Texte intégral
ENTREPRISE LAISNE
M. Loïc LAISNE.- Monsieur le Premier ministre, Monsieur le ministre de l'Agriculture et de la Mer, Monsieur le Président du Conseil Régional, Monsieur le
Président du Conseil Général, Messieurs les députés, Mesdames et Messieurs,
Avant tout, au nom de l'entreprise Laisné, nous vous remercions de l'honneur de votre présence en ces lieux.
L'entreprise Laisné fut créée en 1942 par nos parents à La Chapelle des Fougerey, lesquels prennent leur retraite en 1979.
Mon frère et moi-même prenons la suite. Nous nous installons ici en construisant 600 m2 de production sur 5 000 m2 de terrain avec deux employés. A l'époque,
nous sommes menuisiers Bâtiment.
En 1985, nous changeons de cap. Nous arrêtons la menuiserie et nous nous lançons dans le stratifié post-formé, la fabrication de mobilier et la
transformation de matériaux de synthèse, tels que le "corian" de chez Dupont-de-Nemours.
Notre politique commerciale est de travailler exclusivement pour le professionnel, le plombier, l'agenceur, le menuisier, l'entreprise générale, les arsenaux
et les cuisinistes.
Quelques chiffres :
en 1986 : 3 MF de chiffre d'affaires HT, 14 emplois, surface de production 600 m2, investissement 250.000 F.
en 1993 : 15 MF de chiffre d'affaires, 30 emplois, 2.200 m2, 2 MF d'investissement.
en 1996 : 27 MF de chiffre d'affaires, 46 emplois, 4.000 m2 et 7 MF d'investissement.
en 1997 : nous espérons 30 MF de chiffre d'affaires.
Constitution juridique : en 1993, création d'une Holding avec l'entrée de la Financière Duval Capital Risque et de SOFICOP, conseil financier, gérés par la
même personne.
Financière Duval détient 20 % des parts, mon frère et moi-même 80 %.
Depuis deux mois, nous avons constitué un réseau commercial sur la France divisé en 10 secteurs. Il est composé d'agents commerciaux.
L'objectif de l'entreprise Laisné est de devenir l'un des principaux post-formeurs français, voire le premier. Mais ce n'est pas une chose facile parce que
les concurrents ne se laissent pas faire.
Nous subissons, d'autre part, une forte concurrence étrangère avec les Espagnols et les Italiens. Vous comprenez, et cela n'engage que moi, que c'est pour
cela qu'il faut rectifier le processus de la monnaie unique, qui permettra d'empêcher la dévaluation de la lire, par exemple.
Sur le plan des références : l'entreprise Laisné est fière, avec son personnel, d'avoir participé à des réalisations telles que des paquebots, des 1.200
cabines du Soverain of the Seas, du Star Princess, du Monarch of the Seas et du Majesty of the Seas - ceci, avec les Chantiers de l'Atlantique - des cars-
ferries corses, Daniel Casanova et Napoléon Bonaparte, des 3.800 cellules pour 7 maisons d'arrêt, les couchettes de trois sous-marins, le Perle, l'Améthyste
et le Triomphant à Cherbourg, des hôpitaux sur toute la France, des magasins ETAM, des magasins Un-Deux-Trois, Mobalpa.
Nous avons commencé à exporter en Belgique et en Suisse. Depuis 4 années, nous possédons une licence avec la Société allemande VELA, produits cosmétiques,
pour fabriquer le mobilier de Salons de coiffure sur la France.
De plus, nous avons réalisé certaines affaires, comme une bijouterie à Moscou et l'ameublement au Palais du Président du Turkmenistan.
Sur le plan de l'environnement, le bruit, la poussière, les parcs machines, notre souci a été de répondre aux exigences des normes européennes. Nous avons
fait tout ce qu'il fallait pour les remplir, et ceci en bonnes relations avec la GRAM.
Voilà, en résumé, si je puis le dire, le parcours de la société LAISNE.
Monsieur le Premier ministre, en tant que chef d'entreprise d'une P.M.E., je me pose beaucoup de questions et en voici quelques-unes :
- la taxe professionnelle : plus il y a de salariés, plus il y a d'investissement et plus on en paie. Est-ce une punition ?
- les charges administratives sont trop lourdes pour nos P.M.E., on le sait. Plus on veut simplifier et plus on alourdit le travail. Il faut plus de
souplesse dans l'aménagement aussi du temps de travail, qu'en pensez-vous ?
- pour les crédits de T.V.A. dûs par le Trésor Public, l'attente est trop longue. Sommes-nous les banquiers de l'Etat, nous, les P.M.E. ?
- et pour l'emploi, le coût des charges devient insupportable. On a pris des risques en investissant ici, et l'on sait que beaucoup veulent le faire. Mais il
faudrait une simplification et une facilité d'accès aux ressources financières.
Pour ma conclusion, je trouve qu'il est temps de redonner l'envie d'entreprendre, d'investir et d'embaucher par des mesures simples et efficaces.
Merci de votre attention.
M. Yvon JACOB.- Monsieur le Premier ministre, cher Alain, mesdames, messieurs, chers amis. Je voudrais d'abord remercier Loïc Laisné pour avoir organisé
cette réunion. Il l'a fait avec infiniment de coeur.
Je voudrais aussi profiter de cette occasion, rare, pour vous redire combien je suis attaché, par formation, par profession et aujourd'hui par position
politique, à l'entreprise et singulièrement envers les petites et moyennes entreprises. Et je dois dire qu'à l'Assemblée Nationale, et le Premier ministre le
sait également, j'ai passé beaucoup de temps pour essayer de défendre la cause de l'entreprise auprès de l'État et auprès, parfois, je dois le dire, auprès
d'un certain nombre de mes collègues qui, venant d'autres horizons, ont parfois un petit peu de difficultés à comprendre ce que sont vraiment les problèmes
des entreprises.
Ce que je voudrais dire ce soir est très simple, je crois que l'entreprise, que vous venez de visiter, monsieur le Premier ministre, avec Loïc Laisné, est
tout à fait représentative du monde des P.M.E.. C'est une P.M.E. comme l'on aimerait en voir encore beaucoup plus en France, elles sont déjà nombreuses. Il
faut qu'elles se multiplient, pourquoi ? Parce que l'entreprise que nous avons visitée n'est pas une entreprise qui est placée dans la technologie de pointe.
Mais elle est à la pointe de sa technologie et c'est ce qui en fait d'ailleurs tout l'intérêt.
Il n'y a pas de domaines qui ne puissent pas être exploités et développés au plan industriel dans notre pays. Et cette entreprise a fait tout ce qu'il
fallait pour réussir. Loïc Laisné nous l'a dit il y a quelques instants : cette entreprise a investi. Elle a innové. Elle a trouvé du capital et du capital
de proximité. Elle a cherché des marchés nouveaux. Et le résultat de tout cela, qui sont les ingrédients qui font les entreprises qui fonctionnent bien,
c'est une forte croissance de l'activité et c'est l'embauche, les emplois qui ont été créés. Pratiquement, les emplois dans cette entreprise ont doublé en
l'espace de 3 ans, parce qu'il y avait tous ces ingrédients qui étaient réunis et la volonté d'un homme et de son équipe.
Mais, Loïc Laisné l'a rappelé tout à l'heure, les entreprises sont freinées bien souvent par un poids excessif des charges qui pèsent sur elles, ce qui
entraîne naturellement des problèmes au niveau de la compétitivité.
Loïc le rappelait également tout à l'heure : "S'il a commencé de prospecter les marchés étrangers, il y trouve aussi un certain frein parce que, sur certains
marchés, les charges qui pèsent sur cette entreprise française la rendent plus difficilement compétitive et freinent, d'une certaine façon, sa croissance.
Elle est freinée également, j'en parlais avec Loïc pour préparer cette réunion, par des seuils sociaux. Il a quelque peine à envisager aujourd'hui la façon
dont il franchira, parce qu'il sera obligé de le faire, parce que c'est un homme dynamique, le seuil par exemple de 49 personnes, il est aujourd'hui, je
crois, à 45 ? 46. Il y tend mais il s'inquiète de savoir comment les choses vont se passer quand il arrivera à ces 49 personnes.
Ceci rejoint, je parle de cela parce que nous avons, nous, dans la Majorité sortante, un grand nombre de propositions à faire qui sont inscrites à notre
programme. Nous les avons travaillées depuis un certain temps et nous voulons aller davantage dans ce sens. Si vous écoutez ce que nous avons à dire, si vous
lisez ce que nous avons publié, vous saurez, je pense que le Premier ministre va développer ce point, que nous voulons continuer d'aller dans le sens de la
baisse des charges, que nous voulons aller dans le sens de l'instauration d'un statut spécial, au plan fiscal et au plan social, pour les Petites et Moyennes
Entreprises et pour favoriser leur développement.
Nous voulons parvenir à drainer l'épargne des Français vers les P.M.E., vers le capital des P.M.E., vers l'investissement et l'activité productive. Nous
voulons faciliter tout ce qui est en notre pouvoir pour que les entreprises de la taille et de l'avenir de celle que nous a proposé aujourd'hui de visiter
Loïc Laisné, puissent vraiment en France faire ce qu'elles savent faire par excellence, c'est-à-dire se développer et créer de l'emploi.
