il y a des cas où il faut, évidemment,
privatiser parce que les entreprises du secteur concurrentiel ne sont pas bien gérées par la puissance publique. On en a fait tellement d'expériences et
tellement d'exemples. Il y en a d'autres où, bien sûr, il faut maintenir une notion de service public qui n'est pas forcément, d'ailleurs, une gestion
publique.
Ce programme, il est aussi bourré de contradictions sur l'Europe. Vous imaginez un gouvernement avec un ministre des Affaires étrangères socialiste et un
secrétaire d'Etat aux Affaires européennes communiste, par exemple ? Qu'est-ce qu'ils iraient raconter à Strasbourg ou à Bruxelles ? La France serait
bloquée, bien entendu. Il est flou et mal préparé.
Il y a quatre jours ou cinq, je ne sais plus, Monsieur Jospin avait déclaré qu'il fallait supprimer les fonds d'épargne retraite que nous avons institués
récemment et qui sont une grande réforme, permettant à ceux qui le souhaitent de mieux préparer leur retraite. Et puis il y a trois jours, il proposait de
les limiter. Supprimer-limiter, on ne sait pas très bien !... Et je pourrais donner quelques exemples.
Enfin, il est vraiment tellement vide qu'il en devient inquiétant sur des sujets essentiels, j'ai parlé tout à l'heure de l'immigration. Alors, nous faisons
notre travail quand nous disons cela. Ce n'est pas de la critique systématique. Je crois que notre travail de responsables politiques, votre tâche à vous
d'électrices et d'électeurs engagés - si vous êtes là, c'est que vous êtes engagés -, c'est d'ouvrir les yeux des Françaises et des Français sur la réalité
de ce programme qui est, soit un retour au passé, soit une fuite dans le vague et le flou.
De notre côté, nous sommes unis et déterminés autour de Jacques Chirac. Si nous voulons conduire efficacement la préparation de la France à l'an 2000 et bien
défendre nos intérêts en Europe, il faut harmonie et confiance entre le Président, le Gouvernement et la majorité parlementaire. Tout le monde peut le
comprendre ! Or, nous avons à défendre nos intérêts en Europe, vigoureusement. Je suis européen, mais, pour moi, être européen, cela ne signifie pas qu'on
accepte sans rien dire toutes les injonctions ou toutes les suggestions qui nous viennent de la Commission ou des autorités de Bruxelles. Il y a des cas où
il faut discuter, où il faut refuser, parce que nos intérêts sont en cause.
Un seul exemple, tout à fait d'actualité, sur la viande nourrie aux hormones. Il paraît que l'Organisation Mondiale du Commerce a décidé que la
réglementation que nous avions instituée n'était pas conforme aux règles du libre-échange. Eh bien ! qu'est-ce que vous voulez ! moi, je dirais qu'il faut
continuer à mettre, au moins sur nos produits français, "bonne viande française élevée sans hormones", ce qui permettra au consommateur de faire le vrai
choix par rapport aux autres viandes.
Voilà un exemple où il ne faut pas faire comme à "Blair House", où il faut savoir dire "non", où il faut savoir défendre ses intérêts. Cela ne veut pas dire
qu'on est anti-européen, parce qu'on finit par gagner et par faire gagner l'Europe quand on fait cela. Et vous vous rendez bien compte que, pour faire cela,
il faut un Président de la République qui puisse s'appuyer sur un Gouvernement et une majorité cohérente et décidée. C'est cela aussi l'un des enjeux des
élections.
Nous sommes unis autour de Jacques Chirac pour conduire cette politique et nous sommes aussi unis sur nos valeurs.
Depuis que je fais de la politique, il y a une chose qui me navre un petit peu, c'est que certains prétendent voir le monopole des valeurs et que d'autres
sont considérés comme défendant uniquement des intérêts. Vous voyez à qui je pense quand je dis "certains" et "d'autres" ? Hein ! Eh bien, nous aussi, nous
avons nos valeurs. Nos valeurs, ce sont d'abord les valeurs de la République : Liberté, Egalité, Fraternité, Laïcité. Ce ne sont pas des mots creux, ce sont
des mots très concrets qui débouchent sur des actions très concrètes.
J'installais, ce matin, le Haut Conseil de l'Intégration je fais une petite parenthèse qui est présidé désormais par Simone Veil, et nous parlions de
cette conception française de l'intégration et de la laïcité, qui fait que nous n'acceptons pas que notre pays soit la juxtaposition de communautés fermées
les unes aux autres ou ghettoïsées les unes par rapport aux autres. Nous voulons que chaque citoyen accepte les valeurs de la République et s'engage à les respecter et à les partager.