Texte intégral
Monsieur le Président,
Madame le rapporteur,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec un plaisir particulier que je participe aujourd'hui à cette séance spéciale du Conseil économique et social, consacrée au débat national sur l'avenir de l'Union européenne.
Le Conseil économique et social est en effet un acteur incontournable de ce grand débat, qui doit impliquer la société civile dans ses diverses composantes. Comme le rappelle très justement l'excellent projet d'avis que Mme Wieviorka vient de présenter, l'intérêt des citoyens à l'égard du projet européen et de ses évolutions institutionnelles dépend en grande partie de la qualité du débat public et du degré d'implication de la société civile.
1.- Après le Traité de Nice, qui ouvre de manière irréversible la voie à un élargissement sans précédent dans l'histoire de la construction européenne, il n'est plus possible de continuer à réformer l'Union sans impliquer les citoyens, qui doivent se réapproprier le projet européen. C'est la raison pour laquelle les Quinze ont décidé au Conseil européen de Nice de lancer une vaste réflexion sur l'avenir de l'Union ; mais si cet exercice doit, comme par le passé, - personne ne doit s'y tromper - aboutir à la réunion d'une nouvelle Conférence intergouvernementale en 2004, il comporte une méthode de préparation originale. La déclaration relative à l'avenir de l'Union, annexée au traité de Nice, avait en effet prévu le lancement en 2001, dans chaque Etat membre, d'un débat à la fois large et approfondi, associant toutes les parties intéressées. Et c'est sur la base de ces débats nationaux, le débat français étant le plus structuré, le plus nourri, que le Conseil européen de Laeken, en décembre prochain, adoptera une déclaration précisant les étapes suivantes et la façon dont le débat sera poursuivi au niveau européen.
Pour cette première étape - le débat national - dans laquelle nous sommes donc maintenant -, le président de la République et le Premier ministre ont tenu à lancer de larges échanges citoyens, associant toutes les composantes de la nation : élus, partenaires sociaux, milieux économiques, universitaires et associatifs, l'objectif étant de permettre à tous ceux qui le souhaitent, et à tous les niveaux, de participer à l'élaboration d'un projet de fond, global et cohérent pour l'Europe de demain.
Pour donner toute sa force et sa crédibilité à cet exercice, il était essentiel qu'il ait un caractère décentralisé, au plus près des citoyens : il fallait, en d'autres termes, aller à la rencontre des Français, leur laisser la parole pour recueillir leur avis sur l'Europe et son avenir, leur avenir. Depuis le début du mois de juillet et jusqu'à la fin du mois d'octobre, des forums sont donc organisés dans chacune de nos régions, réunissant tous les représentants de la vie locale, sur une base pluraliste. Les représentants des conseils économiques et sociaux y participent activement.
J'ai reçu pour mission d'animer ce grand débat, en liaison avec un groupe de personnalités indépendantes, présidé par M. Braibant et chargé de faire la synthèse de l'ensemble des discussions, dans la perspective du Conseil européen de Laeken. Mme Evelyne Pichenot, qui préside la délégation pour l'Union européenne du Comité économique et social et que je salue chaleureusement est, comme vous le savez, membre de ce groupe, elle y apporte son énergie et son intelligence.
Nous sommes ainsi, aujourd'hui, de plain-pied dans cet exercice, mis en oeuvre par la France avec une réelle avance sur ses partenaires.
Depuis le mois de juin, j'ai participé à bon nombre des forums régionaux : ainsi, j'étais à Metz hier et je serai à Besancon vendredi. Et je dois dire que je suis frappé de constater, à rebours des idées reçues, l'intérêt des français pour les questions européennes. Ces réunions sont nombreuses, nourries à l'exercice que nous avons lancé - je crois qu'il s'agit d'une première, dans notre histoire et celle de l'Europe - met en lumière les attentes à l'égard de la construction européenne, la volonté d'une Europe concrète, le souhait aussi d'une Europe plus lisible, car, reconnaissons-le, son fonctionnement reste difficilement compréhensible pour nombre de nos concitoyens.