C'est dans ces entreprises, c'est dans nos petites et moyennes entreprises que nous trouverons la véritable solution aux problèmes de l'emploi dans notre
pays. Et pour cela, je ne vous demande qu'une seule chose : c'est de le dire et de le redire, d'exiger de nous, bien entendu, les mesures qui vous sont
nécessaires, il nous faut en parler. Mais c'est aussi de nous aider pour que cela se passe ainsi et que nous puissions enfin retrouver un grand chemin de
croissance de l'activité en France et de l'emploi. Merci.
M. JUPPE.- Mesdames et Messieurs, chers amis. Je voudrais d'abord remercier Loïc et Marcel Laisné de nous accueillir dans leur entreprise, ici, et de le
faire en présence de leurs parents, que je salue, de leur famille, de leurs enfants, je crois ! Et la présence de ces trois générations, côte à côte, ici,
tout près des ateliers de l'usine, est, je crois, tout un symbole : le symbole de l'entreprise familiale à responsabilité personnelle, qui est un des points
forts de notre économie.
Tout à l'heure Yvon Jacob disait que ce n'était peut-être pas des technologies de pointe que l'on développait ici mais qu'on était à la pointe de la
technologie, et j'ai été impressionné, en visitant rapidement les ateliers, par ce souci de qualité, de compétitivité, de modernisation, d'équipement, qui
caractérise cette entreprise.
Et je voudrais vraiment vous dire combien je suis heureux de passer ces quelques instants avec vous, avec toute une série de personnalités qui m'entourent,
le ministre de l'Agriculture, le Président du Conseil Régional, le Président du Conseil Général et certains de nos parlementaires ici présents.
Pourquoi suis-je venu ici ? D'abord, je vais vous dire la vérité, vous vous en doutez un petit peu, vous avez entendu parler des élections, 25 juin.... 25
mai, pardon, 1er juin, - si je commence déjà à m'embrouiller dans les dates -, donc je suis venu soutenir nos candidats, je le dis sans aucune espèce de
timidité, ni de complexe, tout particulièrement, ici, Yvon Jacob qui vient de s'exprimer devant vous, que vous connaissez bien et qui, je peux en porter
témoignage, s'est battu tout au long de ces quatre années, à l'Assemblée Nationale en particulier, et aussi dans les missions qui lui ont été confiées, pour
défendre la Petite et Moyenne Entreprise. Il la connaît mieux que beaucoup de parlementaires, on sait pourquoi ! Puisqu'il est lui-même chef d'entreprise et
il y a mis beaucoup de coeur, beaucoup de ténacité, beaucoup d'intelligence. Il a fait, dans les rapports qu'il m'a remis, de nombreuses propositions qui
nous ont été très utiles dont nous nous sommes inspirés.
Je suis venu également apporter mon soutien à Jean-Pierre Dagorne qui est ici et qui se bat également pour ces élections et qui a, évidemment, le soutien de
toute notre Majorité puisque vous l'avez observé, plus que peut-être à aucun autre moment dans nos campagnes électorales, c'est ensemble, R.P.R. et U.D.F.,
que-nous menons ce combat.
Mais au-delà de ce soutien à nos candidats, à nos amis, à nos parlementaires à qui je souhaite bonne chance dans ces 15 derniers jours de campagne, je suis
venu ici pour vous parler - cela va vous paraître curieux, peut-être - de l'emploi.
On nous dit que l'on n'en parle pas assez dans la campagne électorale, ce n'est pas mon sentiment. Encore y-a-t-il manière et manière d'en parler. Certains
vous en parlent en disant : "Mais c'est simple ! L'Etat va embaucher 350.000 fonctionnaires supplémentaires et subventionner 350.000 emplois publics de
plus". Je vous le dis comme je le pense, sans esprit de polémique, ce n'est pas la bonne solution. On l'a déjà essayée en d'autre temps et cela a abouti à
quoi ? Quand on crée des emplois publics ou subventionnés, il faut bien les payer ! Qui paie ? Le contribuable. On augmente l'impôt et les charges, et le
résultat, c'est que l'on supprime des emplois ailleurs en asphyxiant les entreprises qui, elles, peuvent créer des emplois créateurs de richesses et faire
ainsi boule de neige dans l'économie.
La vraie réponse au problème de l'emploi qui est, je l'ai dit - peut-être a l'expression était-elle un peu curieuse mais qui est notre obsession à tous - la
vraie réponse, c'est la Petite et Moyenne Entreprise. Nous le savons tous. On le voit par expérience depuis quelques années. Cela continuera à l'avenir. Le
gisement d'emplois pour notre économie, pour nos jeunes, pour nos moins jeunes aussi, il est dans la Petite et Moyenne Entreprise, parce que c'est elle qui
peut se développer, conquérir des marchés et créer des emplois.
Alors, vous allez me dire : "C'est bien beau de rendre hommage ainsi à la P.M.E., mais qu'est-ce que vous avez fait pour l'aider ?". Vous savez, moi, je
viens ici après deux ans de gouvernement, quatre ans de majorité, là aussi sans aucune timidité et sans aucun complexe, parce que nous n'avons pas simplement
fait des discours, nous avons agi. On l'a oublié. Et le rôle d'une campagne électorale, c'est précisément de le rappeler.
L'une des premières choses que j'ai faites, lorsque j'ai été nommé Premier ministre, au bout de 4 ou 5 mois, c'est de définir, après avoir longuement discuté
avec ceux qui savent, c'est-à-dire les représentants des P.M.E., un plan pour les P.M.E. Cela s'est passé, je crois, le 27 novembre à Bordeaux, en 1995. Deux
ans après, moins de deux ans après, nous ne sommes pas encore en novembre 1997, ce plan a été mis en oeuvre pratiquement à 100 %, pratiquement à 100 %, et il
a apporté des améliorations concrètes extrêmement importantes dans la vie des P.M.E.. Je ne vais pas toutes les passer en revue, il y en a certaines qui
concernent plus le commerce et l'artisanat que la P.M.E. industrielle, mais je voudrais quand même les rappeler :
- nous avons réformé la législation de la concurrence pour qu'elle protège mieux les P.M.E. face, notamment, à la concurrence des Grandes Surfaces ;
- nous avons fait un texte sur les marchés publics qui va permettre aussi aux P.M.E., notamment à celles qui sont sous-traitantes dans le secteur des marchés
publics, de mieux se développer ;
- et puis nous avons pris toute une série de décisions financières.
Je voudrais en citer simplement deux, parce que je veux être concret :
- le Parlement a voté, sur la proposition du Gouvernement, une réduction de 33,1/3 à 19 % de l'impôt sur les sociétés pour les bénéfices réinvestis en fonds
propres des entreprises qui font moins de 50 MF de chiffre d'affaires. Vous êtes à 30, tout à l'heure j'ai entendu, donc c'est moins de 50. Et donc, en 1997,
la partie de votre bénéfice réinvesti ne sera plus taxé à 33,1/3 mais à 19 %. Alors, c'est quand même quelque chose qui va dans la bonne direction.
- Deuxième exemple de ce que nous avons fait pour les P.M.E., une baisse des charges qui réduit de 13 % le coût du travail au niveau du SMIC et qui concerne
4,5 millions de salariés dont les trois quarts travaillent dans les P.M.E.
Depuis le 1er octobre dernier, pour les salariés payés au SMIC, l'entreprise voit ses charges sociales allégées de 13 %, c'est-à-dire à peu près 1.200 F de
charges en moins pour un salaire égal au SMIC.
Je veux le rappeler parce qu'on a toujours le sentiment qu'il ne se passe rien dans notre pays. Il s'est passé des choses. J'en ai trois pages, là. Je ne
vais pas vous les lire. Je ne vais pas vous infliger cette lecture. Mais on a progressé.
Nous avons également essayé de progresser dans un autre domaine qui est celui de la simplification des contraintes qui sont imposées aux P.M.E. Je sais que
quand on est chef d'entreprise, ces complexités, ces formalités sont toujours très lourdes à accepter. Vous êtes déjà, vous, dans la tranche un peu
supérieure de la P.M.E., plutôt dans la moyenne que dans la petite, mais pour les Très Petites Entreprises, ces formalités sont vraiment asphyxiantes.
Qu'est-ce que nous avons fait là encore ?
- Déclaration unique d'embauche. Je l'ai vue fonctionner dans une URSSAF, cela tient désormais en une page et cela se remplit en cinq minutes, y compris par
Minitel quand on peut le faire.
- le Contrat Unique d'Apprentissage qui a été modifié ;
- le Guichet Initiative Emploi ;
- la simplification du bulletin de salaire....
Tout le monde n'est pas d'accord avec ce que je dis mais, enfin, cela, c'est normal, c'est la démocratie.
- la simplification du bulletin de salaire, on est passé de plus d'une vingtaine de lignés à un peu plus d'une dizaine aujourd'hui, et nous allons continuer.
- le Chèque premier salarié, que nous venons de décider, il permet de décharger l'entreprise, qui embauche son premier salarié, de toutes les formalités
liées au paiement des charges sociales et à la déclaration des salaires. Il sera applicable dans 11 départements au 1er juillet et dans 5 autres au 1er
octobre ;
- la Déclaration Unique de Cotisations Sociales.
Et puis, là aussi, je ne veux pas être exhaustif, il y a un certain nombre d'autres mesures qui ont été prises.
Est-ce que c'est assez ? Est-ce qu'il faut se reposer maintenant après ce qui a déjà été accompli ? Bien sûr que non. Et nous avons encore beaucoup de
travail à faire pour alléger les charges et les contraintes qui pèsent sur les Petites et les Moyennes Entreprises.
- Les charges, d'abord - vous m'en avez parlé, j'ai bien compris le message -, les charges, c'est d'abord la taxe professionnelle.
Certains partis politiques, dans ces élections, vous proposent de la supprimer. Je crois que c'est au programme de certains d'entre eux. Il ne faut pas
prendre les électeurs pour des... comment l'on dit ? Des canards sauvages ? Ou les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages. La taxe professionnelle,
aujourd'hui, est la première ressource de nos collectivités locales qui font beaucoup de travail aussi. Si on les prive de cette ressource, par quoi va-t-on
la remplacer ?
Donc, la solution pour la taxe professionnelle, ce n'est pas de la supprimer, personne n'arrivera jamais à le faire, c'est d'essayer :
- premièrement, de faire en sorte qu'elle augmente moins et que, si possible, elle n'augmente pas, et cela, ça se passe par la maîtrise des dépenses des
collectivités. Il faut vraiment que les citoyens aujourd'hui exercent toute leur pression sur les différentes collectivités pour qu'on maîtrise la dépense,
pour qu'on n'augmente pas les dépenses et que, donc, l'on puisse garder la progression des impôts dans des limites raisonnables et, si possible, dans une
limite aussi proche que possible de zéro.
- deuxième problème sur la taxe professionnelle, vous l'avez dit cher Président, c'est que ses modalités de calcul ne sont pas satisfaisantes puisque, quand
on investit et quand on embauche, on est pénalisé par rapport à celui qui n'investit pas et qui n'embauche pas.
Il faut donc réformer ces bases de calcul. Le problème, c'est de savoir comment la calculer autrement, et on cherche depuis 10 ans.
J'ai été ministre du Budget en 1986, à l'époque j'avais fait une commission pour lui demander de me faire des propositions. Puis l'on n'avait pas eu le
temps, avant 1988, de les mettre en oeuvre et l'on n'a toujours pas trouvé au bout de 10 ans, si bien que j'ai demandé à Christian Poncelet, qui est l'alter
ego de Pierre Méhaignerie au Sénat, qui est le Président de la Commission des Finances du Sénat, de créer là aussi un groupe de travail pour réfléchir à la
manière dont on pourrait réformer les bases de la taxe professionnelle.
Il y a une idée qui circule et qui consiste à dire : essayons de la calculer non plus sur salaire et investissement mais sur valeur ajoutée, c'est-à-dire en
fait la même chose, plus le bénéfice de l'entreprise. Cela peut, effectivement, être peut-être un peu plus juste et demander à celles qui gagnent beaucoup
d'argent de contribuer un peu plus que celles qui ont des difficultés. Mais il faut bien voir le piège dans tout cela, cela veut dire que certains vont payer
plus et d'autres moins. On va avoir des transferts. Et on sait ce qui se passe dans ce genre de cas de figure, ceux qui paient moins, sont d'un silence
assourdissant et ceux qui paient plus, parlent très fort.
Alors, nous avons pris le temps de la réflexion et j'espère que, d'ici la fin de l'année, nous aurons des propositions pour la réforme de la taxe
professionnelle, qui pourront être acceptées par tout le monde.
Deuxième élément en ce qui concerne les charges sociales : il faut aller plus loin dans la baisse des charges. Et nous avons annoncé que, dans les 40
premiers jours du futur gouvernement, si notre Majorité gagne les élections, nous étendrions le système qui a été mis en place pour l'industrie textile et
qui comporte un allègement de charges sociales plus fort que celui qui existe dans d'autres domaines, et qui a été efficace. Nous perdions des milliers
d'emplois chaque mois dans le textile, du fait de la dévaluation compétitive de la lire notamment, et jusqu'à la mise en place de ce système, et quand nous
l'avons mis en place, nous avons stoppé quasiment la dégradation. Nous sommes en train d'étudier la transposition de ce système d'allègement des cotisations
sociales à d'autres secteurs et à sa généralisation finalement, aux P.M.E., P.M.I., industrielles en particulier, de notre pays parce que c'est un système
efficace.
Je fais une petite parenthèse-là, je parlais de la dévaluation compétitive de la lire, vous me disiez tout à l'heure : "il faut corriger l'euro pour éviter
que la lire..." Bon ! Moi, je serais tenté de dire : "Il faut d'abord le faire avant de la corriger". on dit : "L'euro, ça n'intéresse personne". Je suis
persuadé que les salariés de votre-entreprise, ça les intéresse, l'euro, parce qu'ils se disent très certainement : "Le jour où, entre deux semaines, la
dévaluation compétitive de telle ou telle monnaie européenne ne pourra plus nous rafler des marchés, parce que les prix auront baissé artificiellement de 15
ou 20 %, eh bien les efforts que nous faisons seront plus payants". Et, donc, la stabilité monétaire, le fait qu'il existe une monnaie unique entre nos pays,
que du jour au lendemain tel ou tel produit italien ou espagnol ou autre, parce que ça ne vient pas que de l'Espagne, ou finlandais, je n'en sais rien,
puisse baisser de 25 % parce que la monnaie a baissé de 25 %, avec l'euro, c'est fini, on aura la stabilité et vous pourrez faire des prévisions pour
exporter vos produits sur les principaux marchés qui sont, finalement, les marchés européens.
Vous voyez que l'euro, ce n'est pas simplement un rêve de technocrate, c'est aussi quelque chose qui, pour les paysans, et ils savent de quoi je parle parce
qu'ils n'ont pas oublié les montants compensatoires monétaires de l'ancien temps, et pour les entreprises qui exportent et qui cherchent des marchés, est un
élément de sécurité et donc de développement.
Cela implique quelques disciplines. Cela implique tout simplement de bien gérer le budget de la France et de ne pas laisser les dépenses filer, les déficits
se creuser. Mais, après tout, est-ce que ce n'est pas, purement et simplement, le bon sens ?
Donc, voilà la deuxième priorité que nous nous fixons, avec la réforme de la taxe professionnelle, c'est la poursuite, sur plusieurs années d'ailleurs, de
l'allègement des charges sociales.
Troisième priorité, vous n'en avez pas parlé tout à l'heure mais on en a parlé un petit peu au cours de la visite, c'est qu'il faut favoriser le financement
de la P.M.E. au moment de sa création, au moment de son développement et au moment de sa transmission.
Quand il s'agit de créer une entreprise et qu'on n'a pas de garanties, eh bien, on ne les trouve pas du côté de la banque. Il ne faut pas le reprocher aux
banquiers, on dit qu'ils sont des prêteurs sur gages. C'est peut-être ainsi que la situation les contraint à opérer. Mais il faut trouver des mécanismes pour
faciliter ce démarrage de l'entreprise. Nous l'avons fait en transformant le Crédit d'Equipement des P.M.E. en une Banque de Développement des P.M.E. qui
fonctionne désormais et qui a des moyens pour le faire. Mais il faut sans doute aller plus loin, et l'une de nos propositions, c'est d'améliorer la
détaxation du capital, que les exploitants d'une entreprise réinvestissent dans leur entreprise pour se développer ou pour créer l'entreprise. Il y a, là,
des mesures fiscales complémentaires à prendre et que nous prendrons rapidement.
De même, au moment de la transmission, nous avons déjà fait des choses, nous avons un peu amélioré le système. Mais l'on sait très bien que la pérennité de
l'entreprise est parfois compromise parce que, au moment de passer le flambeau entre les dirigeants qui ont atteint la limite d'âge et puis ceux qui veulent
leur succéder, la pénalisation est trop forte du point de vue fiscal, il faut donc améliorer les choses en ce qui concerne la transmission. Et cela aussi,
nous avons des propositions très précises à faire.
Voilà, j'ai été un peu technique peut-être, mais vous m'avez parlé fiscalité, je vous ai parlé fiscalité, je vous ai parlé financement. Je vous ai parlé
aussi formalités et simplification, c'est très important. Voilà la direction dans laquelle nous sommes engagés et dans laquelle nous voulons poursuivre.
Alors, le choix maintenant, il est devant vous. Si vous pensez que la solution au problème du chômage en France, c'est de créer des emplois publics, vous
savez ce qu'il vous reste à faire ! Si je peux me permettre de vous donner un conseil d'ami, ce serait une erreur. Ce serait une erreur très grave pour
l'avenir de nos enfants parce que l'on sait très bien sur quoi cela débouche ! Cela débouche deux ans après sur un plan de stabilisation et de rigueur parce
que, comme on a augmenté les dépenses publiques et les déficits, il faut bien arrêter les frais. On l'a vécu. Je n'invente pas ! C'est exactement ce qui
s'est passé entre 1981 et 1983 et puis, après, entre 1988 et 1991. Ne recommençons pas ! Ne recommençons pas !
Nous, nous vous proposons d'aller dans une direction où l'État est économe, ne dépense pas toujours plus. Et parce qu'il est économe, peut baisser les
charges et les impôts, peut simplifier les réglementations, peut se moderniser lui aussi, comme vous êtes amenés à le faire quasi quotidiennement pour
soutenir le choc de la concurrence.
Je crois que c'est la bonne direction. Je crois que c'est comme cela que, petit à petit, nous amplifierons les premiers résultats qui ont été atteints depuis
1993 et qui ont permis à notre économie de se renforcer.