Nous avons souhaité, à chaque fois, associer aux discussions des personnalités européennes, issues aussi bien des Etats membres que des pays candidats à l'Union. Car il nous semble important d'intégrer, même dans cette phase proprement nationale du débat sur l'avenir de l'Union, les différents points de vue, d'organiser des regards croisés entre ceux qui sont membres de l'Union depuis près de 50 ans ou depuis quelques années seulement et ceux qui frappent encore à sa porte. A cet égard, les discussions autour de la sauvegarde de la paix et de la prospérité ont été éclairantes. Cet "acquis" de la construction européenne - qui va de soi pour beaucoup d'Européens - ne doit jamais être oublié, d'autant plus qu'il est plus fragile qu'on ne le croit.
Les tragiques événements du 11 septembre aux Etats-Unis mettent en pleine lumière cette triste réalité. Ce sont bien la démocratie et la liberté qui sont en cause, ces valeurs qui fondent l'engagement européen. J'y reviendrai.
2.- Tandis que le débat national se poursuit, les discussions ont débuté à Bruxelles pour préparer la déclaration du Conseil européen de Laeken. Il y avait hier un Conseil à Luxembourg auquel j'ai participé. Les chefs d'Etat et de gouvernement des Quinze commenceront à en débattre à l'occasion du Conseil européen de Gand, dans quelques jours.
Je crois que les premières orientations qui commencent à s'esquisser vont dans le sens de ce que souhaite le Conseil économique et social.
L'idée de mettre en place une "Convention", qui serait chargée de préparer les travaux de la future conférence intergouvernementale, a fait son chemin. Nous étions, pour notre part, favorables dès l'origine à une telle formule, qui a fait ses preuves au moment de l'élaboration de la Charte des droits fondamentaux de l'Union, adoptée l'an dernier à la fin de la Présidence française. Il semble important, en particulier, de renouveler le souci d'équilibre qui avait présidé à la composition de cette première Convention.
Il va de soi - et je rejoins en cela le projet d'avis présenté par Mme Wieviorka - que la mission de la Convention, étape intermédiaire entre les débats nationaux et la Conférence intergouvernementale de 2004, sera de proposer - j'y insiste - des orientations sous forme d'options. La Convention ne saurait se substituer à la Conférence intergouvernementale où se retrouvent les représentants des Etats membres, qui sera la phase décisionnelle ultime et qui devra se prononcer à l'unanimité sur les modifications des traités européens, avant de les soumettre à ratification devant les Parlements nationaux ou les peuples. La Convention doit inspirer les travaux, elle ne saurait tenir la plume du Conseil des ministres.
Quant aux thèmes sur lesquels devra travailler la Convention, il nous semble nécessaire de partir, en les développant, des quatre thèmes identifiés dans la déclaration de Nice, qui renvoient en effet à une réflexion plus large sur le processus de constitutionnalisation de l'Union.
Ainsi, la question concernant la répartition des compétences entre l'Union et les Etats recouvre celle du projet européen lui-même, c'est-à-dire le degré d'intégration que nous voulons. Elle concerne donc aussi l'avenir des politiques communes. Que doit faire l'Europe et dans quels domaines doit-elle intervenir ? Jusqu'où doit-elle intervenir ? Je partage le point de vue développé dans le projet d'avis qui est discuté aujourd'hui sur l'importance d'une réflexion sur le contenu même du projet européen, qui doit aller de pair avec le débat sur les institutions proprement dites. Cette réflexion est même indispensable si nous souhaitons une implication plus active des citoyens, qui sont, à l'évidence, davantage préoccupés par l'impact concret des politiques européennes que par l'évolution des structures institutionnelles, présentés de manière idéologique ou abstraite.
La question relative à la simplification des traités recèle, elle aussi, des enjeux majeurs. Les traités européens sont aujourd'hui difficilement lisibles pour les citoyens. Leur simplification, loin d'être un sujet réservé aux juristes, est un vrai enjeu démocratique, qui renforcera l'adhésion des citoyens à la construction européen. Elle contribuera par là-même à l'approfondissement de la démocratie et de la citoyenneté européenne. Cet impératif est d'ailleurs lié à la question de la valeur juridique de la Charte des droits fondamentaux, mais aussi à celle relative au rôle des parlements nationaux, qui sont les autres thèmes identifiés à Nice.