Juste encore une dernière notation : pour combattre ce qu'on dit être la morosité ambiante, alors que, moi, quand je me déplace, je ne trouve pas de
morosité. On l'a vu tout à l'heure au Port du Légué, on a trouvé des pêcheurs plutôt combattifs et confiants dans leur métier. Et, là, je vois des chefs
d'entreprise plutôt combattifs et confiants dans leur métier. Mais, enfin, puisqu'il paraît qu'il y a la morosité, je voudrais quand même rappeler qu'en 1993
la France était en récession, la croissance était négative. Aujourd'hui, la question qui se pose, est de savoir si, d'ici la fin de l'année, nous serons à
2,8 ou à 3 % de croissance. Nous avons inversé la tendance. Les choses sont reparties. Il faut maintenant donner un coup d'accélérateur, c'est la raison
d'être de ces élections. Si nous étions entrés dans 10 à 11 mois de campagne électorale qui n'en finissait plus, je suis persuadé que les investisseurs
auraient attendu pour investir, que les décideurs économiques auraient attendu pour prendre leurs décisions et que, par conséquent, la croissance aurait
stagné.
Si nous avons derrière nous des élections qui dégagent un soutien populaire clair aux propositions que nous faisons, alors je suis persuadé que
l'accélération nécessaire viendra et tout le monde en profitera, à commencer par ceux qui cherchent du travail, parce que Monsieur le Président, Monsieur le
Directeur Général, puisque ce sont vos titres exacts, enfin je préfère dire chers amis, c'est par l'action que vous menez, c'est par le développement de la
P.M.E. et, finalement, par aucune autre solution, même s'il y a beaucoup de mesures d'accompagnement à prendre autour, que nous créerons les emplois dont la
France a besoin. C'est ma conviction et c'est mon espérance.
SAINT-BRIEUC
M. DANIEL.- Chers amis, c'est avec grand plaisir que nous accueillons Alain Juppé, Premier ministre, au Légué-Plérin-Saint Brieuc. Je vous remercie d'être
venus nombreux, avec enthousiasme et avec plaisir de venir nous rencontrer.
Alain Juppé va nous dire quelques mots.
M. JUPPE.- Mesdames et Messieurs, chers amis. Je n'oublie pas les enfants qui sont là aussi. L'école est finie déjà ? Nous sommes quel jour aujourd'hui ?
Mardi. Vous sortez à quelle heure ? (4 heures). Nous sommes très contents de vous avoir rencontrés.
Je voudrais tout d'abord remercier Christian Daniel d'avoir organisé cette rapide visite et cette rencontre que je fais en compagnie de Philippe Vasseur qui
devrait me rejoindre ici, sur la tribune, notre ministre de l'agriculture et de la pêche, et puis en compagnie également de Pierre Méhaignerie venu, en,
voisin, d'Ille-et-Vilaine, qui est également Président de la Commission des finances de l'Assemblée Nationale, beaucoup de Bretons autour de moi.
Vous savez que j'aime bien cette région et ce département en particulier puisque j'y ai eu des attaches familiales. Il m'est arrivé, il y a quelques années,
de passer souvent mes vacances au Rosaire, belle plage où je faisais déjà du jogging et un peu de natation.
Mais, enfin, je ne suis pas venu vous parler de mes vacances, je suis venu un peu à la rencontre de nos amis marins-pêcheurs. J'ai été heureux de visiter ce
navire et de discuter avec cet équipage. Je l'ai trouvé jeune et enthousiaste. L'un d'entre eux me disait : "On ne trouve plus de jeunes pour faire ce
métier", et quand je suis arrivé sur le bateau je n'ai vu que des jeunes. Et le patron me disait : "Il faut expliquer que la pêche a un avenir, que l'on peut
encore y trouver des bons métiers et que l'on peut encore y réaliser des résultats qui permettent de se développer".
Vous savez que nous avons attaché beaucoup d'importance à ce secteur de la pêche depuis deux ans. Sous l'impulsion de Philippe Vasseur, nous avons préparé
une loi, puisque c'est à cela que servent les gouvernements et les parlements, un projet de loi d'orientation sur la pêche et les cultures marines, qui est
un texte très important, qui va apporter, je crois, beaucoup d'améliorations, d'abord en essayant de mieux définir la Société de pêche artisanale, en
essayant également de mieux organiser les producteurs, de mieux protéger le chômage, quand il y en a, à la pêche, de créer un statut pour le conjoint des
chefs d'entreprise à la pêche et aux cultures marines, bref, toute une série d'améliorations importantes.
L'Assemblée Nationale et le Sénat ont déjà voté en première lecture ce texte. Le Sénat l'a examiné en deuxième lecture. Eh bien, dès que le Parlement sera à
nouveau constitué, on pourra le voter définitivement et je crois qu'il apportera beaucoup - Salut ! Oui, il a de la "tchatche", lui, il est bien ! Et puis il
m'a offert un café au bistro du coin, alors nous sommes maintenant devenus copains -, je disais donc que cela va apporter beaucoup d'améliorations, je
n'entre pas dans les détails, notamment sur le plan fiscal, je voulais simplement citer ce texte pour montrer que nous nous intéressons à la pêche, que nous
avons fait des choses en faveur des entreprises de pêche et qu'elles pourront demain se développer.
Je sais que beaucoup de marins-pêcheurs aussi sont préoccupés par ce qui se passe à Bruxelles. Je pense au plan d'orientations pluriannuel de la pêche, ce
qu'on appelle le POPP pour les spécialistes, là encore nous nous sommes battus. Nous avons obtenu qu'il soit moins négatif qu'il ne l'était à l'origine. Mais
comme nous n'avons pas été satisfaits malgré tout, nous avons voté contre ce plan et nous sommes décidés à continuer à nous battre pour sauvegarder les
intérêts de nos pêcheurs.
Je sais aussi que ce port du Légué a besoin de se développer. Il est actif dans le domaine agro-alimentaire, dans les domaines de l'exportation du bétail,
des engrais, du kaolin, qu'il pourrait se développer encore davantage s'il se modernisait.
Christian Daniel mène ce combat depuis plusieurs années maintenant. Il m'a parlé de tous les projets qu'il a en chantier, notamment de la modernisation de
l'écluse, et je suis venu ici lui dire que nous avions décidé, il y a quelques jours, sur le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire,
ce qu'on appelle le. F.N.A.D.T., d'apporter 3 millions de francs de l'Etat pour la modernisation du port de Saint-Brieuc-Le Légué, ce qui représente environ
10 % de l'investissement, le reste étant évidemment complété par les différentes collectivités territoriales ou organismes consulaires compétents.
Voilà quelques indications que je voulais vous donner. Je ne veux pas occuper trop longtemps le micro. Nous sommes évidemment dans une période, aujourd'hui,
importante, vous le savez, à moins de trois semaines maintenant d'un premier tour d'une élection qui va être, je crois, tout à fait significative pour notre
pays.
J'ai eu l'occasion tout à l'heure de parler avec certains d'entre vous du problème de l'emploi et du chômage. C'est bien sûr notre préoccupation n° 1. Depuis
quelques années, nous sommes arrivés à stabiliser les choses et à commencer à améliorer légèrement la situation.
Nous recréons à nouveau des emplois en France. Pour les jeunes, c'est le 6ème mois consécutif que le chômage a baissé, pas assez bien entendu, mais qu'il a
commencé à baisser, c'est dire qu'il y a une lueur d'espérance, et qu'en poursuivant dans cette direction nous pouvons obtenir des résultats.
C'est ce que nous voulons faire. Il faut que les Français s'expriment, qu'ils nous donnent les moyens de le faire, qu'ils répondent à l'appel que leur a
lancé le Président de la République et nous sommes décidés alors à mettre l'accélérateur, si je puis dire, à mettre le turbo.
On nous dit souvent : "Mais qu'est-ce qu'il y aura de nouveau ?". Il faut bien voir que, depuis 3 ou 4 ans, depuis 1993, il a fallu que nous redressions la
situation. C'est un peu comme si nous faisions une course de fond avec un boulet au pied, le boulet des dettes et des déficits. Nous avons maintenant coupé
ce boulet. Nous avons, je, crois, redressé la situation. Eh bien, nous pouvons alors commencer véritablement l'accélération qui est nécessaire pour le
développement de notre pays. Cela, dans un climat d'initiative et de partage, parce que c'est cela dont la. France a besoin.
L'initiative, c'est par la création, c'est par l'entreprise, c'est par l'initiative individuelle que l'on peut se développer mais, en même temps, le partage,
parce que nous sommes dans une société qui a besoin de solidarité, de fraternité, pour s'occuper de ceux qui en ont besoin. Initiative et partage, c'est un
peu les deux maîtres-mots de l'action que nous voulons développer.
Je me rends compte que je suis en train de vous faire un discours, vous allez vous lasser. Je voulais simplement vous apporter le témoignage de notre
sympathie et de notre amitié et puis vous remercier de m'accueillir avec autant de gentillesse et autant de spontanéité. Je sais que ce n'est pas facile. On
est en plein milieu d'après-midi. Certains d'entre vous ont pris sans doute sur leur travail. Et cela fait du bien de voir qu'il y a, dans notre pays, des
hommes et des femmes décidés, malgré les difficultés, à aller de l'avant et à soutenir notre action.Alors du fond du coeur, je vous dis merci.