Il me semble donc que la bonne approche est celle qui consiste à partir de la "trame" de Nice, dans la mesure où chacun des thèmes indiqués renvoie de facto à la question fondamentale : que voulons nous faire ensemble, entre Européens ?
Parmi toutes les questions qui devront être réglées à Laeken, celle concernant la participation de la société civile revêt une importance capitale à nos yeux. Il nous faut en effet scrupuleusement prendre en compte la déclaration de Nice, qui a reconnu le rôle de la société civile dans le processus de réflexion sur l'avenir de l'Union qui vient d'être lancé. La Présidence belge a émis l'idée d'un "Forum civil", distinct de la Convention mais entretenant des liens actifs avec elle. Cela nous paraît une bonne idée. Il nous faut réfléchir à la façon dont ce Forum pourrait fonctionner. A cet égard, la société civile organisée et, en particulier, le Comité économique et social européen auront sans doute un rôle important à jouer dans les échanges entre le Forum et la Convention. La présidence belge le souhaite, nous la soutenons.
Lorsque le débat sera lancé et formalisé au niveau européen, en 2002, il faudra de toute façon que la réflexion et le dialogue se poursuivent au sein de toutes les composantes de la société civile, en France et en Europe. Les propositions qui sont formulées dans le projet d'avis - dialogue entre le Conseil économique et social et les représentants français à la Convention, échanges réguliers entre le Comité économique et social européen avec les conseils économiques et sociaux nationaux (ou les institutions similaires) dans chaque Etat membre - me paraissent d'excellentes pistes.
3.- J'ai voulu concentrer mes propos sur l'objet même de cette séance spéciale, le débat national sur l'avenir de l'Union. Mais il m'est difficile, alors même que nous parlons de l'implication des citoyens dans ce débat, de ne pas dire un mot des événements qui ont secoué le monde le 11 septembre dernier. Car, à coup sûr, ces événements suscitent beaucoup d'interrogations chez nos concitoyens, sur ce que peut faire l'Europe face à des menaces d'une telle ampleur, et sur ce qu'elle doit être en mesure de faire.
Il faut sans nul doute intégrer ces interrogations dans notre réflexion sur l'avenir de l'Europe, qui renvoient, au bout du compte, à des questions qui étaient déjà posées : quel sens donner au projet européen, sur quelles valeurs doit-il être fondé ? Quel contenu lui donner ? Comment donner à l'Europe les moyens de peser davantage sur la scène internationale ? Faut-il, face à des réseaux criminels, et en particulier terroristes, aussi organisés, aussi structurés que des multinationales, un espace judiciaire unique, une police criminelle européenne, une sorte de FBI européen ? Là encore, nous sommes renvoyés au degré d'intégration que nous voulons donner au projet européen.
Mon sentiment est que les événements du 11 septembre vont donner un coup d'accélérateur à la construction européenne. Ainsi, le renforcement des mécanismes de la politique étrangère et de sécurité commune, la nécessité de rendre opérationnelle au plus vite la politique européenne de sécurité et de défense sont plus que jamais d'actualité. Je pense aussi à la construction d'une Europe de la justice et de la sécurité. Lionel Jospin, dans son discours du 28 mai sur l'avenir de l'Union, l'avait d'ailleurs appelée de ses vux.
L'Union européenne a su réagir très vite, comme le montre le plan d'action anti-terroriste décidé par le Conseil européen extraordinaire du 21 septembre dernier. Sa réaction me semble bien refléter l'ambition qui nous anime, mieux encore, elle va dans le sens d'une certaine vision de l'Europe, celle d'une Europe puissance, mais aussi celle d'une Europe citoyenne, à même de répondre aux préoccupations de ses peuples.
Il y a quelques mois nous avions déjà conscience d'être à un stade très exigeant de la construction européenne, avec la perspective du grand élargissement, avec le débat lancé à Nice. Dans le nouveau contexte issu des événements du 11 septembre, l'Union européenne est mise, de façon brutale et inattendue, de façon aiguë face à ses responsabilités de nature presque existentielle. Vous le voyez, nous sommes donc bien au cur du débat sur l'avenir de l'Union et votre contribution à la réflexion est précieuse./
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 octobre 2001)
Madame le rapporteur,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec un plaisir particulier que je participe aujourd'hui à cette séance spéciale du Conseil économique et social, consacrée au débat national sur l'avenir de l'Union européenne.
Le Conseil économique et social est en effet un acteur incontournable de ce grand débat, qui doit impliquer la société civile dans ses diverses composantes. Comme le rappelle très justement l'excellent projet d'avis que Mme Wieviorka vient de présenter, l'intérêt des citoyens à l'égard du projet européen et de ses évolutions institutionnelles dépend en grande partie de la qualité du débat public et du degré d'implication de la société civile.
1.- Après le Traité de Nice, qui ouvre de manière irréversible la voie à un élargissement sans précédent dans l'histoire de la construction européenne, il n'est plus possible de continuer à réformer l'Union sans impliquer les citoyens, qui doivent se réapproprier le projet européen. C'est la raison pour laquelle les Quinze ont décidé au Conseil européen de Nice de lancer une vaste réflexion sur l'avenir de l'Union ; mais si cet exercice doit, comme par le passé, - personne ne doit s'y tromper - aboutir à la réunion d'une nouvelle Conférence intergouvernementale en 2004, il comporte une méthode de préparation originale. La déclaration relative à l'avenir de l'Union, annexée au traité de Nice, avait en effet prévu le lancement en 2001, dans chaque Etat membre, d'un débat à la fois large et approfondi, associant toutes les parties intéressées. Et c'est sur la base de ces débats nationaux, le débat français étant le plus structuré, le plus nourri, que le Conseil européen de Laeken, en décembre prochain, adoptera une déclaration précisant les étapes suivantes et la façon dont le débat sera poursuivi au niveau européen.
Pour cette première étape - le débat national - dans laquelle nous sommes donc maintenant -, le président de la République et le Premier ministre ont tenu à lancer de larges échanges citoyens, associant toutes les composantes de la nation : élus, partenaires sociaux, milieux économiques, universitaires et associatifs, l'objectif étant de permettre à tous ceux qui le souhaitent, et à tous les niveaux, de participer à l'élaboration d'un projet de fond, global et cohérent pour l'Europe de demain.
Pour donner toute sa force et sa crédibilité à cet exercice, il était essentiel qu'il ait un caractère décentralisé, au plus près des citoyens : il fallait, en d'autres termes, aller à la rencontre des Français, leur laisser la parole pour recueillir leur avis sur l'Europe et son avenir, leur avenir. Depuis le début du mois de juillet et jusqu'à la fin du mois d'octobre, des forums sont donc organisés dans chacune de nos régions, réunissant tous les représentants de la vie locale, sur une base pluraliste. Les représentants des conseils économiques et sociaux y participent activement.
J'ai reçu pour mission d'animer ce grand débat, en liaison avec un groupe de personnalités indépendantes, présidé par M. Braibant et chargé de faire la synthèse de l'ensemble des discussions, dans la perspective du Conseil européen de Laeken. Mme Evelyne Pichenot, qui préside la délégation pour l'Union européenne du Comité économique et social et que je salue chaleureusement est, comme vous le savez, membre de ce groupe, elle y apporte son énergie et son intelligence.
Nous sommes ainsi, aujourd'hui, de plain-pied dans cet exercice, mis en oeuvre par la France avec une réelle avance sur ses partenaires.
Depuis le mois de juin, j'ai participé à bon nombre des forums régionaux : ainsi, j'étais à Metz hier et je serai à Besancon vendredi. Et je dois dire que je suis frappé de constater, à rebours des idées reçues, l'intérêt des français pour les questions européennes. Ces réunions sont nombreuses, nourries à l'exercice que nous avons lancé - je crois qu'il s'agit d'une première, dans notre histoire et celle de l'Europe - met en lumière les attentes à l'égard de la construction européenne, la volonté d'une Europe concrète, le souhait aussi d'une Europe plus lisible, car, reconnaissons-le, son fonctionnement reste difficilement compréhensible pour nombre de nos concitoyens.