M. Loïc LAISNE.- Monsieur le Premier ministre, Monsieur le ministre de l'Agriculture et de la Mer, Monsieur le Président du Conseil Régional, Monsieur le
Président du Conseil Général, Messieurs les députés, Mesdames et Messieurs,
Avant tout, au nom de l'entreprise Laisné, nous vous remercions de l'honneur de votre présence en ces lieux.
L'entreprise Laisné fut créée en 1942 par nos parents à La Chapelle des Fougerey, lesquels prennent leur retraite en 1979.
Mon frère et moi-même prenons la suite. Nous nous installons ici en construisant 600 m2 de production sur 5 000 m2 de terrain avec deux employés. A l'époque,
nous sommes menuisiers Bâtiment.
En 1985, nous changeons de cap. Nous arrêtons la menuiserie et nous nous lançons dans le stratifié post-formé, la fabrication de mobilier et la
transformation de matériaux de synthèse, tels que le "corian" de chez Dupont-de-Nemours.
Notre politique commerciale est de travailler exclusivement pour le professionnel, le plombier, l'agenceur, le menuisier, l'entreprise générale, les arsenaux
et les cuisinistes.
Quelques chiffres :
en 1986 : 3 MF de chiffre d'affaires HT, 14 emplois, surface de production 600 m2, investissement 250.000 F.
en 1993 : 15 MF de chiffre d'affaires, 30 emplois, 2.200 m2, 2 MF d'investissement.
en 1996 : 27 MF de chiffre d'affaires, 46 emplois, 4.000 m2 et 7 MF d'investissement.
en 1997 : nous espérons 30 MF de chiffre d'affaires.
Constitution juridique : en 1993, création d'une Holding avec l'entrée de la Financière Duval Capital Risque et de SOFICOP, conseil financier, gérés par la
même personne.
Financière Duval détient 20 % des parts, mon frère et moi-même 80 %.
Depuis deux mois, nous avons constitué un réseau commercial sur la France divisé en 10 secteurs. Il est composé d'agents commerciaux.
L'objectif de l'entreprise Laisné est de devenir l'un des principaux post-formeurs français, voire le premier. Mais ce n'est pas une chose facile parce que
les concurrents ne se laissent pas faire.
Nous subissons, d'autre part, une forte concurrence étrangère avec les Espagnols et les Italiens. Vous comprenez, et cela n'engage que moi, que c'est pour
cela qu'il faut rectifier le processus de la monnaie unique, qui permettra d'empêcher la dévaluation de la lire, par exemple.
Sur le plan des références : l'entreprise Laisné est fière, avec son personnel, d'avoir participé à des réalisations telles que des paquebots, des 1.200
cabines du Soverain of the Seas, du Star Princess, du Monarch of the Seas et du Majesty of the Seas - ceci, avec les Chantiers de l'Atlantique - des cars-
ferries corses, Daniel Casanova et Napoléon Bonaparte, des 3.800 cellules pour 7 maisons d'arrêt, les couchettes de trois sous-marins, le Perle, l'Améthyste
et le Triomphant à Cherbourg, des hôpitaux sur toute la France, des magasins ETAM, des magasins Un-Deux-Trois, Mobalpa.
Nous avons commencé à exporter en Belgique et en Suisse. Depuis 4 années, nous possédons une licence avec la Société allemande VELA, produits cosmétiques,
pour fabriquer le mobilier de Salons de coiffure sur la France.
De plus, nous avons réalisé certaines affaires, comme une bijouterie à Moscou et l'ameublement au Palais du Président du Turkmenistan.
Sur le plan de l'environnement, le bruit, la poussière, les parcs machines, notre souci a été de répondre aux exigences des normes européennes. Nous avons
fait tout ce qu'il fallait pour les remplir, et ceci en bonnes relations avec la GRAM.
Voilà, en résumé, si je puis le dire, le parcours de la société LAISNE.
Monsieur le Premier ministre, en tant que chef d'entreprise d'une P.M.E., je me pose beaucoup de questions et en voici quelques-unes :
- la taxe professionnelle : plus il y a de salariés, plus il y a d'investissement et plus on en paie. Est-ce une punition ?
- les charges administratives sont trop lourdes pour nos P.M.E., on le sait. Plus on veut simplifier et plus on alourdit le travail. Il faut plus de
souplesse dans l'aménagement aussi du temps de travail, qu'en pensez-vous ?
- pour les crédits de T.V.A. dûs par le Trésor Public, l'attente est trop longue. Sommes-nous les banquiers de l'Etat, nous, les P.M.E. ?
- et pour l'emploi, le coût des charges devient insupportable. On a pris des risques en investissant ici, et l'on sait que beaucoup veulent le faire. Mais il
faudrait une simplification et une facilité d'accès aux ressources financières.
Pour ma conclusion, je trouve qu'il est temps de redonner l'envie d'entreprendre, d'investir et d'embaucher par des mesures simples et efficaces.
Merci de votre attention.
M. Yvon JACOB.- Monsieur le Premier ministre, cher Alain, mesdames, messieurs, chers amis. Je voudrais d'abord remercier Loïc Laisné pour avoir organisé
cette réunion. Il l'a fait avec infiniment de coeur.
Je voudrais aussi profiter de cette occasion, rare, pour vous redire combien je suis attaché, par formation, par profession et aujourd'hui par position
politique, à l'entreprise et singulièrement envers les petites et moyennes entreprises. Et je dois dire qu'à l'Assemblée Nationale, et le Premier ministre le
sait également, j'ai passé beaucoup de temps pour essayer de défendre la cause de l'entreprise auprès de l'État et auprès, parfois, je dois le dire, auprès
d'un certain nombre de mes collègues qui, venant d'autres horizons, ont parfois un petit peu de difficultés à comprendre ce que sont vraiment les problèmes
des entreprises.
Ce que je voudrais dire ce soir est très simple, je crois que l'entreprise, que vous venez de visiter, monsieur le Premier ministre, avec Loïc Laisné, est
tout à fait représentative du monde des P.M.E.. C'est une P.M.E. comme l'on aimerait en voir encore beaucoup plus en France, elles sont déjà nombreuses. Il
faut qu'elles se multiplient, pourquoi ? Parce que l'entreprise que nous avons visitée n'est pas une entreprise qui est placée dans la technologie de pointe.
Mais elle est à la pointe de sa technologie et c'est ce qui en fait d'ailleurs tout l'intérêt.
Il n'y a pas de domaines qui ne puissent pas être exploités et développés au plan industriel dans notre pays. Et cette entreprise a fait tout ce qu'il
fallait pour réussir. Loïc Laisné nous l'a dit il y a quelques instants : cette entreprise a investi. Elle a innové. Elle a trouvé du capital et du capital
de proximité. Elle a cherché des marchés nouveaux. Et le résultat de tout cela, qui sont les ingrédients qui font les entreprises qui fonctionnent bien,
c'est une forte croissance de l'activité et c'est l'embauche, les emplois qui ont été créés. Pratiquement, les emplois dans cette entreprise ont doublé en
l'espace de 3 ans, parce qu'il y avait tous ces ingrédients qui étaient réunis et la volonté d'un homme et de son équipe.
Mais, Loïc Laisné l'a rappelé tout à l'heure, les entreprises sont freinées bien souvent par un poids excessif des charges qui pèsent sur elles, ce qui
entraîne naturellement des problèmes au niveau de la compétitivité.
Loïc le rappelait également tout à l'heure : "S'il a commencé de prospecter les marchés étrangers, il y trouve aussi un certain frein parce que, sur certains
marchés, les charges qui pèsent sur cette entreprise française la rendent plus difficilement compétitive et freinent, d'une certaine façon, sa croissance.
Elle est freinée également, j'en parlais avec Loïc pour préparer cette réunion, par des seuils sociaux. Il a quelque peine à envisager aujourd'hui la façon
dont il franchira, parce qu'il sera obligé de le faire, parce que c'est un homme dynamique, le seuil par exemple de 49 personnes, il est aujourd'hui, je
crois, à 45 ? 46. Il y tend mais il s'inquiète de savoir comment les choses vont se passer quand il arrivera à ces 49 personnes.
Ceci rejoint, je parle de cela parce que nous avons, nous, dans la Majorité sortante, un grand nombre de propositions à faire qui sont inscrites à notre
programme. Nous les avons travaillées depuis un certain temps et nous voulons aller davantage dans ce sens. Si vous écoutez ce que nous avons à dire, si vous
lisez ce que nous avons publié, vous saurez, je pense que le Premier ministre va développer ce point, que nous voulons continuer d'aller dans le sens de la
baisse des charges, que nous voulons aller dans le sens de l'instauration d'un statut spécial, au plan fiscal et au plan social, pour les Petites et Moyennes
Entreprises et pour favoriser leur développement.
Nous voulons parvenir à drainer l'épargne des Français vers les P.M.E., vers le capital des P.M.E., vers l'investissement et l'activité productive. Nous
voulons faciliter tout ce qui est en notre pouvoir pour que les entreprises de la taille et de l'avenir de celle que nous a proposé aujourd'hui de visiter
Loïc Laisné, puissent vraiment en France faire ce qu'elles savent faire par excellence, c'est-à-dire se développer et créer de l'emploi.
C'est dans ces entreprises, c'est dans nos petites et moyennes entreprises que nous trouverons la véritable solution aux problèmes de l'emploi dans notre
pays. Et pour cela, je ne vous demande qu'une seule chose : c'est de le dire et de le redire, d'exiger de nous, bien entendu, les mesures qui vous sont
nécessaires, il nous faut en parler. Mais c'est aussi de nous aider pour que cela se passe ainsi et que nous puissions enfin retrouver un grand chemin de
croissance de l'activité en France et de l'emploi. Merci.
M. JUPPE.- Mesdames et Messieurs, chers amis. Je voudrais d'abord remercier Loïc et Marcel Laisné de nous accueillir dans leur entreprise, ici, et de le
faire en présence de leurs parents, que je salue, de leur famille, de leurs enfants, je crois ! Et la présence de ces trois générations, côte à côte, ici,
tout près des ateliers de l'usine, est, je crois, tout un symbole : le symbole de l'entreprise familiale à responsabilité personnelle, qui est un des points
forts de notre économie.
Tout à l'heure Yvon Jacob disait que ce n'était peut-être pas des technologies de pointe que l'on développait ici mais qu'on était à la pointe de la
technologie, et j'ai été impressionné, en visitant rapidement les ateliers, par ce souci de qualité, de compétitivité, de modernisation, d'équipement, qui
caractérise cette entreprise.
Et je voudrais vraiment vous dire combien je suis heureux de passer ces quelques instants avec vous, avec toute une série de personnalités qui m'entourent,
le ministre de l'Agriculture, le Président du Conseil Régional, le Président du Conseil Général et certains de nos parlementaires ici présents.
Pourquoi suis-je venu ici ? D'abord, je vais vous dire la vérité, vous vous en doutez un petit peu, vous avez entendu parler des élections, 25 juin.... 25
mai, pardon, 1er juin, - si je commence déjà à m'embrouiller dans les dates -, donc je suis venu soutenir nos candidats, je le dis sans aucune espèce de
timidité, ni de complexe, tout particulièrement, ici, Yvon Jacob qui vient de s'exprimer devant vous, que vous connaissez bien et qui, je peux en porter
témoignage, s'est battu tout au long de ces quatre années, à l'Assemblée Nationale en particulier, et aussi dans les missions qui lui ont été confiées, pour
défendre la Petite et Moyenne Entreprise. Il la connaît mieux que beaucoup de parlementaires, on sait pourquoi ! Puisqu'il est lui-même chef d'entreprise et
il y a mis beaucoup de coeur, beaucoup de ténacité, beaucoup d'intelligence. Il a fait, dans les rapports qu'il m'a remis, de nombreuses propositions qui
nous ont été très utiles dont nous nous sommes inspirés.
Je suis venu également apporter mon soutien à Jean-Pierre Dagorne qui est ici et qui se bat également pour ces élections et qui a, évidemment, le soutien de
toute notre Majorité puisque vous l'avez observé, plus que peut-être à aucun autre moment dans nos campagnes électorales, c'est ensemble, R.P.R. et U.D.F.,
que-nous menons ce combat.
Mais au-delà de ce soutien à nos candidats, à nos amis, à nos parlementaires à qui je souhaite bonne chance dans ces 15 derniers jours de campagne, je suis
venu ici pour vous parler - cela va vous paraître curieux, peut-être - de l'emploi.
On nous dit que l'on n'en parle pas assez dans la campagne électorale, ce n'est pas mon sentiment. Encore y-a-t-il manière et manière d'en parler. Certains
vous en parlent en disant : "Mais c'est simple ! L'Etat va embaucher 350.000 fonctionnaires supplémentaires et subventionner 350.000 emplois publics de
plus". Je vous le dis comme je le pense, sans esprit de polémique, ce n'est pas la bonne solution. On l'a déjà essayée en d'autre temps et cela a abouti à
quoi ? Quand on crée des emplois publics ou subventionnés, il faut bien les payer ! Qui paie ? Le contribuable. On augmente l'impôt et les charges, et le
résultat, c'est que l'on supprime des emplois ailleurs en asphyxiant les entreprises qui, elles, peuvent créer des emplois créateurs de richesses et faire
ainsi boule de neige dans l'économie.
La vraie réponse au problème de l'emploi qui est, je l'ai dit - peut-être a l'expression était-elle un peu curieuse mais qui est notre obsession à tous - la
vraie réponse, c'est la Petite et Moyenne Entreprise. Nous le savons tous. On le voit par expérience depuis quelques années. Cela continuera à l'avenir. Le
gisement d'emplois pour notre économie, pour nos jeunes, pour nos moins jeunes aussi, il est dans la Petite et Moyenne Entreprise, parce que c'est elle qui
peut se développer, conquérir des marchés et créer des emplois.
Alors, vous allez me dire : "C'est bien beau de rendre hommage ainsi à la P.M.E., mais qu'est-ce que vous avez fait pour l'aider ?". Vous savez, moi, je
viens ici après deux ans de gouvernement, quatre ans de majorité, là aussi sans aucune timidité et sans aucun complexe, parce que nous n'avons pas simplement
fait des discours, nous avons agi. On l'a oublié. Et le rôle d'une campagne électorale, c'est précisément de le rappeler.
L'une des premières choses que j'ai faites, lorsque j'ai été nommé Premier ministre, au bout de 4 ou 5 mois, c'est de définir, après avoir longuement discuté
avec ceux qui savent, c'est-à-dire les représentants des P.M.E., un plan pour les P.M.E. Cela s'est passé, je crois, le 27 novembre à Bordeaux, en 1995. Deux
ans après, moins de deux ans après, nous ne sommes pas encore en novembre 1997, ce plan a été mis en oeuvre pratiquement à 100 %, pratiquement à 100 %, et il
a apporté des améliorations concrètes extrêmement importantes dans la vie des P.M.E.. Je ne vais pas toutes les passer en revue, il y en a certaines qui
concernent plus le commerce et l'artisanat que la P.M.E. industrielle, mais je voudrais quand même les rappeler :
- nous avons réformé la législation de la concurrence pour qu'elle protège mieux les P.M.E. face, notamment, à la concurrence des Grandes Surfaces ;
- nous avons fait un texte sur les marchés publics qui va permettre aussi aux P.M.E., notamment à celles qui sont sous-traitantes dans le secteur des marchés
publics, de mieux se développer ;
- et puis nous avons pris toute une série de décisions financières.
Je voudrais en citer simplement deux, parce que je veux être concret :
- le Parlement a voté, sur la proposition du Gouvernement, une réduction de 33,1/3 à 19 % de l'impôt sur les sociétés pour les bénéfices réinvestis en fonds
propres des entreprises qui font moins de 50 MF de chiffre d'affaires. Vous êtes à 30, tout à l'heure j'ai entendu, donc c'est moins de 50. Et donc, en 1997,
la partie de votre bénéfice réinvesti ne sera plus taxé à 33,1/3 mais à 19 %. Alors, c'est quand même quelque chose qui va dans la bonne direction.
- Deuxième exemple de ce que nous avons fait pour les P.M.E., une baisse des charges qui réduit de 13 % le coût du travail au niveau du SMIC et qui concerne
4,5 millions de salariés dont les trois quarts travaillent dans les P.M.E.
Depuis le 1er octobre dernier, pour les salariés payés au SMIC, l'entreprise voit ses charges sociales allégées de 13 %, c'est-à-dire à peu près 1.200 F de
charges en moins pour un salaire égal au SMIC.
Je veux le rappeler parce qu'on a toujours le sentiment qu'il ne se passe rien dans notre pays. Il s'est passé des choses. J'en ai trois pages, là. Je ne
vais pas vous les lire. Je ne vais pas vous infliger cette lecture. Mais on a progressé.
Nous avons également essayé de progresser dans un autre domaine qui est celui de la simplification des contraintes qui sont imposées aux P.M.E. Je sais que
quand on est chef d'entreprise, ces complexités, ces formalités sont toujours très lourdes à accepter. Vous êtes déjà, vous, dans la tranche un peu
supérieure de la P.M.E., plutôt dans la moyenne que dans la petite, mais pour les Très Petites Entreprises, ces formalités sont vraiment asphyxiantes.
Qu'est-ce que nous avons fait là encore ?
- Déclaration unique d'embauche. Je l'ai vue fonctionner dans une URSSAF, cela tient désormais en une page et cela se remplit en cinq minutes, y compris par
Minitel quand on peut le faire.
- le Contrat Unique d'Apprentissage qui a été modifié ;
- le Guichet Initiative Emploi ;
- la simplification du bulletin de salaire....
Tout le monde n'est pas d'accord avec ce que je dis mais, enfin, cela, c'est normal, c'est la démocratie.
- la simplification du bulletin de salaire, on est passé de plus d'une vingtaine de lignés à un peu plus d'une dizaine aujourd'hui, et nous allons continuer.
- le Chèque premier salarié, que nous venons de décider, il permet de décharger l'entreprise, qui embauche son premier salarié, de toutes les formalités
liées au paiement des charges sociales et à la déclaration des salaires. Il sera applicable dans 11 départements au 1er juillet et dans 5 autres au 1er
octobre ;
- la Déclaration Unique de Cotisations Sociales.
Et puis, là aussi, je ne veux pas être exhaustif, il y a un certain nombre d'autres mesures qui ont été prises.