Nous avons souhaité, à chaque fois, associer aux discussions des personnalités européennes, issues aussi bien des Etats membres que des pays candidats à l'Union. Car il nous semble important d'intégrer, même dans cette phase proprement nationale du débat sur l'avenir de l'Union, les différents points de vue, d'organiser des regards croisés entre ceux qui sont membres de l'Union depuis près de 50 ans ou depuis quelques années seulement et ceux qui frappent encore à sa porte. A cet égard, les discussions autour de la sauvegarde de la paix et de la prospérité ont été éclairantes. Cet "acquis" de la construction européenne - qui va de soi pour beaucoup d'Européens - ne doit jamais être oublié, d'autant plus qu'il est plus fragile qu'on ne le croit.
Les tragiques événements du 11 septembre aux Etats-Unis mettent en pleine lumière cette triste réalité. Ce sont bien la démocratie et la liberté qui sont en cause, ces valeurs qui fondent l'engagement européen. J'y reviendrai.
2.- Tandis que le débat national se poursuit, les discussions ont débuté à Bruxelles pour préparer la déclaration du Conseil européen de Laeken. Il y avait hier un Conseil à Luxembourg auquel j'ai participé. Les chefs d'Etat et de gouvernement des Quinze commenceront à en débattre à l'occasion du Conseil européen de Gand, dans quelques jours.
Je crois que les premières orientations qui commencent à s'esquisser vont dans le sens de ce que souhaite le Conseil économique et social.
L'idée de mettre en place une "Convention", qui serait chargée de préparer les travaux de la future conférence intergouvernementale, a fait son chemin. Nous étions, pour notre part, favorables dès l'origine à une telle formule, qui a fait ses preuves au moment de l'élaboration de la Charte des droits fondamentaux de l'Union, adoptée l'an dernier à la fin de la Présidence française. Il semble important, en particulier, de renouveler le souci d'équilibre qui avait présidé à la composition de cette première Convention.
Il va de soi - et je rejoins en cela le projet d'avis présenté par Mme Wieviorka - que la mission de la Convention, étape intermédiaire entre les débats nationaux et la Conférence intergouvernementale de 2004, sera de proposer - j'y insiste - des orientations sous forme d'options. La Convention ne saurait se substituer à la Conférence intergouvernementale où se retrouvent les représentants des Etats membres, qui sera la phase décisionnelle ultime et qui devra se prononcer à l'unanimité sur les modifications des traités européens, avant de les soumettre à ratification devant les Parlements nationaux ou les peuples. La Convention doit inspirer les travaux, elle ne saurait tenir la plume du Conseil des ministres.
Quant aux thèmes sur lesquels devra travailler la Convention, il nous semble nécessaire de partir, en les développant, des quatre thèmes identifiés dans la déclaration de Nice, qui renvoient en effet à une réflexion plus large sur le processus de constitutionnalisation de l'Union.
Ainsi, la question concernant la répartition des compétences entre l'Union et les Etats recouvre celle du projet européen lui-même, c'est-à-dire le degré d'intégration que nous voulons. Elle concerne donc aussi l'avenir des politiques communes. Que doit faire l'Europe et dans quels domaines doit-elle intervenir ? Jusqu'où doit-elle intervenir ? Je partage le point de vue développé dans le projet d'avis qui est discuté aujourd'hui sur l'importance d'une réflexion sur le contenu même du projet européen, qui doit aller de pair avec le débat sur les institutions proprement dites. Cette réflexion est même indispensable si nous souhaitons une implication plus active des citoyens, qui sont, à l'évidence, davantage préoccupés par l'impact concret des politiques européennes que par l'évolution des structures institutionnelles, présentés de manière idéologique ou abstraite.
La question relative à la simplification des traités recèle, elle aussi, des enjeux majeurs. Les traités européens sont aujourd'hui difficilement lisibles pour les citoyens. Leur simplification, loin d'être un sujet réservé aux juristes, est un vrai enjeu démocratique, qui renforcera l'adhésion des citoyens à la construction européen. Elle contribuera par là-même à l'approfondissement de la démocratie et de la citoyenneté européenne. Cet impératif est d'ailleurs lié à la question de la valeur juridique de la Charte des droits fondamentaux, mais aussi à celle relative au rôle des parlements nationaux, qui sont les autres thèmes identifiés à Nice.