Est-ce que c'est assez ? Est-ce qu'il faut se reposer maintenant après ce qui a déjà été accompli ? Bien sûr que non. Et nous avons encore beaucoup de
travail à faire pour alléger les charges et les contraintes qui pèsent sur les Petites et les Moyennes Entreprises.
- Les charges, d'abord - vous m'en avez parlé, j'ai bien compris le message -, les charges, c'est d'abord la taxe professionnelle.
Certains partis politiques, dans ces élections, vous proposent de la supprimer. Je crois que c'est au programme de certains d'entre eux. Il ne faut pas
prendre les électeurs pour des... comment l'on dit ? Des canards sauvages ? Ou les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages. La taxe professionnelle,
aujourd'hui, est la première ressource de nos collectivités locales qui font beaucoup de travail aussi. Si on les prive de cette ressource, par quoi va-t-on
la remplacer ?
Donc, la solution pour la taxe professionnelle, ce n'est pas de la supprimer, personne n'arrivera jamais à le faire, c'est d'essayer :
- premièrement, de faire en sorte qu'elle augmente moins et que, si possible, elle n'augmente pas, et cela, ça se passe par la maîtrise des dépenses des
collectivités. Il faut vraiment que les citoyens aujourd'hui exercent toute leur pression sur les différentes collectivités pour qu'on maîtrise la dépense,
pour qu'on n'augmente pas les dépenses et que, donc, l'on puisse garder la progression des impôts dans des limites raisonnables et, si possible, dans une
limite aussi proche que possible de zéro.
- deuxième problème sur la taxe professionnelle, vous l'avez dit cher Président, c'est que ses modalités de calcul ne sont pas satisfaisantes puisque, quand
on investit et quand on embauche, on est pénalisé par rapport à celui qui n'investit pas et qui n'embauche pas.
Il faut donc réformer ces bases de calcul. Le problème, c'est de savoir comment la calculer autrement, et on cherche depuis 10 ans.
J'ai été ministre du Budget en 1986, à l'époque j'avais fait une commission pour lui demander de me faire des propositions. Puis l'on n'avait pas eu le
temps, avant 1988, de les mettre en oeuvre et l'on n'a toujours pas trouvé au bout de 10 ans, si bien que j'ai demandé à Christian Poncelet, qui est l'alter
ego de Pierre Méhaignerie au Sénat, qui est le Président de la Commission des Finances du Sénat, de créer là aussi un groupe de travail pour réfléchir à la
manière dont on pourrait réformer les bases de la taxe professionnelle.
Il y a une idée qui circule et qui consiste à dire : essayons de la calculer non plus sur salaire et investissement mais sur valeur ajoutée, c'est-à-dire en
fait la même chose, plus le bénéfice de l'entreprise. Cela peut, effectivement, être peut-être un peu plus juste et demander à celles qui gagnent beaucoup
d'argent de contribuer un peu plus que celles qui ont des difficultés. Mais il faut bien voir le piège dans tout cela, cela veut dire que certains vont payer
plus et d'autres moins. On va avoir des transferts. Et on sait ce qui se passe dans ce genre de cas de figure, ceux qui paient moins, sont d'un silence
assourdissant et ceux qui paient plus, parlent très fort.
Alors, nous avons pris le temps de la réflexion et j'espère que, d'ici la fin de l'année, nous aurons des propositions pour la réforme de la taxe
professionnelle, qui pourront être acceptées par tout le monde.
Deuxième élément en ce qui concerne les charges sociales : il faut aller plus loin dans la baisse des charges. Et nous avons annoncé que, dans les 40
premiers jours du futur gouvernement, si notre Majorité gagne les élections, nous étendrions le système qui a été mis en place pour l'industrie textile et
qui comporte un allègement de charges sociales plus fort que celui qui existe dans d'autres domaines, et qui a été efficace. Nous perdions des milliers
d'emplois chaque mois dans le textile, du fait de la dévaluation compétitive de la lire notamment, et jusqu'à la mise en place de ce système, et quand nous
l'avons mis en place, nous avons stoppé quasiment la dégradation. Nous sommes en train d'étudier la transposition de ce système d'allègement des cotisations
sociales à d'autres secteurs et à sa généralisation finalement, aux P.M.E., P.M.I., industrielles en particulier, de notre pays parce que c'est un système
efficace.
Je fais une petite parenthèse-là, je parlais de la dévaluation compétitive de la lire, vous me disiez tout à l'heure : "il faut corriger l'euro pour éviter
que la lire..." Bon ! Moi, je serais tenté de dire : "Il faut d'abord le faire avant de la corriger". on dit : "L'euro, ça n'intéresse personne". Je suis
persuadé que les salariés de votre-entreprise, ça les intéresse, l'euro, parce qu'ils se disent très certainement : "Le jour où, entre deux semaines, la
dévaluation compétitive de telle ou telle monnaie européenne ne pourra plus nous rafler des marchés, parce que les prix auront baissé artificiellement de 15
ou 20 %, eh bien les efforts que nous faisons seront plus payants". Et, donc, la stabilité monétaire, le fait qu'il existe une monnaie unique entre nos pays,
que du jour au lendemain tel ou tel produit italien ou espagnol ou autre, parce que ça ne vient pas que de l'Espagne, ou finlandais, je n'en sais rien,
puisse baisser de 25 % parce que la monnaie a baissé de 25 %, avec l'euro, c'est fini, on aura la stabilité et vous pourrez faire des prévisions pour
exporter vos produits sur les principaux marchés qui sont, finalement, les marchés européens.
Vous voyez que l'euro, ce n'est pas simplement un rêve de technocrate, c'est aussi quelque chose qui, pour les paysans, et ils savent de quoi je parle parce
qu'ils n'ont pas oublié les montants compensatoires monétaires de l'ancien temps, et pour les entreprises qui exportent et qui cherchent des marchés, est un
élément de sécurité et donc de développement.
Cela implique quelques disciplines. Cela implique tout simplement de bien gérer le budget de la France et de ne pas laisser les dépenses filer, les déficits
se creuser. Mais, après tout, est-ce que ce n'est pas, purement et simplement, le bon sens ?
Donc, voilà la deuxième priorité que nous nous fixons, avec la réforme de la taxe professionnelle, c'est la poursuite, sur plusieurs années d'ailleurs, de
l'allègement des charges sociales.
Troisième priorité, vous n'en avez pas parlé tout à l'heure mais on en a parlé un petit peu au cours de la visite, c'est qu'il faut favoriser le financement
de la P.M.E. au moment de sa création, au moment de son développement et au moment de sa transmission.
Quand il s'agit de créer une entreprise et qu'on n'a pas de garanties, eh bien, on ne les trouve pas du côté de la banque. Il ne faut pas le reprocher aux
banquiers, on dit qu'ils sont des prêteurs sur gages. C'est peut-être ainsi que la situation les contraint à opérer. Mais il faut trouver des mécanismes pour
faciliter ce démarrage de l'entreprise. Nous l'avons fait en transformant le Crédit d'Equipement des P.M.E. en une Banque de Développement des P.M.E. qui
fonctionne désormais et qui a des moyens pour le faire. Mais il faut sans doute aller plus loin, et l'une de nos propositions, c'est d'améliorer la
détaxation du capital, que les exploitants d'une entreprise réinvestissent dans leur entreprise pour se développer ou pour créer l'entreprise. Il y a, là,
des mesures fiscales complémentaires à prendre et que nous prendrons rapidement.
De même, au moment de la transmission, nous avons déjà fait des choses, nous avons un peu amélioré le système. Mais l'on sait très bien que la pérennité de
l'entreprise est parfois compromise parce que, au moment de passer le flambeau entre les dirigeants qui ont atteint la limite d'âge et puis ceux qui veulent
leur succéder, la pénalisation est trop forte du point de vue fiscal, il faut donc améliorer les choses en ce qui concerne la transmission. Et cela aussi,
nous avons des propositions très précises à faire.
Voilà, j'ai été un peu technique peut-être, mais vous m'avez parlé fiscalité, je vous ai parlé fiscalité, je vous ai parlé financement. Je vous ai parlé
aussi formalités et simplification, c'est très important. Voilà la direction dans laquelle nous sommes engagés et dans laquelle nous voulons poursuivre.
Alors, le choix maintenant, il est devant vous. Si vous pensez que la solution au problème du chômage en France, c'est de créer des emplois publics, vous
savez ce qu'il vous reste à faire ! Si je peux me permettre de vous donner un conseil d'ami, ce serait une erreur. Ce serait une erreur très grave pour
l'avenir de nos enfants parce que l'on sait très bien sur quoi cela débouche ! Cela débouche deux ans après sur un plan de stabilisation et de rigueur parce
que, comme on a augmenté les dépenses publiques et les déficits, il faut bien arrêter les frais. On l'a vécu. Je n'invente pas ! C'est exactement ce qui
s'est passé entre 1981 et 1983 et puis, après, entre 1988 et 1991. Ne recommençons pas ! Ne recommençons pas !
Nous, nous vous proposons d'aller dans une direction où l'État est économe, ne dépense pas toujours plus. Et parce qu'il est économe, peut baisser les
charges et les impôts, peut simplifier les réglementations, peut se moderniser lui aussi, comme vous êtes amenés à le faire quasi quotidiennement pour
soutenir le choc de la concurrence.
Je crois que c'est la bonne direction. Je crois que c'est comme cela que, petit à petit, nous amplifierons les premiers résultats qui ont été atteints depuis
1993 et qui ont permis à notre économie de se renforcer.