Il me semble donc que la bonne approche est celle qui consiste à partir de la "trame" de Nice, dans la mesure où chacun des thèmes indiqués renvoie de facto à la question fondamentale : que voulons nous faire ensemble, entre Européens ?
Parmi toutes les questions qui devront être réglées à Laeken, celle concernant la participation de la société civile revêt une importance capitale à nos yeux. Il nous faut en effet scrupuleusement prendre en compte la déclaration de Nice, qui a reconnu le rôle de la société civile dans le processus de réflexion sur l'avenir de l'Union qui vient d'être lancé. La Présidence belge a émis l'idée d'un "Forum civil", distinct de la Convention mais entretenant des liens actifs avec elle. Cela nous paraît une bonne idée. Il nous faut réfléchir à la façon dont ce Forum pourrait fonctionner. A cet égard, la société civile organisée et, en particulier, le Comité économique et social européen auront sans doute un rôle important à jouer dans les échanges entre le Forum et la Convention. La présidence belge le souhaite, nous la soutenons.
Lorsque le débat sera lancé et formalisé au niveau européen, en 2002, il faudra de toute façon que la réflexion et le dialogue se poursuivent au sein de toutes les composantes de la société civile, en France et en Europe. Les propositions qui sont formulées dans le projet d'avis - dialogue entre le Conseil économique et social et les représentants français à la Convention, échanges réguliers entre le Comité économique et social européen avec les conseils économiques et sociaux nationaux (ou les institutions similaires) dans chaque Etat membre - me paraissent d'excellentes pistes.
3.- J'ai voulu concentrer mes propos sur l'objet même de cette séance spéciale, le débat national sur l'avenir de l'Union. Mais il m'est difficile, alors même que nous parlons de l'implication des citoyens dans ce débat, de ne pas dire un mot des événements qui ont secoué le monde le 11 septembre dernier. Car, à coup sûr, ces événements suscitent beaucoup d'interrogations chez nos concitoyens, sur ce que peut faire l'Europe face à des menaces d'une telle ampleur, et sur ce qu'elle doit être en mesure de faire.
Il faut sans nul doute intégrer ces interrogations dans notre réflexion sur l'avenir de l'Europe, qui renvoient, au bout du compte, à des questions qui étaient déjà posées : quel sens donner au projet européen, sur quelles valeurs doit-il être fondé ? Quel contenu lui donner ? Comment donner à l'Europe les moyens de peser davantage sur la scène internationale ? Faut-il, face à des réseaux criminels, et en particulier terroristes, aussi organisés, aussi structurés que des multinationales, un espace judiciaire unique, une police criminelle européenne, une sorte de FBI européen ? Là encore, nous sommes renvoyés au degré d'intégration que nous voulons donner au projet européen.
Mon sentiment est que les événements du 11 septembre vont donner un coup d'accélérateur à la construction européenne. Ainsi, le renforcement des mécanismes de la politique étrangère et de sécurité commune, la nécessité de rendre opérationnelle au plus vite la politique européenne de sécurité et de défense sont plus que jamais d'actualité. Je pense aussi à la construction d'une Europe de la justice et de la sécurité. Lionel Jospin, dans son discours du 28 mai sur l'avenir de l'Union, l'avait d'ailleurs appelée de ses vux.
L'Union européenne a su réagir très vite, comme le montre le plan d'action anti-terroriste décidé par le Conseil européen extraordinaire du 21 septembre dernier. Sa réaction me semble bien refléter l'ambition qui nous anime, mieux encore, elle va dans le sens d'une certaine vision de l'Europe, celle d'une Europe puissance, mais aussi celle d'une Europe citoyenne, à même de répondre aux préoccupations de ses peuples.
Il y a quelques mois nous avions déjà conscience d'être à un stade très exigeant de la construction européenne, avec la perspective du grand élargissement, avec le débat lancé à Nice. Dans le nouveau contexte issu des événements du 11 septembre, l'Union européenne est mise, de façon brutale et inattendue, de façon aiguë face à ses responsabilités de nature presque existentielle. Vous le voyez, nous sommes donc bien au cur du débat sur l'avenir de l'Union et votre contribution à la réflexion est précieuse./
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 octobre 2001)