Juste encore une dernière notation : pour combattre ce qu'on dit être la morosité ambiante, alors que, moi, quand je me déplace, je ne trouve pas de
morosité. On l'a vu tout à l'heure au Port du Légué, on a trouvé des pêcheurs plutôt combattifs et confiants dans leur métier. Et, là, je vois des chefs
d'entreprise plutôt combattifs et confiants dans leur métier. Mais, enfin, puisqu'il paraît qu'il y a la morosité, je voudrais quand même rappeler qu'en 1993
la France était en récession, la croissance était négative. Aujourd'hui, la question qui se pose, est de savoir si, d'ici la fin de l'année, nous serons à
2,8 ou à 3 % de croissance. Nous avons inversé la tendance. Les choses sont reparties. Il faut maintenant donner un coup d'accélérateur, c'est la raison
d'être de ces élections. Si nous étions entrés dans 10 à 11 mois de campagne électorale qui n'en finissait plus, je suis persuadé que les investisseurs
auraient attendu pour investir, que les décideurs économiques auraient attendu pour prendre leurs décisions et que, par conséquent, la croissance aurait
stagné.
Si nous avons derrière nous des élections qui dégagent un soutien populaire clair aux propositions que nous faisons, alors je suis persuadé que
l'accélération nécessaire viendra et tout le monde en profitera, à commencer par ceux qui cherchent du travail, parce que Monsieur le Président, Monsieur le
Directeur Général, puisque ce sont vos titres exacts, enfin je préfère dire chers amis, c'est par l'action que vous menez, c'est par le développement de la
P.M.E. et, finalement, par aucune autre solution, même s'il y a beaucoup de mesures d'accompagnement à prendre autour, que nous créerons les emplois dont la
France a besoin. C'est ma conviction et c'est mon espérance.
SAINT-BRIEUC
M. DANIEL.- Chers amis, c'est avec grand plaisir que nous accueillons Alain Juppé, Premier ministre, au Légué-Plérin-Saint Brieuc. Je vous remercie d'être
venus nombreux, avec enthousiasme et avec plaisir de venir nous rencontrer.
Alain Juppé va nous dire quelques mots.
M. JUPPE.- Mesdames et Messieurs, chers amis. Je n'oublie pas les enfants qui sont là aussi. L'école est finie déjà ? Nous sommes quel jour aujourd'hui ?
Mardi. Vous sortez à quelle heure ? (4 heures). Nous sommes très contents de vous avoir rencontrés.
Je voudrais tout d'abord remercier Christian Daniel d'avoir organisé cette rapide visite et cette rencontre que je fais en compagnie de Philippe Vasseur qui
devrait me rejoindre ici, sur la tribune, notre ministre de l'agriculture et de la pêche, et puis en compagnie également de Pierre Méhaignerie venu, en,
voisin, d'Ille-et-Vilaine, qui est également Président de la Commission des finances de l'Assemblée Nationale, beaucoup de Bretons autour de moi.
Vous savez que j'aime bien cette région et ce département en particulier puisque j'y ai eu des attaches familiales. Il m'est arrivé, il y a quelques années,
de passer souvent mes vacances au Rosaire, belle plage où je faisais déjà du jogging et un peu de natation.
Mais, enfin, je ne suis pas venu vous parler de mes vacances, je suis venu un peu à la rencontre de nos amis marins-pêcheurs. J'ai été heureux de visiter ce
navire et de discuter avec cet équipage. Je l'ai trouvé jeune et enthousiaste. L'un d'entre eux me disait : "On ne trouve plus de jeunes pour faire ce
métier", et quand je suis arrivé sur le bateau je n'ai vu que des jeunes. Et le patron me disait : "Il faut expliquer que la pêche a un avenir, que l'on peut
encore y trouver des bons métiers et que l'on peut encore y réaliser des résultats qui permettent de se développer".
Vous savez que nous avons attaché beaucoup d'importance à ce secteur de la pêche depuis deux ans. Sous l'impulsion de Philippe Vasseur, nous avons préparé
une loi, puisque c'est à cela que servent les gouvernements et les parlements, un projet de loi d'orientation sur la pêche et les cultures marines, qui est
un texte très important, qui va apporter, je crois, beaucoup d'améliorations, d'abord en essayant de mieux définir la Société de pêche artisanale, en
essayant également de mieux organiser les producteurs, de mieux protéger le chômage, quand il y en a, à la pêche, de créer un statut pour le conjoint des
chefs d'entreprise à la pêche et aux cultures marines, bref, toute une série d'améliorations importantes.
L'Assemblée Nationale et le Sénat ont déjà voté en première lecture ce texte. Le Sénat l'a examiné en deuxième lecture. Eh bien, dès que le Parlement sera à
nouveau constitué, on pourra le voter définitivement et je crois qu'il apportera beaucoup - Salut ! Oui, il a de la "tchatche", lui, il est bien ! Et puis il
m'a offert un café au bistro du coin, alors nous sommes maintenant devenus copains -, je disais donc que cela va apporter beaucoup d'améliorations, je
n'entre pas dans les détails, notamment sur le plan fiscal, je voulais simplement citer ce texte pour montrer que nous nous intéressons à la pêche, que nous
avons fait des choses en faveur des entreprises de pêche et qu'elles pourront demain se développer.
Je sais que beaucoup de marins-pêcheurs aussi sont préoccupés par ce qui se passe à Bruxelles. Je pense au plan d'orientations pluriannuel de la pêche, ce
qu'on appelle le POPP pour les spécialistes, là encore nous nous sommes battus. Nous avons obtenu qu'il soit moins négatif qu'il ne l'était à l'origine. Mais
comme nous n'avons pas été satisfaits malgré tout, nous avons voté contre ce plan et nous sommes décidés à continuer à nous battre pour sauvegarder les
intérêts de nos pêcheurs.
Je sais aussi que ce port du Légué a besoin de se développer. Il est actif dans le domaine agro-alimentaire, dans les domaines de l'exportation du bétail,
des engrais, du kaolin, qu'il pourrait se développer encore davantage s'il se modernisait.
Christian Daniel mène ce combat depuis plusieurs années maintenant. Il m'a parlé de tous les projets qu'il a en chantier, notamment de la modernisation de
l'écluse, et je suis venu ici lui dire que nous avions décidé, il y a quelques jours, sur le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire,
ce qu'on appelle le. F.N.A.D.T., d'apporter 3 millions de francs de l'Etat pour la modernisation du port de Saint-Brieuc-Le Légué, ce qui représente environ
10 % de l'investissement, le reste étant évidemment complété par les différentes collectivités territoriales ou organismes consulaires compétents.
Voilà quelques indications que je voulais vous donner. Je ne veux pas occuper trop longtemps le micro. Nous sommes évidemment dans une période, aujourd'hui,
importante, vous le savez, à moins de trois semaines maintenant d'un premier tour d'une élection qui va être, je crois, tout à fait significative pour notre
pays.
J'ai eu l'occasion tout à l'heure de parler avec certains d'entre vous du problème de l'emploi et du chômage. C'est bien sûr notre préoccupation n° 1. Depuis
quelques années, nous sommes arrivés à stabiliser les choses et à commencer à améliorer légèrement la situation.
Nous recréons à nouveau des emplois en France. Pour les jeunes, c'est le 6ème mois consécutif que le chômage a baissé, pas assez bien entendu, mais qu'il a
commencé à baisser, c'est dire qu'il y a une lueur d'espérance, et qu'en poursuivant dans cette direction nous pouvons obtenir des résultats.
C'est ce que nous voulons faire. Il faut que les Français s'expriment, qu'ils nous donnent les moyens de le faire, qu'ils répondent à l'appel que leur a
lancé le Président de la République et nous sommes décidés alors à mettre l'accélérateur, si je puis dire, à mettre le turbo.
On nous dit souvent : "Mais qu'est-ce qu'il y aura de nouveau ?". Il faut bien voir que, depuis 3 ou 4 ans, depuis 1993, il a fallu que nous redressions la
situation. C'est un peu comme si nous faisions une course de fond avec un boulet au pied, le boulet des dettes et des déficits. Nous avons maintenant coupé
ce boulet. Nous avons, je, crois, redressé la situation. Eh bien, nous pouvons alors commencer véritablement l'accélération qui est nécessaire pour le
développement de notre pays. Cela, dans un climat d'initiative et de partage, parce que c'est cela dont la. France a besoin.
L'initiative, c'est par la création, c'est par l'entreprise, c'est par l'initiative individuelle que l'on peut se développer mais, en même temps, le partage,
parce que nous sommes dans une société qui a besoin de solidarité, de fraternité, pour s'occuper de ceux qui en ont besoin. Initiative et partage, c'est un
peu les deux maîtres-mots de l'action que nous voulons développer.
Je me rends compte que je suis en train de vous faire un discours, vous allez vous lasser. Je voulais simplement vous apporter le témoignage de notre
sympathie et de notre amitié et puis vous remercier de m'accueillir avec autant de gentillesse et autant de spontanéité. Je sais que ce n'est pas facile. On
est en plein milieu d'après-midi. Certains d'entre vous ont pris sans doute sur leur travail. Et cela fait du bien de voir qu'il y a, dans notre pays, des
hommes et des femmes décidés, malgré les difficultés, à aller de l'avant et à soutenir notre action.Alors du fond du coeur, je vous dis merci.